«Mais si, tu vas voir Eirian, ça va te faire du bien de faire un tour en ville, voir les décorations de Noël et tout ça. Un peu comme notre sortie au cinéma, on va mettre de côté toute cette merde et profiter du mois de décembre.»

Raphaël n’était pas encore rentré chez ses parents pour les fêtes de fin d’années, il avait quelques choses en suspens. Sa principale priorité était le moral de son ami. Depuis quelques semaines, Eirian Howl semblait d'humeur plutôt maussade. Cette situation rappelait un peu au moldu la celle dans laquelle il était avec Samuel l’année précédente. Il était hors de question de laisser l’histoire se répéter à nouveau, Eirian était dans une mauvaise période, et Raph comptait bien lui prouver que le sorcier pouvait compter sur lui. Il le tira par la manche pour l’entraîner à sa suite.

«En fait je te demande pas ton avis, j’aurais pu être chez mes parents, mais du coup je reste avec mon ami, alors j’veux passer du temps avec lui et faire des trucs cool !  »

Ils quittèrent tous deux Square Grimmaurd. Eirian cachait tant bien que mal son mécontentement. Le moldu essayait de remonter le moral de son ami en racontant des conneries diverses et variées. Il ne savait pas ce qui préoccupait le né-moldu mais il comptait bien mettre un peu de chaleur et de miel dans son cœur. Est-ce qu’il avait eu une déception amoureuse ? Un décès dans sa famille ? Autre chose ? Eirian avait toujours été plutôt mystérieux, et évasif quand on le questionnait sur sa vie privée. Raphaël avait toujours respecté ça, mais là, il voulait comprendre ce qui clochait. Pourquoi son ami était bizarre ?

«Comment vont ton frère et ta soeur ? Ils doivent être surexcités avec l’arrivée de Noël, non ?»

Juste un flash, imperceptible si on ne le guette pas, mais Raphaël voulait justement voir une réaction, un tic, n’importe quoi. Et effectivement, pendant un très court instant, le visage de Eirian s’était décomposé avant de reprendre une expression neutre, puis souriante.

— Ils vont bien, je n’ai pas trop l’occasion de les voir, entre les études et mon stage. Aux dernières nouvelles, ils ont vraiment hâte d’avoir leur cadeaux !

Il devait y avoir quelque chose qui clochait avec son frère et sa sœur, mais Raphaël ne releva pas. Si Eirian ne souhaitait pas en parler, il ne comptait pas le forcer. Ils flânèrent dans les rues à regarder les différentes décorations et lumières que la ville, les habitants et les commerçants avaient installés un peu partout. Ils se retrouvèrent finalement face à une paroisse ouverte.

«Je suis non-croyant, mais ma grand-mère était très pieuse. Elle me dit souvent qu’à Noël, toutes nos prières sont exaucées, pour peu que l'on formule correctement son souhait.»

Raphaël repensa à l’année précédente où il avait demandé de l’aide à Soledad pour retrouver Hyacinthe. Même s’ils n’avaient pas eu de résultat sur le coup, la magie de Noël avait finalement fait que le frère de son amie avait été retrouvé. Est-ce que le frère et la soeur de Eirian avaient disparu ?

«Allez viens, on va faire un vœu !»

Il entraîna le sorcier à l’intérieur du lieu de culte. Après avoir trempé sa main dans l’eau bénite du bénitier et fait un signe de croix, ils se dirigèrent vers les offrandes et Raph fit un don à la paroisse et prit deux cierges. Il en tendit un à Eirian. Ils restèrent silencieux pendant leur visite et s'arrêtèrent devant une statue d'un saint. Ils allumèrent leur bougie à l’aide d’autres déjà enflammées, les posèrent avec les autres et se recueillirent, toujours en silence. Raphaël espérait de tout son cœur que son ami puisse trouver le bonheur et régler ses soucis.

«Nathan ?»

Les deux jeunes hommes se retournèrent vers l’origine de la voix. Un homme, la cinquantaine environ, dévisageait Eirian.

«Euh… Vous devez faire erreur monsieur. Mon ami s’appelle Eirian.»

Le moldu se tourna vers son ami, et constata qu’il était tout pâle.

«Eirian, tout va bien ?»

Qui était ce Nathan dont le simple nom faisait pâlir son ami ? Que lui cachait le sorcier ?

«Je suis Robert Terry. Je sais qui tu es vraiment Nathan.»

Raphaël sentit que son ami était tendu, il vit qu’il gardait sa main dans sa poche, probablement prêt à sortir sa baguette, et qu’il avait la mâchoire crispé.

«Tu ne crains rien… Pour aujourd’hui en tout cas. La période de Noël est une période de paix. Je ne compte pas faire couler de sang dans la maison de Dieu, et ta magie est inefficace ici.»

Raphaël ne comprenait rien à la scène qui se déroulait devant lui. Il y avait trop de questions dont il ne pouvait réclamer les réponses. Qui était cet homme ? Mais surtout… Qui était vraiment Eirian ?

« Attendez. Temps mort! Il faut que je me concentre.  Tu le connais, il te connait, mais lui, il parle de te buter et tout le monde trouve ça naturel ? J’exige de comprendre ! »

— Allons, allons Raph…

«Celui que tu appelles Eirian s’appelle en réalité Nathan. Nathan Lancaster. Il est le neveu de Georges Kane.»

Le…

«Neveu de Georges Kane ?»

Raphaël commençait à comprendre tout le mystère qui planait autour de Eirian. Tous ces secrets qu’il avait gardés, les fées qui ne l'avaient jamais comblé, et qu’il n’avait pas été trop gâté par la vie.

«En cette période de trêve Nathan, je peux te permettre de revoir ta mère. Remercie le Christ pour le présent qu’il te fait car cette trêve est temporaire. Nous sommes toujours ennemis, et bientôt nous te traquerons à nouveau sans relâche. Mais pour l’heure, même des ennemis peuvent briser le pain ensemble.»

Raphaël comprit qu’ils avaient affaire à un homme du Blood Circle. Il mit sa main sur l’épaule de Eirian en guise de soutien, pour lui signifier que même si ce qu’il venait d’apprendre était vrai, ça ne changeait rien.

«Qu’est ce que tu veux qu’on fasse ?»

Il vit des larmes couler le long des joues de son ami tandis qu'il s’écartait brusquement.

— Raphaël… Il s’agit de ma mère… Je… Reste en dehors de ça.

«Je comprends pas tout ce qu’il se passe. Je sais juste que si c’est vrai, tu es lié d’une façon ou d’une autre au Blood Circle. Je m’en cogne que tu m’aies menti. Je sais que tu as besoin de cacher certaines choses pour te protéger toi… Ou ta famille. Je compte pas te laisser seul. Parce que tu es mon ami. Et j’ai déjà fait l’erreur de laisser un ami qui était dans le mal, je ne recommencerai pas.»

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, Eirian et sa mère s’enlacèrent, sous le regard inquisiteur du diacre Robert.

S’écartant pour leur laisser un peu d’intimité, le français prit son téléphone et commença à appeler.

«Samuel ? Tu me manques. Je sais pas trop si tu écouteras ce message un jour mais… J’ai bien réfléchi, et je suis désolé. Je peux pas te dire de faire comme s’il ne s’était rien passé, pas après un an. Mais… Si j’existe toujours pour toi, on peut toujours se revoir, faire des trucs ensembles. Depuis le temps qu’on se connait, c’est trop con qu’on ait foutu en l’air comme ça. Je savais que tu allais pas très bien, et je t’ai laissé sombrer et… Bref… Je suis désolé, j’ai été un sale con. Joyeux Noël, mon vieil ami.»

Eirian revint vers Raph, déterminé.

«Ta mère ne vient pas ?»

— C’était pas prévu, elle reste leur prisonnière. Mais Robert ne dira rien à mon père. Il respectera la trêve de Noël, et maintenant que je l’ai revue, je sais que je la sortirai de là !

Raph ne comprenait pas encore tout, mais il appréciait la lueur d’Espoir qu’il pouvait lire dans les yeux de son ami. Le moldu espérait qu’il puisse retrouver un jour la chance d’avoir une famille unie.

«Joyeux Noël mon pote !»