Ciel, j’entrevoie un drame

Soledad ☽ ☾ Anjelica ☽ ☾ Jaeden

Lorsque Soledad ouvrit les paupières, il lui fallut moins d’une seconde pour comprendre que quelque chose clochait. Il fallait dire que tous les éléments étaient là. A travers la fenêtre de son appartement, le soleil brillait encore, il avait entamé sa descente dans le ciel mais il était encore bien présent. Clairement, ce n’était pas l’heure de faire un somme, surtout que la mexicaine n’avait jamais vraiment été du genre à faire la sieste au beau milieu de la journée. Même quand elle rentrait d’une journée exténuante à la boutique, elle ne cédait pas immédiatement à l’appel du sommeil sous peine de se réveiller au beau milieu de la nuit en pleine forme et de perdre toute forme de rythme de vie. Là, juste sous son nez il y avait Samba qui sautillait autour d’elle en ululant d’un air à la fois impatient et inquiet. Il n’avait pas l’air de comprendre pourquoi sa maitresse dormait alors qu’il était l’heure de le laisser sortir chasser et encore moins pourquoi elle ne se réveillait pas malgré tout le raffut qu’il faisait. Il piaffait à quelques centimètres à peine de son visage mais pourtant ça n’avait pas réussi à sortir la voyante de sa torpeur. Soledad regarda autour d’elle, en dehors de Samba, Salsa observait la scène depuis son perchoir, le haut d’une étagère, avec un air intrigué sur le museau. Et puis bien sûr la chose la plus étrange d’entre toute c’était l’endroit où la sorcière se trouvait. Elle n’était ni dans le canapé de son salon, ni dans un fauteuil confortable et encore moins dans son lit. Bref aucun des endroits où il aurait été parfaitement logique de la trouver en train de dormir. Non, sous ses doigts ne se trouvait pas la douceur de ses draps ou le moelleux d’un matelas, mais la fraicheur d’un sol, la dureté de son parquet. Ce fut ce qui la fit tiquer immédiatement, lorsqu’elle rouvrit les yeux, Soledad se trouvait étendue au beau milieu de son salon avec aucun souvenir de comment elle était arrivée là.

Il lui fallut tout de même quelques secondes pour reprendre ses esprits. Maladroitement elle repoussa Samba qui lui piaillait sous le nez et se redressa avec difficulté. Elle sentait un mal de crâne poindre derrière ses yeux et une vague sensation de nausée l’envahir. Il s’était passé quelque chose, elle le savait, elle le sentait. Elle n’avait aucune raison de s’évanouir au beau milieu de son appartement de la sorte, elle n’avait pas été malade et ne s’était certainement pas épuisée à la tâche à ce point. Ce qui ne pouvait vouloir dire qu’une chose… La dernière fois qu’elle s’était retrouvée dans un tel état remontait à quelques années lorsqu’elle avait eu une vision sur son amie Beth. Quand son don s’était imposé à elle pour lui fournir un avertissement. A cette pensée, Soledad senti son sang se glacer dans ses veines. Était-ce qu’il venait de se passer ? Avait-elle encore été assaillie par une vision qui lui avait fait perdre tous ses moyens ? Merci Merlin elle avait été seule à ce moment là. Mais ce n’était pas plus rassurant pour autant. Avec des gestes hésitants, elle se redressa complètement et alla ouvrir la fenêtre la plus proche pour laisser sortir son hibou pressé et surtout faire entrer un peu de l’air du mois de mars dans la pièce. Elle se sentait oppressée, il se passait quelque chose, quelque chose de grave, mais elle ne savait pas encore quoi. Elle devait se souvenir, c’était une question de vie ou de mort, elle le sentait. Passant ses mains sur son visage, la mexicaine se laissa tomber sur son canapé pour tenter de rassembler le puzzle de ses souvenirs. Elle avait été travailler, même si la partie moldue du Witches Bazaar n’était désormais plus qu’un douloureux souvenir, elle avait été bien occupée puisque les sorciers venaient se procurer tout ce qui se rapprochait plus ou moins de talismans. Elle avait passé une partie de la journée avec Maxime lorsque l’étudiante était venue prendre son poste après ses cours. Et puis une fois la boutique fermée, chacune avait pris une direction différente et Soledad était rentrée directement chez elle. Et à partir de là c’était le grand vide. Elle se revoyait ouvrir puis fermer sa porte mais et après ?

Soledad prit une profonde inspiration, elle devait se calmer, elle savait que c’était ainsi que son don marchait le mieux, lorsqu’elle était patiente et concentrée. Elle ne pouvait pas forcer son troisième œil et encore moins le presser, ce n’était pas ainsi que la voyance fonctionnait, les leçons de son abuela avaient été claires à ce sujet. Son don, elle devait le respecter, le laisser venir à elle et le traiter en égal. Alors elle s’efforça de repousser le sentiment d’urgence qui lui tiraillait les entrailles pour retrouver son calme. Elle manquait de temps mais elle ne devait pas y penser. L’exercice n’était pas simple, mais elle pratiquait la méditation depuis plusieurs années, elle savait comment repousser les pensées parasites pour se concentrer sur le plus important. Et c’est ce qu’elle fit. Ca lui parut prendre une éternité mais peu à peu elle parvint à retrouver ce calme intérieur qui l’envahissait lors de ses séances de méditation. Peu à peu elle parvint à toucher du doigts les images que son don lui avait envoyées. Elle voyait une ruelle, et une silhouette. Un homme plus précisément. Et puis d’autres silhouettes étaient apparues, plus sombres, aux visages entièrement noirs qui empêchaient de voir leurs traits. Dans cette vision, l’homme était relié aux silhouettes par des fils, comme s’il était leur marionnette. Soudainement, les formes sombres s’étaient mises à tirer sur les fils, le malmenant, le balançant dans tous les sens. Elles s’en prenaient à lui avec une violence et une détermination rare, comme si elles étaient investies d’une mission et qu’elles ne s’arrêteraient pas avant de l’avoir remplie. Avant que le résultat ne soit funeste pour leur victime. Pendant une brève seconde, Soledad put apercevoir son visage. Le souffle coupé, le cœur battant avec force dans sa poitrine, elle rouvrit brutalement les yeux. Ce visage, elle le connaissait. Elle le côtoyait depuis des années, elle l’appelait son ami. Jaeden.

Le cœur au bord des lèvres, Soledad se leva brutalement. Elle trébucha et se rattrapa in extremis. Le sentiment d’urgence était revenu, plus fort et plus impérieux que jamais. Son ami était en danger, elle ignorait quand, ou comment ou pourquoi, elle le sentait tout au fond d’elle. Ses visions, les rares qu’elle avait eu au cours de son existence, n’avaient jamais était assez précises pour lui donner ce genre d’information, mais elle sentait qu’elle devait agir maintenant. Qu’elle devait au moins prévenir Jaeden pour qu’il se tienne prêt. De ce qu’elle avait vu, son ami était sur le point de tomber dans un piège. Désormais c’était à elle d’éviter qu’il ne se referme complètement sur lui. Sans prendre la peine de réfléchir d’avantage -elle n’en n’avait pas le temps de toute manière- Soledad se saisit de son manteau -elle ignorait si Jaeden se trouvait dans le monde moldu ou sorcier alors il était inutile de prendre des risques en plus- et après avoir saisi sa baguette transplana dans une ruelle tranquille non loin du Thestral Motor. Elle ignorait si Jaeden y travaillait aujourd’hui alors elle n’avait plus qu’à croiser les doigts. Lorsqu’elle entra dans le garage, Soledad ignora les regards des mécanos qui semblaient clairement se demander ce qu’une sorcière comme elle faisait là et se dirigea directement vers la jeune sorcière blonde qui tenait l’accueil, Jaeden lui en avait rapidement parlé, Adèle. « Est-ce que Jaeden est là ? » Demanda-t-elle d’une voix empressée après l'avoir salué. L’étudiante releva le nez des papiers qu’elle était en train de ranger, sûrement avant de partir, et secoua la tête. Mince, voilà qui n’aidait pas la voyante. En désespoir de cause, Soledad se tourna pour lancer à la cantonade. « Est-ce que quelqu’un sait où est Jaeden ? » Pour fréquenter le sorcier depuis longtemps, Soledad connaissait un peu les employés du garage, au moins de vue. Leur manque de réponse ne releva donc pas d’une quelconque méfiance envers elle mais bien de l’ignorance. Ce qui, encore une fois, n’aidait absolument pas la mexicaine.

Jaeden n’avait pas l’air d’être là, du moins pas au rez de chaussée, mais Soledad devait au moins s’en assurer avant de courir partout dans Londres pour le retrouver. Qu’ils se croisent sans le savoir aurait été un sale coup du Karma et Sol avait bien l’intention que cela n’arrive pas. Après avoir remercié vaguement les employés, elle se dirigea sans attendre vers les escaliers qui menaient à l’appartement du sorcier. Personne ne tenta de l’arrêter et elle en fut reconnaissante. Devoir expliquer qu’elle était là à cause d’une vision qu’elle avait eu grâce à son troisième œil aurait été une perte de temps colossale. Surtout qu’elle n’était même pas sûre que les sorciers présents l’auraient cru. Poussée par l’urgence, elle grimpa les escaliers quatre à quatre et alla tambouriner contre la porte de l’appartement de son ami. « Jaeden ?! » Elle s’arrêta une seconde et tendit l’oreille, à l’affut du moindre son provenant de l’intérieur. Rien. « Jaeden ?! Tu es là ? » Répéta-t-elle un peu plus fort, en recommandant à frapper contre le panneau de bois. Peut-être était-il sous la douche, ou en train de dormir. Elle l’espérait. Mais elle ne pouvait pas s’arrêter avant d’avoir le cœur net. Elle sentait la panique qui commençait à enfler en elle à l’idée qu’il soit trop tard. « JAE ! » Cria-t-elle en désespoir de cause. D’un geste rageur et totalement inutile, Soledad fichu un coup de pied contre la porte qui vibra sur ses gonds. Elle étouffa une floppée de jurons en espagnol lorsqu’une vive douleur se propagea dans son pied. Elle se fichait bien de réveiller tout l’immeuble et d’avoir les autres sorciers présents sur le dos. Elle voulait que Jaeden soit là et qu’il lui ouvre en l’engueulant pour le raffut qu’elle faisait. Elle aurait tout donné pour ça. Juste ça.

Ciel, j’entrevoie un drame

Soledad ☽ ☾ Anjelica ☽ ☾ Jaeden

A chaque coup que Soledad frappait contre la porte de l’appartement de Jaeden, elle pouvait sentir les battements de son cœur s’accélérer un peu plus. Peut-être aurait-elle dû garder son calme, tenter de se raisonner et de réfléchir à une manière logique d’appréhender la situation, mais elle en était incapable. C’était seulement la troisième fois de sa vie qu’elle avait une vision de la sorte et elle ne pouvait se défaire du sentiment d’urgence que cela provoquait en elle. Son don elle y était pourtant habituée, elle était née avec elle grâce à l’aide de son abuela elle avait appris à l’apprivoiser avec le temps. Il faisait partie d’elle, elle le comprenait mieux que quiconque et surtout, elle l’acceptait sans condition, mais là, là c’était différent. Lorsqu’elle tirait les cartes ou plongeait ses prunelles dans sa boule de cristal, elle ne savait jamais à quoi s’attendre, mais lorsqu’elle lisait le futur, elle le choisissait. C’était un moment de calme et de concentration, qui lui demandait beaucoup de réflexion. C’était à chaque fois un instant particulier où elle se sentait un peu hors du temps. Avec ces visions, ça n’était absolument pas la même chose. Elles s’imposaient à elle, s’infiltraient dans son esprit pour ne plus rien laisser d’autre que ce qu’elle devait voir. Soledad n’avait pas d’autre choix que de les contempler et à chaque fois, elle en ressortait avec un sentiment d’horreur grandissant. Si ses artefacts pouvaient lui montrer une myriade de futur, ses visions, elles, se concentraient toujours sur des évènements tragiques. La mort de son père, la morsure de son amie Beth… Que des évènements qu’elle n’avait pas pu empêcher. Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir essayé. Et maintenant elle voyait Jaeden se faire attaquer. Clairement, elle ne pouvait pas ressortir d’une telle vision sereine, bien au contraire, son cœur battait férocement dans sa poitrine et la peur s’était infiltré dans ses veines. Jaeden courrait un grave danger et elle ne pouvait pas rester là sans rien faire. Si son don lui avait fait parvenir cet avertissement c’était qu’elle pouvait faire quelque chose. Qu’elle devait faire quelque chose. Oh, par Merlin faites qu’elle puisse y faire quelque chose.

C’était tout ce qu’elle demandait alors qu’elle frappait de toutes ses forces contre la porte de l’appartement de Jaeden, et qu’elle beuglait son nom sur son pallier. Que tout le garage l’entende, elle s’en fichait bien, qu’ils la prennent pour une folle, tant pis. Elle voulait juste que Jaeden soit là, qu’il lui ouvre la porte en râlant parce qu’elle agissait n’importe comment, qu’elle se faisait remarquer et que ça allait jaser dans le garage. Elle voulait juste qu’il ne soit pas trop tard. Mais le silence qui lui parvenait de l’autre côté de la porte à chaque fois qu’elle faisait une pause était assourdissant. La porte qui s’ouvrit derrière elle la fit sursauter. Le cœur battant à tout rompre, Soledad se retourna pour découvrir Anjelica Zabini qui l’observait avec circonspection. « Anjelica ! » S’exclama-t-elle machinalement, certainement un peu plus fort que nécessaire. Elle connaissait un peu l’italienne qui partageait la vie de Jaeden, elles s’étaient déjà croisées quelques fois et avaient un peu discuté. Pas assez pour devenir vraiment amies, mais Soledad appréciait la sorcière, peut-être que maintenant Anjelica allait la trouver bizarre avec tout le bazar qu’elle mettait. « Soledad, qu’est-ce qui se passe ? » Soledad regarda Anjelica sortir de son appartement, les yeux grands ouverts de panique. La déception de ne pas voir Jaeden passer la porte après sa fiancée glaça le sang dans les veines de la sorcière. Il ne devait pas être là, sinon il aurait déjà pointé le bout de son nez, non ? Il n’aurait pas pu passer à côté de tout le raffut que faisait la mexicaine, ce n’était pas possible. La preuve, Anjelica se tenait face à elle, attirée par le bruit qu’elle avait fait. La conclusion de tout ça s’imposait lentement à Soledad mais elle ne voulait pas la voir, elle ne pouvait pas y croire. Elle ne pouvait pas être arrivée trop tard, elle aurait tout donné pour ça.

Soledad tentait de réfléchir à la situation mais la panique l’empêchait d’être réellement efficace. Et elle s’en voulait, c’était bien la peine que son troisième œil lui envoie des visions si elle trop paralysée pour agir ensuite ! Trop absorbée par ses angoisses, Soledad garda sûrement le silence un peu trop longtemps puisqu’Anjelica reprit la parole. « Tu as un problème, je peux t’aider ? » L’inquiétude pouvait s’entendre dans la voix de l’italienne. En même temps, Soledad pouvait la comprendre, trouver une sorcière en panique qui beuglait le nom de son fiancé sur le pas de sa porte, ça n’avait pas grand-chose de rassurant. Lorsque les prunelles de la mexicaine trouvèrent celles de la sorcière, elle tenta de s’y accrocher pour retrouver un peu de calme. « Il faut que je vois Jaeden. » Reprit-elle d’une voix tout aussi pressante, mais un peu moins forte. Depuis le bas des escaliers, des murmures interrogatifs leurs parvenaient. Sa visite était loin de passer inaperçue et les gars qui travaillaient au garage commençaient à se demander ce qu’il se passait. C’était peut-être une bonne chose, l’un deux pouvait se souvenir d’où se trouvait Jaeden et le lui dire, ou alors ils pouvaient en conclure qu’elle avait définitivement perdu la tête. Et c’était un peu le sentiment que Soledad avait alors que la crainte lui étreignait le cœur. Ses visions avaient déjà mené à deux catastrophes, si elle ne parvenait pas à éviter celle-ci, elle ne le supporterait pas. Sauf qu’elle le sentait, son avertissement venait trop tard. « Jaeden est en mission pour le Conseil d’Administration. » Ce ne fut pas une surprise et pourtant le cœur de Soledad sombra dans sa poitrine. Elle était arrivée trop tard pour prévenir Jaeden. Mais était-il trop tard tout court ? Dans sa vision, elle avait vu des silhouettes s’en prendre au sorcier, peut-être que cela n’était pas encore arrivé ? Elle ne pouvait pas baisser les bras maintenant, chaque minute comptait. Tentant de repousser le sentiment d’urgence qui lui serrait la gorge, la mexicaine braqua sur Anjelica un regard où l’espoir et l’appréhension se mêlaient. « Est-ce que tu sais où il devait se rendre ? Dis moi que tu sais où il allait. » Demanda-t-elle d’une voix empressée en priant Merlin pour que la sorcière ait cette information à sa disposition.

Par Merlin, elle s’y prenait mal ! La panique lui faisait perdre ses moyens et l’idée que chaque minute puisse être important n’était pas pour l’aider. Elle devait se reprendre sinon Anjelica n’allait jamais porter crédit à ses paroles. Elles s’étaient déjà un peu côtoyées mais était-ce assez pour que l’italienne la prenne directement au sérieux ? Soledad ne savait pas trop et elle n’avait pas envie de découvrir la réponse à cette question. La vie de Jaeden était en jeu, elle devait s’assurer qu’Anje avait toutes les informations nécessaires pour l’aider, et surtout pour la prendre au sérieux. Elle prit une profonde inspiration et passa ses mains sur son visage pour se calmer. Les informations, c’était ça dont Anje avait besoin, elle devait lui expliquer. « S’il-te-plaît, c’est très important… C’est Jaeden, il… » Commença-t-elle en plongeant ses prunelles dans celles de la sorcière pour lui montrer son sérieux. Comment lui dire maintenant ? Ce que Soledad avait vu était le résultat d’une vision, c’était flou et plutôt abstrait. Le message était clair, mais ce qu’elle avait vu exactement l’était beaucoup moins, pourtant elle savait qu’elle ne se trompait pas. « C’est une embuscade, il va se faire attaquer. » Affirma-t-elle en tentant de mettre toute la conviction dont elle était capable dans sa voix. Elle ne savait pas trop par qui, ni quand exactement mais elle savait comment sa mission pour le Conseil d’Administration allait tourner si elle ne faisait rien. Quant au résultat de cette mission, il appartenait à elles d’éviter qu’il ne soit funeste pour Jaeden. Maintenant venait la partie la plus délicate de cette explication. « Je l’ai vu. » Reprit-elle sans lâcher le regard de la sorcière. Est-ce que Jaeden avait parlé de son don de divination à Anje ? Soledad ne savait pas trop, ce n’était pas un secret mais en même temps Jaeden n’avait pas vraiment de raison d’en avoir discuté avec sa fiancée. Elle-même ne le criait pas sur tous les toits. Mais la question la plus importante était de savoir ce que l’italienne allait en penser. Etait-elle de ces sorciers qui méprisaient tout ce qui touchait de près ou de loin aux arts divinatoires ? Difficile à dire, les deux sorcières n’en n’avaient jamais parlé alors Soledad ignorait ce qu’Anjelica pouvait en penser. L’idée qu’elle puisse ne pas la croire et la trouver ridicule lui retourna l’estomac. Si la sorcière lui riait au nez, la mexicaine ignorait ce qu’elle ferait. « S’il-te-plait… Tu dois me croire. » Reprit-elle presque suppliante en effleurant le bras de la sorcière. Il en allait de la vie de Jaeden.

Ciel, j’entrevoie un drame

Soledad ☽ ☾ Anjelica ☽ ☾ Jaeden

Plus les secondes passaient, plus Soledad avait l’impression que son cœur allait sortir de sa poitrine. Il tambourinait à toute allure dans sa cage thoracique, si fort qu’elle avait l’impression qu’il aurait été possible de l’entendre dans le silence, miroir de l’anxiété qui coulait désormais librement dans ses veines. Jaeden était absent, ce qui n’avait pas manqué de la plonger dans le désespoir, mais Anjelica était là, elle. L’italienne représentait un espoir à laquelle la sorcière devait se raccrocher. Elles se connaissaient peu, mais Soledad savait qu’elle était de ces femmes de caractères qui ne reculaient devant aucun danger et qui ne se laissait pas abattre par la perspective d’un drame. Exactement le genre de personne dont elle avait besoin aujourd’hui pour éviter le pire. Parce qu’il ne pouvait pas être trop tard et maintenant qu’elle n’était plus seule face à cette situation il ne pouvait pas en être autrement. Mais c’était compliqué pour la voyante de garder son calme et ses moyens alors qu’elle savait que chaque seconde pouvait compter. Apprendre que son ami était parti en mission pour le conseil d’administration ne fit qu’alimenter son sentiment d’urgence. Elle jouait contre le temps tout en étant consciente qu’elle ne pouvait pas finir perdante. Si elle perdait alors les conséquences seraient bien trop dramatiques. Pour Jaeden, pour Anjelica et pour elle aussi. Désormais ils étaient tous concernés. Les rouages se mettaient lentement en place, Soledad pouvait presque sentir la roue du destin tourner lentement et avancer pour écraser le futur du sorcier. Sa vision était véridique, elle l’avait toujours su, son don ne l’avait jamais trompé, mais les informations fournies par Anjelica ne firent que la conforter dans cette idée. Sauf qu’en réalité, ça n’avait absolument rien de rassurant. Si tout ceci était vrai, alors il en allait de la vie de Jaeden.

Désormais le plus important était de savoir où se trouvait Jaeden exactement. Bien évidemment, la vision de la mexicaine n’avait pas été assez précise pour lui donner ce genre d’information vitale. Soledad s’en serait bien plaint, mais elle était également consciente que c’était sa vision, aussi floue soit-elle, qui pourrait permettre d’aider son ami. Ce n’était pas le moment d’être ingrate. A la place il fallait faire preuve de ressources et pour ça elle était tombée sur la personne parfaite. Anjelica n’avait pas tardé à lui indiquer qu’elles pourraient trouver les informations sur le lieu de la mission de Jaeden dans un bureau du rez-de-chaussée. « Merci Anjelica. » Malgré tout, Soledad pouvait sentir la perplexité de l’italienne. Et au fond elle la comprenait, une quasi inconnue débarquait chez elle et se mettait à taper à la porte de son fiancé tout en beuglant son nom, ça avait de quoi surprendre et provoquer des questions. En fait, à la place d’Anjelica certains ne se seraient pas embarrassés à poser des questions et l’auraient tout simplement mis à la porte. Consciente que son comportement pouvait sembler erratique, la mexicaine s’efforça de se calmer pour expliquer plus clairement la situation à la sorcière. Elle savait qu’en lui parlant de sa vision elle prenait un risque, elle ignorait complètement ce que la brune pouvait bien penser de la divination, mais c’était le seul moyen de lui expliquer pourquoi elle débarquait ainsi au Thestral motor complètement en panique. Il y eut un bref moment de flottement, terrible, pendant lequel Soledad s’appliqua à ne pas lâcher le regard de l’italienne pour lui montrer qu’elle était parfaitement sérieuse. Intérieurement, elle priait Merlin pour qu’Anjelica la crois, extérieurement, elle ne pouvait rien faire de plus qu’attendre anxieusement. Et finalement le soulagement l’envahi lorsque la sorcière hocha la tête.

Avec un espoir nouveau, Soledad suivi Anjelica dans le garage, jusqu’à une pièce qui servait de bureau. Ce fut à son tour de hocher la tête lorsque la sorcière répéta le mot embuscade, puis de grimacer quand elle précisa que la mission de Jaeden se déroulait au nord de Londres, dans des entrepôts abandonnés. Si la situation s’y était un peu plus prêtée, la voyante aurait pu plaisanter en disant que c’était terriblement cliché de tendre une embuscade à quelqu’un dans un vieil entrepôt, mais elle était bien trop stressée pour ça alors elle se contenta d’opiner du chef. « J’ai vu des hommes l’attaquer. Ils étaient plusieurs et il était seul. Ça ne peut-être que ça. » Confirma-t-elle tout en sachant que ces paroles n’étaient d’aucun réconfort. Ça ne faisait que les conforter dans cette idée et c’était encore pire, parce que ça rendait tout ça réel. Anxieusement, elle observa Anjelica parcourir un dossier. Son cœur se serra lorsqu’une floppée d’injures franchit les lèvres de l’italiennes. Clairement, ça ne présageait rien de bon. La sentence ne tarda pas à tomber, le papier était un faux, ce qui voulait dire que la vision de Soledad était bel et bien vouée à se produire. Peut-être même qu’elle était en train de se dérouler à l’instant présent. Machinalement Soledad accepta les documents qu’Anjelica lui tendit. Elle n’avait aucune raison de remettre en cause la parole de la sorcière mais elle compara tout de même les papiers. La différence était minime mais elle était bien là. « Joder, Jaeden… » Murmura-t-elle dans un souffle. La mexicaine sentit son estomac se plomber. Par Merlin, dans quel pétrin Jaeden se trouvait-il ? A côté d’elle l’italienne prononça ce qui était sûrement un nom, Soledad ne le connaissait pas assez pour réagir. En revanche lorsqu’elle confirma que la vision de la mexicaine était de mauvais augure et qu’elles devaient transplaner au plus vite, la brune n’hésita pas un seul instant. La peur la rongeait mais elle n’allait pas reculer. Alors quand Anjelica lui présenta sa main, elle n’hésita pas à s’en saisir.

Lorsque les deux sorcières réapparurent sur le lieu de la mission, Soledad comprit aussitôt que quelque chose clochait. Avant même de voir ou d’entendre quoi que ce soit, elle pouvait sentir que l’atmosphère était électrique. Puis des éclats de voix leur parvinrent, et des ombres se distinguèrent contre les murs, paralysant un instant la mexicaine. Elles arrivaient trop tard, les sorciers ennemis étaient déjà passés à l’action. Ce fut finalement la voix d’Anjelica qui la ramena à la réalité. Se battre, oui. Il n’était pas nécessairement trop tard, elles pouvaient encore agir. Sans trop réfléchir, Soledad hocha la tête et sortit sa baguette. Elle n’avait aucun mal à imaginer l’italienne se battre, d’ailleurs les flammes rageuses qui dansaient déjà dans ses prunelles le lui prouvait, mais elle ? Ca faisait des mois qu’elle s’entrainait, elle avait déjà eu à faire à des adversaire du Blood Circle, mais se battre, maintenant ? En serait-elle capable ? Elle prit une profonde inspiration et se décida. Bien sûr que oui elle allait se battre. Pour Jaeden, à ses côtés et ceux d’Anjelica, elle allait se battre, ou du moins faire de son mieux. « Tu peux compter sur moi. » Affirma-t-elle d’une voix décidée. Ses prunelles se posèrent une seconde sur les silhouettes qui se battaient non loin et son anxiété se fit crainte. Crainte d’échouer, de ne pas être à la hauteur, d’être un poids mort plus qu’un aide. Mais au fond peu importait, elle devait agir, elle le savait. C’était pour ça qu’elle avait demandé à Théo de l’entrainer, elle ne voulait pas se contenter de jouer les jolies plantes dans un coin pendant que les autres prenaient des risques. Elle était décidée, si elle s’entrainait si dur, c’était pour ce genre de moment. Et ainsi les deux sorcières se jetèrent dans la mêlée. Sans plus de cérémonie, Anjelica se jeta sur un adversaire et transplana avec lui un peu plus loin. Soledad fut impressionnée par son audace et cette technique qu’elle n’avait jamais vu, mais elle n’eut pas le temps d’assister au reste de la scène. Les sorciers étaient quatre, ils étaient trois, il était grand temps de rééquilibrer les choses. Pendant que Jaeden s’étonnait de leur présence, la mexicaine pointa sa baguette sur un grand blond qui lui fonçait dessus. « On discutera après si tu veux bien. » Rétorqua-t-elle rapidement alors qu’un sort plus tard, le sorcier ennemi valdinguait dans un coin de l’entrepôt. Ce n’était pas assez pour le mettre hors de nuire mais au moins il n’était plus un danger immédiat.

Anjelica avait raison, ces boulets oubliaient facilement qu’ils étaient sorciers. Au moins ça donnait un léger avantage à la voyante. Un cri de Jaeden poussa Soledad à se retourner. Un second sorcier fonçait vers elle, lui aussi devait avoir oublié l’existence de sa baguette. Sauf qu’il était bien trop proche pour que la mexicaine ait le temps de lui lancer le moindre sort, et bien trop baraqué pour qu’elle l’arrête dans sa course. Alors elle ne chercha pas à l’arrêter, campée sur ses positions elle se contenta de se décaler vivement juste avant que l’homme ne la percute. Emporté par son élan il ne parvint pas à s’arrêter à temps et elle en profita pour le pousser davantage dans le dos. Tant et si bien qu’il fini sa course contre le mur le plus proche. Il s’en détacha presque aussitôt le visage rouge de rage, à moins que ce ne soit parce que son nez avait salement souffert dans la collision. « sporca puttana ! » Soledad fronça les sourcils. Oh, alors ça c’était vraiment de la mauvaise foi. Monsieur voulait jouer des poings contre une sorcière qui faisait deux têtes de moins que lui et en plus il était mauvais perdant ? Il n’avait vraiment rien pour lui. « Eh je suis pas italienne mais je te comprends, pendejo ! » S’exclama-t-elle en montrant qu’elle aussi était parfaitement capable de lancer quelques insultes dans sa langue maternelle. Et sans attendre que le sorcier ne tente de nouveau de l’écrabouiller, Soledad pointa sa baguette en plein visage. « On t’a jamais appris la politesse ? » Reprit-elle.
Aussitôt des bulles de savons commencèrent à s’échapper de ses lèvres et une mousse apparut à mesure qu’il tentait de parler. Ah, combien de fois ses parents avaient menacé de lui laver la bouche au savon à chaque fois qu’elle parlait mal ? Voilà qui lui appendrait.

Un instant le sorcier paru trop surprit pour faire quoi que ce soit. Puis la colère vint remplacer la stupéfaction, qui laissa à son tour place à une rage froide. Il y eut un éclat cruel dans ses yeux, celui qui annonçait le pire. Soledad leva sa baguette pour lancer un protego autour d’elle mais il était déjà trop tard, des étincelles jaillirent de l’arme de son adversaire et vinrent lui brûler le poignet, la forçant à lâcher sa baguette. Elle grimaça de douleur et manqua de se prendre en plein visage le poing de l’homme. Elle parvint à éviter plusieurs de ses coups et même à lui en porter quelques-uns. Malgré ses efforts et la preuve manifeste que les entrainements de Théo n’étaient pas inutiles, elle comprit vite qu’elle n’aurait pas le dessus. Son adversaire était trop grand, trop fort pour qu’elle puisse le mettre à terre sans magie. Il fallait qu’elle soit plus maline que lui. Sauf qu’il était trop tard, elle ne vit pas le poing de l’homme jaillir. Il la cueillit à l’estomac, l’envoyant à terre et vidant ses poumons dans le même temps. Apparemment le sorcier n’avait pas totalement oublié qu’il était capable de magie, car il ne choisit pas de continuer à utiliser ses poings. A moitié sonnée par la douleur, Soledad cherchait à reprendre son souffle mais elle n’y parvenait pas. En fait, c’était de pire en pire, l’air lui manquait et bientôt des tâches noires vinrent troubler sa vision. Elle écarquilla les yeux d’horreur en comprenant que le sorcier la privait de son oxygène. Elle tenta de voir où se trouvaient Jaeden et Anjelica tandis que sa main droite cherchait désespérément sa baguette.

Ciel, j’entrevoie un drame

Soledad ☽ ☾ Anjelica ☽ ☾ Jaeden

Comment ça qu’est-ce qu’elles foutaient là ? Parce que Jaeden trouvait que ça ne se voyait pas ? Oh bah elles venaient pour un peu de shopping, dans un entrepôt moisi, c’était la dernière mode. Non mais franchement… Il se retrouvait entouré de quatre sorciers baraqués près à en découdre dans un entrepôt abandonné et il se posait des questions quand deux sorcières débarquaient pour lui prêter main forte. Ah vraiment, comme si c’était le moment pour parlementer sur les raisons de leur présence. Peut-être qu’ils auraient dû prévoir une table et un service à thé pour discuter de tout ça tranquillement tout en sirotant une boisson chaude, au moins là Jaeden aurait eu la réponse à sa question. Comme si c’était le moment pour ça. A la place, Soledad lui signala qu’ils en parleraient plus tard parce que clairement les quatre sorciers qui leur faisaient face n’avaient pas l’air près à leur laisser tout le temps nécessaire pour discuter. En fait, ils avaient l’air plus motivés à se jeter sur eux qu’à prendre le thé, et si Soledad avait affirmé à Anjelica qu’elle pouvait compter sur elle, ce n’était pas pour autant qu’elle était capable de tenir une discussion tout en évitant des coups et sortilèges. Ses entrainements avec Théo n’avaient pas pris en compte ce cas de figure, peut-être devrait-elle lui en parler la prochaine fois à coup sûr, il serait ravi. Mais ce n’était pas encore le cas, alors la mexicaine avait besoin de toute sa concentration. Elle était venue trouver Anjelica pour une raison, pour aider Jaeden et elle refusait d’échouer maintenant parce qu’ils se trouvaient face à quatre adversaires. Elle avait affirmé à l’italienne qu’elle pouvait compter sur elle et elle allait tenir parole. Jamais elle ne se serait imaginée un jour se plonger volontairement dans une bagarre, mais apparemment il ne fallait jamais dire jamais.

Après tout, c’était à ça que servaient ses entrainements avec Théo, non ? Pas à se lancer dans la première bagarre venue -ce n’était toujours pas le style de la mexicaine- mais à pouvoir se défendre et défendre les autres si besoin. Et là, avec quatre adversaires contre un, c’était plus que nécessaire. Jaeden pouvait être aussi doué en combat qu’il voulait, la situation n’était pas équilibrée et il était évident qu’il ne s’en sortirait pas seul. Alors les deux sorcières ne mirent pas longtemps à se décider, elles avaient disposé de quelques secondes seulement pour se mettre d’accord. Et aucun débat n’avait été nécessaire : elles fonçaient dans le tas, tout simplement. Tandis qu’Anjelica dévoilait une technique de combat mêlé au transplanage qui laissa Soledad impressionnée, la mexicaine se retrouva rapidement aux prises avec un gros malabar pas content. Grâce à l’avertissement de Jaeden, elle réussi à le repousser une première fois, ce qui eut pour résultat de lui péter le nez. Oups. Pour les remords il allait falloir repasser, non seulement il avait voulu s’en prendre à elle, mais en plus il l’insultait. Quel mauvais joueur. Dans sa grande maturité, Soledad fit ce qu’il lui sembla le plus logique, elle remplit sa bouche de savon. Ça lui apprendra à dire des vilaines choses. Sauf que bien sûr, tout ne pouvait pas continuer à se passer aussi bien éternellement. Fou de rage, l’italien parvint à désarmer Soledad et à engager un combat de plus en plus rude. La brune voyait les résultats de ses entrainements, elle ne déméritait pas, évitant les coups et en rendant le plus possible. Mais il fallait voir la réalité en face, le sorcier était plus grand et plus fort qu’elle, alors ce qu’il devait arriver, arriva, il parvint à la mettre à terre. Mais il ne s’arrêta pas là. Déjà sonnée, Soledad peinait maintenant à reprendre son souffle. Les secondes filaient et l’oxygène lui manquait. Avec horreur elle réalisa que le sorcier était en train de l’étouffer par magie.

Paniquée, la sorcière tentait de regarder autour d’elle pour repérer Jaeden et Anjelica mais des points noirs commençaient déjà à rendre sa vision difficile. Sa main gauche était posée sur sa gorge dans un geste inutile tandis que celle de droit fouillait désespérément le sol à la recherche de sa baguette. Soledad le sentait, dans quelques secondes il serait trop tard. Finalement, l’air s’introduisit à nouveau dans ses poumons, brutalement. Elle prit une grande respiration sifflante et se mit aussitôt à tousser alors que ses poumons protestaient contre le brusque apport d’oxygène. La gorge en feu, elle resta un instant recroquevillée au sol le temps de reprendre ses esprit. La réalité de ce qu’il se passait autour d’elle lui revint peu à peu. Un bruit de course, le son distinctif d’un transplanage. Soledad sursauta en voyant des chaussures d’approcher d’elle mais se détendit en réalisant qu’il s’agissait d’Anjelica. Merci Merlin, ça devait être elle qui l’avait arraché des griffes du sorcier. La voyante se releva avec l’aide de l’italienne. « Ca va… Ca va aller. » Souffla-t-elle d’une voix encore rauque. Sa vision était encore un peu trouble mais elle s’arrangeait de seconde en seconde. Elle prit plusieurs inspirations profondes pour s’éclaircir les idées et pressa le bras d’Anjelica de la main. « Merci Anje… » Elle lui était reconnaissante, tellement reconnaissante, et même si le temps pressait elle tenait à le lui dire. L’italienne aussi semblait avoir souffert de son combat contre un sorcier mais au moins celui-ci était étendu au sol, inconscient. Un de moins à s’occuper. Ce qui en laissait encore beaucoup trop au goût de la mexicaine. D’ailleurs celui qui s’en était pris à elle se dirigeait maintenant vers Jaeden qui était déjà aux prises avec un autre. Quand au dernier, il était encore introuvable, ce qui ne voulait sûrement rien dire de bon. Soledad croisait les doigts pour qu’il se soit enfui comme un lâche mais elle en doutait.

Soudainement, des flammes apparurent, coupant l’entrepôt en deux. « ¡ Mierda ! » Pesta Soledad avec un mouvement de recul. Elle jeta un regard autour d’elle, Anjelica et elle se trouvaient apparemment seules de ce côté du feu. De l’autre côté, Jaeden était en mauvaise posture. Pas le temps de réfléchir davantage, les deux sorcières devaient de nouveau se lancer dans le combat. Soledad alla rapidement récupérer sa baguette et se tourna vers l’italienne. « Va aider Jae, je me charge de l’autre. » Elle regrettait qu’elles n’aient pas plus de temps pour prévoir un plan un peu plus élaboré mais elles n’avaient pas le choix. Vu le temps depuis lequel Jaeden et Anjelica se fréquentaient, elle se disait qu’ils devaient sûrement être habitués aux techniques de combat l’un de l’autre. Ils travailleraient mieux ensemble alors que Soledad risquait de finir par gêner son ami. Ce fut la seule réflexion qui guida la proposition qu’elle fit à Anje. Une fois d’accord, Soledad échangea un dernier regard avec la sorcière avant de se concentrer pour transplaner. Avec les flammes qui rugissaient non loin ce n’était pas le moment de se rater. Un instant plus tard, Soledad réapparaissait de l’autre coté du rideau de flammes. Si le sorcier s’attendait à sa venue, elle, elle était prête à en découdre et cette fois elle était bien décidée à avoir le dessus. A peine était-elle réapparue que le sort de désarmement s’échappait de sa baguette pour frapper le sorcier. Ca ne le découragea pas, mais au moins il avait une arme en moins. Le combat s’engagea et Soledad encaissa un nouveau coup dans le ventre avant de réussir à l’éloigner en le repoussant avec un coup de pied. Elle ne se laissa pas le temps de réfléchir d’avantage et le stupefixia sans attendre. Le sorcier s’effondra au sol où elle le ligota d’un sort. Un deuxième en moins, enfin.

Mais ça ne s’arrêtait pas là, car les sorciers étaient au nombre de quatre. Dans l’affrontement, Soledad avait complètement occulté ce qu’il se passait autour d’elle. Elle n’avait pas entendu le dernier homme approcher et quand elle fut soulevée dans les airs par un sortilège, elle ne pu absolument rien faire. Elle s’accrocha à sa baguette, son ultime moyen de défense, mais il était déjà trop tard. Tout alla trop vite et après avoir atterri lourdement au sol, la force du sortilège l’envoya rouler jusqu’aux flammes. Un cri de douleur s’échappa de ses lèvres quand elle sentit le feu s’attaquer à ses jambes. La douleur la fit réagir instantanément, les yeux écarquillés d’horreur, elle se traina hors des flammes à toute vitesse et commença à taper sur ses jambes pour les étouffer avant qu’elles ne fassent trop de dégâts. En cet instant, tous les combats avaient été occultés de son esprit, seul celui qu’elle menait contre les flammes comptait. L’adversaire de Jaeden, le dernier sorcier, plus rien d’autre ne comptait que les morsures vives contre sa peau. Il était là, le combat qu’elle ne pouvait pas perdre.

Ciel, j’entrevoie un drame

Soledad ☽ ☾ Anjelica ☽ ☾ Jaeden

Dès l’instant où elle avait rouvert un œil après sa vision, Soledad avait compris que les choses allaient mal tourner. La course contre la montre s’était enclenchée et si elle était arrivée trop tard pour empêcher Jaeden de marcher droit dans la gueule du loup, elle avait au moins pu entrainer Anjelica avec elle pour lui prêter main forte. Sans l’italienne, Soledad ignorait ce qu’elle aurait fait. Parcourir tout Londres à la recherche du sorcier aurait été une perte de temps terrible mais elle savait qu’elle s’y serait pliée si ça aurait pu lui apporter la moindre changer d’aider son ami. Heureusement, Anjelica l’avait écoutée et comprise, et si Jaeden s’était retrouvé pris au piège, au moins avaient-elles pu arriver à temps pour empêcher les griffes de ses ennemis de se refermer totalement sur lui. Pas un seul instant Soledad n’avait réfléchi à ce qu’il se passerait une fois la piste de Jaeden retrouvée. Elle n’avait pas eu le temps de réfléchir aussi loin, le sentiment d’urgence avait été le plus fort. Au final, peu importait, elle savait qu’elle aurait fait tout ce qu’il fallait pour aider son ami. Mais elle devait quand même le reconnaitre, se battre ainsi, contre plusieurs sorciers, avec des alliés à ses côtés, c’était une grande première. Soledad avait déjà participé à plusieurs missions avec l’Ordre du Phénix, il lui était déjà arrivé d’avoir à se battre pour se défendre, que ce soit avec la magie ou ses poings, c’était d’ailleurs à ça que servaient ses entrainements avec Théo. Mais à chaque fois ces missions n’avaient pas été de son propre chef, elle s’était contentée de suivre le mouvement et d’agir en conséquence. Cette fois c’était différent. C’était elle qui avait amorcé le mouvement en allant trouver Anjelica, et c’était de son plein gré qu’elle était allée de battre pour aider Jaeden. Les coups, elle les donnait et les recevait, mais cette fois c’était son choix. Enfin elle se passerait bien de recevoir des coups, mais vous avez compris l’idée.  

Et pour le coup, Soledad n’était pas mécontente d’avoir demandé à Théo de l’entrainer au combat aussi bien à la sorcière, qu’à la moldue. Ses mois d’entrainements portaient leurs fruits, la preuve, elle était parvenue à tenir tête à son adversaire, un sorcier qui faisait deux têtes de plus qu’elle. Quelques mois plus tôt ça lui aurait été clairement impossible, il aurait eu le dessus en moins de deux minutes, mais là ça n’avait pas été le cas. La mexicaine était parvenue à lui donner du fil à retordre jusqu’à ce qu’il la prenne en traitre et la prive de son oxygène. Heureusement, Anjelica avait été là pour lui filer un coup de main sinon la voyante ne doutait pas que l’issue aurait été fatale pour elle. Il fallait l’avouer, ces sorciers n’étaient pas des enfants de chœur. Soledad ignorait ce qu’ils faisaient là et pourquoi ils s’en étaient pris à Jaeden, mais ils semblaient décidés à mener le sorcier à sa perte. Ce que justement, les deux sorcières venaient pour empêcher. Alors après un instant pour reprendre ses esprits, et surtout son souffle, il était temps de repartir au combat. Sur les quatre hommes, un seul était à terre. L’un d’entre eux était introuvable, le second était aux prises avec Jaeden et celui qui avait voulu asphyxier Soledad se dirigeait vers eux. Oh, et comme si la situation n’était pas déjà assez désespérée, l’un d’eux avait décidé d’ériger un mur de flamme au beau milieu de l’entrepôt. Elles n’avaient pas de temps à perdre, alors après quelques mots échangés et un hochement de tête pour montrer à Anjelica qu’elle appréciait de savoir qu’elle pouvait compter sur elle -et qu’elle n’en doutait pas un seul instant- Soledad avait transplané pour couper l’avancée de son adversaire précédent. Il avait peut-être eu le dessus sur elle quelques minutes plus tôt mais cette fois-ci elle était bien décidée à ce que cela n’arrive plus. Ce ne fut pas une chose aisée mais elle parvint à avoir mettre le sorcier hors d’état de nuire. Le ligoter lui procura une sensation de satisfaction non négligeable, du moins jusqu’à ce qu’un sort vienne la frapper.

Le quatrième sorcier. Elle l’avait presque oublié celui-là, ou plutôt elle avait espéré qu’il ait choisi de prendre la fuite. Mais elle avait eu tort, il n’avait fait qu’attendre son heure et il l’avait finalement trouvé. Sans qu’elle ne puisse esquisser le moindre mouvement, Soledad fut soulevée dans les airs. Un cri de douleur s’échappa de sa gorge lorsqu’elle se retrouva aux prises avec les flammes. Elle roula aussitôt pour s’en éloigner mais le feu s’était déjà accroché à ses jambes et menaçait de faire des dégâts. Ou est Doryan quand on a besoin de lui ? Dans la panique, Soledad en oublia totalement la magie. Elle tapait sur les flammes pour les étouffer quand une trombe d’eau lui tomba dessus. Elle en hoqueta de surprise mais au moins ce fut efficace, dans un sifflement les flammes sur ses jambes s’étaient éteintes et le mur de feu non loin avait perdu en intensité. Toussant à cause du mélange de fumée et d’eau, la mexicaine ramena ses jambes à elle pour inspecter ses mollets, elle pouvait y sentir des débuts de brûlures mais ça n’avait pas l’air bien grave. Elle avait eu de la chance. De la chance d’avoir Anjelica pour veiller sur elle, car il ne faisait pas de doute que c’était l’italienne qui était intervenue. Quand elle se retourna, Soledad vit la jeune femme se jeter sur leur adversaire. La mexicaine serra sa baguette mais elle comprit vite qu’elle ne pourrait pas intervenir. Anjelica était accrochée au dos du sorcier, si elle tentait de lui lancer un sort elle risquait de la toucher, elle était donc réduite à assister à ce spectacle. Non loin, Jaeden était également aux prises avec le dernier sorcier restant et encore une fois Soledad ne pouvait rien faire. Jamais la sorcière ne s’était sentie aussi impuissante et ce fut une sensation qu’elle détesta aussitôt.

Enfin les sorciers ennemis tombèrent. Anjelica fut la première à venir à bout de son adversaire, il sombra dans l’inconscience et ils chutèrent tous les deux, ce qui poussa Soledad à se hâter vers la jeune femme pour l’aider. Mais à peine avait-elle commencé à se relever que l’adversaire de Jaeden sombrait à son tour. La mexicaine en aurait bien ressentit du soulagement si son ami ne s’était pas écroulé. « Jaeden ! » S’exclama-t-elle, paniquée. En trébuchant, elle précipita vers lui. La douleur dans ses membres manqua de la faire chuter mais elle s’efforça de l’ignorer, elle aurait tout le temps de s’inquiéter pour elle après. Son état n’était pas le plus préoccupant pour le moment. Lorsqu’elle arriva auprès de Jaeden, elle le tira pour le faire basculer sur le dos et passa une main juste sous son nez. Le soulagement l’envahie lorsqu’elle sentit sa respiration s’écraser contre sa peau. Elle leva les yeux vers Anje pour lui adresser un regard rassurant avant de se tourner de nouveau vers Jaeden. Il avait été amoché mais ne semblait avoir aucune blessure ouverte. Soledad n’était pas medicomage, mais il y avait au moins un sort qu’elle pouvait utiliser pour leur assurer un transplanage sûr vers une personne plus compétente. « Revigor. » Murmura-t-elle en pointant sa baguette sur Jaeden. Ca ne le soignerait pas, mais ça lui permettrait au moins de reprendre connaissance et de retrouver un peu d’énergie. Ceci fait, elle se laissa tomber au sol pour s’y assoir. Elle avait besoin de souffler, de faire une pause et surtout de faire le point sur ce qu’il venait de se passer. Elle passa une main dans ses cheveux trempés avant de lever ses prunelles vers Anjelica. « Ca va aller, il n’a pas l’air d’avoir quelque chose de grave, mais il faudrait quand même passer par Sainte Mangouste au cas où. » Lui souffla-t-elle. Dans quelques instants Jaeden rouvrirait les yeux, il souffrirait mais globalement il avait l’air d’aller plutôt bien. Du moins aussi bien que possible après de tels combats.

De nouveau, Soledad leva le nez vers Anjelica. Dire qu’à peine une heure plus tôt elles étaient de simples connaissances, ça lui semblait remonter à une éternité désormais. Clairement, combattre aux côtés de la sorcière, ça créait des liens. « Merci pour le coup de main. Jolie technique le transplanage, j’avais jamais vu ça… Ca va toi ? » Elle prit un peu plus de temps pour observer la sorcière. Elle aussi était amochée et semblait au bout du rouleau, mais après ce qu’il venait de se passer il n’y avait rien de plus normal. Et puis Soledad ne devait certainement pas être dans un meilleur état, sauf qu’en plus elle donnait l’impression d’avoir pris une douche toute habillée. Au moins elles n’avaient pas l’air de nécessiter de soins immédiats ou de souffrir de blessures graves. La mexicaine avait mal un peu partout à cause des coups qu’elle s’était reçu, son poignet droit était contusionné et ses jambes légèrement abîmées par les flammes, mais vu les circonstances elle s’estimait plutôt chanceuse. En tout cas plus que les quatre sorciers qui gisaient au sol, inconscients. Sainte Mangouste pourrait sûrement attendre un peu, du moins tant que l’adrénaline continuait de couler dans ses veines en l’empêchant de ressentir pleinement la douleur laissée par les combats. Mais d’abord il y avait des questions qui demandaient des réponses. Maintenant que le calme retombait sur l’entrepôt, Soledad prenait peu à peu conscience de la scène qu’elle venait de vivre. Elle avait vu le piège se refermer sur Jaeden, tout ça n’avait pas été le fruit du hasard. Avec Anjelica, elles s’étaient jetées dans la gueule du loup. L’énormité de ce qu’elle venait de faire et des risques qu’elle avait pris la frappa. Elle regarda autour d’elle, comme pour s’assurer que les sorciers étaient bien hors d’état de nuire avant de se retourner vers Anje. « C’est qui ces sorciers ? Il… Il se passe quoi ici ? » Les faux papiers, les hommes qui attendaient Jaeden… Anjelica avait prononcé un nom italien juste avant qu’elles partent et il lui avait semblé entendre un des hommes prononcer celui des Zabini. Non, clairement ça n’avait pas été un hasard. Et en fait, Soledad trouvait ça encore plus inquiétant. « Qu’est-ce qu… » Ses prunelles passèrent de Jaeden à Anjelica plusieurs fois. Par Merlin, mais qu’est-ce qu’il s’était passé exactement ici ? Dans quoi ses amis étaient embarqués ? Elle regarda encore une fois les hommes à terre, s’arrêtant une seconde sur celui qu’elle avait ligoté. Dans quel engrenage venait-elle de mettre le doigt ? « Il faut qu’on appelle des aurors, ou la police magique… Quelqu’un. » Après la peur et l’adrénaline des combats, c’était un autre sentiment qui venait la prendre à la gorge : l’appréhension. Il se passait quelque chose mais si elle peinait à en mesurer l’ampleur elle se doutait que c’était quelque chose d’énorme. Soledad se sentait complètement paumée, mais elle semblait bien être la seule.

Ciel, j’entrevoie un drame

Soledad ☽ ☾ Anjelica ☽ ☾ Jaeden

Leurs adversaires étaient tombés et eux, ils étaient encore debout, mal en point mais toujours debout. Même si elle s’entrainait aux combats depuis de longs mois maintenant, Soledad n’avait jamais vraiment imaginé avoir ce genre de pensées un jour, ou même tout simplement se retrouver dans ce genre de situation. D’ailleurs, elle ne voulait jamais s’y habituer. Ce n’était pas elle, elle n’était pas ainsi. Elle avait voulu apprendre à se battre afin de pouvoir prendre une part plus importante dans les actions de l’Ordre du Phénix, pour ne plus être la sorcière futile qui se cachait derrière son jeu de tarot pendant que les autres prenaient tous les risques, la situation avec les moldus avait fait qu’elle avait déjà dû se battre plusieurs fois contre certains représentants du Blood Circle, mais là la situation n’était absolument pas comparable. Auparavant quand elle se battait c’était pour une cause, pour la défendre et se défendre elle. Là elle s’était battue pour un ami, et ça lui laissait une impression complètement différente. Ce n’était pas contre une organisation, contre des idées qu’elle s’était battue, mais juste contre des hommes et ça elle doutait de l’oublier de sitôt. Dans l’action ça n’avait peut-être pas grand-chose de différent, mais dans les faits, ça n’avait rien à voir. Elle avait encore un peu de mal à croire ce qu’elle venait de vivre, il lui semblait que l’instant où elle s’était réveillée sur le sol de son salon suite à sa vision ne remontait qu’à quelques minutes à peine. Pourtant, les faits étaient là, elle se trouvait avec Anjelica dans un entrepôt vide avec Jaeden encore à moitié inconscient au sol et quatre sorciers qui gisaient à leurs pieds. Elle avait beau être voyante, Soledad n’aurait jamais pu voir ça venir.

Le seul point positif qu’elle voyait à tout ça, c’était qu’elles n’étaient pas arrivées trop tard. Ou plutôt, elles étaient arrivées juste à temps et elles avaient pu agir. Ce qu’il se serait passé si le troisième œil de Soledad ne lui avait pas imposé cette vision, elle ne voulait même pas y songer. Le plus important était qu’ils s’en sortaient tous les trois en plutôt bon état. Jaeden était encore un peu dans les vapes, mais la mexicaine ne lui avait pas vu de blessures réellement graves. Elle n’était pas médicomage mais l’absence de sang ou de plaie la rendait plutôt confiante, passer un examen serait sûrement plus sage mais en attendant ses jours n’étaient pas comptés. C’était avec cette certitude rassurante en tête qu’elle s’était tournée vers Anjelica pour s’enquérir de son état. L’italienne avait reçu quelques mauvais coups, mais elle s’était battue comme une lionne. Ca n’avait pas manqué d’impressionner la brune, surtout sa technique avec le transplanage. Soledad n’avait jamais rien vu de pareil et quand Anjelica lui affirma que ça surprenait même les meilleurs, elle voulait bien la croire. « Avec plaisir. » Répondit-elle à sa proposition, touchée de voir qu’elle était prête à partager sa spécialité avec elle. Vu comment ça l’avait aidé face à ses adversaires, Soledad se disait que ce serait une bonne carte à avoir dans sa manche. Elle n'était pas la meilleure des combattantes, elle le savait elle venait d'en avoir un aperçu face à des sorciers plus grands et plus forts qu'elle, mais ce genre de technique pouvait faire la différence. « Mes jambes sont un peu abîmées, mais ça n’a pas l’air trop grave alors on va dire que ça va. » Son atterrissage dans les flammes avait été plus impressionnant que dévastateur, heureusement et le sort d'Anje avait permis de limiter les dégâts, même si maintenant elle donnait l'impression d'avoir pris une douche toute habillée. D'ailleurs Soledad se saisit de sa baguette et entreprit de se sécher d'un sort, maintenant qu'il n'y avait plus de menace directe elle pouvait se permettre ce petit luxe. Aussitôt ses frissons diminuèrent.

Mais pas son inquiétude, alors que le calme était revenu dans l'entrepôt Soledad pouvait sentir que son cœur était loin de se calmer. Ce qu'elle venait de faire était en train de lui tomber dessus, et avec de nombreuses questions et appréhensions. Qui étaient ces hommes ? Qu’avaient-ils voulu à Jaeden ? Pourquoi ce piège ? Et surtout que faire maintenant ? Ce n'était plus la même peur, mais elle la rongeait tout de même. Ils devaient faire quelque chose, aller voir un médicomage pour se soigner, c'était une évidence, mais aussi prévenir les autorités. Jaeden avait été attaqué, des papiers du Conseil falsifiés, ce n'était pas rien. Ils ne pouvaient pas rester sans rien faire. Le cri d'Anjelica stoppa net Soledad dans sa spirale. Comment ça non ? Elle porta de grands yeux surpris sur l'italienne, soudainement réduite au silence tant elle ne comprenait pas ce qu’il était en train de se passer. Des hommes venaient d’attaquer Jaeden, ils ne pouvaient pas rester sans rien faire et dans ce genre de situation le mieux à faire était de prévenir la police magique. C’était ces sorciers là qui devaient gérer ça et tout mettre au clair. Mais apparemment Soledad était dans le faux, elle le voyait à l’expression d’Anjelica et aux regards qu’elle échangeait avec Jaeden alors qu’ils allumaient une cigarette. Comme si c’était le moment de s’en griller une tranquillement. Quand la Zabini demanda si elle était digne de confiance elle eut l’impression de se prendre une gifle. Elle fronça les sourcils, ouvrit la bouche pour protester mais ne parvint pas à dire quoi que ce soit. Au fond, elle était blessée que l’italienne ait besoin de poser une telle question. D’accord elles ne se connaissaient pas plus qu’une heure auparavant, mais tout de même. Par Merlin, c’était grâce à elle que son fiancé respirait toujours. Elle s’était battue à leurs côtés, avait risqué sa vie avec eux. Comment est-ce qu’on pouvait la remettre en cause de la sorte ?

En silence, Soledad observa l’échange qui avait l’air de se passer entre Jaeden et Anjelica. Quelque part, elle songeait qu’elle aurait dû dire quelque chose pour se défendre, n’importe quoi pour que la confiance qu’ils pouvaient placer en elle ne soit plus remise en question, mais elle ne voyait pas quoi dire qu’ils ne savaient déjà. Elle se résigna donc à garder le silence pendant que son sort se jouait entre les deux sorciers. Quand enfin Jaeden consentit à affirmer qu’elle était digne de confiance, elle se contenta de hocher la tête face à son regard chaleureux. Elle ne pouvait rien lui accorder de plus pour le moment, elle était trop paumée pour ça. Et elle avait raison de l’être car quand son ami continua, elle eut clairement l’impression de se tenir au bord d’une falaise. Il lui parlait d’un secret qui pouvait mettre sa vie en danger et soudainement elle eut le sentiment qu’elle avait mis le doigt dans un engrenage dont elle ne pourrait se défaire. Elle fronça les sourcils en entendant Jaeden parler de mission pour le Conseil, ce n’était pas la peine de tenter de la berner, elle savait que ces papiers étaient des faux et si Anjelica l’avait compris aussi alors ça devait également être son cas à lui. Il se reprit donc mais ça n’améliora en rien la situation. Quand le mot mafia fut prononcé, Soledad eut l’impression qu’il venait de lâcher une bombe. Elle se sentit pâlir et un faible « Quoi ? » s’échappa de ses lèvres. Elle devait avoir mal entendu, ce n’était pas possible, mais le regard qu’elle tourna vers Anjelica lui prouva que tout était bien réel. Alors que Jaeden continuait, la mexicaine sentit son cœur sombrer dans sa poitrine. Il parlait du garage et du bar qui servaient de couvertures, de courses de moto illégales, de transport de marchandise, de familles ennemies, de leurs affaires et de leurs dangers. Il expliquait tout ça avec un calme olympien et pendant ce temps Soledad sentait la crainte la ronger de plus en plus.

La mexicaine prit une profonde inspiration qui resta bloquée dans sa gorge, l’appréhension prenait toute la place. « Non. » Fut finalement le premier mot qui s’échappa de ses lèvres. Mais elle savait que ce n’était pas assez, que les deux sorciers attendaient plus d’elle. Pourtant c’était tout ce qu’elle parvenait à dire. « Non, non, non, non… » A mi-voix, murmuré plus pour elle-même que pour les autres. Soledad se prit la tête dans les mains, agrippant ses cheveux sans même y réfléchir. Elle tentait de faire le tri dans son esprit, de faire la part des choses, mais ce que venait de lui révéler Jaeden était trop gros pour qu’elle puisse se raisonner. Il lui parlait de mafia, elle venait d’affronter des membres d’une mafia. A cette pensée, la panique enfla un peu plus en elle, ça n’était pas possible. Ca ne pouvait pas être vrai. Jaeden connaissait son passé avec le Cartel de Juarez, il savait quel mal cette organisation avait fait à sa famille, il ne pouvait pas la mêler à tout ça, pas encore. Pourtant il était trop tard, son seul espoir était qu’il lui reste encore un semblant de choix. « Je… Je me débrouillerai pour me soigner, je connais des sorciers qui ne posent pas de questions à Neverland. Je dirai que je me suis brûlée avec un chaudron ou… Je ne sais pas, peu importe. » Voilà, c’était une bonne solution ça, au cirque personne ne posait jamais de questions gênantes et n’attendait de réponse. Ce n’était pas une proposition parfaite, mais c’était raisonnable. Si Anjelica et Jaeden en voulaient la preuve ils pouvaient même l’accompagner, au moins comme ça ils seraient tranquilles. Néanmoins l’idée qu’ils puissent douter d’elle et de son silence continuait de lui tordre les entrailles. « Je ne dirai rien. Jamais. A personne. Je vous le promets. » Reprit-elle en relavant la tête pour regarder les deux sorciers. Elle était une personne de confiance, elle savait garder sa langue -n’est-ce pas Kesa ?- ils devaient le comprendre. Mais que pouvait-elle faire de plus pour les convaincre ? Elle n’avait que sa parole et soudainement, elle n’était pas sûre que ça soit assez. Ils étaient tous les deux membres d’une organisation mafieuse et elle venait seulement de l’apprendre, au fond connaissait-elle réellement Jaeden ? « Vous pouvez me faire confiance. » Affirma-t-elle avec toute la conviction dont elle était capable en cet instant. Elle plongea ses prunelles dans celles d’Anjelica quelques secondes avant de se tourner vers son ami de longue date. « Jaeden tu sais que vous pouvez avoir confiance en moi. » L’accent suppliant dans sa voix la fit grimacer. Ils se connaissaient depuis longtemps, il ne pouvait tout de même pas douter d’elle. Quand elle donnait sa parole, ce n’était jamais des mots en l’air. « Je… Je peux pas être mêlée à ça Jaeden. Oh Dios pas encore… » Elle avait voulu sauver Jaeden, elle n’avait pas songé un seul instant que quelque chose de si gros l’attendait au tournant.

Ciel, j’entrevoie un drame

Soledad ☽ ☾ Anjelica ☽ ☾ Jaeden

En venant au secours Jaeden, Soledad n’avait pas imaginé un seul instant tout ce qu’il pourrait se passer. Comme à chaque fois qu’elle en était victime, sa vision avait été aussi brève que brutale. Son don ne s’embarrassait pas de détails, ni d’avertissements. Ni même de temps pour se poser et réfléchir à ce que signifiait réellement les images qui l’avaient assaillies. Elle avait vu son ami en danger et elle avait agi, ça s’arrêtait là. Aller chercher de l’aide, aider Jaeden, faire quelque chose, quoi que ce soit, ça avait été ça le plus important, pas ce qu’il pouvait se passer ensuite. Pourtant, maintenant qu’elle y était confrontée, Soledad comprenait que la suite des évènements avait elle aussi toute son importance. Dès l’instant où Anjelica refusa qu’ils se rendent à Sainte Mangouste ou qu’ils préviennent la police magique, la mexicaine comprit que quelque chose de beaucoup plus gros se jouait. Avec une angoisse grandissante, elle écouta Jaeden lui parler de mafia et de familles ennemies. Anje et lui faisaient partie de la Cosa Nostra, la famille Zabini en était même à la tête. Soledad était une sorcière, elle était née avec le troisième œil, elle était habituée à ne pas faire les choses comme les autres, et pourtant en cet instant elle eut l’impression de basculer dans un autre monde. Soudain, des dangers nouveaux se dressaient sur sa route, plus rien n’était sûr, plus rien n’était acquis. Pour la deuxième fois de sa vie, elle se retrouvait mêlée à une organisation plus grande qu’elle, plus importante que tout ce qu’elle connaissait. Et c’était terrifiant. Car elle ne pouvait oublier comment cela s’était finir, la première fois que ça avait eu lieu, lorsque le Cartel de Juarez avait abattu ses foudres sur Luis Velasquez. Elle ne pouvait revivre ça, c’était la seule chose dont elle était absolument certaine en cet instant. Soledad ne pouvait pas se retrouver de nouveau mêlée à ce type d’affaire, c’était au dessus de ses forces. Inconcevable.

Ce fut ce dont elle s’efforça de convaincre Anjelica et Jaeden. Sa voix trahissant une panique chaque seconde plus grande, elle leur assura qu’ils pouvaient avoir confiance en elle, qu’elle ne dirait rien. La Cosa Nostra serait son secret et jamais elle n’en dirait mot. Elle savait que son ami lui accorderait sa confiance, ils se connaissaient depuis assez longtemps pour ça, mais qu’en serait-il d’Anjelica ? Elles se connaissaient peu, elle l’avait suivi lorsqu’elle l’avait prévenue pour Jaeden, elles s’étaient battues cote à cote, mais était-ce vraiment suffisant ? Soledad ne pouvait blâmer l’italienne de douter, mais en même temps cette idée n’était pas pour la rassurer. Car si elle décidait qu’elle n’était pas digne de leur confiance, alors que se passerait-il ? Dans un silence qu’elle trouvait insupportablement lourd, la mexicaine observa l’échange silencieux entre Anjelica et Jaeden, consciente que la moindre interruption de sa part pourrait tout envenimer. Voir son destin se jouer juste sous ses yeux était loin d’être aisé mais elle n’avait guère le choix. Lorsque la sorcière se tourna vers elle, elle se redressa machinalement sans un mot, comme pour encaisser ce qui allait suivre. Finalement Anje la remercia et Soledad eut tout juste le temps de lui adresser un faible sourire accompagné d’un hochement de tête avant qu’elle ne transplane. Désormais seule avec Jaeden, ce fut vers lui que Sol tourna ses prunelles ombragées. Il la croyait lui, n'est-ce pas ? Il savait qu’il pouvait avoir confiance en elle. « Bien sûr que je le sais, ne t’en fais pas d’accord ? » Elle s’accrocha à son regard, à ses mains posées sur ses épaules, à sa voix rassurante. Tout pour oublier la crainte de voir sa vie basculer une fois de plus, s’éloigner de la sensation qu’il était déjà trop tard.

« Restes-là le temps que je… Que je m’occupe de tout ça. » La voyante se contenta de hocher la tête. Elle ignorait ce que s’occuper de tout voulait dire exactement, si dans le langage d’une mafia c’était différent de pour le reste des sorciers -certainement d’ailleurs- mais elle ne voulait pas le savoir. Elle laissa donc Jaeden s’éloigner, s’efforçant de poser son regard partout sauf sur les sorciers qui gisaient au sol, attachés. Elle ne se demanda pas ce qu’il allait leur arriver maintenant, ce n’était pas entre ses mains, elle n’avait pas son mot à dire. Et de toute façon, ça non plus elle ne voulait surtout pas le savoir. Il était inutile qu’elle se torture avec ça, elle avait bien assez de problèmes en cet instant. « Neverland alors ? Je t’accompagne. Et pas parce que je veux m’assurer que tu ne dises rien, je veux juste être sûr que tu es entre de bonnes mains. Je suis… Tellement désolé Sol… Je ne voulais pas que tu te retrouves dans cette histoire, j’ai toujours fais attention à t’en tenir éloigné… » Soledad laissa ses prunelles rencontrer celles de son ami. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle ignorait quoi faire de ses excuses. Il connaissait son passé avec le Cartel de Juarez, il savait quel mal l’organisation avait fait à sa famille, quels traumatismes ça lui avait laissé, jamais elle n’aurait dû se retrouver mêlée à ça. Et en même temps, elle restait consciente qu’il l’avait volontairement tenu à l’écart pour son bien et que si elle se retrouvait là c’était à cause de sa vision. Que sans ça, elle n’aurait pas pu l’aider et il ne serait peut-être plus là. Lui non plus n’avait certainement rien voulu de tout ça, il n’y était pour rien. Mais c’était ainsi désormais. « Je peux me débrouiller. » Souffla-t-elle malgré les dires du sorcier. En temps normal, elle se serait tournée vers Théo pour la soigner, mais ces instants n’avaient rien de normal. Théo poserait des questions, elle le savait, tout comme elle savait qu’il refuserait d’accepter le silence de sa part, or il était hors de question qu’elle mêle son meilleur ami à toutes ces histoires. Neverland était donc la meilleure solution. Elle connaissait le cirque comme sa poche, elle savait vers qui se tourner en toute confiance -du moins pour la soigner et ne pas poser trop de questions. Ses blessures n’étaient pas graves, elle n’avait pas besoin d’aller à Sainte Mangouste, et au cirque elle savait que ses explications, même bancales, seraient acceptées. Voire même pas demandées. Soledad pouvait s’y rendre seule, mais si Jaeden tenait à venir -pour les raisons qu’il voulait- elle n’allait pas l’en empêcher. Se battre contre les sorciers l’avaient épuisé et la douleur de ses blessures commençait à s’imposer à elle, elle n’était pas en état de batailler.

Se rendre à Neverland et essayer de laisser tout ça derrière elle, c’était la seule chose à faire aux yeux de Soledad, mais apparemment, Jaeden ne voyait pas les choses comme elle. « Je veux te laisser le choix, je peux faire en sorte que tu ne te rappelles pas de tout ça si tu préfères, je ne le ferais pas si tu ne veux pas, mais je comprendrais si… » La mexicaine ouvrit de grands yeux surpris. L’espace d’un instant, elle pensa avoir mal entendu mais l’air qui se peignait sur le visage de Jaeden l’en dissuada. Il était sérieux, il lui proposait réellement de lui effacer la mémoire. Incrédule, et avec le sentiment d’être mise au pied du mur, Soledad se retrouva incapable de répondre. Sans rien dire, elle laissa son ami lui prendre la main et les faire transplaner jusqu’à l’entrée de Neverland. Une fois à l’air libre, et face à cet univers qu’elle connaissait s’y bien, Soledad se sentit déjà un peu mieux. « Ou est cette personne qui peut t’aider ? » Scrutant les allées du cirque, elle prit le temps de réfléchir. A Neverland, la plupart des sorciers allaient et venaient, il n’était donc pas vraiment assuré d’y trouver la personne que l’on cherchait. Cependant, il y en avait certains qui semblaient s’être établis dans le cirque et s’y trouvaient depuis des années, un peu comme elle d’ailleurs. Elle passa en revue ces sorciers-là, ceux qu’elle connaissait le mieux et en qui elle savait qu’elle pouvait faire confiance. « La caravane de Watkins est un peu plus loin par là. Il sait ce qu’il fait, et il n’est pas bavard. » Lança-t-elle finalement en désignant un chemin qui bifurquait à gauche. En fait, le sorcier était même tout l’inverse de bavard et c’était tant mieux. C’était exactement ce qu’il fallait.

Tout en parcourant les allées jusqu’au repère de Watkins, Soledad s’efforça se faire le tri dans ses pensées et de calmer la peur qui circulait toujours dans ses veines. C’était bien plus facile à dire qu’à faire et pour une fois, elle devait admettre que la présence de Jaeden à ses côtés ne l’aidait pas vraiment. « Si tu… décide de dire non à ma proposition de tout à l’heure et si tu souhaites en discuter sache qu’il n’y a pas de soucis non plus, même si tu te doutes bien que je ne pourrais pas entrer dans les détails. » En discuter ? Soledad eut du mal à l’imaginer. Comment cela allait-il se passer ? Allaient-ils se poser dans son canapé chez elle, et discuter mafia, organisations illégales et familles ennemies tout en buvant un verre de vin ? C’était impensable. Cette fois, Soledad n’eut pas besoin de réfléchir. Aux paroles de Jaeden, la réponse était simple et parfaitement claire dans sa tête. En fait, elle s’imposait à elle comme instinctivement. « Non. » C’était la seule réponse possible. Elle secoua la tête pour bien montrer sa décision. « Je ne veux pas en parler, je ne veux rien savoir de plus. » Décréta-t-elle aussitôt. Ca au moins elle en était sûre. Le moins elle en savait, le mieux ce serait. Son expérience avec le Cartel avait fait assez de dégât comme ça, et encore à l’époque c’était son père qui s’y était retrouvé mêlé et non elle, il était inimaginable que quelque chose de similaire recommence. « Je suis sérieuse Jaeden, je ne veux pas être mêlée à tout ça, c’est… C’est trop. Mais je… J’ai besoin de réfléchir. » En disant cela, elle englobait aussi sa proposition précédente de lui lancer un sortilège d’oubliette. L’idée était tentante, mais Soledad préférait se montrer prudente. Elle ne pouvait pas prendre une telle décision sous le coup de l’émotion, elle avait besoin d’y réfléchir. De retrouver un peu de calme et de faire la part des choses. Seulement à ce moment là pourra-t-elle prendre une décision. « C’est là. » Souffla-t-elle finalement, alors qu’ils approchaient de la caravane de Watkins. Soledad aurait peut-être dû se sentir soulagée à l’idée de voir la douleur disparaitre, mais il n’en était rien. La tempête dans son crâne prenait toute la place. Si une chose était sûre, c’était que quand il était question de mafia, rien n’était sans conséquence.