Tu avais longtemps cherché cet instant où tu pourrais enfin renouer avec Alexander. Il fallait reconnaître que tu n’avais pas cessé d’aller à sa rencontre sur son lieu de travail alors que tu l’avais retrouvé après toutes ces longues recherches que tu avais effecttué. La tâche n’avait pas été aisée. Tu avais fait face à un mur jusqu’à cette ultime fois. Cette dernière tentative où tu avais décidé de donner le tout pour le tout. Plus obstinée que jamais, tu avais donc posé cet ultimatum, voulant savoir les raisons qui le poussaient à te rejeter et alors, tu le laisserais tranquille pour de bon. Etrangement, de fil en aiguille, tu étais parvenu à échanger avec lui, à comprendre pourquoi il avait soudainement disparu et quelles horreurs qui lui étaient arrivées. Et puis une forme d’engagement : apprendre à se connaître à nouveau. Tu n’avais pas réellement conscience des changements qui avaient pu transformer cet ami que tu avais depuis toujours. Tu savais qu’après de telles épreuves, on n’en sortait pas indemne. A quel point était-il différent ? Pourquoi était-il si effrayé de montrer ce nouveau visage ? Il y avait bien sûr des tas de questions qui traversaient ton esprit, mais dans le fond, à chaque fois que tu te retournais le cerveau, tu balayais le tout d’un revers de la main. La réponse était indéniablement la même : tu te fichais de tout cela. Tu voulais juste être présente pour lui. Etre cette amie, celle qu’il avait toujours eue alors que vous n’étiez que des enfants. C’était une amitié si rare et précieuse à tes yeux. Une où le jugement n’avait jamais eu sa place. Il se fichait de ton don que tu portais comme un fardeau, de ton sang-mêlé, de ton accent quand tu es arrivée en Angleterre et des fautes que tu faisais… Quant à toi, tu te fichais bien qu’il soit un cracmol. Petite, tu t’étais accrochée à lui comme une sangsue parce que tu l’aimais tout simplement. Ces sentiments, cette osmose, elle ne s’était jamais estompée avec le temps alors que vous aviez grandi pouvant être vous même sans avoir à réfléchir.


Est-ce que tu étais nerveuse de le revoir ce soir ? Peut-être un peu. Tu lui avais laissé de l’espace, ne voulant pas passer pour une harceleuse, le faisant changer d’avis par la même occasion. Et étonnamment, il t’avait recontacté et tu avais ressenti une certaine vague de joie à ce qu’il fasse la démarche. Y croyait-il un peu finalement pour venir vers toi ? Tu t’étais empressée d’accepter. Est-ce que le fait d’être seule à cette table et qu’il soit en retard ajoute une couche à ta nervosité ? Certainement. Et s’il avait changé d’avis ? Le regard de la serveuse te balayait de temps à autre. Tu étais assise, ne consommais rien. Tu ne l’intéressais pas et lui faisais perdre d'éventuels pourboires en somme. Tu fis mine de te plonger dans une lecture passionnante sur ton téléphone alors qu’en réalité, tu guettais un sms de la part de Xander, mais rien. Tandis que tu finis par déverrouiller l’écran, tu vois deux pintes arriver sur la table, relève le visage, tes prunelles se glissant dans celle de ton ami. Un sourire franc, heureux et presque soulagé se dessine sur tes lippes. Tu aperçois ses traits marqués par la fatigue et certainement bien d’autres substances et cela t’inquiète, mais tu étouffes ces idées dans un coin de ton esprit. « Xa… Alexander ! » L’accueilles-tu, la voix enjouée, ripant sur ce surnom dont tu l’avais toujours affublé. Tu penches légèrement la tête sur le côté tandis qu’il te remercie d’être venue. « Merci de m’avoir invitée. » Sa démarche t’a réellement touchée. Un sourire étire tes lèvres alors qu’il dit que la première tournée est pour lui. La bière, tu peux gérer… Deux ou trois. Tu n’es plus vraiment habituée à boire. La dernière fois que tu l’as fait avec Maxime, une entité s’est directement nichée dans ta carcasse.

Il tente doucement de faire la discussion, mais sa phrase reste en suspend. Tu l’observes alors qu’il baisse ses yeux vers sa pinte avant qu’il ne s’explique. Ton regard se fait malicieux, ta voix vient le taquiner. « Parce que tu l’as été un jour ? » Il te demande alors de lui parler de toi et de ce que tu es devenue quand il a disparu… Lui raconter ta vie pendant que lui était en train de se faire torturer ? Cela te semble presque indélicat. « Avant toute chose… » Tu attrapes ton verre et le lèves afin de trinquer avec lui. Le tintement résonne doucement alors que les boissons s’entrechoquent. « A nous ! » Tu prends une première gorgée bien fraîche de l’alcool avant de la reposer sur la table qui vous sépare. Tu fais mine de réfléchir. « Côté bonnes nouvelles, j’ai enfin un cabinet à mon compte. Je suis toujours rattachée au Ministère pour quelques affaires, mais j’ai l’intention d’y mettre un terme. » Oui, une chose n’a pas changé, tu restes cette nana sérieuse, qui passe beaucoup de temps à bosser. Pire à présent que tu ne bois plus pour limiter les dégâts fantomatiques. Xander connaît celle qui faisait la fête malgré tout… « Oh et j’ai un mec ! Un qui me supporte depuis quelques mois déjà. » Ca aussi c’est tout toi. Tu parles boulot avant plaisir. C’est ce qui a brisé la plupart de tes relations. Il faut dire que depuis Tobias, tu t’étais forgé une carapace bien solide. « Côté moins drôle… Je serais certainement incapable de picoler autant que toi. A cause de mes copains invisibles… » C’est compliqué de résumer sa vie en quelques secondes. Tu hésites avant de lui demander : « Et toi ? Qu’est-ce que tu as fait depuis que tu es… revenu ? »