Nous étions proche du mois de Février et les festivités du Nouvel an étaient terminées depuis presque un mois. Avec mon compagnon nous n'avions pas fait d'excès de table, d'abord parce que je ne pouvais prendre le risque d'être malade puisque dès le 2 janvier je travaillais et ensuite, je n'avais pas posé de jour de congés à cette occasion. Inutile de vous dire que, à la maison, ça avait été la soupe à la grimace. Je sais bien que j'avais un peu abusé, j'aurais pu prendre quelques jours que l'on aurait passé ensemble, mais il y a certains automatismes dont je n'arrive pas encore à me défaire malgré le temps que dure notre relation. Il est patient avec moi, mais il ne faudrait pas que j'arrive aux limites de sa patience. Je ne voudrais pas le perdre, je l'aime sincèrement.


Je regardais le dernier exemplaire de Sorcière Hebdo que j'avais entre les mains et les nouvelles n'étaient véritablement pas bonnes.  Mon cabinet ne désemplissait pas tant les gens étaient effrayés et tendus. Ils venaient chercher ici une forme de réconfort, comme si le fait de se décharger de leurs problèmes quotidien éloignait d'eux le spectre de la guerre qui se rapprochait pourtant à grands pas. Je les comprenais bien sûr, mais j'étais une de ces professions où, paradoxalement, on ne se réjouissait pas d'un afflux soudain de clientèle.  J'avais une clientèle qui s'était construite au fil du temps, cela faisait tout de même quinze ans que j'exerçais tout seul, et normalement, je ne devrais plus accepter de nouveaux patients, mais l'époque que nous vivions était telle que je ne pouvais décemment pas fermer ma porte à ceux qui venaient chercher de l'aide auprès de moi, je n'ai jamais agis ainsi et ce n'était pas aujourd'hui que cela commencerait.

Refermant le journal, je pris la lettre que je venais de recevoir par hibou de la part de mon compagnon. Il m'informait qu'il ne serait pas à la maison ce soir, je dînerai donc seul. Une petite moue s'afficha sur mon visage. Je savais bien que ces derniers temps je l'avais négligé et il me le montrait ainsi, j'allais donc devoir me passer de sa présence pendant quelques jours. Il devrait pourtant comprendre que cette fois-ci, je n'y pouvais rien, je ne pouvais pas mettre mes patients à la porte à 17h en décrétant que ma journée était terminée et que je devais rentrer chez moi sinon mon compagnon se sentirait trop délaissé.  Il me restait encore un peu de temps avant ma prochaine patiente, je me suis donc plongé dans la lecture d'un chapitre d'un livre que j'étais actuellement en train d'étudier. Il traitait de l'hypnose régressive, une manière que les moldus utilisaient pour faire aux gens se rappeler leurs souvenirs enfouis au plus profond d'eux-même. Un peu comme ce que je faisais avec la Legilimencie en fait, mais leur méthode était plus longue et ne fonctionnait pas forcément sur tout le monde, contrairement à la mienne. Parfois il y a certains patients sur lesquels j'aimerai essayer cette méthode, mais comme ils ne sont pas d'accord, je ne le fais pas et c'est très frustrant. Enfin, c'est leur choix et je ne peux pas aller contre.

Le tintement de mon horloge m'indique que l'heure de mon prochain rendez-vous est arrivée. Je me lève donc de mon fauteuil et me dirige vers la salle d'attente pour aller chercher ma patiente.

- Miss Macmillan ? C'est à vous.

Je menais donc Sélénya vers mon bureau. Une fois la porte refermée, je pris place dans mon fauteuil et m'adressais à ma patiente avec un sourire avenant.

- Cela fait un petit moment que nous ne nous sommes pas vu. Comment allez-vous Sélénya ?

Un psychomage se doit de conserver une certaine "neutralité" à l'égard de ses patients, il ne devrait pas être touché par une histoire plus que par une autre, pourtant...pourtant avec Sélénya Macmillan, je n'ai pas pu m'en empêcher. Cette jeune fille m'émeut. Je me souviens encore de sa première séance ici. Comme beaucoup d'autres avant elle, elle se demandait ce qu'elle faisait là, à quoi cela pourrait bien lui servir de parler régulièrement pendant une heure à un inconnu. Il a fallu que je me montre très patient avec elle, pendant nos premières séances, elle ne décrispait presque pas la mâchoire, j'entendais rarement le son de sa voix, mais petit à petit elle a vu qu'elle pouvait me faire confiance et elle a commencé à se confier à moi. Oh bien sûr, je sais qu'elle a encore quelques parts d'ombre, mais chaque "révélation" qu'elle me fait est une petite victoire, une avancée positive sur le chemin de la guérison. Chaque séance avec elle était différente, parfois elle parlait pendant toute l'heure, mais parfois elle se contentait de quelques phrases sur ce qui l'amenait vraiment ici et finissait la séance en me parlant d'autres sujets un peu plus anodins.

Nous étions donc entré dans mon cabinet. En général, je faisais en sorte que mes patients ne se croisent pas entre eux, j'agissais ainsi pour conserver leur intimité. Aller chez un psychomage peut parfois avoir une connotation particulière et certains ne sont pas vraiment prêts à l'assumer en face de leurs amis ou des membres de leur famille, alors j'espaçais toujours mes rendez-vous pour être sûr de ne pas avoir deux patients en même temps dans ma salle d'attente. Bien sûr cela m'obligeait à m'occuper du côté "administratif" de mon métier uniquement le soir après mes consultations, mais ce n'était pas très grave. C'était pour cela que je rentrais du travail toujours à des heures impossibles. Au début où Darren et moi avons habité ensemble, il m'en a fallu du temps pour lui faire comprendre pourquoi je ne pouvais pas agir autrement. Enfin aujourd'hui ce point-là n'est plus sujet à discussions entre nous et c'est tant mieux, nous en avons bien d'autres.

Bien sûr, à peine installés, j'avais demandé à Sélénya comment elle allait. Je savais déjà la réponse naturellement, mais c'était presque un rituel auquel il ne fallait pas transiger. J'avais hoché la tête quand elle me répondit qu'elle avait connu mieux. Un petit sourire se dessina sur mes lèvres lorsqu'elle me demanda comment j'allais. Il n'est pas interdit de poser ce genre de question à son psychomage, mais elle n'était pas spécialement utile.

- Je vais bien, je vous remercie. J'ai un nouveau hibou, Poséidon, que m'a offert mon compagnon. C'est gentil de sa part, vous ne trouvez pas ?

Nous n'étions pas là pour parler de Poséidon bien sûr, aussi je fus heureux quand Sélénya enchaîna en répondant un peu plus précisément à ma question. Je savais qu'elle voyait un jeune homme en ce moment, mais jamais elle ne m'avait révélé son identité. Tout ce que je pouvais constater en tous cas, c'était que ce garçon semblait bénéfique pour elle, il la rendait plus heureuse.

- Je me souviens en effet que vous m'aviez parlé du fait que vous voyiez un garçon. Il semblait plutôt bénéfique pour vous si je ne m'abuse.

Je pris une petite pause avant d'enchaîner.

- Concernant la réaction de vos parents....est-ce qu'elle vous a surprise ? Ne vous attendiez-vous pas un peu à ce qu'ils réagissent de la sorte ? Qu'avez-vous ressenti exactement ?

Je me doutais bien que Miss Macmillan ne se serait pas contenté d’avoir le nom de mon hibou. Elle semblait passionnée par les animaux. En même temps, quand on savait les études qu’elle suivait, il n’y avait rien d’étonnant à cela. J’eus un sourire amusé devant l’excitation qui semblait la gagner, néanmoins, cela ne me faisait pas perdre de vu mon objectif premier qui était de la faire se confier sur ses problèmes, il n’y avait cependant aucun mal à ce que je lui parle de Poséidon.

- Merci. Si j’avais laissé le mon compagnon choisir le nom, le pauvre animal se serait retrouvé affublé d’un patronyme tel que « Tartine beurrée » ou bien « Tasse à café ». Un peu original j’en conviens, mais je préférais rester dans le classique.

Elle enchaîna ensuite en me demandant un peu plus d’informations sur Poséidon. Je me levais de mon siège et attrapais mon portefeuille duquel je sorti une photo de mon hibou. Ne me demandez pas pourquoi j’avais une photo de mon hibou. Je vous rassure, il n’est pas seul sur le cliché, j’avais pris cette photo parce que Poséidon s’était juché sur l’épaule de Darren et qu’il n’avait pas voulu en partir, j’avais trouvé cela amusant, peu importait les tentatives de Darren pour le faire partir, l’animal était resté accroché à son épaule pendant un peu plus d’une heure. Je tendis la photo à Sélénya.

- Tenez, regardez, c’est un Grand Duc du Cap. Ce jour-là, il avait trouvé un perchoir à son goût et il ne l’a pas quitté avant une bonne heure malgré tous les efforts déployés.

J’attendais qu’elle me rende ma photo et, lorsque ce fut le cas, j’allais directement la ranger dans mon portefeuille puis je revins m’installer face à Sélénya. Je l’écoutais attentivement me parler de cet homme qui est entré dans sa vie. Si jusqu’à présent j’en avais ignoré l’identité, ce n’était plus le cas maintenant puisqu’elle me donna son nom. Théo Greengrass. Effectivement, je pouvais comprendre pourquoi sa famille avait pu avoir une réaction assez vive. Il ne m’appartenait pas de juger les fréquentations de mes patients, je n’avais aucune légitimité à cela, je pouvais évidemment tenter de leur faire comprendre qu’ils devraient peut-être envisager l’éventualité de reconsidérer une relation destructrice, mais il ne semblerait pas que Monsieur Greengrass soit dangereux pour ma patiente. En tous cas, je pouvais voir qu’elle en parlait en des termes élogieux depuis le départ et ne semblait pas sous la contrainte d’un sort ou quoi que ce soit d’autre.

- Monsieur Greengrass donc ? Très bien.

Je la laissais ensuite poursuivre sans l’interrompre, prenant de temps en temps quelques notes. Lorsqu’elle eut fini de parler, je restais un petit moment sans rien dire, puis je me décidais à prendre la parole.

- Arrêtez-moi si je me trompe, mais j’ai l’impression que peu importe l’identité de votre petit ami, vos parents n’auraient pas forcément bien réagi ? Le fait que ce soit Monsieur Greengrass n’a, certes, pas dû aider, mais si cela avait été quelqu’un d’autre, pensez-vous que leur réaction aurait été différente ? Pensez-vous qu’ils auraient mieux accepté de vous voir avec quelqu’un ?

le hibou de Angus:

D’ordinaire, un psychomage n’est pas censé parler de sa vie, il est là pour écouter ses patients, les conseiller, mais cela ne peut pas faire de mal, de temps en temps, de se dévoiler un peu, surtout que là c’étaient des détails tout à fait anodins et puis cela permettait souvent au patient en question de se sentir un peu plus à l’aise avec son praticien, comme si la barrière qui les séparait s’amenuisait un peu avec ces révélations et il devenait ainsi un peu plus enclin à se confier lui-même. En montrant la photo de Poséidon à Miss Macmillan, je ne dévoilais pas une grande part de mon intimité, c’était un sujet très courant que de parler d’un animal. Le mien avait choisi un perchoir plutôt original pour cette photo, c’était ce qui la rendait plutôt amusante, enfin de mon point de vue.

Je souris à Sélénya lorsqu’elle me parla de Poséidon, je hochais également la tête quand elle fit référence au « perchoir », je me souviens de la difficulté que nous avions eu à le déloger de là. Darren commençait à croire qu’il ne réussirait jamais à retrouver son épaule, qu’il devra se promener avec l’animal toujours sur lui. J’avais beau lui présenter toutes les friandises possibles, Poséidon ne bougeait pas, comme s’il était accroché à Darren par une force mystérieuse.

- Merci. Effectivement et je peux vous assurer que ledit perchoir était loin d’être ravi. On a tout tenté pour déloger Poséidon, mais il n’y avait rien à faire.

Ensuite nous étions revenu à une conversation un peu plus professionnelle, Sélénya m’expliquant ce qui n’allait pas en ce moment pour elle, à savoir la réaction de ses parents quand elle leur a annoncé qu’elle avait un petit ami. Il est bien évident que l’identité du petit ami en question et son âge étaient les principaux problèmes à leurs yeux, mais quelque chose me disait qu’il n’y avait pas que cela. Les parents avaient souvent du mal à voir leurs enfants grandir. Cela durait un temps, et puis ils se faisaient une raison, mais c’était quelque chose que j’avais l’habitude de voir.

- Il est certain que votre différence d’âge et son identité n’ont pas joué en sa faveur, mais je ne suis pas certain que cela soit le fond du problème.

Je pris quelques notes et relevais le regard pour accrocher celui de ma patiente.

- Ce n’est qu’une théorie bien sûr, mais il arrive souvent que les parents se sentent un peu dépassé quand leurs enfants grandissent et quelle meilleure preuve de cette évolution que de leur présenter un futur partenaire. Je ne veux pas dire que vous allez forcément « publier les bans » avec Monsieur Greengrass, mais parfois, le cerveau humain, et plus encore le cerveau parental, est prompt a accélérer les choses.

Je penchais un peu la tête sur le côté, réfléchissant aux mots que j’allais employer.

- Il serait peut-être intéressant que vous tentiez de savoir auprès d’eux si cela aurait changé quelque chose si votre petit ami avait un autre âge...ou une autre identité ? A moins bien sûr que vous ne souhaitiez plus aborder ce sujet avec eux pour le moment, ce qui serait très compréhensible.

Ma curiosité professionnelle me poussa à lui poser une autre question.

- Et Monsieur Greengrass, comment a-t-il réagi à tout cela ? Avait-il anticipé cette réaction ?

Je savais pertinemment que c’était Sélénya qui venait me voir en consultation et que donc c’était sa réaction, ses ressentis qui étaient importants, mais c’était intéressant de savoir comment le petit ami de ma patiente, qui était tout de même le premier concerné puisque c’était lui qui avait suscité cette réaction, avait réagi à son tour.

- Quoi qu’il en soit, il faut laisser un peu de temps à vos parents pour « digérer » la chose, même si vous pensez aujourd’hui que cela semble impossible, vous pourriez peut-être être surprise.

Annoncer à ses parents qu’on était en couple n’était pas quelque chose d’anodin, surtout pour une jeune fille et leur présenter le petit ami en question relevait parfois de l’exploit sans compter lorsque le petit ami concerné avait toutes les « chances » de déplaire et c’était exactement ce qu’il s’était produit pour Selenya. De par mon métier, je ne devais rien révéler de ce qui se disait ici, de même que je n’avais pas à porter de jugement sur ce que j’entendais, je ne le faisais donc pas, mais je ne pouvais pas rester sans réponse face à toutes ces informations. Et puis, poser des questions n’est pas signe de curiosité mal placée ou bien d’indiscrétion, surtout dans mon métier. Il fallait mieux être un psychomage qui posait des questions et s’intéressait à ce que vous disiez plutôt qu’un psychomage qui vous écoutait vaguement parler tout en faisant sa liste de courses pour la semaine. Ainsi donc, j’avais demandé à Sélénya de voir avec ses parents si c’était vraiment l’âge et l’identité de son petit ami qui avaient posé problème ou pas. J’écoutais attentivement sa réponse sans l’interrompre un seul instant.

- Je vois, cela n’a pas dû être facile pour vous, j’en conviens.

J’avais ensuite enchaîné en demandant si son compagnon avait anticipé cette réaction, sachant ce qu’il pouvait causer comme problème, sans le vouloir, bien sûr.

- Bien sûr, c’est humain d’être optimiste et de se dire que peut-être cela se passera bien. La réaction de vos amis vous a aidé à rester positif et vous a donné le courage de l’annoncer à vos parents. Je pense que si vous avez d’abord annoncé votre relation à vos amis plutôt qu’à vos parents, en dehors du fait qu’on est toujours plus proche de ses amis que de ses parents, ce n’est pas anodin, vous n’en avez pas forcément conscience, mais si l’inverse s’était produit, vous auriez été échaudé par la réaction de vos parents et auriez sans doute eu beaucoup plus de mal à « assumer » votre relation aux yeux des autres. Là, comme vous savez que vos amis sont de votre côté, même si le rejet de vos parents vous fait mal, vous savez que vous n’avez pas de honte à avoir quant à votre liaison.

Je tendis un mouchoir à Selenya en voyant la larme qui coulait sur sa joue.

- Le plus important, Miss Macmillan, c’est que vous et Monsieur Greengrass soyez soudé face à l’adversité. C’était très noble de la part de votre compagnon de vouloir s’effacer, cela montre qu’il tient véritablement à vous. Quoi qu’il en soit, même si la réaction de vos parents a été celle qu’elle a été, vous ne devez pas regretter de le leur avoir dit. Il était préférable qu’ils l’apprennent par vous plutôt que par des rumeurs ou par des amis à eux.

Je continuais de remplir mon carnet puis je levais à nouveau les yeux vers Selenya. Je hochais positivement la tête.

- J’ose le croire, oui. Cependant, s’ils ne devaient jamais accepter cette relation, alors il vous faudra composer avec ce refus et vous dire que même si ce choix déplaît à vos parents, il vous plaît à vous et c’est finalement le principal, vous ne croyez pas ?