Les forts rayons du soleil commençaient enfin à être remplacés par la douce lumière de la lune quand Orion avait commencé à se diriger vers le parc. Pour une fois, il n'était pas sorti alors le couvre-feu était passé, c'était surement une première d'ailleurs. Mais par chance, l'heure commençait à être tardive et la majorité des élèves avaient rejoint leurs dortoirs après le repas, à la différence d'Orion qui n'avait pas monté les marches jusqu'au dortoir des Gryffondors, mais qui avait plutôt descendu celles qui le menaient vers la grande porte derrière laquelle se trouvait le parc. Les quelques lumières causées par le coucher du soleil se reflétaient sur le lac, donnant une impression de calme et de sérénité, ce qui apaisa directement les quelques pensées encore présentes dans la tête de l'étudiant.

Au début, il avait prévu de s'asseoir près du lac, comme il le faisait toujours. Cet endroit l'apaisait de façon rapide et délicate, il en avait besoin en ce moment. Mais au final, alors qu'il se dirigeait vers la rive, son regard se posa sur la forêt, celle qui était dite "interdite". Il n'y était encore jamais allé, mais il y avait déjà pensé plus d'une fois. Qu'est-ce qui la rendait interdite ? Un danger quelconque présent à l'intérieur ? Quelque chose que les professeurs et le directeur cherchaient à cacher ? Comparé à son cousin, Orion n'avait jamais été du genre à être passionné par les créatures magiques, mais il restait malgré tout très curieux. Il savait que si quelqu'un le surprenait dans la forêt, il s'en rappellerait clairement par le biais d'heures de retenues avec un professeur quelconque, mais une grande partie de lui estimait que ça valait le coup de prendre le risque. Il n'avait jamais été friand des punitions, mais il adorait la curiosité et de l'adrénaline qu'il ressentait quand il s'apprêtait à enfreindre le règlement. Ca lui donnait une sensation de liberté et d'indépendance, que des choses qu'il n'avait que trop peu l'occasion de ressentir en général.

C'est pour ça que, sans que ce soit nécessairement prévu, ses pas se dirigèrent naturellement vers la forêt interdite. Il regarda autour de lui alors qu'il se rapprochait de la lisière de cette dernière et il regarda une dernière fois derrière lui avant d'y pénétrer. Personne aux environs, parfait. Il préférait encore avoir le temps de profiter de la forêt avant de se faire attraper. Il marcha sans vraiment savoir où il allait, portant un regard curieux aux quelques oiseaux encore présents en train de chanter sur les branches des arbres, mais également les quelques insectes grouillant sur le sol. Alors qu'il se laissait guider, il se retrouva non loin d'une clairière, vers laquelle il se dirigea directement. Quand il arriva enfin sur place, il fut assez surpris de voir qu'une jeune étudiante était déjà présente sur place. Il n'était donc pas le seul à faire une escapade dans la forêt interdite ce soir là ? Voilà qui était intéressant. Alors qu'il posait son pied sur le sol, une branche se brisa à cause du poids de son pas, laissant un bruit se faire entendre dans la clairière. Il ne réfléchit pas longtemps avant de prendre la parole.

- Ne t'inquiètes pas, je suis pas un professeur ou quoi.

@Amber Towsen

Amber était particulièrement remontée depuis le week-end dernier. Elle ne venait pas d’une famille facile et elle le savait parfaitement, mais ses parents venaient de dépasser les limites. Déjà qu’elle ne partageait aucunement l’idéologie des mangemorts et qu’ils avaient demandé à William de se charger de sa formation, contre son gré, ils venaient à présent de la mettre dans une position embarrassante en organisant un mariage arrangé avec le fils Lestrange. Une plaisanterie de très mauvais goût pour Amber, qui n’avait aucune envie d’être fiancée à un prépubère avec trois poils sur le menton… Enfin… Elle ne voulait pas être fiancée tout court. L’amour ce n’était pas pour elle. Elle n’avait jamais été capable d’aimer qui que ce soit d’autres que sa propre personne, parce qu’elle avait trop peur que l’on se serve d’elle, qu’on la manipule et qu’on la détruise.

Quoi qu’il en soit, elle était particulièrement remontée cette soirée-là. Elle avait tenté de contenir sa colère toute la journée, mais en retournant dans sa salle commune, ce lundi-là, elle n’avait pas supporté de voir la tête de Julius. Elle avait véritablement envie de le baffer, depuis qu’elle avait appris la nouvelle. Aucune chance qu’elle se fiance avec lui, ni avec qui que ce soit. Elle allait poursuivre intensément ses entraînements avec William et défier son père qui commençait à avoir bien trop d’emprise sur elle, à son goût. L’été dernier, il avait fait usage d’un sortilège impardonnable sur elle et elle ne voulait pas prendre le risque de le voir recommencer et prendre le total contrôle sur sa vie. C’était pour cette raison que William avait accepté de lui apprendre à résister aux Impardonnables. Leurs entraînements étaient longs et douloureux, sans oublier que les progrès étaient minimes, mais ils étaient bels et bien présents. Si elle continuait dans cette voie, elle pourrait résister à l’Imperium. Du moins… Si sa volonté était plus grande que celui qui avait lancé le sort. À quel point son paternel voulait-il avoir une emprise sur elle ? Amber avait même appris ce qu’il avait fait subir à son frère au cours de son enfance et elle ne pouvait pas tolérer ça, ni même l’idée qu’elle puisse vivre la même chose.

— Ce sont des abrutis, s’exclama-t-elle brutalement, à peine arrivée dans la forêt interdite.

Ici, elle pouvait laisser ses émotions se libérer. D’un élan de colère, elle mit un coup de pied dans un tas de feuilles mortes et poussa un râle. Elle devait calmer cette rage et cette noirceur en elle. Si elle ne voulait pas devenir comme sa famille, elle devait empêcher cette partie de son être d’avoir une emprise sur elle. Après avoir laissé ses émotions s’exprimaient, elle remarqua des petites créatures vertes se cacher dans un tronc d’arbre. Des botrucs qu’elle venait sans doute d’effrayer.

Une légère moue se forma sur son visage et elle s’assit sur un des rochers de la forêt, observant le majestueux chêne, dans lequel ils venaient de trouver refuge. Fouillant dans son sac, Amber sortit un petit carnet à la couverture verte, particulièrement précieux pour elle. Elle y avait noté toutes ses observations sur les créatures magiques, depuis sa première expédition en ces lieux. Elle avait griffonné des informations qui lui semblaient utiles, sur leur mode de vie. Son rêve était de devenir magizoomage, mais elle s’était retrouvée dans la formation de Protection Magique pour devenir Auror. Elle était un peu touche à tout et adorait les études, mais au fond elle regrettait de ne pas avoir pris ses propres décisions à l’époque. Elle s’était fait influencée par son père qui lui disait qu’elle n’aurait pas d’avenir dans cette voie, tant au niveau personnel qu’au niveau de leur Cause qu’elle ne pourrait pas servir aussi utilement qu’en étant au Ministère de la Magie. C’était stupide ! Malgré tout, elle adorait apprendre et devrait laisser ces petits instants de tranquillité rester une simple passion, écrite sur un petit carnet qu’elle avait depuis dix ans maintenant.

Plongée dans ses pensées et ses observations, elle fut brusquement interrompue par le craquement d’une branche derrière elle. Dans un élan de panique, elle se redressa et pointa sa baguette en direction du nouvel arrivant. La jeune Serdaigle était venue ici assez de fois pour savoir qu’y traîner en pleine nuit était une mauvaise idée et que d’étranges créatures pouvaient y rôder, surtout les soirs de pleine lune. Heureusement, il ne s’agissait que d’un étudiant et ses épaules s’affaissèrent. La voilà plus rassurée.

— Oh, salut Orion… souffla-t-elle entre ses lèvres, loin d’être détendue.

Elle n’avait jamais parlé personnellement avec cet étudiant, mais Poudlard n’était pas si bondé non plus. Tout le monde connaissait tout le monde, surtout après neuf ans d’études. Malgré tout, elle était surprise de le voir traîner dans les parages. Elle ne l’avait jamais vu avant, mais il fallait dire que la forêt était assez dense.

Il ne s'attendait pas du tout à se retrouver avec une baguette pointée sur lui ce soir-là. Mais il ne pouvait pas vraiment blâmer la jeune femme. Si ne serait-ce que la moitié des rumeurs existant sur la forêt interdite étaient vraies, autant dire qu'il valait mieux être prêt à dégainer sa baguette en cas de problème. Alors qu'elle avait enfin baissée sa baguette -après qu'Orion ai levé les bras en l'air comme pour montrer qu'il n'était pas dangereux- et qu'elle avait prononcé son nom, Orion prit le temps de l'observer. Il n'était là que depuis quelques mois et il était loin de connaître tous les étudiants de Poudlard, qu'ils soient en cycle universitaire au non. Et pour le coup, il avait un gros trou de mémoire, il n'était même pas certain de déjà l'avoir croisée un jour, alors autant dire qu'il était loin de connaître son nom. C'était idiot, mais savoir qu'elle connaissait son nom sans qu'il soit capable de connaître le sien le faisait se sentir idiot, même s'il n'était pas du genre à se soucier de ses relations sociales.

- Euh, désolé, je dois avouer que je ne connais pas ton nom...

Est-ce qu'il la dérangeait en arrivant ici ? Il n'en avait aucune idée. En soit, la forêt interdite était bien assez grande pour deux personnes, mais il avait fallu qu'ils se retrouvent à aller au même endroit. Comme toujours quand il avait décidé de partir en escapade nocturne, Orion avait eu la volonté d'être seul, mais apparemment ce n'était pas prévu pour cette fois-là. Malgré tout, il remarquait assez facilement qu'elle ne semblait pas être à l'aise. Peut-être l'avait-il coupée dans un moment de solitude pleinement recherché. En général, il serait du genre à garder son masque de garçon supérieur et insupportable, mais il n'avait aucune envie de le faire cette fois-là. Pour autant, il ne risquait pas d'être parfaitement naturel avec elle, disons simplement que ce serait comme un entre deux. Il regarda autour de lui quelques instants avant de finalement reprendre la parole, tout en reposant son regard sur l'étudiante présente devant lui.

- Je suis désolé du dérangement. Si tu préfères rester seule, tu peux le dire et j'irais ailleurs.

N'importe quelle personne de Poudlard serait étonnée de le voir s'excuser, surtout deux fois en une seule soirée. Une première fois parce qu'il ne connaissait pas l'identité de la personne devant lui et la seconde parce qu'il l'avait potentiellement dérangée. Mais encore une fois, il ne voulait pas porter son masque habituel ce soir-là. Même si c'était devenu une routine, être ne serait-ce que proche d'être lui-même lui manquait. Alors même s'il n'allait clairement pas complètement ouvrir sa carapace devant cette pure inconnue, ce n'est pas pour autant qu'il allait la laisser en place, ou en tout cas pas autant qu'habituellement. C'était aussi ça le charme qu'il trouvait dans la nuit. On pouvait être la personne que l'on souhaitait sans avoir à se prendre la tête. Le brouhaha de la journée et tous les regards et les paroles dites à demi-mots étaient bien loin. Tout paraissait bien plus naturel la nuit. Si Orion avait du être un animal, il aurait clairement été un hibou ou un autre animal nocturne, il se sentait bien plus à l'aise sous les rayons de la lune comparé à ceux du soleil.

Si Amber venait dans la forêt interdite, ce n’était certainement pas pour la solitude. Elle avait tout le loisir de se satisfaire de sa propre compagnie au cours de la journée. Non. Elle s’y rendait parce qu’elle appréciait la compagnie des créatures magiques. Cela l’apaisait d’une façon inattendue. Elle avait l’impression d’être comprise, de ne faire qu’un avec la nature. Elle se sentait en sécurité et apaisée. C’était des sensations qui lui manquaient dans son quotidien. Amber vivait dans un environnement instable, mêlé à de la magie noire, des trahisons et de la haine. Elle avait puisé son énergie et avait grandi dans ce monde, mais elle ne s’y était jamais sentie à sa place.

S’était-elle déjà sentie à sa place quelque part d’autre ? Elle en doutait. La jeune femme avait l’impression de jouer un rôle tout au long de la journée. Elle n’avait pas envie de se faire bouffer par les autres, de se faire trahir, d’être blessée, de dévoiler ses faiblesses… Alors elle avait décidé qu’il était plus judicieux de s’isoler dans des lieux comme cette forêt, pourtant interdite.

Visiblement, Amber n’était pas la seule à convoiter la beauté et l’apaisement de ces lieux. Orion était là également et l’endroit était largement assez grand pour eux-deux. Il fallait seulement qu’elle se laisse porter par la discussion. Il était peut-être sa seule chance de sortir des tourments qui l’assaillaient à cet instant précis, quand bien même il ignorait son nom. Elle lui en voulait aucunement. Déjà parce qu’il était nouveau et, ensuite, parce qu’il valait mieux pour lui qu’il ne la connaisse pas. En quel cas, il saurait la réputation qui la précède, elle et sa famille, et sans doute se serait-il méfier d’elle de prime abord.

— Ne t’excuse pas. Tu es nouveau, il me semble, répliqua-t-elle en haussant simplement les épaules. Je suis Amber Towsen, étudiante en Protection Magique et à Serdaigle.

La différence de maison et de filière venait expliquer la raison pour laquelle ils ne s’étaient jamais vus auparavant. Cependant, ici, ils se rencontraient enfin, à l’abri du train-train habituel du château, des rumeurs et des regards malveillants que la demoiselle pouvait avoir sur elle, à longueur de temps. Elle n’avait pas réussi à se faire beaucoup d’amis depuis sa première année.

Si elle avait pu lire dans les pensées d’Orion, sans doute aurait-elle été d’accord pour dire que la nuit faisait tomber les masques. Elle avait l’impression d’être plus libre de ses mouvements, de ne pas être épiée et, ce soir-là, elle avait envie d’être elle-même avec ce nouvel arrivant.

— Alors, dis-moi, quelles têtes vont faire nos préfets, s’ils nous voient rentrer après le couvre-feu ? Je te parie que je vais encore me faire taper sur les doigts, si je me fais attraper.

Son regard émeraude se tourna vers Orion et un léger sourire amusé fit son apparition sur ses lèvres. S’il était nouveau et qu’il fréquentait déjà la forêt interdite, c’était qu’il avait le même goût du danger qu’elle. Ou bien, il était contrarié. À moins que l’appel de la nature soit trop grand pour lui ? Elle l’ignorait, mais elle l’invita à s’asseoir en se décalant un peu plus sur le côté du rocher.

— J’observais les botrucs. Ils se sont cachés dans cet arbre. Tu en as déjà vu ?

Amber parlait d’un ton étrangement apaisé. Comme si tous ses tourments s’étaient soudainement mis en pause, à l’arrivée de ce Gryffondor. Elle n’en fréquentait pas tellement. Elle trouvait que la plupart avait un air supérieur et satisfait, qu’elle ne supportait guère. Pourtant, la jeune femme pressentait quelque chose de différent chez ce Orion. Alors pourquoi ne pas apprendre à le connaître ? Pourquoi ne pas étendre sa liste d’amis, au lieu de celle des rivaux ?

Même s'il y avait rapidement croisé quelqu'un, le calme de la forêt l'apaisait complètement. Il avait beau être seul à plusieurs occasions de la journée, ça n'avait jamais le même goût que dans la soirée ou dans la nuit. Dans ces moments-là, il faisait tomber le masque, ne serait-ce que pour essayer de se rappeler qui il était vraiment, même si c'était souvent source d'anxiété car ça lui rappelait le dilemme qu'il vivait vis à vis de sa famille. En général, il aurait fait demi-tour en tombant sur quelqu'un, ou alors il aurait remis son masque de garçon insupportable, mais pas ce soir. La brune ne lui donnait pas de réelles raisons de se méfier au premier abord et il fallait dire qu'il n'avait pas envie de déjà remettre le masque dont il s'était débarrassé il n'y avait pas si longtemps. Ceci expliquait cela. La brune était à la fois dans une maison différente de la sienne et dans un cursus différent du sien.

- Oui c'est ça, je suis arrivé en septembre. Et même si tu connais déjà mon nom, je vais me présenter quand même. Orion Campbell, j'étudie la protection magique.

Même s'il semblait qu'elle le connaisse déjà, ça ne l'empêchait pas de vouloir se présenter, histoire de rendre ça plus "officiel" disons. Surtout que le Orion qu'elle avait déjà croisé dans les couloirs ou dont elle avait déjà entendu parler était loin d'être celui qui avait mis les pieds dans la forêt interdite ce soir. Evidemment, il n'avait pas remis son masque, mais ce n'est pas pour autant qu'il allait se confier ou quoique ce soit d'autre. Simplement, il appréciait l'idée de pouvoir faire des rencontres normalement, sans faux semblants et réputations idiotes. Il avait déjà entendu le nom Towsen, mais il était loin de connaître leur réputation, surement parce qu'ils ne devaient pas être très connus en Amérique ou parce que ses parents n'ont jamais parlé d'eux, au choix. Mais dans tous les cas, il ne s'arrêta pas là-dessus. Il était bien content que les gens ne tiquent pas en entendant son nom de famille, alors il n'allait pas le faire pour la jeune Serdaigle. Un sourire amusé s'étira sur ses lèvres en entendant sa question.

- On sera définitivement deux à se faire taper sur les doigts je pense. Et pour la tête, je ne sais pas trop, mais je pense qu'ils seraient définitivement agacé, ça ne serait pas la première fois qu'ils me verraient dehors après le couvre-feu.

Et apparemment, c'était aussi le cas de la brune. Surtout qu'en plus de braver le couvre feu -ou bientôt en tout cas, vu l'heure qui tournait-, ils bravaient également l'interdiction d'accès de la forêt interdite. En la voyant se décaler, il la remercia d'un sourire avant de s'asseoir à ses côtés. Il n'y avait pas à dire, c'était satisfaisant d'agir normalement avec quelqu'un, même s'il était parfaitement conscient que son masque n'était jamais très loin, prêt à se remettre en place en cas de "danger". Il posa son regard sur l'arbre dont parlait la jeune fille, cherchant les créatures attentivement. Mais il n'en avait jamais vu, sauf peut-être dans les livres, donc c'était automatiquement plus compliqué à chercher.

- Je suis à peu près sûr que je n'en ai jamais vu en dehors des livres de cours sur les créatures magiques. Tu veux m'en dire plus ?

Elle avait l'air de bien s'y connaître en créatures magiques, donc autant lui laisser une chance de lui en dire plus n'est-ce pas ? C'est des informations qu'il pourrait facilement récupérer auprès de Levi, mais il préférait laisser Amber lui en parler.

Amber n’avait pas envie de se battre, ce jour-là. En temps normal, elle aurait aboyé sur le nouvel arrivant en lui disant de dégager, que la forêt était suffisamment grande pour deux et donc pour ne pas l’avoir dans ses pattes. Pourtant, elle n’en avait pas la force. Une part d’elle était tourmentée et ne demandait qu’à faire cesser l’intense réflexion qui naissait dans son esprit. L’autre quémandait de la solitude, même si elle savait parfaitement que ce ne serait pas la meilleure des solutions. Amber cogitait énormément, ce n’était pas pour rien qu’elle avait atterri chez les aiglons. Malgré tout, il fallait parfois qu’elle appuie sur le bouton stop, ne serait-ce pour ne pas devenir complètement folle.

Alors, quand Orion arriva, d’un air calme et détendu, elle se dit qu’il valait mieux ne pas envenimer sa relation, encore inexistante, avec lui.  Au moins, il n’était pas arrivé avec un tas de théories à son sujet et semblait l’aborder comme quelqu’un de normal, ce qui faisait énormément de bien, il fallait l’avouer. Amber en avait assez des regards dédaigneux que l’on posait sur elle, sous prétexte que ses parents et son frère haïssaient les moldus et les sangs impurs. Elle n’était pas comme eux et fréquentait même ces deux populations. Elle regrettait d’être née dans cette famille et ne voulait absolument pas qu’on la résume à la simple fille de Thorfinn Towsen, un mage noir aux idéologies très arrêtées. Très peu pour elle !

Pour l’ensemble de ces raisons, elle ne repoussa pas son camarade, qui venait tout juste d’arriver sur les lieux. Ils pouvaient très bien discuter et profiter du moment, ne serait-ce que pour mettre leurs problèmes de côté quelques minutes à peine. D’ailleurs, il jugea bon de se présenter, malgré qu’elle le connaisse déjà. Il fallait dire que Poudlard n’était pas si grand qu’il en avait l’air. Les visages étaient redondants. Enfin… Cela devenait plus compliqué de retenir les premières et secondes années, avec le temps, mais généralement elle maîtrisait assez bien pour les personnes de sa tranche d’âge. Encore plus quand la personne avait repris ses études à Poudlard. Les petits nouveaux se repéraient plutôt facilement.

— Eh bien, enchantée, Orion ! Tes études doivent drôlement t’intéresser… Enfin, tous les cursus sont super intéressants de mon point de vue.

Il fallait dire que si elle avait eu la possibilité de le faire, elle aurait suivi toutes les filières en même temps. Mais elle ne le pouvait pas. Elle risquait de faire un burn-out si elle tentait l’expérience. Malgré tout, elle était persuadée qu’elle se serait épanouie dans n’importe quel cursus, sauf en botanique. Elle n’avait pas tellement la main verte et elle finissait toujours par faire une bêtise contre son gré. Elle ignorait encore comment elle était parvenue à obtenir d’aussi bonne note dans la matière.

Le Gryffondor lui parla alors des préfets et elle ne put s’empêcher de rigoler lorsqu’il lui expliqua qu’ils seraient deux à se faire taper sur les doigts. Il n’avait pas tort là dessus. Parfois, Amber trouvait les préfets bien trop sérieux. Qui pouvait respecter le règlement à la lettre, sans commettre aucun égard, à aucun moment ? Cette vision lui semblait presque improbable. Ils ne pouvaient pas avoir une ardoise toute blanche. Elle n’y croyait pas.

— Tu crois que les préfets profitent des rondes le soir pour ne pas respecter le règlement ? Je veux dire, ils sont toujours sérieux et tirés à quatre épingles. Ça n’a rien d’amusant.

Amber haussa les épaules et retint un petit sourire. Elle ne pouvait pas se tromper là dessus. Il y avait anguille sous roche et elle était impatiente d’avoir le point de vue d’Orion sur un sujet aussi léger que celui-ci. Parfois, cela faisait du bien de ne pas se prendre la tête sur des mariages arrangés ou des offensives prévues pour bientôt contre un clan de moldus qui voulait leur peau.

— Je crois que les Botrucs sont les créatures les plus intéressantes que j’ai pu rencontrer. Elles sont de nature timides et paisibles, sauf quand on s’en prend à leur arbre, expliqua-t-elle sans trop d’hésitations, connaissant plutôt bien le sujet. Tiens en voilà !

Elle se décala légèrement vers lui et pointa son index en direction d’un majestueux chêne. Amber ne se colla pas à lui, mais s’approcha suffisamment pour qu’il puisse voir ce qu’elle pointait. Au loin, un petit botruc laissa dépasser sa tête, et sortit petit à petit de sa cachette. L’effet fut presque immédiat et la demoiselle se déconnecta du reste du monde pour accorder toute son attention à cette petite créature de la forêt. Ses yeux émeraude avaient une petite étincelle tant elle appréciait le moment présent. Au fond, elle aurait aimé que toutes ces journées ressemblent à celle-ci. Simplement assise sur un banc à faire ce qui la passionnait.

Dans la plupart des cas, le brun aurait fait demi tour avant qu'Amber -ou qui que ce soit d'autre d'ailleurs- ne le remarque, mais pas cette fois. Il en avait assez de cette solitude qu'il cherchait d'habitude avec entrain. Ses parents arrivaient déjà à occuper son esprit bien trop fréquemment à son goût, il n'allait pas les laisser entraver ses relations avec ses camarades, ou en tout cas pas cette fois. Pour le reste du temps, ce serait bien plus compliqué que ça et il le savait. Il avait pris l'habitude de cette solitude, le regard des gens ne l'intéressait pas, même si certaines personnes dérogeaient bien sûr à la règle. Il ne saurait pas vraiment dire si c'était le cas d'Amber, mais il n'avait pas envie de se prendre la tête ce soir et elle avait l'air d'être inoffensive, ou en tout cas pas du genre à s'immiscer dans la vie des autres sans réfléchir aux conséquences. Et ça, c'était clairement ce qu'il recherchait ce soir, une discussion sans prise de tête qui pourrait potentiellement mener à une relation sociable par la suite. Il y avait un point sur lequel elle avait raison d'ailleurs, c'était le fait que ses études devaient particulièrement l'intéresser. La médiation magique, ça avait été un choix sans hésitation pour lui, l'idée de pouvoir communiquer avec tout le monde sorcier l'intéressait plus que tout, même s'il était conscient qu'il lui faudrait en faire beaucoup pour réussir à se faire une place dans ce domaine-là.

- Ca m'intéresse énormément oui. Je sais pas vraiment comment expliquer, mais le choix du cursus m'a paru évident, ça correspondait complètement à ce que je recherchais. Et toi ? J'imagine que ça te convient vu ce que tu dis, mais je préfère vérifier.

Cette discussion était sans pression et ça lui plaisait tout particulièrement. Ils avaient beau parler d'un sujet sérieux, ça restait sans prise de tête et franchement, c'était agréable. Et puis, c'était facile de parler avec elle, ou en tout cas c'est l'impression qu'il avait au premier abord. Ils avaient beau avoir échangé seulement quelques mots -et quelques banalités qui plus est- depuis le début de cette discussion, Orion se sentait à l'aise, ce qui était assez rare en soit. Puis le sujet avait dévié sur celui des préfets et le Gryffondor n'avait pu retenir un sourire amusé qui s'était étiré sur ses lèvres face à la question de la jeune femme. Apparemment, elle était comme lui et avait du mal à croire que les gens puissent réellement respecter le règlement tout le temps sans jamais s'arrêter. Après tout, on avait qu'une vie non ? La passer à suivre les règles sans jamais oser s'amuser, ça lui paraissait être une grosse perte de temps.

- J'ose espérer qu'ils le font à ce moment-là, ils doivent sacrément s'ennuyer sinon. Enfin, ils font bien ce qu'ils veulent, mais je ne me verrais pas passer ma vie à suivre le règlement, surtout dans un château comme celui-là, y a tellement de possibilités différentes !

Bon, fallait dire qu'Orion était loin d'être la personne la plus sérieuse possible, son dossier scolaire d'Ilvermorny en était la preuve. Mais il estimait qu'il aurait tout le temps d'être sérieux plus tard, quand il serait plus vieux. Il était encore jeune, autant en profiter pour s'amuser, surtout que ça lui donnait l'impression de ne pas répondre aux règles de ses parents et c'était plaisant. Ca restait complètement faux, bien sûr, mais l'un n'empêchait pas l'autre. Peut-être qu'il restait complètement dépendant de ses parents, mais si le fait de ne pas respecter les règles lui donnait cette sensation de liberté en plus de celle d'amusement déjà présente, c'était un point qu'il ne pouvait pas négliger. Mais il coupa ses pensées net quand la jeune femme se rapprocha de lui en désignant un des arbres au niveau duquel se trouvait un botruc. Orion avait beau ne pas être passionné par les créatures magiques, ça ne l'empêchait pas d'être curieux et actuellement ? Il voulait réussir à voir cette créature dont parlait Amber. Après plusieurs dizaines de secondes passées à regarder l'arbre sans réellement savoir où chercher, son regard se posa naturellement sur le Botruc en question alors qu'un sourire s'étirait sur ses lèvres. Il en avait définitivement déjà vu dans les livres à plus d'une occasion, mais les voir en vrai ? C'était complètement différent et il appréciait beaucoup cela.

- Il est adorable ! Tu as déjà réussi à t'approcher de l'un d'eux ou est-ce qu'ils sont vraiment trop timides ?

Il n'avait jamais été du genre à poser énormément de questions mais là, face à ce Botruc, c'était différent. Le fait de l'avoir sous les yeux lui donnait l'envie d'en savoir plus sur lui.

Amber ne savait pas tellement ce qu’il lui prenait de discuter avec un élève en pleine Forêt Interdite. Ces derniers temps, elle avait plutôt été du genre à se terrer dans son coin et à mordre tout ceux qui s’approchaient un peu trop près d’elle. C’était son mécanisme de défense pour faire face aux difficultés de la vie. Elle s’isolait, elle était désagréable, elle était hautaine. Mais elle n’en restait pas mauvaise pour autant. Non. Amber était plutôt le genre de personne incomprise ou qui faisait en sorte de le rester. Peut-être était-ce pour ne pas que l’on comprenne qui elle était réellement ? Une fille de mangemorts, pas assez courageuse pour se dresser contre ses propres parents, pas assez déterminée à intégrer l’Ordre du Phénix, et qui préférait s’isoler plutôt que d’affronter la réalité ou de la subir comme elle avait pu le faire avec le Blood Circle, les vacances de Halloween. Cette pensée lui provoqua un frisson désagréable dans le dos et elle se remémora la cellule froide et humide dans laquelle elle avait croupi avec d’autres sorciers. Inconsciemment, elle serra sa cape autour d’elle et savoura la présence de son écharpe aux couleurs de sa maison. Ici, elle ne craignait plus rien. Poudlard était le lieu le plus sécurisé de Grande-Bretagne. Elle ne craignait rien. Enfin, c’était ce qu’elle imaginait, parce que les membres du Blood Circle n’avait pas encore pu traverser ces murs. L’Université en revanche… Ils n’avaient pas eu cette chance l’année dernière. Au moins, cela avait eu un point positif : son retour dans le château qu’elle aimait tant.

Elle aimait particulièrement Poudlard, parce qu’il y avait des tas de secrets et de passages dans les couloirs. Même après des années, elle n’était pas sûre d’en connaître la moitié. En revanche, elle était passionnée par la Forêt Interdite et les créatures qui y vivaient. Un luxe qu’elle n’avait pas à l’Université. En ces lieux, elle était au calme et pouvait mieux réfléchir, loin des brouhahas et des rumeurs. Vint alors la conversation autour de son cursus scolaire et Amber eut un léger pincement au cœur. Le choix de son cursus était à demi-regretté et elle aurait avoir l’audace de se dresser contre Thorfinn, son père, et lui faire entendre sa voix.

— Je t’avoue que j’aurais aimé devenir magizoologiste, mais les débouchés sont très compliqués.

Elle haussa les épaules et se contenta de rester assez évasive. Elle n’était pas narcissique, loin de là, mais elle restait persuadée qu’elle aurait été exceptionnelle dans ce domaine. Elle avait vu les élèves de cette filière et une grande majorité n’était certainement pas aussi passionnée qu’elle. La botanique primait aussi davantage sur le soin aux créatures magiques, et pourtant, les bienfaits de leur compagnie étaient insoupçonnés.

— J’imagine bien. Sinon on ne se serait jamais croisé dans les parages.

Un doux sourire apparut sur ses fines lèvres rosées. Il était évident qu’ils avaient tous les deux les mêmes penchants pour l’aventure et les dangers. Poudlard était un nid à idées, parfois mauvaises. Amber en avait eu des tas et elle avait commis énormément de bêtises, que ce soit envers des camarades ou envers le règlement. Mais bon, parfois ce n’était pas toujours de sa faute. Il lui était arrivé de s’en prendre à des Serpentards, parce qu’ils l’avaient provoquée tout au long de la journée et, évidemment, c’était toujours elle qui prenait. Alors, elle avait fini par opter par des méthodes plus discrètes, des objets trouvés au magasin de farces et attrapes, ou bien des sortilèges lancés dans une assez longue distance pour ne pas être repérée.

Non, Amber n’était pas l’étudiante modèle, mais ses notes rattrapaient son comportement. Il le fallait bien, sinon on aurait fait qu’une bouchée d’elle dès sa première année. Elle n’était pas du genre à se laisser faire et à subir. C’était la dure loi des enfants de leur âge. Ils devaient se faire entendre pour ne pas avoir de problèmes ou ne pas devenir le bouc émissaire du reste de la promotion. Enfin bon…

Son attention se dirigea vers le chêne où vivait quelques botrucs. Elle ne les avait pas vu depuis un moment. À vrai dire, elle essayait de se rendre discrètement dans la forêt interdite, mais les heures n’étaient pas toujours propices et elle se rabattait sur les bords du lac ou sur la bibliothèque, pour éviter les problèmes. Par chance, la plupart était en cours ou dans les clubs qui animaient le château. Elle pouvait donc faire une escapade en toute tranquillité et observer ce qu’elle avait envie dans les environs.

En voyant le plaisir illuminer le visage de son interlocuteur, Amber ne put s’empêcher de sourire. Elle aimait faire découvrir l’univers dans lequel elle baignait à une personne aussi sympathique qu’Orion. Enfin… Elle pouvait très bien se tromper à son sujet, mais pour le moment, il lui avait plutôt fait bonne impression. Il ne semblait pas être dans les commérages, mais plutôt la solitude et la discrétion. Était-ce seulement son changement d’établissement ou était-ce son mode de fonctionnement ? Peut-être étaient-ils plus similaires qu’il n’y paraissait ?

— Ils sont souvent timides, oui. Mais parfois ils se laissent approcher.

Elle attrapa sa baguette et fit un léger mouvement en direction du sol, faisant apparaître une branche de lilas. Elle s’en empara en toute délicatesse et tandis les fleurs à Orion.

— Tiens.

Amber n’était pas du genre à offrir des fleurs sans raison. Elle montra l’arbre d’un mouvement de tête et s’expliqua assez rapidement au sujet de cette plante.

— La dernière fois, l’un d’entre eux s’est amusé à retirer quelques unes des pétales. Peut-être qu’il y est toujours. Tu pourrais t’approcher lentement et voir s’ils n’ont pas trop peur pour t’approcher ou la déposer sur la branche à côté d’eux ?

En vérité, Amber ignorait si les botrucs sortiraient de leur cachette, simplement parce qu’ils étaient deux sorciers et qu’ils étaient déjà un peu apeurés à la vue d’un seul d’entre eux. Ils avaient peut-être juste besoin de sentir leur bienveillance avant tout ?

Qui aurait cru qu'un jour, il considèrerait une discussion avec une autre personne qu'il ne connaissait pas à Poudlard comme étant simple ?Pas lui, et pourtant c'est ce qu'il se passait actuellement, dans ce recoin de la forêt interdite. Une chose était certaine, il était étrangement assez content de ne pas avoir fait demi-tour en la voyant assise au niveau de cette souche. Il avait cette étrange sensation que s'il l'avait fait, il aurait raté quelque chose et franchement ? Il ne comprenait pas vraiment pourquoi. Lui qui était du genre à fuir tout contact humain depuis son arrivée à Poudlard, le voilà qui était satisfait face au fait d'en avoir eu un aujourd'hui, la Terre ne tournait clairement pas rond, ou en tout cas c'était l'impression qu'il avait actuellement. Il tourna la tête vers la jeune femme quand elle reprit la parole, un sourire apparaissait sur ses lèvres alors qu'Amber parlait de la magizoologie. Pendant très longtemps, son cousin était la seule personne qu'il connaissait à être autant intéressé par les créatures magiques mais depuis son arrivée à Poudlard, il s'était rendu compte que c'était loin d'être rare, comme passion.

- Mon cousin est prof de soin aux créatures magiques, il est passionné, peut-être que tu pourrais lui parler ?

Orion était loin d'être aussi passionné que lui, à vrai dire ça ne l'avait jamais vraiment intéressé. Il avait fait le nécessaire quand il étudiait encore cette matière là évidemment, mais ça s'arrêtait là. Mais il avait déjà parlé de ça avec Levi et franchement ? La passion se lisait clairement sur ses traits quand il en parlait, c'était impressionnant. Orion n'avait jamais eu une passion de ce genre-là, ou en tout cas pas une passion qui l'habitait autant que les créatures magiques dans le cas de Levi, donc il trouvait ça d'autant plus impressionnant. Il tourna la tête vers la jeune femme, acquiesçant face à sa remarque. Ah ça, c'est sûr qu'un étudiant modèle n'irait pas s'aventurer dans la forêt interdite, surtout aussi tard. Ca ferait deux infractions pour le prix d'une si jamais la personne se faisait attraper, c'est surement pas ce qu'on recherche quand on aime suivre le règlement. Mais franchement, autant suivre le règlement quand on est dans un château comme Poudlard, ça lui paraissait impossible. Il y avait bien trop de choses qui s'offraient à eux, bien trop d'opportunités d'enfreindre le règlement, bien trop de choses à découvrir. Suivre le règlement dans un lieu comme Poudlard, ce serait sacrément ennuyant pour lui, ou en tout cas c'est ce qu'il estimait. Il n'allait pas juger les gens qui préféraient le respecter, mais disons qu'il n'allait pas chercher à les comprendre non plus.

Le regard posé sur les Botrucs qui pointaient le bout de leur nez dans leur direction, un sourire s'était étiré sur les lèvres du châtain sans même qu'il s'en rende compte. Il n'en avait jamais vu en vrai et même si elles étaient encore assez loin, elles avaient l'air adorables. Une partie de lui voulait se rapprocher, mais il ne voulait pas les effrayer. Les paroles qu'Amber prononça juste après confirma ses pensées, il valait mieux pas qu'il s'approche comme ça, sans raison. Il fronça les sourcils quand il la vit lui tendre des lilas, ne comprenant pas vraiment le pourquoi du comment avant qu'elle ne lui explique. Il arqua un sourcil, curieux de savoir si ça allait marcher ou si le fait qu'il soit si curieux allait se ressentir chez les Botrucs.

- Sérieux ? Merci.

Il se leva doucement, faisant attention au moindre de ses mouvements pour ne pas effrayer les créatures qui étaient encore en hauteur au niveau de l'arbre, avant de se rapprocher le plus lentement possible de l'arbre tout en mettant la branche de lilas en évidence. Il finit par arriver au niveau de l'arbre et es botrucs n'avaient pas bougé. Au moins, ils n'étaient pas effrayés par le fait qu'il se soit rapproché, c'est déjà ça. Il se mit sur la pointe des pieds, déposant la branche au niveau d'une branche assez proche d'eux sans pour autant trop se rapprocher. Il finit par se reculer, regagnant la souche où était toujours assise Amber.

- Y a plus qu'à attendre maintenant j'imagine ?

La compagnie d’Orion était loin d’être désagréable. Amber appréciait même les échanges qu’elle pouvait avoir avec lui. Elle avait la sensation qu’il parvenait à apaiser son esprit, plus que n’importe qui d’autre à ce moment. La jeune femme était plutôt du genre à se braquer quand elle voulait être seule et c’était pour cette raison qu’elle se surprenait elle-même dans ses échanges aussi simples. Elle passait un bon moment et elle avait mis ses tourments de côté pour les prochaines minutes.

Amber ne songea même plus à cette histoire de mariage arrangé qui la rongeait de l’intérieur. Elle ne voyait plus que l’instant présent. Elle observait silencieusement les botrucs en attendant la réponse d’Orion, qui ne tarda pas à arriver. Si sa vie pouvait être aussi simple, tous les jours, elle serait une personne extrêmement chanceuse. Malheureusement, la vie n’était pas faite ainsi pour elle. Si elle avait quelques temps d’apaisement, elle ne pariait pas sur le fait que des nouveaux malheurs arriveraient au galop et la percuteraient de plein fouet. Elle s’y était faite après tout. Ses parents adoraient lui mener la vie dure, depuis qu’elle était venue au monde.

Le seul échappatoire qu’elle avait pu trouver était auprès des créatures magiques. Quelque part, elle les comprenait. Eux-aussi étaient parfois persécutés par l’Homme et ne comprenaient pas la cruauté du monde dans lequel ils évoluaient. Heureusement, quelques parcs existaient pour qu’ils puissent avoir une vie paisible. Certains sorciers étaient très mal intentionnés. Les licornes, par exemple, étaient convoitées pour les vertus de leur sang qui permettait la survie. Il fallait vraiment être atroce et ne rien avoir à perdre pour en tuer une, aux yeux d’Amber.

Mais soit ! Orion lui parla de son cousin qui dirigeait un cours de Soins aux Créatures Magiques. L’effet fut immédiat et un doux sourire apparut sur les lèvres d’Amber. L’attention était charmante. Elle ne savait pas s’il y donnerait suite, mais elle aurait aimé que ce soit le cas. Beaucoup de personnes disaient ce genre de choses et ne donnaient jamais suite à leur propos. Elle espérait qu’Orion n’en fasse pas partie.

— Je serai ravie de le rencontrer ! Il enseigne où ?

Il n’était peut-être pas à Poudlard. En quel cas, elle l’aurait déjà rencontré des années auparavant. À moins qu’il ne soit nouveau. En quel cas, elle serait ravie d’échanger avec lui et de lui proposer ses services pour préparer ses cours. Une sorte d’assistance, même si elle n’était pas dans la même filière. Cela sonnait comme une idée plutôt géniale ! Si ce n’était pas le cas, il pourrait certainement lui conseiller les meilleurs coins de Grande-Bretagne pour qu’elle puisse poursuivre ses recherches. Amber était terriblement curieuse.

Finalement, la conversation dévia vers les botrucs et elle partagea ses souvenirs et ses conseils à Orion. L’histoire du lilas ne se reproduirait peut-être pas, mais cela valait le coup d’essayer. Ces créatures avaient une mémoire et elle était certaine qu’ils se souviendraient de son dernier passage avec cette fleur.

Restant assise sur son rondin, elle laissa Orion faire et l’observa avec un doux sourire. Elle était plutôt heureuse de partager sa passion, pour changer. Elle n’était plus seule, comme elle l’avait toujours été au cours de ces dernières années. Alors, quand il revint à ses côtés, elle se sentit d’humeur un peu plus bavarde, chose qui ne lui arrivait évidemment jamais. Elle bascula son regard émeraude dans sa direction et reprit la parole.

— Sinon, qu’est-ce qui te fait vibrer dans la vie, mise à part ne pas respecter le règlement ?

Elle lui offrit un léger clin d’œil amusé, avant de lui laisser la parole. Il fallait dire que la vie ne serait pas aussi amusante si elle se conformait sans cesse aux règles qu’on lui imposait. Elle aurait loupé de magnifiques choses, à commencer par les rencontres surprenantes de la Forêt Interdite. Et puis, tout devenait plus facile une fois que l’on avait les astuces. Soit ils retournaient au château à la nuit tombée, chose qui se faisait de bonne heure à cette période de l’année, soit ils attendaient les coups de minuit que les préfets regagnent leurs dortoirs. Après tout, ils ne restaient pas debout toute la nuit. Au fil des années, Amber avait développé quelques astuces pour éviter de faire perdre des milliers de points à Serdaigle (oui, elle était rendue à plusieurs centaines déjà…). Il suffisait de connaître les combines, le mode de fonctionnement du château et les emplois du temps des professeurs. Il restait le concierge de Poudlard, assez imprévisible dans ses mouvements, mais elle ne s’en faisait pas. Elle ne l’avait croisé qu’une ou deux fois et elle était parvenue à lui échapper la moitié du temps. Son goût du risque et l’excitation qu’elle ressentait au moment venu valaient largement la peine pour cette étudiante.

Si on avait dit à Orion qu'il serait aussi détendu devant une personne qu'il ne connaissait pas, il n'y aurait très certainement pas cru. Il y a quelques années, le gamin sociable qu'il était avait laissé sa place à un garçon bien plus renfermé, bien plus timide, bien plus "méchant", même si ce n'était pas sa volonté principale. Le temps lui avait appris que parfois, il valait mieux faire en sorte que les gens ne s'intéressent pas à nous, comme ça on peut être tranquille sans se faire juger ou sans être utilisé comme un objet. Mais des fois, cette carapace de froideur et de distance se brisait légèrement et visiblement, c'était le cas ce soir-là. Il voulait juste s'échapper de Poudlard et de tous les bruits qui lui montaient la tête, comme si les personnes présentes dans le château étaient prêtes à lui donner la migraine sans même s'en rendre compte. Ses pas avaient rapidement trouvé le chemin de la forêt interdite, le menant ensuite jusqu'à Amber. Il ne la connaissait pas mais étrangement, il ne regrettait pas d'avoir décidé de ne pas revêtir son masque de froideur habituel. Est-ce qu'il le regretterait plus tard ? Peut-être, mais c'était trop tard pour reculer dans tous les cas, surtout que ça ne lui donnait pas envie. Elle n'avait pas l'air méchante, s'il s'avérait qu'il devait regretter ses choix, disons donc qu'il s'en mordrait juste les doigts. Mais en dehors du fait que cette sortie lui permettait de prendre l'air, elle lui permettait aussi de se vider la tête. Tous ces soucis de mariage forcé, de pression familiale, c'est comme si ça devenait plus petit. Ca ne disparaissait pas complètement mais franchement, c'était déjà un début. L'espèce de bruit de fond incessant présent dans sa tête avait diminué à tel point qu'il deviendrait presque imperceptible aux yeux du jeune lion.

- Il est encore à Ilvermorny, mais il envisageait de venir faire un tour dans le coin pour me rendre visite, je pourrais peut-être lui en parler quand il sera là ?

Son cousin n'était ni contre, ni pour ce qu'il se passait dans la famille, il était plutôt neutre. Faut dire qu'il avait de la chance, de ce qu'il avait dit à Orion, la pression familiale était bien moins forte de son côté que de celui du Gryffondor. Pendant un temps, ça l'avait frustré, ça lui avait donné l'impression qu'il n'était juste pas assez bien et en même temps, il avait inutilement blâmé la famille de son cousin mais avec le temps, il s'était rendu compte que sa haine n'était pas justifiée. Sa frustration était bien la seule chose qui l'était. Avec le temps, il avait aussi appris à être heureux pour son cousin, heureux de savoir qu'il avait pu grandir et faire ses propres choix sans être sans arrêt réprimandé ou contrôlé par ses parents. Les siens n'auraient jamais accepté qu'Orion soit intéressé par les créatures magiques mais par "chance", ce n'était pas le cas. Enfin, ce n'est pas que ça ne l'intéressait pas, c'est plutôt qu'il ne se voyait clairement pas avoir un futur là-dedans. Son futur, il avait toujours eu la sensation qu'il était dans la protection, c'était juste ses parents qui n'avaient jamais eu cette sensation. Quand la brune reprit la parole, le brun dû réfléchir pendant quelques instants. Qu'est-ce qui le faisait vibrer dans la vie ? Au premier abord, il n'en avait absolument aucune idée. Il y avait des choses qui lui plaisaient, bien sûr, mais de là à dire qu'elles le faisaient vibrer ? Ce serait clairement une exagération, il n'avait aucun doute là-dessus. Il n'y avait que sa soeur, encore et toujours cette femme, la prunelle de ses yeux, elle était capable de le faire vibrer et de le rendre heureux dans n'importe quel moment.

- Passer du temps avec ma petite soeur, définitivement. C'était bizarre de la quitter en venant ici, mais les hiboux sont bien utiles. Et toi, des choses en particulier quit e donnent le sourire n'importe quand ?

Ouais, il pourrait presque croire que sa soeur était la seule chose positive dans sa vie en ce moment. Fallait dire qu'il avait sacrément perdu au change. Il était passé d'un pays où il partageait tout avec sa soeur à un pays où il ne connaissait personne à part sa "fiancée" qui avait apparemment décidé de le suivre, peu importe à quel point ça déplaisait au principal intéressé. Mais le fait d'être hors du radar de ses parents -ou en tout cas plus au centre de ce dernier-, c'était un positif non négligeable et ça, il ne risquait pas de l'oublier.

Spoiler:

Amber n’avait certainement pas l’habitude d’aller discuter avec des inconnus dans la forêt interdite. Elle était plutôt une jeune solitaire que l’on évitait d’approcher parce qu’elle pouvait se montrer très désagréable. Il fallait dire qu’elle n’avait pas une très belle réputation à Poudlard et qu’elle avait fini par l’alimenter plutôt que de faire des efforts pour que ces rumeurs se tassent. Elle y avait plutôt vu l’occasion de se fabriquer un bouclier, un masque. La jeune Serdaigle n’avait pas envie de se battre pour des a priori que les gens se faisaient à son sujet. S’ils étaient assez stupides pour croire tout ce qu’on leur racontait, alors ils ne méritaient pas de devenir amis avec elle. Cette logique lui semblait parfaitement adaptée.

D’ailleurs, cela expliquait pourquoi elle discutait avec Orion aussi simplement, en plein milieu d’une forêt qui était un lieu de réconfort et de ressourcement pour elle. Il ne semblait pas s’attarder sur ce qu’on racontait à son sujet et cela lui convenait très bien. Elle pourrait enfin être elle-même. Sans oublier qu’elle n’était pas spécialement d’humeur à se prendre la tête. Elle avait des choses bien plus importantes à l’esprit.

À la place, elle opta pour une discussion autour des animaux fantastiques et Orion sembla s’en intéresser. Un doux sourire s’étira sur ses lèvres. Elle aimait parler de ce qui la passionnait et se sentir écouter. Même s’il était dans la même filière qu’elle, il s’intéressait à tout ce qui l’entourait et c’était une très belle chose aux yeux de la jeune femme. Elle aimait se sentir écouter. Elle ne se livrait pas beaucoup et voir qu’elle pouvait intéresser un inconnu avec quelques mots lui réchauffer le cœur. Elle en avait terriblement besoin ces derniers temps.

Orion lui parla alors de son cousin. Ilvermorny, disait-il ? Intéressant. Elle s’était toujours demandée à quoi pouvait bien ressembler cette école et à quel point elle pouvait être différente de la leur. Poudlard était un lieu merveilleux et peut-être même le plus sécurisé de toute la Grande Bretagne. Est-ce que cette école de magie était aussi sécurisée que ce château ? Est-ce que les élèves s’y sentaient chez eux comme la plupart de ceux de Poudlard ? Est-ce qu’ils avaient aussi un lieu qui leur était interdite où ils aimaient s’évader, quitte à ne pas respecter le règlement ? Tant de questions dont elle ignorait les réponses. Elle aurait aimé les poser à son cousin, tout en s’intéressant aux créatures magiques. Sa soif de curiosité, sa soif d’apprendre ne connaissait aucune limite.

— Ce serait avec grand plaisir.

Amber lui adressa un demi-sourire, même si elle se doutait qu’elle ne rencontrerait jamais son cousin. Beaucoup de personnes disait des paroles en l’air. Très peu passait véritablement à l’action. Orion et elle discutaient et sympathisaient dans les bois, mais quand ils retourneraient au château, Amber était persuadée qu’ils feraient comme s’ils ne s’étaient jamais rencontrés… La dure réalité de la vie.

Enfin, elle s’en moquait. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne comptait sur personne mise à part elle-même. Elle avait fini par ne plus croire tout ce qu’on lui disait depuis fort longtemps. Orion ne serait peut-être qu’un de plus sur sa liste. Malgré tout, il restait sympathique et elle avait envie de profiter de leur échange sans se prendre la tête. Ils partageaient simplement leur point de vue et ne s’engageaient pas dans des promesses.

Plongée dans cette optique, elle l’invita à parler de ce qu’il aimait faire dans la vie. Elle s’attendait à tout sauf à cette réponse. Il fallait dire qu’Amber n’avait jamais été très proche de son frère. La vie leur avait confié des chemins très différents. Elle le voyait plus comme le fils parfait de ses parents que comme un frère protecteur, à qui elle pouvait se confier à toute heure de la journée. Heureusement, la situation évoluerait dans les prochains mois.

— Elle ne t’a pas rejoint en Grande-Bretagne ?

La jeune femme était peut-être indiscrète, mais elle se demandait la raison de leur séparation. Elle ne comprenait pas pourquoi ils étaient aussi éloignés l’un de l’autre, quand bien même ils étaient proches. M’enfin… Peut-être qu’Orion serait offusqué de sa question et ne voudrait pas lui répondre, mais elle n’y avait pas pensé. Elle avait simplement sorti ce qu’elle avait en tête à cet instant.

— Moi ? Oh, hum… commença-t-elle avant de plonger quelques instants dans ses pensées. J’aime beaucoup les créatures, comme tu peux le deviner. Et tout ce qui me permet de partir de la réalité. Comme la lecture, les échecs, la musique…

Amber se rendait compte qu’elle ne devait pas paraître très intéressante ou bien sociable. Elle venait clairement de lui faire comprendre qu’elle n’aimait pas la compagnie humaine. Mais soit ! Il n’y avait que très peu de personnes qui l’intéressaient dans ce château. Mise à part Elise et quelques camarades.

Ces évènements nocturnes étaient bien différents de ce à quoi il avait l'habitude mais pour le coup, ça lui plaisait plutôt bien. Il était juste sorti pour prendre l'air et profiter du calme pour se détendre et laisser ses soucis derrière lui, mais ses plans avaient complètement changés quand il était tombé sur Amber. Au début, il s'était demandé si c'était vraiment une bonne idée de discuter avec elle et au final, il avait été très agréablement surpris quand il avait vu que le courant passait bien. C'était rare que le courant passe bien entre d'autres personnes et lui, surtout depuis quelques années où il avait préféré complètement se fermer aux autres et entretenir sa réputation d'imbécile sans empathie et sans coeur. Mais visiblement, il avait bien fait de faire l'effort de discuter avec elle, ça lui donnait un semblant d'une normalité qu'il avait préféré oublier avec le temps. D'autant plus qu'Amber était intéressante, surtout quand elle parlait des créatures magiques, ça se sentait que ça la passionnait. Elle savait ce dont elle parlait et la façon dont elle le faisait aidait Orion à se sentir d'autant plus intéressé par ses paroles. Certes, il connaissait pas mal de choses grâce à son cousin, mais il avait malgré tout l'impression d'en apprendre toujours plus et ça, il n'allait définitivement pas cracher dessus. C'est d'ailleurs pour ça qu'il lui avait parlé de son cousin, même s'il est vrai qu'il y avait peu de chances qu'il vienne au Royaume-Uni. Ils avaient beau être assez proches, il doutait fortement du fait que son cousin soit capable de faire le trajet jusqu'ici juste pour le voir. Mais ça pouvait toujours arriver et franchement, il était persuadé qu'Amber et lui s'entendraient plus que bien s'ils se rencontraient.

- Je lui enverrai une lettre un de ces jours, ça pourrait peut-être l'intéresser de venir visiter.

Même si la brune ne faisait que lui adresser un demi-sourire, c'était déjà beaucoup à ses yeux, à tel point qu'il n'avait pas hésité bien longtemps avant de le lui rendre. Ce n'était que des demi-sourires mais du côté d'Orion, c'était déjà bien plus que ce qu'il adressait aux autres dans la vie de tous les jours. Le simple fait de penser à sa petite soeur avait créé un mélange de légèreté et de nostalgie chez le Gryffondor, chose qu'il ne refusait clairement pas. Elle lui manquait énormément mais dans le fond, il était conscient que c'était bien mieux pour lui qu'il soit ici, même si la pression de ses parents n'étaient jamais bien loin, ne serait-ce que par le biais des lettres qu'ils n'hésitaient pas à lui envoyer dès que ça leur chantait, donc assez souvent. Il fut coupé dans ses pensées par Amber et sa question fit naître un sourire un peu triste sur les lèvres d'Orion. Enfin, c'était pas vraiment de la tristesse, c'était plutôt de la nostalgie. Clairement, les choses auraient été bien plus simples si Artemis avait pu le suivre, mais ce n'était tristement pas une option.

- Elle a même pas essayé, elle n'est pas encore majeure et on été à peu près certains que nos parents n'auraient pas trop accepté que leurs deux enfants partent de l'autre côté de l'Atlantique en même temps.

Ce qu'il avait dit n'était pas vraiment un mensonge, mais disons qu'il avait bien omis les détails de pourquoi ses parents auraient eu du mal avec le fait qu'ils partent tous les deux. Ce n'était pas une question d'avoir leurs deux enfants qui étaient partis, c'était une question de réputation. A tous les coups, ils se seraient contentés de penser à ce que les autres auraient pu penser du fait que les deux enfants Campbell aient décidé de quitter les lieux. A tous les coups, plein de questions se seraient posées et rien que pour cette raison, ses parents ne les auraient jamais laissés faire. Mais ouais, sa soeur lui manquait, elle lui manquait même beaucoup, mais il ne pouvait rien faire pour changer ça et il savait que rentrer chez lui n'était pas une option, ne serait-ce que pour lui. S'il revenait, il n'imaginait même pas les remarques qu'il recevrait de leur part. Il préféra forcer ses pensées à le quitter histoire de porter plus d'intérêt à ce que lui racontait la brune présente à ses côtés. Il acquiesça face à sa réponse. Il pouvait la comprendre, les créatures magiques étaient plus agréables à côtoyer que les êtres humains qui peuvent être présents autour d'eux. Quant au fait de partir de la réalité, il se sentait soudainement plus que compris face à ses paroles. Certes, il n'avait pas nécessairement parlé de ce genre de choses et pourtant, c'était quelque chose qui lui tenait énormément à coeur, d'où ses sorties nocturnes. Le fait qu'il ne soit pas le seul à avoir cette envie de s'échapper de la réalité pourrait presque lui donner le sourire parce que franchement, il avait parfois l'impression que les gens appréciaient le monde dans lequel ils étaient ainsi que leur réalité et il ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce que ça faisait d'être comme ça. En même temps, ça le dérangeait un peu pour elle, il ne savait que trop bien à quel point c'était difficile quand on avait besoin de s'échapper de la réalité.

- J'ai jamais eu la patience d'apprendre les échecs version sorcier, mais c'est vrai que la lecture ça change beaucoup les idées. J'avoue que des fois, le simple fait de me plonger dans un devoir de protection magique suffit à me faire oublier certaines choses, pourtant je peux t'assurer que je suis loin d'être un rat de bibliothèque.

Il avait toujours eu de bons résultats aux examens quand il était à Ilvermorny, mais il était très loin d'être le rat de bibliothèque que certains pouvaient imaginer quand ils le voyaient plonger dans les livres. La seule raison pour laquelle il pouvait se plonger là-dedans, c'est parce que le sujet le passionnait et qu'il avait l'impression d'enfin faire ce qu'il voulait et autant dire qu'avec des parents comme les siens, c'était un luxe. C'était encore un avantage d'être ici, à Poudlard, il pouvait faire ce qu'il souhaitait et enfin écouter l'intérêt qu'il avait pour la protection magique depuis si longtemps maintenant.

Amber ne savait pas si cette rencontre avec son cousin se ferait réellement et elle préféra ne pas se poser davantage de question au risque d’être déçue plus tard. Au fil des années, la jeune femme avait appris à ne compter que sur elle-même et partir du principe que tout ce qui était dit par les autres n’était que mensonge ou manipulation. Peu importe. Si elle rencontrait son cousin, elle pourrait s’estimer vraiment chanceuse, parce qu’elle avait plein de questions à lui poser, de mystères à résoudre… Elle verrait bien ce que l’avenir lui réserve.

Il fallait dire qu’elle n’avait pas le temps de se détendre, entre les cours, les examens, ses entraînements avec William et Jaeden… Et quand elle commençait à souffler, le Blood Circle passait à l’attaque. Honnêtement, leur vie d’étudiante, et particulièrement la sienne, n’était pas de tout repos. Même les vacances n’en avaient même pas l’air. Elle passait son temps entourée de mangemorts qui confectionnaient des plans plus saugrenus les uns que les autres. Le passe-temps favori d’Amber n’était pas de comploter contre les moldus. Elle avait d’autres chats à fouetter, comme le disait si bien le dicton…

Finalement, les échanges qui suivirent furent cordiaux. Orion lui adressa même un sourire qui provoqua un frisson dans l’échine d’Amber. Elle n’avait pas l’habitude que les gens expriment de la sympathie envers elle, surtout lors d’un premier échange. Cela faisait tout drôle, mais elle était plutôt satisfaite d’y être parvenue.

— Il faut dire que la situation en Grande-Bretagne ne doit pas les rassurer non plus.

Elle n’avait pas encore entendu parler de Blood Circle, ailleurs dans le monde. Ce qui signifiait que leur fils avait mis les pieds dans un pays en proie à la guerre et aux conflits. Pas fou… Mais c’était rassurant de se dire que leur pays était encore attractif, malgré tous ces problèmes. Beaucoup de sorciers auraient voulu partir, l’été précédent, mais le Ministère avait fermé les frontières, faisant beaucoup de déçus. Elle ne savait pas ce qu’il en était, à présent, si ce n’était que Poudlard restait l’endroit le plus sécurisé de Grande-Bretagne. Ici, Amber ne craignait absolument rien, si ce n’était les plus terribles créatures magiques qui vivaient dans la forêt, et encore… La jeune sorcière n’avait pas dit son dernier mot. Elle savait se défendre et n’avait pas froid aux yeux.

— À l’occasion, si ça te tente, j’ai un jeu d’échecs qui commence à prendre la poussière. Je pourrais t’apprendre.

Amber lui adressa un léger sourire et tourna son visage dans sa direction. Elle n’était pas faite pour être professeur, mais les échecs s’apprenaient relativement vite, sauf si on voulait se perfectionner. La jeune sorcière jouait pour le divertissement et ne cherchait pas à battre des records. Elle n’était pas une experte dans le domaine, ce qui laissait une chance à Orion de la défier sans prendre le risque de se faire écraser.

— Je n’avais pas vu l’heure. Le temps passe si vite dans cette forêt ! On ferait mieux de remonter tranquillement vers le château.

Le soleil commençait déjà à disparaître au loin et le dîner serait bientôt servi. Mieux valait rentrer avant de perdre des points bêtement. Cette rencontre avec Orion ne l’avait pas laissé indifférente. Elle voyait en lui une bonne entente possible sur le long terme. Il n’était pas aussi désagréable que tout ceux qu’elle avait rencontrés jusqu’ici.

— À moins que tu veuilles rester plus longtemps. Avec ma présence, tu n’as pas pu te retrouver seul.

Amber était la première à passer des heures en forêt, alors peut-être qu’Orion voulait en faire de même. Avec tous ces échanges, il n’avait pas pu se ressourcer. Attendant sa réponse, elle rangea précieusement son carnet dans son sac en cuir, et passa la lanière sur son épaule. Il était tant pour elle de rentrer, même son ventre commençait à appeler la nourriture. Elle n’avait pas envie de déranger une nouvelle fois les elfes de maison en cuisine. Elle l’avait fait bien trop de fois, à cause de ses nombreuses rêveries dans la Forêt Interdite ou ailleurs, qui lui avaient fait loupé les repas. Même si ces créatures étaient serviables, la jeune Towsen n’avait jamais voulu en abuser.

Il était le premier étonné par le fait que les choses soient si simples ce soir-là. Certes, il n'était clairement pas en train de s'ouvrir sur quoique ce soit, mais il n'avait pas fui en voyant qu'Amber était là non plus. Non, au lieu de fuir, il s'était retrouvé à discuter avec elle, de sujets qui pour certains étaient très légers et pour d'autres un peu plus lourds, comme le Blood Circle. Malheureusement, ce n'était pas par peur pour leur fils que ses parents avaient eu du mal avec le fait qu'il quitte le continent américain. Non, c'était simplement parce qu'ils savaient pertinemment que le contrôle qu'ils avaient toujours eu sur leur fils leur échapperait des mains une fois qu'il serait au Royaume-Uni et avant d'accepter quoique ce soit, ils avaient dû mettre des règles en place pour s'assurer qu'il n'oublierait pas ses origines. Mais ça, ce n'était pas contre Amber, mais il n'était pas prêt de lui dire. Personne ici ne savait qui étaient les Campbell et c'était très bien comme ça. Elle avait beau avoir l'air gentille, ce n'était pas une raison pour lui pour s'ouvrir. Après tout, rien ne disait à Orion qu'elle ne cachait pas des secrets plus ou moins lourds, elle aussi. En plus, ils venaient seulement de se rencontrer, rien de l'obligeait à lui racontait quoique ce soit. Donc au lieu de répondre très précisément à ce qu'elle venait de dire, il préféra faire comme il le faisait bien souvent, c'est-à-dire noyer le poisson.

- C'est vrai que je peux comprendre que ça ne les ai pas rassurés. Mais on n'en a pas tant parlé, j'imagine qu'ils estiment que je sais me défendre.

Ou plutôt qu'ils s'en fichent complètement. Il ne savait pas du tout s'ils étaient au courant de l'existence du Blood Circle mais même si ça avait été le cas, il était évident que ce n'était pas leur préoccupation principale. Pour eux, le contrôle et la réputation étaient les deux choses les plus importantes et malheureusement, la santé mentale ou physique de leurs enfants passait souvent après. Ils n'avaient jamais été violents avec eux, merci Merlin, mais ce n'est pas pour autant qu'on pouvait les considérer comme étant des plus prudents non plus. Le brun releva la tête vers elle quand elle changea de sujet, essayant d'ignorer la surprise qui venait de naître en lui. Il n'avait pas l'habitude que les gens veuillent passer du temps avec lui quand ils ne connaissaient pas ses origines, mais c'était en grande partie parce que depuis qu'il était arrivé ici, il avait fait en sorte de rester le plus distant possible avec les autres, simple question de précaution disons. Mais il sourit et acquiesça doucement en guise de réponse, complétant rapidement ces gestes avec des paroles.  

- Ce serait avec plaisir ! J'ai vu pas mal de monde y jouer quand j'étais à Ilvermorny mais clairement, je ne pense même pas pouvoir dire que je connais les règles. Donc si tu as la patience d'apprendre à un pur novice, pourquoi pas j'imagine ?

Il passait son temps à se dire qu'il n'était plus la même personne que celle qu'il avait été à Ilvermony, quel meilleur moyen d'apprécier ce renouveau que d'apprendre de nouvelles choses ? Un de ses amis d'Amérique avait essayé de lui apprendre à plusieurs reprises, mais Orion avait toujours refusé, préférant passer du temps dans les livres, à faire la fête, ou à enfreindre le règlement. Mais il avait grandi et une partie de lui avait également mûri, donc pourquoi pas se tourner vers des activités plus reposantes physiquement, mais aussi plus vivifiantes au niveau cérébral ? Au pire des cas, ça ne lui plairait pas, mais ça il ne le saurait pas tant qu'il n'aurait pas essayé. Un simple regard vers les feuilles des arbres qui laissaient passer quelques rayons de lumière puis vers sa montre lui montrèrent rapidement qu'en effet, il avait légèrement perdu la notion du temps pendant qu'il discutait avec la jeune Serdaigle. Il se releva de la souche d'arbre, époussetant sa robe de sorcier d'un rapide geste avant de se retourner vers l'étudiante.

- Tu as raison, déjà que se faire prendre pour avoir été ici ne serait pas agréable, ce n'est pas la peine de rajouter la peine du couvre-feu en plus. Et puis.. Je préfèrerai ne pas rater le repas, aussi. Et ne t'inquiètes pas, ta compagnie n'était pas désagréable, je ne ressens plus spécialement le besoin d'être seul. Et puis, si jamais ça me reprend après le repas, je profiterai tant que le couvre-feu ne sera pas passé pour aller m'isoler dans un coin. Ou alors, je me ferai tout petit dans ma salle commune, ou alors je m'enfermerai derrière les rideaux de ma chambre. Y a pas mal d'options, donc ne t'inquiètes pas pour moi. J'espère simplement que je n'ai pas gâché ton moment de quiétude et de solitude.

Il n'était que trop bien placé pour savoir que parfois, la solitude était la seule chose que l'on pouvait souhaiter. Un moment dans le silence, dans un endroit où personne ne peut venir nous empêcher de penser ou réfléchir à des choses que l'on préfère vivre seul -ou alors que l'on n'a pas le choix que de vivre seul-. Il lui est déjà arrivé de détester les personnes qui venaient l'interrompre dans ces moments de quiétude et de réflexion et même si Amber n'avait clairement pas eu l'air de le détester sur le moment -après tout elle l'avait invité à la rejoindre-, il ne pouvait pas s'empêcher de vouloir vérifier parce qu'après tout, ils étaient surement venus dans la forêt interdite pour les mêmes raisons -même si Orion y était aussi allé dans le but de découvrir cet endroit dans lequel il n'avait pas encore mis les pieds-. Au final, le chemin jusqu'à la sortie de la forêt interdite ne fut pas très long, beaucoup moins que ce que le sorcier aurait pu croire au premier abord. Une fois arrivé au niveau des grandes portes du château, il se tourna une dernière fois vers la jeune femme avant de pousser les portes.

- En tout cas, je suis content d'avoir pu faire ta connaissance Amber, ça fait plaisir de voir qu'il y a des gens qui me ressemblent dans le coin. Au plaisir de te recroiser, du coup !