J'adorais les samedis froid et pluvieux, ils étaient pour moi l'opportunité de rester bien au chaud chez moi et de laisser l'ennui et le son des gouttes sur ma fenêtre m'inspirer de nouveaux morceaux pour le groupe. Un thé infusé le temps exact accompagné de son nuage de lait et d'un biscuit en guise de petit déjeuner et les allées et venues de inconnus dans la rue comme distraction, ma matinée était douce. Assis sur la banquette sous ma fenêtre, accoudé sur le rebord, mes pensées voguaient paisiblement sur l'océan d'idées et d'émotions qu'était mon esprit encore embrumé. Posé sur la table, une longue liste de choses à faire en cette fin de semaine, est ce que je comptais la faire ? Non, quand bien même mon appartement aurait mérité un bon nettoyage.
D'habitude mon appartement était bien tenu, il était important pour moi de respecter ce toit au-dessus de ma tête. J'aurais pu déménager, l'argent affluait bien plus ces dernières années, mais cet endroit me tenait à cœur. Phoebus m'avait trouvé ce studio, en plein cœur de Londres, à quelques minutes à pied de Trafalgar Square, juste à côté du parc St James. Il m'avait toujours semblé bien trop grand pour une seule personne, un 60 mètres carrés aux grandes fenêtres rectangulaires et aux poutres apparentes. Le grand salon ouvert sur la cuisine était haut de plafond, donnant une impression de grandeur supplémentaire. J'avais mis beaucoup de cœur à l'ameublement et la décoration, c'était mon tout premier chez moi.

Les yeux rivés sur les passants, je me plaisais à leur imaginer une vie, des intentions et des desseins qui n'étaient certainement pas les leurs. Cette dame aux cheveux noir devait probablement être une espionne de l'Ordre, analysant les faits et gestes des moldus pour leur obsession malsaine des faibles. Et celle-là est une actrice de séries z que personne ne regarde, tandis que l'homme chauve juste à côté est un mafieux puissant. Je pouvais passer des heures à ce petit jeu futile, une réminiscence de ma vie d'enfant à Brighton, nous avions en effet pour habitude de jouer à cela avec mes amis d'époque.

Le hibou de Tobias me sortit de ma torpeur, la journée m'offrait un peu d'interaction humaine, chose que je n'avais pas pris le temps d'avoir depuis un moment. Les dernières semaines avaient été pas mal mouvementées, entre mon implication toujours plus forte aux côtés des Mangemorts, Draoidh qui prenait de plus en plus d'ampleur dans ma vie et mon afflux de clients, je n'avais pas pris beaucoup de temps pour moi, et encore moins pour mon entourage. Et, de tous, Tobias était la personne qui me manquait le plus. Mon ami rencontrer entre les murs de Poudlard m'étais cher, il faisait partie des rares personnes capables de me comprendre et d'attiser mon intellect, nous étions devenus proches assez vite. S'en ai suivi un nombre incalculable d'histoires rocambolesques, de sauvetage de l'un ou de l'autre, de soirée ivre à refaire le monde. J'étais impatient de revoir mon vieux camarade.
Ragaillardi par la nouvelle je trouvais enfin le courage de me rendre moi ainsi que mon foyer présentable pour la venue de mon ami. Ne faisant jamais les choses dans le silence, c'est bien entendu après avoir allumé mon enceinte et avoir lancé une playlist de musiques entraînantes que je m’attelai à la lourde tâche du nettoyage.

"Put your hands up in the air, like an ogre, just don't care!"

M'imaginant dans un stade rempli de sorciers venus pour me voir, le balai comme micro, je donnais le meilleur de moi-même, montant sur le canapé, tournoyant et dansant je n'avais pas beaucoup avancé dans ma quête. Je n'avais pas avancé du tout. J'étais toujours en caleçon, ma cuisine était toujours remplie de vaisselle à faire et le sol de mon salon était toujours un mélange de partitions inachevées, de vêtements sales et de piles de livres. Cela faisait des heures que je fanfaronnais dans mon bazar sans y toucher, faisant pire que mieux, dérangeant le peu d'endroits propres qu'il restait. Je chantais tant et si bien que je ne remarquais pas le bruit de la porte, auquel cas j'aurais bien entendu réagis au quart de tour. Lorsque mon esprit remarqua enfin que quelque chose se passait du côté de l'entrée, je m’empressai d'aller ouvrir, toujours perdus dans ma tête je ne cessais pas pour autant mon spectacle.

"Can you dance like a hippogriff ?!"

Je pointai le doigt vers mon ami planté dans l'encadrement de la porte, il avait les yeux fixés sur la pagaïe que je représentais en cet instant. Je ne remarquai sa présence qu'à la fin de la chanson, je me tus instantanément et me transforma en une tornade, ramassant tout ce qui se trouvait dans mon périmètre proche pour le déplacer vers ma chambre, en repassant dans le salon, j'enfila en vitesse un jeans et un t-shirt qui traînait sur le canapé et m'approche enfin de lui.

"Entre je t'en prie ! Désolé, j'avais prévu de ranger mais je me suis… Laissé distraire."

Je fis de la place sur la méridienne en cuir de mon sofa et l'invita à s'asseoir tandis que je mettais à bouillir de l'eau et sortais une deuxième tasse, il était encore bien trop tôt pour boire autre chose que du thé. Je me sentais bien gêné de l'accueillir dans un environnement pareil, Tobias venait d'une famille influente et riche de sorcier au sang pur, il était habitué à des standards bien plus élevés que les miens.

"Ça fait si longtemps qu'on n'a pas pris le temps de se retrouver, comment va-tu ?"

Dès son arrivée, Tobias avait embaumé la pièce de son parfum frais et délicat, allouant à l'appartement une atmosphère propre et chaleureuse. Heureux de le voir en face de moi, j'avais un large sourire qui fendais mon visage, j'avais un milliard de choses à lui raconter, des anecdotes à lui rapporter, des émotions à partager. L'héritier Towsen et moi n'étions pas forcément d'accord tout le temps, certains de mes choix de vie lui semblait discutables, et certains des siens me paraissait irréfléchis, mais nous avions l'un pour l'autre un respect qui maintenait cette relation dans de bons rails. Le ton pouvait parfois monter mais jamais notre amitié n'avait défailli, il était pour moi le frère que je n'avais pas eu, la personne sur laquelle je pouvais compter quel que soit les circonstances. Je remarquais néanmoins que le visage de mon ami était étrangement tendu, il ne semblait pas vivre des moments très reposants ni réjouissants. J'avais à la fois envie de lui en parler, mais je ne voulais ni le forcer ni l'ennuyer. Je décidais finalement de lui laisser la liberté de m'en parler seulement s’il le décidait, je lui servais alors un thé chaud et sucré.

Assis dans mon salon, Tobias dénotait, une entité immaculée et élégante dans le capharnaüm qu’était mon logis. Il n’était pas revenu depuis plusieurs mois et pourtant, a part de nouveaux instruments l’appartement n’avais pas beaucoup changé, il était impensable pour moi de me prendre a nouveau la tête à trouver une nouvelle façon de disposer les meubles. Du moment que j’avais la place pour danser et pour répéter, je n’avais besoin de rien d’autre. Rien n’avait changé ? Dans un coin du salon trônait un piano droit en bois foncé, l’écusson de la famille Towsen gravé fièrement sur le pupitre, un cadeau d’Amber suite a nos retrouvailles, qui plus est personne ne l’utilisait au manoir, ici il est choyé et jouer régulièrement.
La présence de mon ami m’avait manqué, son parfum, sa voix enjoué, l’atmosphère qu’il apportait avec lui. Je sentais mon cœur se remplir d’une chaleur oubliée depuis longtemps, nos vies étaient mouvementées a tous les deux, et malgré notre alliance commune, nous ne nous voyions pas plus. Les missions des uns et des autres nous empêchait bien souvent de ne serait-ce que nous croiser, et nos métiers respectifs nous offrait l’immense chance de voyager, ce qui ne facilitait pas les choses. Je lui souris et tendis une tasse de thé chaud, sa marque favorite, bien entendus j’avais toujours une boite cachée, réservée exclusivement à Tobi. Nous avions vécu sept années ensemble, je le connaissais et je connaissais ses gouts, ses manies et les petites bizarreries qui faisait de lui ce qu’il était, cela me faisait plaisir de faire attention a ce genre de petits détails, c’était ma façon de dire je t’aime sans ouvrir la bouche.

« Internationale je ne dirais pas, mais on commence à se faire une petite réputation, oui. Je peux voyager, rencontrer d’autres artistes, créer. La semaine prochaine on tourne notre premier clip, tu te rends compte ? Puis je fais voyager le message, je transmets la bonne parole. »

Ça pour le diffuser je le faisais. Bien entendus tous étaient toujours fait dans la subtilité, le demi-mot et le murmure, mais le message s’étendais. Le seul problème était de devoir trier entre les vrai intéressés et les fans qui n’espéraient qu’une chose, nous croiser dans les locaux. En contre partie nous avions une sécurité que nulle autre artiste ne pouvait se vanter d’avoir, en plus d’avoir une armada de contacts, donc de lieu et de date de concert. Je n’avais plus a m’inquiété pour l’argent, je ne vivais plus de nuits blanches à jouer le rôle d’agent et me battre pour qu’on nous laisse jouer. Grâce aux mangemorts je n’avais qu’a me concentrer sur mon art, et c’était un pas de géant dans la vie que je menais. Mon ami devait probablement se souvenir des nombreux repas que je venais gratter en fin de mois, les innombrables nuits passées dans son canapé pour ne pas dormir dans la rue. Tobias ne m’avait jamais laissé tomber, il avait pris une place telle dans ma vie qu’il était à mes yeux ma famille plus que mon ami.
Je m’emparai du petit plateau en métal qui trainait sur le canapé et le déposa sur mes genoux, me roulant une cigarette je lançai un regard interrogateur à Tobias, devais-je en rouler deux ?

« Et toi ? Où est ce que la vie t’a emmené ? Quels sont tes nouvelles ? »

Le petit tube de papier et de tabac à mes lèvres, j’en inspira une bouffée tout en allant ouvrir la fenêtre, je détestais l’odeur de tabac froid sur le textile et je ne voulais pas imposer l’effluve fumée de ma cigarette a mon ami.
Mon regard imprimait dans ma mémoire chaque nouveauté chez mon ami, chaque petite ride de fatigue, chaque nouvelle posture que son voyage lui avait fait prendre, chaque mimique inédite que son visage offrait. J’enregistrais le nouvel accent qu’il avait sur certains mots, son intonation, son rire, tout ce qui faisait de cet homme en face de moi qui il était, il me fallait le retenir. Je ne savais pas quand je le reverrais, une semaine ? un mois ? Peu être plus.

« Au vu des circonstances ? »

Je ne savais s’il avait prononcé ces mots volontairement, mais quelque chose se passait dans sa vie c’était indéniable. D’habitude je le laissais venir a moi, Tobias n’était pas quelqu’un de facilement ouvert et il était généralement plus rentable de ne pas le pousser à parler. Mais, après tout, notre amitié ne résidait-elle pas dans le fait que nous étions différents l’un envers l’autre que ce nous étions d’habitude ? Il pouvait m’autoriser à m’inquiéter pour mon frère et, de fait, le brusquer un peu.
Il avait toujours eu une vie mouvementée, son travail en plus de son alliance à la Cause lui faisait vivre des aventures dignes d’un livre d’Herman Melville, mais il n’avait jamais eu de mal à en parler au contraire il me contait souvent ses aventures qui me servait d’inspirations pour pas mal de mes chansons. S’il était fermé et discret, c’est que c’était plus important.

Occupés. C’est cela que nous étions devenus, deux adultes prit par leur travail respectif, les responsabilités de la vie et de la cause. Mon ami était devenu quelqu’un d’important, sa vie devait être chargé en missions, débats et que sais-je encore ? Mais plus important encore il était rester un homme bien, fidèle a ses valeurs et a lui-même et de cela il pouvait être fière.
Il me semblait que des siècles s’étaient écoulés depuis notre dernier rendez-vous, entre-temps j’avais eu le temps de me rapprocher de William, de voyager à travers les Royaumes-Unis pour performer et de vivre mille et une péripéties que Tobias n’aurait pas apprécier entendre. Nous venions de deux mondes diamétralement opposés, et nos visions de la vie pouvait parfois se confronter, nous amenant sur un chemin semé de longues conversations musclés. Tout cela me manquait ; le voir s’insurger de mes actions, l’entendre essayer de me résonner sur mes choix tandis que je époumonait a lui dire qu’il était bien trop coincé pour comprendre. Tobias venait d’une famille influente, riches et aux racines encrés dans le monde sorcier, il avait donc eu une éducation digne de son sang, et encore aujourd’hui je pouvait en voir les réminiscences.

-Tu as raison, bientôt nous serons en top 1 des charts ! Mais je dois t’avouer que j’ai parfois quelques scrupule à utiliser ma musique à des fins si sombres… Combien de groupie se sont alliés à nous dans l’unique but de m’apercevoir ? Combien de fils et de fille pleins d’espoir ont servit de chair à canon ?

Je n’étais pas aussi froid et sadique que mes comparses mangemorts. Certes j’avais un dégoût envers les moldus, mais ma mère avait réussis a implanter en moi la graine du respect de la vie des sorciers qui m’entourait, qu’ils soient de sang-pur ou pas. De plus, n’étais-je pas moi-même un imposteur ? Je leur mentais a tous sur la pureté de mon hémoglobine, m’entraînant d’arrache-pied pour rattraper le potentiel retard que ma bâtarde d’identité était censé m’apporter.

-Quand diable prendras-tu le temps de te reposer un peu ? Je suis d’accord qu’avec ce groupe de terroristes moldus il nous faut redoubler d’efforts, mais la cause a d’autre soldats que toi ! Tu ne veux pas qu’on se prenne un petit week-end juste nous deux ? En souvenir du bon vieux temps !

Je lui fit grâce d’un de mes plaidoyer dont j’avais le secret, j’aurais pus continuer pendant une bonne heure, a lister toutes les raisons pour lesquels il méritait de bonnes vacances. Mais mon meilleur ami connaissait déjà le fond de ma pensé, il avait conscience qu’à mes yeux les mangemorts lui en demandais trop et que sa vie était bien trop sérieuse. Nous avions la capacité de nous comprendre en une phrase, un mot voir un regard. C’est la raison pour laquelle il n’avait eu qu’a s’asseoir sur mon canapé pour que je devine que quelque chose se passait dans sa vie, que sa tête était encombré de soucis. Il émanait d’une aura grise et tourmenté.

- Qu’est ce que ‘papa’ a encore fait ? J’espère que la raison de votre dispute n’était pas trop grave. Vois le bon côté des choses, au moins vous vous êtes rabibochés !

Assis à ses cotés je l’écoutais parler sans broncher, ma tasse de thé chaude dans les mains je buvait de façon compulsive, chacune de ses phrases étant pires que la précédente. Les yeux rivé sur sa bouche je pesais chacun de ses mots, essayant de digéré les informations nouvelles qu’il énonçait. Je ressentis alors une profonde excitation, une chaleur dans le ventre et les mains, j’eus envie de me lever et d’enterrer le père Towsen vivant, ou de le laisser se faire dévorer par des chiens errants. Je me contenta simplement de déposer ma tasse vide sur la table et d’aller calmement chercher la bouteille de bourbon dans ma salle de bain. (Quoi ? Suis-je le seul a boire dans mon bain?) Je savais que Tobias gérait la situation, et que si il avait le moindre soucis il pourrait venir quérir mon aide.

- Ton père a toujours été un profond connard.

Je servit un verre et le déposa en face de Tobias, quand à moi je pris une gorgée directement à la bouteille.

-Remarque, je suppose que le remettre à sa place doit déjà être une petite victoire. Sa tête devait être inestimable !

Je souris et avala une autre gorgé de ce breuvage ambré, il était encore tôt et pourtant j’avais la sensation d’avoir besoin de cette potion pour rester calme face à ces révélations. J’aimais profondément mon ami et le savoir en souffrance me faisait du mal, j’avais envie de le prendre dans mes bras et de ne plus le lâcher. Nous étions et avions toujours été proches, mais pas ce genre de proches, le seul souvenir que j’avais d’un rapprochement physique entre lui et moi datait de la mort de ma mère. J’osais tout de même une main amicale sur son dos, essayant sans trop le forcer de lui montrer que j’étais là malgré tout.

- Tu débordes de romantisme l’ami ! Une heureuse élue en vue ? Ou un heureux élu, je ne juge pas !

Je pouffa et jeta un bref regard en sa direction, il avait raison, la meilleure des vengeance auprès de son père était de le détrôner, de le remettre a sa place de vermine qu’était la sienne. Tobias était malin et je savais qu’il était plus que capable d’arriver a ses fins. Je songea alors aux buts que je m’étais fixés pour cette année ; faire monter le groupe le plus haut possible, réunir de nouveau sorciers prêt a se battre contre les moldus, et surtout réussir a me rapprocher encore plus de William pour enfin me venger de ce qu’il nous avait fait a ma mère et moi. Mon plan se dessinait petit a petit et une idée saugrenue avait surgit de nulle part quelques mois plus tôt, une idée qui, je l’espérais, torturerait William plus que n’importe quel sortilèges interdits.