Le mois de mars commençait à être bien avancé. Le printemps arrivait à grand pas et réchauffait la Terre de sa chaleur, faisant pousser les fleurs et chanter les oiseaux. Quelle belle connerie oui !

«Bordel ça caille. Pourquoi j’ai accepté de m’entraîner dehors avec toi… »

C’était Raphaël qui avait accepté, ou c'était lui qui avait proposé ? Il ne savait plus trop, ou plutôt sa mauvaise foi ne voulait pas savoir. Il était vrai qu’il avait trouvé que le temps s’était adouci les derniers jours, mais une fois dans le parc en tee-shirt c’était pas la même. Et Raph savait très bien ce que Jonas allait probablement lui répondre “Oh ça va, il fait pas si froid, il fait plus de 10 degrés, il fait chaud”. Putain de Londonien et leur climat de merde. Et puis il la sentait venir l’excuse de “Non mais t’en fais pas, dès que t’auras commencé à bouger t’auras plus froid”. Et ce qui énervait le plus le français dans cette histoire, c’est que son collègue boxeur avait probablement raison

Raphaël Millet et Jonas Tallec se connaissaient de vue grâce à Leah O’Malley, leur meilleure amie commune. Par contre Jojo il va se calmer, il a juste eu la chance de la connaître avant. Raph n’a jamais parlé à Jonas de son implication dans l’Ordre du Phénix, ni même de son existence, ni de son implication pour le monde sorcier. Bref de tout ce qui touchait réellement aux sorciers. Il faut dire qu’avant de décider de s’inscrire à la boxe ensemble, ils n’étaient pas vraiment amis, ils se connaissaient de vue mais ils n’étaient pas réellement proches. C’était le sport qui les avait rapprochés, ils avaient eu l’occasion de parler de leurs idées politiques et de leurs engagements. Même si Raphaêl n’allait pas dévoiler qu’il fréquentait des sorciers, son aversion pour le gouvernement Kane et la discrimination des sorciers n’étaient un secret pour personne. On ne pouvait pas le condamner pour ses idées. Pas encore en tout cas. Les deux garçons avaient les mêmes idées sur ce qui touchait aux discriminations en général, incluant l'exclusion des sorciers. Il fallait dire que Leah savait bien s'entourer.

Raph avait accepté de s’inscrire à la boxe avec Jonas. Il y avait plusieurs facteurs qui le faisaient hésiter avant de s’inscrire. Il avait envie de savoir se défendre. Il ne voulait plus être une victime si il devait être en conflit. Alors certes, il apprenait à se défendre auprès de Théo Greengrass, un sorcier de l’Ordre qui était semblait être, aux yeux de Raph, un expert en techniques de combat, mais Raph avait un peu honte d’être un gringalet ignare en technique de combats, et de sport en général. Il avait déjà songé à se mettre au sport, de combat ou non, dans le but d’habituer son corps ; alors quand Jonas avait parlé de boxe, le français s’était dit : Oh, pourquoi pas ?

Mais il était lent à apprendre. Clairement il ne progressait pas vite. Était-ce parce qu’il retenait ses coups ? Était-ce parce qu’il savait pas comment optimiser son corps et ses muscles ? Bien sûr, le fait qu’il n’ait jamais pratiqué de sport en dehors de l’école ça n’aidait pas. Il était motivé, il voulait progresser, il voulait apprendre. Il avait énormément de raisons de vouloir se mettre au sport. Pour sa santé déjà, parce qu’il commençait vraiment avoir des soucis cardio respiratoires dès qu’il se mettait à courir ; cracher ses poumons à 25 ans pour avoir couru pour ne pas rater son bus, c’était plutôt inquiétant. Ensuite, il risquait d’être amené à ses retrouver dans des situations dangereuses à cause de son implication dans l’Ordre, savoir se défendre en cas de besoin, ou avoir assez d’endurance pour courir pour sa vie, ça semblait être quelque chose de vital. Et enfin… Oh c’était tellement la honte, mais c’était un argument à prendre en compte tout de même… Il voulait être un beau mec pour la fille qu’il aimait. Bien sûr, elle l’aimait pour ce qu’il était, et lui même n’était pas très regardant sur son physique, surtout une fois que le sentiment amoureux s’était installé ; mais il voudrait qu’elle puisse être fière de lui et qu’un jour il puisse assumer d’être torse nu sans avoir à contracter des abdos qui n’existaient pas.

Raphaël imita les échauffement et les étirements de Jonas. Ce dernier était bien mieux calé que lui en sport, il savait mieux que Raph ce qu’il fallait faire et c'est pour ça que ce dernier prenait exemple.. Même si c’était moins pénible que ses premières séances, ça restait quand même très douloureux pour le geek de devoir faire ses exercices. Rien que ça, ça restait une activité sportive à part entière.

«Bon, oublie pas que j’étais d’accord qu’on  fasse ça au parc, mais à condition qu’on fasse des pauses. Et je suis d’avis que la première pause commence maintenant !»

Le moldu éclata de rire. C’était une blague, bien entendu. Mais bon, c’était le genre de blague qui avait une part de vérité. Il dirait pas non à une petite pause avant d’enchaîner !

Douze degrés. Vraisemblablement Raphaël et Jonas n’avaient pas du tout la même définition de “suffisant”. Depuis qu’il avait enlevé sa veste, le français sentait bien le froid lui mordre la peau. Il avait tout de même un pantalon de survêtement qui lui permettait de faire des mouvements amples, mais son binôme était carrément en short. À croire qu’il estimait vraiment qu’il faisait bon. Comme prévu Jonas lui affirma qu’il se réchauffera en bougeant. Tellement prévisible… Putain de sportifs, Raph n’appartenait vraiment pas au même monde qu’eux. Finalement l’autre boxeur le rassura en lui disant que ça aurait pu être pire. La pluie, et puis quoi encore ? Le geek jetta un œil au ciel et désigna en rigolant un malheureux nuage blanc qui passait par là.

«Regarde, y’a un nuage, je sens qu’on va se taper la pluie justement. On ferait mieux de rentrer.»

Raphaël imita comme il pouvait les mouvements de Jonas pour s’échauffer. Il se sentait plutôt ridicule. Ses mouvements étaient maladroits, et il grimaçait à chaque étirement. Il tenta de subtilement réclamer une pause que Jonas lui refusa prétextant que ça sera encore pire s’ils laissent leur muscles refroidir. Il ajouta qu’ils allaient y aller doucement parce que l’entraînement qui avait eu lieu deux jours plus tôt était plutôt rude. Il était vrai que Raph avait dérouillé ce jour là, mais il ne se donnait pas à fond comme le faisait Jonas. On avait l’impression que ce dernier cherchait toujours les limites de son corps.

«Ouais bah à ce propos… Si un sportif comme toi est “un peu courbaturé” par l’entraînement d’avant hier… Imagine pour moi. N'oublie pas que j'ai pas l’habitude, moi.»

Le jeune homme prit tout de même la corde à sauter que lui tendit son compagnon.

«Cinq minutes ?»

Ça lui allait d’avoir une limite de temps plutôt qu’un objectif de nombre de sauts. D’un autre côté, cinq minutes ininterrompues de saut… Ça allait être une vraie souffrance. Il commença l’exercice. Ses enchaînements étaient clairement plus lents que ceux du sportif, mais c’était tout de même épuisant. A la moitié du compteur, il s’arrêta un dizaine de secondes pour reprendre son souffle. Il n’avait pas l’habitude de respirer en faisant de l’exercice, il ne savait pas quand ni comment respirer et ça rendait l’effort encore plus épuisant. Il reprit sa séance de saut. Quel cauchemar. Et dire que les petites filles faisaient de la corde à sauter dans les cours de récréation, juste pour le plaisir. Quel plaisir y avait-il à souffrir de la sorte ? Comment des gamine faisaient pour s’amuser sans souffrir en faisant de la corde ? Quel était leur secret ?!

Les cinq minutes passèrent, Jonas prit sa bouteille pour boire avant d’enchaîner. Raphaël n’avait pas soif mais... Est-ce qu’il devait boire tout de même ? Qu’est ce qu’il devait faire ? Il suivit l’exemple et ne but qu’une petite gorgée de sa propre gourde. Jonas se proposa ensuite de commencer, il jeta vers Raph les espèces de gants qui font office de punching-ball. Le jeune homme les enfila et se prépara à encaisser les coups de l’autre boxeur. C’était la partie qu’il préférait. Il préférait encaisser plutôt que de cogner. Il avait moins de chance de faire quelque chose de travers. On n’entendait que le bruit du cuir qui cognait contre le cuir, jusqu’à ce que Jonas s’intéresse aux études de Raphaël. Le geek ne répondit pas. Ses cours ne se passaient pas très bien et il préférait éviter le sujet. Il ne se rendait qu’aux cours obligatoire et négligeait tout le reste. Depuis octobre, c’était devenu devenu très compliqué pour lui de suivre les cours. Un ange passa. Jonas racontait qu’il avait ses examens fin avril et tapa avec plus d’intensité. Finalement, Raphaël accepta de répondre. Il ne pouvait pas vraiment se défiler.

«Je ne vais pas passer mes exams. J’ai un peu merdé mes cours cette années. J’avais plus trop la tête à ça depuis que je me suis cassé des côtes en octobre en aidant à un déménagement. Je suis tombé dans les escaliers.» C’était l’excuse officielle «Et puis… Le monde de l’audiovisuel est pas mal chamboulé en ce moment. Il y a des offres, mais c’est pas trop le genre de contrat que j’ai envie de signer. La propagande gouvernementale, ça me chauffe pas trop. La fin des études est proche, mais pas évident de trouver du taff et j’avou que je flippe un peu.»

Mais Raphaël avait peur aussi de décevoir sa famille. Il avait toujours été sérieux sur le plan scolaire. Il n’avait presque jamais séché les cours et avait toujours et des bon résultats. Malgré le temps qu’il passait derrière les écrans à jouer, il avait toujours été un élève studieux. L’étudiant anticipait un peu les reproches que ses parents allaient lui faire. Il ne savait pas encore s’il devait leur parler de ce qu’il faisait en dehors des cours, de la Mission qu’il s’était confiée. Il devrait peut-être leur présenter Nymphéa… Mais accepteraient-ils ?

Raphaël était vraiment motivé à apprendre la boxe. Savoir se battre, se défendre, connaître son propre corps. Oui, il avait la volonté. Son esprit voulait… Mais son corps, c’était autre chose. Il n’avait pas l’habitude du sport et tous les muscles de son corps savaient bien lui rappeler qu’il était une chiffe-molle. Les entraînements n’étaient pas douloureux, ils étaient épuisants mais dans le feu de l’action, tout allait bien. Par contre… Les jours qui suivaient c’était pas la même chose. Oh que non… Une fois à froid, les muscles et les articulations étaient comme des rouages mal graissés ; c’était une vrai torture de marcher, ou juste de bouger tout court. Il se découvrait des muscles à des endroits improbables. Le plus terrible, c’était que visuellement, Raph ne voyait aucune transformation dans son corps. À force de s’entraîner, de prendre des coups, de surveiller un peu mieux son alimentation, ou du moins éviter un peu les écarts, il s’attendait à voir des changements en se regardant dans le miroir. Mais non… Il aurait peut-être dû prendre une photo avant pour pouvoir comparer plus tard ? Malgré sa motivation, Raphaël cherchait tous les prétexte pour en faire le moins possible. Il savait qu’il allait douiller, surtout qu’il avait encore des courbatures de son dernier entraînement, tout comme Jonas. Ce dernier finit par encourager le français en lui disant qu’ils n’étaient pas là pour se faire du mal et que s’il avait vraiment besoin de pause, il n’avait pas à se tuer à la tâche. Le cardio viendra avec les semaines et les mois.

«Pour le moment ça ira. Mais t’en fais pas, compte sur moi.»

Mais le moment de s’accorder une courte pause pour souffler vint pendant l’échauffement à la corde à sauter. Raphaël était tout de même gêné de demander à ne pas y aller trop fort, même s’il tournait ça en plaisanterie. Mais il était vrai que Jonas et lui n’avaient pas du tout le même niveau d’endurance, il ne pouvait pas être aussi exigeant que l’était le boxeur tatoué.

Une fois la phase d’échauffement finie, ils passèrent à l'entraînement. Les mains de Raph devinrent les punching-ball de Jonas pendant qu’ils discutaient. Discuter était un grand mot, puisqu'au début Jonas était un peu seul dans la discussion. Raphaël avait, dans un premier temps, choisi de ne pas répondre. Il n’avait pas trop envie de se lancer à parler de ses études et de ses échecs. Enfin… il n’y a échec que si on pense avoir essayé et échoué, mais en l’occurrence le français n’avait rien fait. Voyant que ce dernier ne répondait pas, Jonas décida de parler de ses propres examens ce qui encouragea Raph à se confier un peu. Il lui parla partiellement de ses galères. Ou plutôt de la version officielle. Il ne s’était pas trop étalé sur ses problèmes persos. Lorsque Jonas lui demanda s’il était rétabli, Raph haussa les épaules.

«Ouais ça fait un moment déjà.»

En moins de deux mois ça allait mieux. Au début il devait se taper des cachetons moldus, mais après la Magie avait pas mal contribué à un rétablissement rapide.

«Mais sinon oui, j’vais refaire mon année. J’me suis pas mal laissé aller. »

Raphaël continuait d’encaisser les coups de son camarade pendant qu’ils discutaient. Jonas acquiesça quand le français avoua ne pas se sentir à l’aise avec le côté médiatique de l’audiovisuel. Le boxeur avait également peur pour son avenir ; son dossier n’était pas terrible, il avait besoin de meilleures notes pour compenser son comportement.

«Je comprends pas… T’as des bonnes notes mais des mauvaises appréciations ? T’as tabassé un enseignant ou quoi ?»

Jonas parlait à voix basse à propos de la propagande. Raphaël sourit en coin. Il était mignon de s’inquiéter comme ça d’être surpris à critiquer le gouvernement et ses idées. Mais…

«Il n’est pas encore interdit de penser et de s’exprimer. Profitons-en»

Inutile de parler de ça à voix-basse. Ils ne parlaient pas ouvertement de protéger ou de connaître des sorciers. Raph commençait à avoir l’habitude de parler de manière détournée de l’Ordre du Phénix, des sorciers et de la Magie. Il ne fallait pas compter sur lui pour fermer sa gueule quand il restait dans son droit.

«Mais sinon ouais, y’a pas que les médias. Y’a le cinéma ou les jeux-vidéos. Sinon, y’a aussi tout ce qui touche à internet, ça va des vidéos YouTubes aux spots publicitaires en passant par des vidéos de présentation d’entreprise. Des domaines, y’en a plein c’est pas ça le soucis… » Raph fit signe à Jonas d’arrêter un peu avant de baisser les bras, le temps d’expliquer «Le truc… C’est que d’un côté, faut que je puisse avoir un employeur. C’est compliqué de trouver une entreprise, ou une grosse chaîne YouTube qui puisse avoir besoin de moi. Soit ils ont déjà ce qu’il faut, soit ils n’ont pas les moyens… Et je peux pas non plus bosser bénévolement… Les médias, c’est un peu la “branche facile” pour moi, enfin je trouve. Mais même si je ne trouve pas dedans, le contenu des médias et du gouvernement vont énormément influencer les contenus de manière générale. » Raphaël se remit en position pour permettre à Jonas de cogner à nouveau «À titre d’exemple, le gouvernement ne laisserait pas un film ou tout autre contenu, même artistique, qui s’oppose à leurs valeurs. Ça serait vite censuré. Et ça. Ça pue.»

Ouais, ça puait la merde le fait qu’on commence à censurer tout et n’importe quoi. Bientôt les livres allaient être brûlés. Fini les contes de fées. Mais Raphaël voulait que les fées existent, il voulait y croire. Finalement, Jonas demanda si Raphaël souhaitait échanger.

«Comme tu veux, j’aime bien encaisser. Et puis j’apprends pas mal en te regardant faire. Les Punching-Gloves je trouve ça cool.»

Pas sûr que Punching-Gloves soit le nom officiel des gants qu’il portait, mais le plus important c’est qu’il ait l’air sûr de lui. Raph espérait que Jonas ne le force pas à faire cet entraînement. Il savait qu’il n’arriverait pas à faire ça correctement, il ne voulait pas se ridiculiser devant lui, il préférait regarder le jeune homme cogner et apprendre secrètement ses mouvements pour pouvoir les copier tout seul plus tard.

Raphaël ne comprenait pas ce qu’il y avait de si drôle, sa question était très sérieuse. Finalement, Jonas cracha le morceau ; il avait la fâcheuse manie d’enchaîner les soirées beaucoup trop arrosées les veilles de cours. Même avec les meilleurs résultats du monde, il était compliqué de compenser les mauvaises appréciations qui résultaient de son comportement. Pas facile de se faire oublier une étiquette qui nous était collée et à laquelle les évaluateurs s'y référaient régulièrement. Le boxeur se réjouissait cepandant d’avoir trouvé une start-up compréhensive pour son alternance. Il était libre de venir quand il voulait, sans impératif horaire ; il n’y avait aucune pression tant que le boulot éétait fait : seuls les résultats comptaient. Il évoqua également les craintes de ne pas être embauché.

«Ouais mais… Ça devrait aller non ? J’veux dire… Tu gères, ou tu gères pas ? Ils ont pas de raisons de pas te prendre si tu fais du bon boulot.»

Jonas continuait d’enchaîner les coups tandis que Raphaël parlait de ses alternatives qu’il avait en audiovisuel. Certes, les médias et le gouvernements n’étaient pas les seuls employeurs possibles, le problème était ailleurs ; ils étaient extrêmement influents sur toutes les tendances, sans compter la possibilité qu’ils avaient de censurer ou occulter le contenu qui dérangeait. Il y avait tellement de choses à dire sur le sujet que Raphaël avait leur avait imposé une pause pour être concentré sur ce sujet qui le tenait tant à cœur. Le français se remit ensuite en garde, tout en concluant sur son point de vue sur la censure. Jonas recommença à cogner tout en acquiesçant les propos de Raphaël. Il parlait de future dictature, même s’ils étaient déjà en plein dedans. Il avoua que les moldus seront mieux lot… Moldus ? Il avait dit moldus ? Le jeune homme n’écoutait plus son camarade. À l’entente du mot, ses bras bras se ramollirent subitement, comme si toute son énergie avait été réquisitionnée pour réfléchir, ce qui était probablement le cas. Réalisant ce qu’il se passait, il reprit ses esprits et se remit en position, espérant que Jonas ne relève pas ce petit écart de posture et qu’il prenne ça seulement pour un coup de fatigue. Raphaël rationnalisa, l’autre boxeur avait probablement dit “mordus”. C’était quoi la suite de la phrase déjà ? C’était pour les mordus de quelques chose, évidemment. Raph continuait de réfléchir à la question en encaissant les coups sans écouter son partenaire d'entraînement.

L’ingénieur commença à rire à une blague qu’il venait de faire, ce qui fit émerger le français de ses pensées. Il se força à rire à son tour, un rire un peu gêné. Il n’avait pas entendu.

«Pardon, je pensais à un truc… J’ai… Euh… Pas écouté… »

Jonas finit par proposer d’échanger les rôles, ce que Raphaël refusa plus ou moins. Il préférait avoir les Punching-gloves ; il n’était qu’un poltron qui avait peur de se planter. Il se disait qu’en ponçant au maximum la théorie, il pourrait mieux apprendre la pratique. Par ailleurs, la boxe n’était qu’une activité sportive pour travailler son corps, pour améliorer son souffle et son endurance. Jonas avait probablement plus d’ambition et il valait mieux qu’il s’entraîne plus que Raph. Mais il n’y avait pas que ça, Raphaël savait qu’il aurait des difficultés à réfléchir s’il devait se concentrer sur ses coups et sa posture. Est-ce que c’était si étrange qu’il utilise le terme moldu ? Jonas fit par concéder, mais il ne laissa pas au français le temps de souffler en demandant son avis sur sa posture.

«Ta position ? Ça me semble bon… Je crois ? »

Il n’en avait aucune idée. À l'entraînement il faisait ça au “feeling”, il ressentait plus ou moins si la posture était confortable sans vraiment se soucier si c’était la posture officielle, si elle était bonne. Si c’était désagréable, que ça lui donnait comme un sentiment d’impatience et d’inconfort, alors ce n’était pas bon. Jonas affirmait bien aimer les punching-gloves et le sac de frappe. Lui aussi avait peur de se planter ? Est-ce qu’il aimait bien s’entraîner avec Raph parce qu’ils avaient à peu près le même niveau ? Le français pensait que c’était simplement parce qu’ils avaient commencé en même temps et qu’ils avaient une amie en commun que Jonas acceptait de se trainer un boulet chétif comme Raph. Une amie en commun… Est-ce parce qu’il était ami de très longue date avec Leah qu’il connaissait le mot moldu ?

Finalement, l’ingénieur demanda à échanger. Raph acquiesça, il ne pouvait repousser éternellement le moment où ça serait son tour de cogner. Il déganta les punching-gloves qu’il tendit à Jonas. Il commença ensuite à enfiler le premier de ses gants de boxe.

«Dis-moi… Tu as bien dit “Moldu” tout à l’heure ?»

En presque six mois qu’il appartenait à l’Ordre du Phénix, il n’avait jamais croisé Jonas Tallec au 12 Square Grimmaurd. Était-il un sorcier ? Non, il s’était inclus dans les moldus. Raphaël savait qu’il pouvait avoir confiance, mais il n’aimait pas ne pas comprendre les choses.

Raphaël préférait qu’ils parlent des études et du boulot de Jonas que des propres études du français. Apparemment, pour lui aussi c’était la merde, des bonnes notes mais des mauvaises appréciations à cause de ses retards et de son absentéisme récurent. Quant à son alternance, même si tout se passait bien, rien n’était garanti pour lui. La start-up risquait de manquer de budget pour pouvoir le garder en tant qu’ingénieur diplômé. Ah les restrictions budgétaires, ce n’était évident… Le français accepta à son tour de parler de ses soucis avec les cours, les projets d’avenirs ainsi que les complications qu’il aurait plus tard dans le milieu de l’audiovisuel à cause du gouvernement actuel, et des médias qui le soutenaient. Jonas approuvait à voix basse les dires de Raph. Ce dernier l'invita à s’exprimer sans crainte, ils avaient encore le droit à la liberté d’expression, autant en profiter. Le sportif acquiesça en affirmant que la dictature était en marche, même si pour eux en temps que “moldus” c’était moins compliqué.

Raphaël bugga sur le mot moldu, et n’arrivait donc plus à se concentrer sur autre chose. Les seules personnes qui employaient ce mot étaient des sorciers, ou les moldus en rapport avec les sorciers, comme lui désormais. Comment Jonas pouvait-il avoir connaissance de ce mot ? Était-il au courant du secret de Leah ? Était-il lui-même un sorcier, ou il avait de la famille sorcière ? Raph n’écoutait plus ce que lui disait Jonas, de temps à autre il se força à se concentrer pour continuer l’entraînement, mais très rapidement, il se perdit à nouveau dans ses réflexions. Il avoua son inattention lorsque son compagnon se mit à rire à une blague. Jonas ne lui en tint pas rigueur et continua de frapper dans les punching-gloves jusqu’à ce qu’il en ait marre et demande à échanger. Raphaël quitta les gants de frappe pour les donner à l’autre boxeur puis commença à enfiler ses propres gants de boxe. Jonas ne pouvait pas être sorcier, il s’était inclus en parlant des moldus. Innocemment, Raph l’interrogea à propos du mot moldu qu’il avait employé. Ce dernier ne voyait pas où était le problème, comme si tout le monde utilisait ce mot. Finalement, il percuta enfin en s’exclamant que Leah ne lui avait rien dit. C’était donc ça, il était au courant du secret de Leah et il n’était pas au courant que Raph aussi connaissait le secret de leur amie commune. Alors que le français allait prendre la parole, l’autre boxeur continua en chuchotant sa surprise de savoir que Raph était un sorcier. Quoi ?!

«Mais… ? Mais non ! Tu penses vraiment que je passerais autant de temps dans le monde Moldu si j’étais un sorcier ? Par contre, je connais quelques sorciers. Du coup je suis assez familier avec certains termes. Et je suis assez convaincu que à part les gens en rapport avec les sorciers, personne n’utilise le mot moldu.»

Raphaël ne comprenait pas pourquoi il aurait été surprenant que Leah ne dise pas à Jonas que Raph était un sorcier, si c’était le cas. Raph savait qu’il pouvait avoir confiance en son amie et qu’elle n’aurait pas trahi ce secret là.

Jonas semblait vouloir faire une pause, ça convenait également à Raphaël, qui se déganta et s’assied en face de lui. Le français prit sa bouteille d’eau et but une gorgée, ça lui avait asséché la gorge de parler. Puis il se mit à rire de la gaffe de Jonas, avant de continuer ses explications.

«J’ai commencé à m’impliquer dans la protection des sorciers depuis octobre, quand j’ai appris que j’avais des connaissances qui avaient un pied dans le monde sorcier, et que le Blood Circle avait enlevé l’une d’elle. Tout va bien pour cette personne, même si c'est pas vraiment grâce à moi.»

“Tout va bien” c’était vite dit… Mais disons qu’elle était vivante et autant en sécurité que les autres sorciers. Raphaël se garda de parler de l’ascendance sorcière de Leah, il avait promis de garder le secret de son amie, et il ne prendrait pas le risque de gaffer sur ce sujet là. Il se garda aussi de parler de sa “sorcière bien-aimée”. Il n’aimait pas trop s’étaler sur sa relation amoureuse, il trouvait que ça faisait prétentieux. Il voulait pas être le mec qui parlait tout le temps de sa copine “Hey j’ai une meuf, vous savez quoi, j’ai une meuf”.

«Et toi du coup. Comment tu connais ce mot ? Tu connais des sorciers ? Je connais déjà ton avis sur le sujet, je sais que tu es contre… Que tu es contre ce qu’il se passe depuis plusieurs mois. »

Bah ouais… Jonas était un peu con là. Ça crevait quand même les yeux que Raphaël n’avait rien de magique. Quant à l'usage du mot moldu…

«Bah euh… Je crois que les gens emploient le mot “Normal”. Pour la plupart. Bah ouais, tu sais bien que les sorciers sont des anomalies… Nous on est normaux. C’est comme pour la sexualité, y’a les homos, et les gens normaux. Bon, heureusement, c’est pas tout le monde qui pense comme ça. Et parmi ceux qui parlent comme ça, c’est pas forcément tout le monde qui pense à mal. Ne diabolisons pas tout.»

Raph s’assied à son tour, et commença à expliquer dans quelles circonstances il en était venu à être impliqué dans toute cette histoire. Il parla donc de ce qu’il s’était passé en octobre. Jonas l’interrompit, pour souligner qu’il avait parlé d’une chute dans les escaliers. Le français se mordit la lèvre inférieure. La boulette. À prendre soin à éviter tel ou tel détail pour protéger le secret de telle ou telle personne, il en oubliait de protéger ses propres secrets.

«Ouai… Euh… C’est… Euh… Officiellement, c’était une chute dans les escaliers. Officieusement… C’était… Autre chose. Je t’épargne les détails, mais du coup à ce jour-là j’avais rejoint une opération pas très organisée pour libérer des sorciers, dont mon amie. Je voulais filmer ce que le Bood Circle faisait pour dénoncer leurs méthodes, mais j’ai cassé ma caméra ce jour-là. Quant à cette histoire de côte cassée… Le Blood Circle diffusait un genre de gaz hallucinogène qui ne touchait que les sorciers, et y’en a un qui s’est mis à me prendre pour un sac de frappe, à m’envoyer des briques volantes. Voilà voilà… »

Oui, du coup Raphaël avait menti à propos de cette histoire de chutes, et de déménagement. Depuis qu’il avait rejoint l'Ordre, il mentait beaucoup, et cachait tout autant de choses.

«Désolé d’avoir menti. Disons que ça ne concerne pas que moi, je peux pas prendre le moindre risque, même aux gens de confiance.»

Et Jonas alors, c’était quoi son histoire ? Il commença à parler de Leah, en disant qu’elle avait peut-être dit à Raph que… Et que...  Non. Tout comme Raph en avait conclu, Jonas détermina que leur amie n’aurait jamais trahi son secret. Il expliqua qu’il avait été adopté à douze ans et que sa cousine était dans une école spécialisée losque qu'elle était plus jeune. Il demanda à Raph s'il voyait où il voulait en venir.

«Ouais, j’ai compris, elle était dans le légendaire institut Xavier pour enfants surdoués, c’est ça ?»

Une petite blague pour détendre l’atmosphère, à condition que Jonas ait la référence. Mais oui, il avait compris que c’était une sorcière et allait à l’école magique.

«Après bon, à l’époque personne ne pouvait supposer qu’une telle école existe, donc l’argument était crédible.»

Il avoua que c’était la seule sorcière qu’il connaissait.

«Oh, j’ai arrêté de compter perso.»

Mais Jonas continua les comptes. Ah bah non, il y avait une personne en plus, puis deux autres. Puis peut-être d’autres encore. Raph rit de bon cœur pendant que son collègue moldu essayait de compter. Du moins jusqu’à ce qu’il parle de Leah. Raphaël s’interrompit, et Jonas également. Il en avait trop dit. Certains diraient pas assez, mais le français connaissait le secret de son amie et ce qu’il en coûtait de parler du secret de sa famille. Raph le laissa changer de sujet, avant de répondre, pour le rassurer.

«Ouais. Je suis au courant pour Leah. Je savais pas trop si tu savais pour sa famille. Je veux dire… Pour moi tu appartenais à la vie moldue de Leah, même si vous vous connaissez depuis presque toujours. Et… Comme tu l’as dit, les sorciers, et leur famille, ne le crient pas sous tous les toits. Sinon, oui, avant que le secret ne soit rompu, j’ignorais que la Magie existait. Et même encore six mois après, c’était plus un truc dont on nous parlait plutôt qu’une réalité. Un peu comme le terrorisme ou le cancer. Tu sais que c’est là, que ça existe, mais tu n’y prêtes pas vraiment attention jusqu’à ce que ça te touche toi, ou un proche. Du coup, j’ai commencé à avoir des doutes pendant l’été, et j’en ai réellement eu quelque chose à foutre lors de la fameuse “chute dans les escaliers”»

Il nota que Jonas se disait pas trop impliqué.

«Dis moi, tu as entendu parler de l’Ordre du Phénix ? »

Normalement, il n’était pas censé en parler à des moldus, mais celui-là était déjà au courant du secret magique, et Raph savait que Jonas avait déjà choisi son camp.

«C’est un genre d’organisation secrète qui lutte pour la paix entre sorciers et moldus» Enfin, c’était comme ça que Raphaël voyait l’Ordre, même si ça ressemblait de plus en plus à un truc qui luttait contre le Blood Circle, peu importait les moyens. «C’est ça la véritable raison de mon manque de temps pour les études. Faudrait que je te montre ma chaîne YouTube à l’occasion. Je parle de témoignage de sorciers, de ce que le Blood Circle fait, etc… »

N'empêche, ça avait du bon cette discussion. Il allait échapper à l'exercice aux poings !

«Tuer… C’est le mot que tu cherchais je crois… »

Raphaël n’avait pas peur de dire la réalité des choses, même si ça choquait… Ou plutôt, surtout si ça choquait. C’était un peu ce qu’il faisait au quotidien, essayer d’ouvrir les yeux aux gens, de leur retirer leurs œillères.

Raphaël se fit griller sur ce qu’il lui était réellement arrivé en octobre. Cette soi-disant “chute dans les escaliers” qui s’était révélée être les séquelles d’une mission de sauvetage improvisée. Le français s’excusa d’avoir été contraint de mentir, même si c'était parce que c'était des choses qui concernent d’autres personnes que lui. S’il gaffait avec les mauvaises personnes, il risquait de mettre des amis sorciers en danger. Jonas se montra compréhensif, il avoua même qu’il aurait agi de la même manière. Il enchaîna sur sa propre expérience, en parlant de sa cousine qui était soit disant dans une école spécialisée. Raphaël prit la perche tendue et fit une blague à propos des X-Men et de leur institut pour enfants surdoués. Jonas comprit la référence et entra dans le jeu de Raphaël, avant de reprendre son sérieux, en expliquant que sa cousine adoptive lui avait fait confiance, à lui parler du monde de la magie, alors qu’il n’était rien pour elle à l’époque. Il gaffa en prononçant le nom de Leah, mais changea rapidement de sujet. Raphaël comprit que son compère boxeur ne savait pas si le français était au courant du secret de Leah et qu’il préférait donc changer de sujet de peur d’avouer des choses qu’il n’était pas censé dire. Il décida donc de faire comprendre au pauvre Jonas qu’il savait que leur amie commune était liée au monde de la magie.

«Une boulette de ta part hein ?»

Le jeune homme releva amicalement, mais lui-même avait fait quelques boulettes. Au début, il voulait tellement prouver aux sorciers qu’il était de leur côté qu’il expliquait à qui voulait l’entendre le pourquoi du comment il s’était retrouvé à rejoindre l’Ordre. Tobias n’avait pas trop apprécié d'apprendre que sa sœur fréquente un moldu et l’avait clairement fait comprendre à Raph que ça ne devait pas se savoir. Il y avait aussi le cas d'Artémis… Apprendre qu’elle faisait partie du Blood Circle avait beaucoup chamboulé le moldu. Il avait donc partagé ce secret à Nymphéa, mais il avait rapidement compris qu’il aurait dû garder ça pour lui, sous peine de risquer de mettre son amie rousse en danger. D’ailleurs, il ignorait ce qu’elle était devenue. Elle avait disparu du jour au lendemain…

«En fait, au début ça me faisait ni chaud ni froid. Je m’en tapais complètement, tant que ça ne touchait pas à mon train-train quotidien. J’sais que c’était égoïste comme manière de penser, mais on peut pas penser à tout le monde. Enfin bon… Entre ne pas penser à tout le monde et ne penser qu’à soi… Euh bref… Du coup, quand j’ai compris que j’avais des amis sorciers, ça a pas mal changé la donne… Quand à la découverte de cet univers c’est… incroyable. Flippant, un peu, mais tellement incroyable !»

Comprenant qu’ils étaient tous deux dans la même situation. Raph se dit qu’il devait parler de l’Ordre du Phénix à Jonas. Ce nom semblait lui évoquer quelque chose, et parla de “Voldemachin”.

«Voldemort ouais, je trouve que niveau crédibilité… C’est pas terrible comme nom, on dirait un pseudo choisi par un gamin qui veut se sentir “Trop dark” et mauvais. Oh là là, il y a mort dans mon nom.»

Il poussa ensuite un léger soupir gêné.

«Enfin bon… D’après ce que j’ai cru comprendre, ce type était sacrément puissant… Et cinglé… Mais oui, c’est l’Ordre du Phénix qui luttait contre lui et ses partisans. En théorie, ils luttent toujours contre les mages noirs, mais le Blood Circle est devenu un peu plus prioritaire. En tout cas, il y a des moldus qui appartiennent à cet Ordre. J’en fais partie. »

Raphaël parla brièvement de sa chaîne YouTube.

«C’est ma contribution. Bien sûr, je fais ça anonymement.»

Jonas lui demanda si les cours de boxe c’était pour ça, pour arriver à mieux se défendre. Ce n’était pas tout à fait exact. Raph suivait un entraînement au combat avec Théo Greengrass, un sorcier de l’Ordre. Mais Raphaël s’était très rapidement rendu compte qu’apprendre à se battre avec un “corps de lâche” ça n’avançait pas forcément à grand chose. La boxe, c’était plus pour le côté sportif que martial, bien que les techniques de boxes pouvaient toujours se montrer utile.

«Pas vraiment. Bon, c’est clair que ça peut toujours être utile, mais c’est pas ma motivation première.»

Raph tenta un sourire charmeur suivi d’un clin d'œil.

«C’est surtout pour impressionner les filles avec mon corps de guerrier»

Finalement, Jonas lui demanda s’il avait souvent participé à des missions.

«Des trucs sur le terrain ? Non. Je suis pas trop un homme de terrain. Comme je te l’ai dit, j’essaye de participer à mon échelle. Dans une guerre, un mouvement de résistance ou de rébellion, c’est pas juste les soldats qui font la différence. Y’a tous les aspects économiques, sociaux, politiques et… Et sûrement d’autres trucs qui ne me viennent pas en tête là maintenant tout de suite. »

Raphaël fit une pause.

«Après… J’ai fait quelques missions, mais pas trop. Bah y’avait ce truc en octobre, mais je n'appartenais pas à l’Ordre à l’époque. En décembre, j’ai eu ma première mission officielle sur le terrain. C’était… euh… On va dire que je me suis bien rendu compte que j’étais pas fait pour le terrain quoi.»

Après une boulette de Jonas suivi d’un quiproquo, les deux garçons comprirent que l’un comme l’autre en savait bien plus sur le monde de la magie que ce qu’il laissait présager. Jonas semblait avoir presque oublié qu’ils étaient censés s’entraîner et ça permettait à Raphaël de reprendre tranquillement son souffle. Même s’il avait le désir de progresser et de devenir un peu plus sportif, son corps n’arrivait pas encore à suivre, et la moindre petite excuse pour faire une pause, il la prenait volontiers. En plus de ça, Raph était un passionné. Ils abordaient un thème qu’il maîtrisait plutôt pas mal et il n’avait pas peur d’en parler. Bien sûr, il faisait attention à ne pas trop entrer dans le sujet, ou plutôt de ne pas le faire avec n’importe qui, quand il n’était pas caché sur internet et qu’il parlait au nom de Raphaël Millet. Mais le français savait qu’il pouvait avoir confiance en Jonas, les deux garçons avaient déjà eu l’occasion d’aborder cette thématique et ils savaient tous deux qu’ils avaient le même avis sur le sujet.

Jonas était au courant pour Leah. Cela n’étonnait raphaël qu’à moitié, après tout ils se connaissaient depuis bien plus longtemps que Raph. L’ingénieur expliqua brièvement au français comment Leah et lui avaient compris l’un pour l’autre. Bref, ils discutaient avec Leah des trucs qui leur fichaient la trouille. Jonas lâcha le mot “détraqueur”. Elle l’a regardé. Il l’a regardé. Elle l’a regardé. Il l’a regardé. Ils se sont regardés. Elle lui a demandé s’il était sorcier. Bref… Il avait fait une boulette. Jonas demanda à Raph si cette histoire ne lui rappelait pas quelque chose. C’était pas dans un épisode de Bref ?

«Ouais, t’es le roi du lapsus dis donc. Pour les détraqueurs… C’est… Euh… C’est des sorciers criminels qui euh… détraquent tes pensées, ou un truc du genre ?» Le jeune homme se gratta la tête «Ouais euh… Désolé je sais pas ce que c’est, j’suis pas encore au point sur tout.»

Raphaël expliqua ensuite comment il était venu à entrer en relation avec le monde magique. Le fait de découvrir qu’il avait des amis sorciers, de se rendre compte ce qu’ils risquaient de jour en jour. Il lui parla ensuite de l’ordre du Phénix. Peut-être que Leah lui en avait déjà parlé, mais si c’était le cas le français se demandait pourquoi Jonas n’avait pas cherché à l’intégrer. Entre ses idées et le fait qu’il ait des connaissances sorcières, cela semblait normal. Les deux boxeurs parlèrent ensuite vaguement du méchant Voldemort qui avait terrorisé le monde de la magie, vingt ans plus tôt, et Raphaël confirma que l’Ordre du Phoenix était ce groupe de sorciers qui s’était battu pour le contrer. Il précisa qu’il existait une branche moldue.

«Mais du coup, la branche moldue est beaucoup plus axée pour lutter contre les actions du Blood Circle. Ils participent à des raids pour libérer des sorciers ou pour attaquer des QG du Blood Circle. »

Jonas lui demanda si c’était pour ça qu’il s’était mis à la boxe, pour pouvoir se battre. Bien sûr, ça pouvait toujours être utile, mais ce n'était pas vraiment son but premier. Il ne voulait pas être trop à la ramasse en s’entraînant avec Théo. Apprendre la boxe pouvait l’aider à apprendre d’autres techniques de combat, et surtout s'entraîner régulièrement permettrait d’habituer plus rapidement son corps à s’adapter. Il répondit donc que c’était plus pour se mettre au sport. La raison officielle était la vraie raison. Il ajouta avec une pointe d’humour que c’était aussi pour pouvoir séduire des filles. Mais ça, c’était sans compter la partie “premier degré” de son compagnon qui le prit au mot et qui réagit au quart de tour sur le sujet fille.

«Euh… » Il n’aimait pas trop en parler. Ce n’était pas un secret, mais il évitait d’en parler. «Ouais. Je suis en couple. J’aime pas trop en parler parce que je trouve que… J’aime pas trop étaler ma vie sentimentale c’est tout. Mais du coup c'était pour déconner hein, c'est pas pour ça que je me suis mis à la boxe.»

Heureusement Jonas enchaîna rapidement sur l’utilité de la boxe pour Raph, en insistant que tout était bon à prendre si ça lui permettait de survivre, même s’il encouragea le français à ne pas prendre de risque inconsidéré. Jonas se questionna ensuite sur sa potentielle propre utilité au sein de l'Ordre du Phénix.

«Tu sais… Tu n’es pas obligé d’être un combattant de l’extrême, un politicien, ou je ne sais quoi. Juste le fait d’être capable de montrer qu’on est un front uni, c’est déjà pas mal. Si on est assez nombreux, pas seulement à Londres mais dans tout le territoire Britannique. On pourrait, par exemple, coller des affiches anti Blood Circle partout en une seule nuit. Tramway, Métro, Bus, lampadaires, feu. Bon, c’est une idée comme une autre hein, c’est juste un exemple inventé c’est pas un truc prévu. C’est juste pour te dire que, y’a pas de personne inutile. » Ce que Raphaël faisait était important… «C’est important si on donne du crédit à ce que je raconte. On va pas se mentir, je touche pas grand monde. Mais bon, j’ai espoir de réussir à toucher la bonne personne qui aura plus d’impact que moi. Qui sait ?»

Jonas évoqua de ses compétences en ingénierie. Est-ce que ça pourrait être utile.

«Je sais pas. Dis toi qu’une organisation de ce genre, c’est un peu comme un genre de… communauté ? Je suppose que plus on est indépendant, et mieux ça se passe. À mon avis, tous les talents sont bons à prendre, même si ça implique d’être sur la touche quelque temps parce qu’on a pas besoin de tes compétences pour un projet. Même si tu ne seras pas utile, dans l’immédiat, pour tes talents d’ingénieur, je suis persuadé que tôt ou tard quelqu’un trouvera quoi faire de toi. ou t’être que toi, t’auras un projet bien à toi. »

Raphaël se sentit soudain gêné.

«Excuse moi, je m’emballe un peu trop. Je pars du principe que ça t’intéresserait. Je veux dire, on a déjà parlé du Blood Circle, du traitement des sorciers, et de beaucoup d’injustice en général. J’me disais que… Ce que je veux dire c’est que, si tu veux venir, c’est pas un soucis, mais faut pas que tu te sentes forcé, pour me faire plaisir, pour te faire bien voir ou je ne sais quoi. Si tu ne te sens pas, c’est pas grave. Y’a pas de “Tu es es avec nous ou tu es contre nous”. Je comprends tout à fait que tu veuilles ou ne puisses pas t’engager, pour différentes raisons.»

Finalement, Jonas demanda à Raphaël s’il avait déjà croisé Leah au sein de l’Ordre.

«Euh… Alors euh… Du coup ouais. C’est comme ça que j’ai su que j’étais lié au monde magique, et réciproquement. C’était juste avant ma première mission. Elle m’a passé un de ces savons. Et le lendemain, j’étais invité à manger chez les O’Malley. Oh mon dieu, la bouffe de Myrna, c’est tellement immangeable !» Raph se mit à rire. «Je rigole, c’était super comme repas ! Mais du coup, c’est comme ça que j’ai appris pour elle.»