Le temps avançait beaucoup trop vite aujourd’hui pour Théo. Déjà, c’était à se demander ce qui lui était passé par la tête le matin en se levant et en trouvant que c’était là une journée parfaite pour aller voir ses parents sa mère. Ça n’était pas vraiment l’idée du siècle, surtout quand on fait pas spécialement attention au jour – non mais clairement c’était une truffe là – et que oh bah quel dommage, la mère en question finit en début d’après midi. Alors beaucoup de gens se dirait, mais c’est pas grave, tant qu’il y a papounet à la maison. Pour Théo ce point n’était pas vraiment pour lui faire plaisir. Parce qu’il était poli et qu’il voulait surtout savoir où était sa mère.  D’ailleurs je fais une petite parenthèse qui sert à rien, tu peux passer à la phrase suivante mais en vrai, le père il doit quand même être deg, son gosse il arrive première question, elle est où maman ? Paye tes enfants de merde. Voilà c’était tout, je reprends. Il alla dire bonjour à son père et eut quand même la décence de ne pas se montrer déçu lorsqu’il lui annonça qu’elle travaillait… Dans la tête du jeune homme, la seule réflexion faîte fut qu’il n’avait pas prévu d’excuses pour se tirer dans ce cas précis et que par conséquent, il allait être obligé de se le coltiner… joie et bonheur. Et ça ne faisait que commencer. Comme à chaque fois qu’il venait, il se fit réquisitionner pour filer un coup de mains avec les Occamys, ce qui était franchement gavant pour Théo, qui a envie de bosser quand il va chez ses parents et on ne parle de mettre la table. En plus alors, qu’il déplaçait les œufs, par magie faut pas déconner, son père qui visiblement n’y tenait pas vraiment comment ça à parler sang pur, allez c’était parti pour le quart d’heure de discussion toute moisie, machine son fiancé était mort. Ce à quoi Théo répondit avec ironie « Bah avec ça au moins elle est tranquille. » Oui alors même le fait que c’était son cousin au trente cinq millième degré, ça n’attristait pas plus Théo que ça et il eut un hoquet de surprise, mêlé à une envie de rire mais de rire en comprenant au fur et à mesure des phrases où le papounet d’amour voulait en venir « Ah, je t’arrête tout de suite, c’est mort. Si c’est pas passé avec Alcy ça passera pas plus avec moi, au bout d’un moment faut arrêter de vivre dans un monde d’illusions. » Puis alors déjà que ça l’emballait pas outre mesure et que ça ne l’avait jamais emballé, il avait une tronche à être le remplaçant ? Non mais le père avait complètement pété un boulon. Et en plus, alors que ça devrait être Théo qui faisait la tête, c’était lui. Le gars faisait la gueule parce que nia nia nia, enfants pas d’efforts, ce à quoi Théo répondit « C’est pas non plus comme si on avait été gâté de notre côté » Une véritable bonne ambiance pour faire simple. Ce qui rappelait au jeune homme que vraiment, passer ici sans Alcyone, c’était quand même beaucoup moins sympathique.

Ce qui paraissait inconcevable au sorcier c’est que ni son père, ni sa mère en arrivant du travail ne posèrent la question à savoir comment la soeurette allait. Ça faisait un peu étrange de se dire qu’ils faisaient tous les deux comme si elle n’existait pas. Alors, certes pour les rares affaires qu’Alcyone avait laissé ici et dont elle ne voulait pas spécialement, ils ne les avaient pas jetés – il manquerait plus que ça -mais ils n’en parlaient pas le moins du monde. Comment dans ce contexte, le temps avait pu passer vite alors, parce que malgré toute cette colère et incompréhension qui l’habitait, à l’égard de ses parents, sa mère restait sa mère et passer du temps avec elle n’avait jamais été une contrainte pour Théo, bon sauf pour les soirées sang pures, où là, vraiment, elle le gonflait à un point, ce n’était pas tant de critiques que ça, bah non les critiques c’était toujours dirigé vers Alcyone. Mais ça n’empêchait en rien Théo de la trouver chiante à être le stéréotype de la mère sang pure par excellence, à dire que ses enfants sont les meilleurs, mais quelle hypocrisie, ça frôlait l’irrespect pour les enfants en question et puis alors dans le cas où les magouilles derrière du papounet tout aussi casse couille avaient fonctionné et que Théo s’était retrouvé fiancé à Miranda 5 ème du nom, casse couille de profession, mais la déception pour la fille c’était inhumain de faire ça. Bon de toute façon, Théo était très bien dans son couple, donc la Miranda, la Cassiopée ou encore Bérangère, elle pouvait aller se faire cuire un œuf, il n’en voulait pas.

Le temps avait passé donc un peu trop vite suite à l’arrivée de la mère de Théo dans la maison. Tant et si bien qu’il failli se louper sur l’heure de départ. Il se releva d’un bond après avoir entendu l’espèce de coucou annonçant qu’il était grand temps de partir, sinon il allait louper la sortie de travail de sa petite sœur. Alors sur le papier, rien d’alarmant à cela. Effectivement la mère des deux Greengrass avait entièrement raison lorsqu’elle disait, elle peut se débrouiller sans toi. C’était le cas, mais ça n’empêchait pas Théo de s’inquiéter, imaginons qu’il ne vienne pas et que ce jour là un taré tombe sur sa sœur – oui oui on sait tous de quel taré Théo parle – il ne voulait pas que ça arrive. Raison pour laquelle, après un baiser sur la joue de sa mère, il annonça « En réalité, c’est moi qui peut pas me passer d’elle. » De toute façon, lorsqu’il disait qu’il devait partir, ce n’était pas vraiment une question, il annonçait qu’il allait chercher sa sœur et il s’y tenait. Il transplana donc sans attendre de remarques désobligeante et l’instant où il arriva dans la rue coïncida pile avec la sortie dans cette même rue de travail de la soeurette. Il lui offrit un sourire, avant de hausser les épaules « Je te dirais bien que ce n’est pas de ma faute, que j’étais ultra occupé, que j’ai pas vu l’heure tourner et que c’est pour ça que je suis limite en retard mais en vérité j’ai pas d’excuses. » Pas besoin de lui dire qu’il était chez les parents, n’ayant pas non plus envie de lui faire de la peine. Il se contenta de l’attraper dans ses bras pour déposer un bisou sur son front. « T’es partie tôt ce matin. » Simple constat, pas de critique ni rien, il réfléchit trois secondes, se détachant d’elle pour commencer à avancer vers leur maison, n’ayant pas spécialement envie de transplaner, pour une fois « Tu restes à la maison ce soir ou tu as prévu de faire un truc avec Dimka ? »

En l’observant tandis qu’elle le taquinait, il la trouvait rayonnante, comme si finalement se couper des Greengrass lui avait été bénéfique et que se consacrer à sa passion quoi qu’il lui en coûte ça la rendait heureuse. Il prit malgré tout le temps de répondre « Non mais tu te rends compte, aucun étudiant dans cette foutue infirmerie n’est à l’agonie et aurait pu me donner une excuse expliquant mon retard. » En même temps, vu qu’il n’y était pas, il y aurait pu avoir un élève en danger de mort après qu’une potion raté lui ait explosé à la figure, que Théo ne serait pas spécialement au courant car n’étant pas présent. Sans être complètement détaché de tout cela, bien sûr que ça lui ferait mal au cœur, il était certain d’une chose, sa sœur était plus importante que tous les étudiants réunis et de loin.

Après un câlin tout ce qu’il y a de plus mignon et la question à savoir si elle faisait quelque chose ce soir, avec Dimka ou quelqu’un d’autres d’ailleurs puisque Dimka n’était pas la seule personne avec qui Alcyone passait du temps, heureusement sinon Théo se poserait des questions sur le bien être de sa sœur, il ne fallait pas que sortir de l’université rime avec amis laissés. Il lui adressa un vrai sourire en l’entendant dire que c’était avec lui qu’elle avait prévu de passer quelques heures. Il hocha donc la tête à la question qu’elle lui posait, rajoutant malgré tout « Quand bien même je n’aurais pas le temps, je l’aurais pris Alcyone. » Rien ne justifiait qu’il mette sa sœur de côté si elle voulait passer du temps avec lui. Pourtant, dans le regard qu’elle posait sur lui, il y avait comme une hésitation, comme si elle doutait que passer du temps avec lui soit une bonne idée.

Tout se joua dans la phrase qu’elle prononça par la suite. Il la regarda comme s’il avait mal entendu, repéré des appartements ? Comment ça repérer des appartements, mais de quoi elle parlait ? Comment une simple question qui en apparence n’avait rien de méchant pouvait faire autant de dégâts en lui ? Ce n’était pas une éventualité, elle n’évoquait plus vraiment le fait que prochainement, éventuellement, elle partirait de chez eux. Là c’était un fait, elle avait cherché, elle avait visiblement trouvé et elle lui tournait le dos. Il baissa la tête en proie au doute, il n’avait pourtant pas eu l’impression d’être horrible comme colocataire, n’exigeant rien d’elle, évitant d’être oppressant et de lui poser des questions du genre où tu vas, avec qui, ayant bien conscience que c’était le genre de trucs horrible à vivre, lui à l’époque ça le rendait fou que sa mère pose ce genre de questions. Et là, il commençait à se rendre compte que la douleur qu’il avait vu dans son regard le jour où il lui avait dit qu’il partait était loin d’être feinte puisqu’il ressentait la même chose avec en plus la quasi-certitude qu’Alcyone cherchait à balayer de sa vie tout ce qui ressemblait de prêt ou de loin à un Greengrass. S’il avait pu la comprendre, pas forcément trouver que c’était l’idée du siècle, mais l’accepter, lorsqu’elle avait voulu ne plus voir les parents puisqu’ils s’étaient toujours montrés pour le moins désespérant, autant l’un que l’autre, il n’avait pas agi comme eux, essayant de prendre son parti ou au moins de faire tampon auprès de sa mère pour qu’elle cesse d’enquiquiner Alcyone – ce qui ne fonctionnait d’ailleurs pas ultra bien, merci Théo – là il voyait les actions de sa sœur comme un moyen de l’atteindre lui, comme s’il l’empêchait d’être la personne qu’elle voulait être. Il passa une main dans ses cheveux, essayant de garder contenance alors que ça faisait juste mal, excessivement mal et qu’il aurait voulu lui dire que lui il tenait à elle, qu’il ne voulait pas la perdre et qu’il s’en moquait complètement de son appartement, qu’elle n’avait pas besoin d’un appartement puisqu’elle avait une maison ! Qu’est ce qu’elle croyait au juste, qu’un matin, il lui dirait dégage ? Ce n’était pas son genre et si elle lui avait fait part de cette crainte-là, sans la moindre hésitation il aurait rajouté Alcyone comme propriétaire officielle des lieux.

Pourtant, les seuls mots qu’il prononça furent « Pas de problème. » Si, problème il y avait, ça devait se voir, ça devait s’entendre au son de sa voix qu’il était totalement dépité mais qu’il prenait sur lui pour ne surtout pas donner à Alcyone une occasion de le planter là et de lui dire qu’il ne faisait aucun effort. Faisant quelques pas sans vraiment savoir où ils allaient au juste, est ce qu’ils allaient transplaner dans une autre ville ? Théo fini par la regarder et demanda « Est-ce que je peux au moins savoir ce que tu me reproches ? » Est-ce que c’était dû à la dispute qu’ils avaient quelques temps auparavant ? Pourtant il s’était excusé, ses mots avaient dépassé sa pensée, ça arrivait à tout le monde, il n’avait jamais prétendu être parfait et Alcyone avait eu l’air de le croire, se pouvait-il qu’elle n’ait jamais pardonné réellement.

Ne pas dire qu’il était chez les parents, comme si admettre qu’il les voyait encore – enfin surtout maman - ça ferait de lui un traître aux yeux de sa sœur«L’heure du thé, je buvais un chocolat chaud, je discutais, je n’ai pas vu le temps passer. Mais je suis là, c’est le principal non ? » Frère pourri mais pas trop. Il se rattraperait les prochaines fois en arrivant plus tôt ou alors, il lui laisserait la maison un week end pour se faire pardonner... Bon sûrement qu’il en profiterait pour emmener Sélénya en week-end au passage, ça devrait faire plaisir aux deux filles en même temps, ce qui n’était pas plus mal.

Sauf que très vite, cette idée disparut de sa tête et pour cause le sujet suivant ne laissait aucune place au doute, elle n’avait plus du tout envie de vivre là-bas. Il était déboussolé, cherchant dans ses souvenirs une explication au fait qu’elle voulait partir. Et le constat était amer, si lui avait été plus que ravi de partager ces derniers mois avec sa sœur, en arrivant même à la conclusion qu’il aurait dû lui proposer bien avant de venir s’installer ici plutôt que chez les parents, pour les vacances, la réalité le rattrapait, elle ne l’avait visiblement pas vécu de la même façon que lui. Pourtant il n’avait pas l’impression d’avoir changé, sauf sur un point, le fait de venir la chercher au travail mais ce n’était pas pour l’embêter, juste pour veiller sur elle. Il semblerait qu’il soit trop tard pour lui dire qu’il voulait bien faire des efforts – ce qui s’apparenterait plus à je reste à distance pour pas t’étouffer, que je viendrais moins souvent, ça faut pas rêver, il serait là tant qu’il n’aurait pas la quasi certitude que l’autre malade ne viendrait pas ôter la vie de sa sœur-.

Et en même temps que cette sensation douloureuse qu’elle lui en voulait, il essayait réellement de se dire que s’il pouvait passer un peu de temps avec elle, mieux valait il en profiter. Après tout, elle restait sa sœur à ses yeux, ce n’est pas en l’espace d’une phrase qu’elle venait passer de dieu vivant sur terre à ennemi public numéro un. Le mieux c’était encore de savoir ce qu’il avait fait, il ne disait pas qu’il trouverait les mots justes pour qu’elle lui pardonne mais au moins, il essaierait. Lorsqu’elle reposa la question qu’il venait de poser, il attendit impatient, une liste, un seul point ? Rien ? Comment ça rien ? Elle partait comme ça sans raison, ce matin elle s’était dit que ce serait mieux ailleurs, dans un endroit où il ne serait pas.
De toute façon, il savait que la forcer ne servirait rien, autant faire ce qu’elle souhaitait, comme ça au moins un des deux serait content. Alors qu’il avançait, elle vint s’emparer de son poignet, il ralentit pour la laisser venir à sa hauteur et la regarda, sidéré par ses mots « Mais tu as un chez toi. Si je t’ai laissé entendre que ce n’était pas chez toi, j’en suis désolé, c’était évident pour moi que c’était aussi ta maison. » Pourquoi elle s’entêtait à vouloir des prouver des choses qui n’avaient pas la moindre importance « Tu n’as pas besoin de te le prouver, bien sûr que tu peux le faire, c’est moi qui aie envie de t’aider, pas parce que je te juge incompétente, trop jeune, que tu es une fille ou quel que soit le critère que tu veux me prêter. Je veux t’aider parce que je t’aime, que je tiens à toi et que je veux que tu sois heureuse. » Comment concilier sa volonté à lui et celle d’Alcyone, ce qui la rendait heureuse, c’était d’être loin de lui ? Super. Il la regardait dans les yeux tandis qu’elle lui glissait qu’elle ne partait pas loin, ça aurait dû être un soulagement mais la seule chose qu’il ressentait c’était une profonde tristesse, il murmura « Je n’ai pas envie que tu t’en ailles, je ferais des efforts pour ne pas t’aider, si tu veux ? »

L’affaire du siècle ? Théo n’était déjà pas des masses motivés, voir même, était prêt à tout critiquer, oui même inventer des poussières invisibles mais là, il n’avait pas à se forcer. C’était le pire endroit du monde. Elle allait quitter la maison pour un appartement en si piteux état ? Elle voulait à ce point se séparer de lui ? Voilà qui était inquiétant. Durant toute la visite Théo resta silencieux, observant sa sœur halluciné par ses choix. Ce n’est qu’une fois sorti, qu’il fut rassuré, au moins, elle restait lucide sur le dépotoir qu’ils venaient de visiter. Il la laissa transplaner jusqu’au lieu du second appartement et regardait l’immeuble en attendant l’agent, écoutant sa sœur parler. Il la regarda « Ecoute, je sais ce que tu essaies de faire et oui tu vas venir me voir quoi, un mois ? Deux peut être et puis après, tu seras débordé avec ton travail, tu voudras être avec ton copain. Je connais la chanson, j’ai dit exactement la même chose quand je suis partie et les seules fois où je venais plus que régulièrement c’est quand toi tu étais en vacances pour passer du temps avec toi. » Il fit une pause pour rejoindre l’agent qui leur faisait des grands signes, il était un peu étrange celui-là non ? Lui glissant au passage «  On pourrait faire des travaux chez nous si tu veux ? » Têtu comme frère ? Mais pas du tout, c’est juste qu’il ne voyait pas l’intérêt d’aller acheter un appartement riquiqui alors qu’elle avait déjà une maison, bon et surtout il était terrifié à l’idée de la perdre, avait envie de lui montrer que vraiment, il était prêt à faire tous les efforts qu’il fallait pour qu’elle reste. Il n’arrivait même pas à se montrer intéressé pendant la visite, c’est simple ça pouvait être le plus bel endroit du monde, Théo ne l’aimerait pas parce que ça l’éloignait un peu plus de sa sœur.

Elle voulait y arriver seule. Ses mots sonnaient si négativement dans l’esprit de Théo. Il ne parvenait pas à comprendre en quoi c’était une mauvaise chose d’être deux ? Est-ce que la victoire était moins scintillante lorsqu’elle était partagée avec quelqu’un ? Il n’en avait pas l’impression. La seule chose qu’il voyait c’est qu’indéniablement, elle était en train de couper ce lien qui les unissait et que ça faisait mal, excessivement mal et il ne parvenait pas à comprendre en quoi être seule était une victoire, surtout lorsqu’elle disait à demi-mot qu’il ne s’était pas ultra mal comporté avec elle, qu’il n’avait pas laissé entendre que c’était temporaire, parce que dans sa tête, ça ne l’avait jamais été. Se pouvait-il qu’il soit juste naïf lorsque ça concernait Alcyone ? C’était tout à fait probable et il avait toujours su qu’il la tenait en très haute estime et que ça avait toujours été un réel bonheur de passer du temps avec, peut-être avec quelques exceptions néanmoins. Il esquissa un sourire mais plus par réflexe que réellement touché par ses mots, à cet instant, il n’était pas persuadé qu’ils avaient la même définition du mot aimer.

Il la suivit dans le premier appartement, notant dans un coin de sa tête que les efforts qu’il était prêt à faire pour essayer d’arranger les choses et de faire en sorte qu’elle accepte de revenir sur ses propos, tombèrent dans l’oreille d’une sourde. Avant d’aller visiter le second appartement, il essayait sans trop bien savoir comment s’y prendre, de lui dire qu’il ne voulait pas qu’elle le laisse tomber, qu’il voulait continuer à être proche d’elle, qu’il était incapable de se passer d’elle, tout simplement. Elle ne le prenait pas au sérieux, il se renferma suite à ça. Elle ne voulait pas entendre, ne voulait pas l’écouter ni prendre en considération ses craintes. Il n’y avait donc plus rien à faire de son côté, il se taisait, faisant acte de présence mais clairement il n’y mettait pas vraiment de la bonne volonté. Comment en mettre quand ça signifiait perdre la personne qu’il aimait le plus au monde.

Une fois le calvaire du deuxième appartement terminé, Théo ne savait pas s’il devait se rassurer en disant qu’il n’en restait plus qu’un ou au contraire être dépité, un mix des deux certainement. Il hocha la tête quand elle lui dit de venir, oh qu’elle ne s’inquiète pas, nul besoin de lui tenir le bras, il la suivrait quoi qu’il arrive, voulant profiter, même si le terme était un peu erroné, de chaque minute passé en sa compagnie. Il fronça les sourcils en l’entendant parler d’y aller à pied, oui alors comment dire que marcher dans tout Londres, ça n’emballait pas des masses monsieur Greengrass. Ils s’arrêtèrent au pied d’une maison somme toute charmante, si on oubliait le fait que c’était Alcyone qui voulait y vivre. Il fronça les sourcils en voyant sa sœur s’allumer une clope ouvrit la bouche pour lui demander, exiger, gronder, de l’éteindre tout de suite, sauf qu’elle le prit de vitesse démontrant qu’elle le connaissait très bien et qu’elle se passait de tout commentaire. Il ferma la bouche, la laissant fumer sa saloperie, résistant très difficilement à l’envie qu’il avait de la lui prendre les mains pour l’écraser au sol. Profiter de sa sœur tant qu’il pouvait, c’est ça qu’il devait faire, ne pas se disputer avec pour des futilités, ce n’était pas la fin du monde une clope, c’est ce qu’il devait se répéter. Puis elle se mit à parler et il l’écouta, attentivement. Elle le connaissait, c’est ce que les paroles de la demoiselle prouvait, cette peur qu’il ressentait, elle en avait parfaitement conscience. Et s’il était tenté de la reprendre en lui disant que c’était faux, qu’elle avait des parents, il comprenait bien que ce n’était pas la même chose, pas parce que l’amour qu’il éprouvait pour elle était inégalable mais bien parce que les parents avaient complètement laisser Alcyone. Et si le frère, autant que la sœur ignorait réellement pourquoi, cela avait certainement aussi à chacun d’exister si fort pour l’autre. Il était tenté de lui dire qu’il y avait bien assez de changement dans sa vie, elle venait d’être fiancée de forte, de découvrir ses sentiments, de perdre ses deux parents d’un coup, quand bien même ils étaient encore vivants tout les deux, elle avait quitté sa maison d’enfance du jour au lendemain, avait trouvé un emploi. Des changements, ça en faisait beaucoup. Mais à la vérité, Théo aurait eu dû mal à la laisser partir peu importe le temps qui se serait écoulé. Il ne ressentit aucune fierté à l’entendre dire qu’elle l’avait choisi lui pour visiter des appartements. Peut être oui, c’est lui qu’elle mettait devant le fait accompli, c’est cependant de lui dont elle se séparait, au final. Alors oui, c’était dans l’ordre des choses, pas pour autant que c’était agréable. Il la fixa tandis qu’elle disait que son avis comptait, qu’il comptait. Il la laissa terminer prenant une profonde inspiration tandis qu’elle fumait « Non, ce n’est pas tout. Un chez toi, tu en as un. Je sais que tu as 21 ans mais que tu le veuilles ou non, tu seras toujours mon bébé. » Le problème étant d’ailleurs ici précisément, il ne la voyait pas grandir, ne voulait pas qu’elle grandisse, pas parce qu’il ne voulait pas qu’elle vive sa vie, il essayait d’ailleurs de la laisser vivre sa vie comme elle l’entendait, la laissant fumer quand bien même il avait ces cigarettes en horreur mais elle restait un bébé à ses yeux, un bébé avec qui il voulait vivre, un bébé qu’il voulait épauler du mieux qu’il pouvait et ne jamais laisser seule. « Et si moi j’étais incapable de vivre sans toi ? Si moi, avec ton arrivée dans cette maison, ta présence, j’avais retrouvé mon équilibre ? »

La voix avec laquelle elle prononça la dernière phrase le fit froncer les sourcils, il fallait vraiment qu’elle arrête ces cochonneries, c’était du grand n’importe quoi. Néanmoins il répéta « On voit ma maison ? » Disait elle ça pour le rassurer ou avait elle vraiment essayer de trouver une demeure pas loin pour tenter de le rassurer sur le fait qu’elle ne souhaitait pas disparaître de sa vie. Il regarda la maison « On est à combien de minutes à pied de là où on vit ? » Attention, ce n’est pas pour autant que la nouvelle passait bien aux yeux de Théo, il était toujours foncièrement convaincu qu’il voulait vivre avec elle et ne voulait pas qu’elle vive ici mais, s’il fallait choisir entre les trois appartements, peu importe si ce dernier qu’il n’avait pas visité était un taudis, ce serait celui là qui avait sa voix, peu importe s’il fallait faire des travaux, ah il était prêt à bosser tout les week end jusqu’à noël au moins ici, surtout que ça lui permettrait de voir  sa sœur régulièrement. Il avança donc un peu plus curieux que les deux fois précédentes vers l’agent immobilier pour aller visiter cette demeure, marmonnant néanmoins par principe et parce que c’était un chieur, il faut le reconnaître aussi « Il n’empêche que tu m’enlèveras pas de la tête que la maison dans laquelle nous vivons actuellement est mieux. »

Non, il n’y avait pas de Théo qui tienne. Tout – ou presque – ce qu’elle pouvait dire n’avait réellement d’impact sur lui. Vraiment le ou presque eut toute son importance puisqu’à la seconde où sa cadette parla de l’endroit où ils se trouvaient, il réagit, permettant à Alcyone de s’amuser de la situation. Il reconnu assez aisément le bien fondé de sa remarque «  Il est vrai que j’ai été plus focalisé sur le fait que tu veuilles partir, que l’endroit où nous nous trouvions. » Trois ou quatre minutes donc, c’était toujours trois minutes de trop selon Théo mais bon, ce qu’il comprenait aussi à travers ces mots, c’est qu’elle essayait malgré tout de ne pas trop le blesser, même si que l’on ne se mente pas, il était blessé qu’elle veuille partir loin de lui. S’il évoqua le fait que franchement, elle était mieux chez lui – qui était aussi chez elle -, il se prit une réflexion le faisant rouler des yeux bien que cédant néanmoins « Bien entendu mademoiselle Greengrass, il sera fait selon votre bon plaisir. » Il entra donc dans la demeure avec, il est vrai un pincement au cœur. Tout cela étant bien trop concret pour lui.

Pourtant, il suivit docilement l’agent, écoutant très attentivement ce qu’il disait, cherchant des failles et les non-dits sur cet appartement, cela afin de convaincre par la suite sa sœur que c’était une idée de merde que de vouloir emménager ici. Et pourtant, en toute objectivité, l’appartement était, il est vrai, relativement mignon. Certes un peu léger en surface en comparaison avec les différents lieux où Alcyone avait vécu mais au vu de la personne qu’elle était et de cette volonté farouche qu’elle avait de se détacher de son nom de famille, ça pouvait se comprendre. Pouvait il vraiment lui en tenir rigueur quand ses parents l’avaient si souvent exclu de cette même famille ? Et pourtant, se rendait elle seulement compte de l’affection que Théo lui portait, de ce besoin presque vital qu’il avait de toujours l’avoir à ses côtés ?
Lorsque l’agent décida de les laisser discuter, Théo prit une profonde inspiration, observant sa pitchoune qui le rejoignait pour venir lui prendre la main et l’entraîner vers la fenêtre, prouvant par ce geste ce qu’elle avait annoncé précédemment, cette demeure n’était pas si loin de celle de Théo. Si cette nouvelle avait un côté rassurant, ça n’enlevait en rien cette chappe de plomb, il ne voulait pas qu’elle s’en aille, il l’aimait tout simplement. Mais comment parvenir à lui faire comprendre lorsqu’elle déroulait ses arguments avec une telle confiance en ce qu’elle disait. Théo de son côté réfléchissait à ses dires, très sérieusement, la voir tous les dimanches, ça voulait dire une chose, se mettre en conflit avec leur mère et ce n’était pas un choix évident à faire. En revanche, il était tout à fait d‘accord sur le fait de continuer à venir la chercher après le travail. Mais, pour lui, bien sûr que cela changeait quelque chose de la savoir ailleurs, surtout dans le contexte actuel. Seule dans un appartement comment allait-elle gérer si problème il y avait et non le fait que Dimka puisse être là ne rassurait absolument pas Théo.

Leurs regards s’accrochèrent tandis qu’elle lui disait des mots, glissant sur lui comme sur les écailles d’un Occamy. Jamais il n’avait prononcé des mots avec autant d’intensité que ceux qu’il lui adressa suite à sa prise de parole « Tu seras toujours mon bébé Alcyone, peu importe le temps qui passe, les mots que l’ont se dit, tu resteras à jamais mon bébé et ma petite sœur au passage, cela va de soi. » Il l’attira à lui doucement pour la prendre dans ses bras, l’étreignant « Je sais que tu veux te détacher, grandir et » il déglutit longuement parce que ça n’était pas évident à dire pour lui « Tu fais bien ce que tu veux mais sache que ma maison sera toujours la tienne et que je serais toujours ravi de t’accueillir. » De toute façon, contraindre Alcyone ne ferait que l’éloigner de lui, il se devait donc de la laisser faire ses choix, quand bien même cela le faisait souffrir. Chose qui devait s’entendre dans sa voix lorsqu’il lui demanda, un peu hésitant « Tu comptes emménager quand ? » Combien de temps avaient ils à être encore deux ? Devait il dire qu’il trouvait cet appartement mieux que les autres ou cela n’avait il aucune importance pour Alcyone, parce qu’il n’était pas entièrement sincère ou plutôt si mais qu’il était totalement partial. Il ne pouvait pas choisir un autre appartement que celui-ci alors que ce dernier leurs permettaient de se voir régulièrement parce qu’ils étaient juste à une rue l’un de l’autre. D’ailleurs, en réalité, il pouvait s’estimer heureux que sa sœur ait pris en compte qu’elle avait un frère très attaché à elle, elle ne s’était pas contentée de chercher un appartement, elle avait essayé de rester dans un rayon proche de lui, démontrant par ce fait qu’elle était malgré tout bien proche de lui… pour le moment en tout cas.

Alcyone avait cette faculté, un peu particulière et un peu détestable, il faut aussi le dire, d’arriver à trop bien cerner son frère et de savoir toujours quoi dire. Après, il avait aussi tendance à faire la sourde oreille quand un sujet lui déplaisait. Peut être qu’il aurait dû prêter un peu plus attention aux dires de sa sœur au sujet appartement, ça aurait été moins surprenant et moins déplaisant d’être là. Il fit la grimace tandis qu’elle lui reprochait des choses qu’il pensait en prime, il ne lui ferait pas l’affront de le nier, acceptant ses torts, pour une fois « Je ne voulais pas te blesser, je suis désolé Alcy. » Il ne précisa donc pas qu’il n’avait pas envie de sortir de sa vie, elle était loin d’être idiote, elle le savait très bien, sinon ils ne seraient plus vraiment en contact et cela depuis plusieurs mois. Autre reproche en vue, celui qu’il n’avait pas vraiment zieuté les alentours. Oh mais dis donc, c’est qu’elle était chiante par moment sa soeurette hein. Il soupira pour lui montrer qu’elle était dure en affaire avant de râler « Oui bah ça va, c’est quand même pas ma faute si je reconnais pas chaque arbre de chaque quartier de Londres. J’étais plus intéressée par ta frimousse que par le décor, tu ne peux rien me reprocher. » Bon si mais il fallait un peu de mauvaise fois de la part de Théo pour s’en sortir. Et puis il était quand même sympa, il lui disait qu’il serait fait selon ses envies… bon ça ne plut pas à la demoiselle Greengrass qui trouva même le moyen de lever les yeux au ciel… sœur indigne. Bon après peut être qu’elle avait bien ressenti qu’il n’y mettait pas de la bonne volonté – au bout de trois apparts ce serait étonnant qu’elle se soit rendu compte de rien -.

Est-ce que cet appart était mieux que les autres, bon que le premier oui sûr et certain, Théo n’en savait trop rien, ce qu’il savait par contre c’est que si choix il y avait à faire, il préférait celui qui était le moins loin. Cela lui permettrait sûrement de garder un œil sur elle régulièrement, ce qui aurait été faisable aussi si elle avait habité plus loin mais ça aurait été aussi plus contraignant. Dans tous les cas, il la ramena contre lui, cette petite fille qu’il ne verrait probablement jamais grandir et qui serait à ses yeux toujours cet enfant, reconnaissant, même si ça n’était pas évident qu’elle avait le droit de vouloir se détacher de sa famille, enfin… plutôt du dernier membre de la famille qu’elle voyait. Elle le reprit et il sourit « D’accord, pas détacher. » Elle voulait vivre sa propre vie et c’était tout à fait louable, même si ça enquiquinait un peu Théo.  D’ailleurs, il lui rappela une chose que ses parents à elle auraient dû faire, que quoi qu’il adviendrait, elle serait toujours chez elle auprès d’un membre de sa famille. Elle fit de l’humour en retour. « Si jamais tu es renvoyé, c’est que ton patron est complètement crétin mais je suis content d’apprendre que tu n’avais pas l’intention de vivre sous un pont. » même s’il y avait sûrement des ponts ultra jolis, pour y vivre, Théo ne conseillait pas ça à sa sœur.

A la question qu’il avait posé, la réponse ne fut pas plaisante mais là il savait aussi qu’aucune réponse n’aurait été plaisante… un mois ça paraissait court mais bon une décennie lui aurait semblé tout aussi court. Elle avait des idées de travaux, l’inverse aurait étonné Théo, Alcyone avait toujours plein d’idées et pour sûr que ça ne serait pas des petits travaux. Voilà qui à part elle pensait à enchanter le plafond de sa chambre ? Cette fille était incroyable. Et si ça s’arrêtait à cela, mais pas le moins du monde, elle voulait aussi faire une pièce pour travailler. Clairement, Alcyone n’avait pas été adopté, c’était une certitude, la même ambition que leur mère qui ne s’arrêtait jamais de bosser tant qu’elle n’avait pas obtenu ce qu’elle souhaitait. Oh et ce que souhaitait Alcyone ça n’était pas vraiment une augmentation de salaire, non elle voulait sa boutique… incroyable il avait dit hein.  « Si tu as besoin d’un coup de main pour les travaux, je serais là pour toi. » Oui et même si elle avait l’aide de Dimka non non ce sera une surprise et bien ils ne seraient pas trop de trois. « Et pour la boutique si tu as besoin d’un actionnaire, j’ai toujours rêvé de pouvoir dire aux gens je suis actionnaire de la boutique de ma championne de sœur. » Oui, ça serait que pour la championne de sœur d’ailleurs, dépenser son argent, ça n’était pas vraiment le délire de Théo, les projets des gens cela lui avait toujours semblé hyper hasardeux et il n’était pas friand du hasard mais il avait une confiance aveugle en sa petite sœur et il savait qu’elle réussirait, avec ou sans lui donc autant lui apporter son soutien dès le début même s’il ne serait pas vraiment le genre de personne à dire je l’avais bien dit enfin si mais pas dans ce domaine. A ses mots d’amour, il déposa un bisou sur sa joue « Allons faire une proposition au vendeur alors. » Il s’écarta d’elle pour l’entraîner, de lui-même, signe qu’il faisait quand même des efforts hein, vers l’espèce d’agent immobilier… Elle avait raison, peu importe la distance – surtout qu’elle n’était pas si grande – ça ne les empêcherait pas de se voir, ça ne les avait jamais empêché de se voir avant, pourquoi cela changerait maintenant ?