Pour une fois, ma journée s’était passé rondement. J’avançais très rapidement dans le cas d’un homme accusé du meurtre de sa femme. Je savais qu’il ne l’avait pas fait. Le pauvre homme s’était seulement trouvé au mauvais moment, au mauvais endroit écroulé auprès d’elle. Le directeur du cabinet savait que je ne prenais pas de cas terreux. Même si ouvertement, il me pensait stupide de faire cela, je savais qu’il appréciait mon altruisme auprès des petites gens dans ce monde de fous.

Ce monde de fous …

Tout en rangeant quelques dossiers sur mon bureau, je souris légèrement. Je ne savais plus réellement sourire en ce moment. Oui car, depuis le début de l’année 2020 mon emploi semblait être la seule échappatoire qui me restait pour ne pas sombrer dans la folie et la dépression. Déjà que je ne blessais plus seulement que la technologie : ça c’était drôle. Mais maintenant, je blessais aussi mes amis. Mon ami. Je le trahis. Tout cela au nom de quoi ? Au nom de mon père et du Blood Circle. Oui, je savais que je pouvais faire le bien ... Le Blood Circle était là pour protéger … Je ne sais pas si c’était vraiment son objectif ou bien plutôt celui d’éradiquer toute engeance sorcière de la surface de la Terre. Mais moi je voulais vraiment aider, protéger et non tuer des innocents ! Une boule montait dans ma gorge et je tentais de la faire taire en buvant un peu d’eau, cette vicieuse. Je m’haïssais pour cela alors que mon esprit repartait une fois de plus dans le passé d’un mois d’octobre trop sombre ou des étudiants vinrent sauver leurs amis prisonniers de nous. Puis, il y avait cet enfant que je libérais des chaînes de ma cave.

- Il faut vraiment que j’arrête de penser.

Lâchais-je machinalement tout en faisant claquer ma langue pour me donner du courage. Je jetais quelques dossiers dans la récupération. L’un traitait d’une femme croyant que sa voisine était une Sorcière parce qu’elle passait son temps à la harceler à sa porte, disait-elle. Un autre portait sur un homme qui s’était disputé avec son voisin pour cause de clôture – c’était toujours la même rengaine – puis, qui faisait maintenant des rêves mettant en scène son voisin donc il le croyait Sorcier. Mais que les gens étaient stupides ! En fait, tout ce qu’ils souhaitaient c’était se servir du fait Sorcier pour avoir l’argent que la victoire en cour leur donnerait.

Je soupirais longuement à perdre espoir en l’humanité lorsque j’ouvris mon agenda pour me rappeler mon rendez-vous de 14 heures. Regardant ma montre, je m’aperçus qu’il ne restait que 10 minutes. J’allais chercher le dossier que Annie, ma secrétaire, identifia à Ashley Taylor le nom complet de cette mystérieuse personne. Hier, j’avais accepté de la recevoir au su et à la barbe de tout le monde rigolant de ce cas mystérieux. Il était vrai que je n’avais rien dans ce cas qu’une simple feuille lignée blanche et quelques mots écrit au stylo par Annie : « La pauvre enfant. Elle me semblait terrorisée au téléphone ». Touché après que nous en parlions ensemble, je ne pus pas m’empêcher de prendre prestement ce dossier des mains du directeur et de vouloir le mener à bien.

C’est donc toujours aussi touché que je me levais pour aller voir si cette Ashley se trouvait dans la salle d’attente. Je m’attendais à ce qu’elle n’ait pas le sourire, mais là, c’était pire que tout. Seule personne dans la salle d’attente du cabinet, elle marcha vers moi son kangourou sur sa tête et s’identifiant comme étant Ashley Taylor.

- Bonjour mademoiselle Taylor. Je suis Robin Kane. Je vais m’occuper de vous. Si vous voulez bien entrer.

Tout en fermant doucement la porte derrière elle, je déglutis triste par son accoutrement sans la quitter du regard. Je me demandais bien ce qui avait pu lui arriver. Avait-elle été violentée par son mari ? Sans émettre d’hypothèse tout haut parce que ce n’était vraiment pas éthique, j’alla m’asseoir lui faisant signe de prendre place dans l’un des deux fauteuils présents en face de mon bureau.

- Alors, que puis-je faire pour vous mademoiselle Taylor ?

Commençais-je optant pour un sourire poli tout en prenant un grand bloc-notes et un crayon.

Il me fallait être calme tellement la jeune femme montrait l’inverse. J’avais l’impression que si je démontrais, ne serait-ce qu’un haussement de sourcils, elle s’effondrerait et pleurerait à chaudes larmes. Ce que je ne voulais pas. Je ne voulais pas l’effrayer plus qu’elle semblait l’être déjà. Je hochais donc simplement la tête lorsque Ashley me parlait du kidnapping de son fiancé deux ans plus tôt. Aussitôt, ma main gauche s’emparait du crayon et j’écrivais « enlèvement » puis, « qui est le coupable, a-t-il un avocat » ? Je surlignais plusieurs fois le deuxième mot sans regarder, pendant quelques secondes, Ashley.

Je déglutissais tristement me demandant, sur le champ, quand avait-elle eut l’aval d’informations sur son pauvre fiancé … Deux ans … C’était si long. Deux ans qu’ils auraient pu déjà être mariés.

Donc, ce fut au bout d’environs 10 secondes que je le relevais finalement la tête et sourie poliment à la jeune femme l’intimant à continuer son récit. Je crois qu’un léger soupir sortit d’entre mes lèvres lorsque le mot « Sorcier » s’emparait des siennes. Certes, aussitôt coupable de mon attitude peu avenante, je me fis violence pour ne rien laisser paraître : je baissais les yeux sur ma feuille rajoutant un autre mot : « Sorciers » et l’écrivant au pluriel.
C’était un sale réflexe de cas non-fondés envers les Sorciers. Pourtant, la pauvre Ashley semblait si troublée, si vraie.

- Je vous crois. Continuez, je vous prie.

Ma voix neutre et se voulant la plus douce possible, je hochais la tête tout en observant ma vis-à-vis l’intimant à continuer. Si cette fois, c’est vrai, ce cas relèverait plus du Blood Circle songeais-je agacé par ce monde de fous dont je parlais précédemment. Je mémorisais et relevait sur le papier tout ce qui pouvait être utile dans ce que Ashley Taylor me révélait. J’écrivais vite soit possiblement ma frustration d’entendre encore parler de Sorciers. Non, de criminels. Qu’ils soient des Sorciers ou des gens sans magie, cela ne changerait rien. Ils étaient des criminels. Voilà tout ! Je pris donc note de la torture et des informations que ces criminels cherchaient sur le Blood Circle compte tenu du fiancé qui en ferait parti … Parti ?

- Et ce …

J’eus à peine le temps de relever la tête pour la fixer totalement surpris de me trouver là en présence de l’épouse d’un de mes collègues au Blood Circle que je ne pus rien dire ni faire. Je crois que j’avais la bouche grande ouverte estomaqué par la coïncidence. En effet, plusieurs membres de l’organisation avaient été enlevé par des Sorciers et pas tous ont été retrouvés, certains même probablement assassinés.

Prenant une longue inspiration, je ne parlerais pas de cette possibilité à Ashley, elle qui m’avoua être perdue après s’être libéré par ses propres moyens.

Soudainement las, je laissais tomber le crayon et m’étira dans ma chaise pour finir par regarder le plafond et ces petits points noirs. Comment j’essayais de les compter lorsque je m’ennuyais ? Je réfléchissais à la possibilité que Ashley soit une Sorcière justement envoyée par ses petits amis pour me manipuler et me soutirer de l’information à moi, fils du Premier Ministre. C’est extrêmement dangereux de ma part de me révéler sans avoir plus d’information même si j’étais touché par son discours. Après tout, elle pouvait être bonne comédienne.

Revenant en position assise, je venais d’avoir une idée. Je croisais puis, posais les mains devant moi sur le bureau et je lui sourie à nouveau poliment. Je ne pus pas m’empêcher de détourner le regard pendant deux secondes pour chercher les bons mots qui ne blesseront pas ou, à tout le moins, le feront moindrement.

- Comment s’appelle votre fiancé, Ashley ? commençais-je tâchant de garder un ton doux. Je sais que vous disiez qu’il est du Blood Circle et, pour le protéger, vous ne voudriez pas révéler son nom et sa profession au sein de l’organisation. Certes, il se trouve que j’ai aussi beaucoup d’admiration pour le Blood Circle. Puis, en tant qu’avocat, je vous promets que tout ce que vous direz ici, entre ces murs, resteront entre nous.

Je lui sourie finalement comme à une amie et posant ma main gauche sur la sienne. Je devais en savoir plus sur elle pour révéler ma réelle identité. Et pour montrer la franchise de mes mots, je débranchais le téléphone du bureau. Je n’en restais pas là, je pris mon Samsung et je lui montrais clairement l’éteindre.

- Nous sommes entre nous maintenant.

Dis-je tout en sachant, au fond de moi, que ce cas n’allait pas être résolu par un avocat, mais bien par un membre du Blood Circle. Étrangement, je me sentais bien comme si d’aider cette jeune femme me donnait un sentiment d’accomplissement immense.

Au début, je pensais que son histoire aurait pu être montée de toute pièce. Une bonne actrice pouvait aisément travailler son regard et son attitude pour apparaître désespérée. Ashley voulait absolument voir le Blood Circle, mais rien ne me prouvait qu’elle n’apprit pas le nom par d’autres. Elle aurait même pu être payé pour ce faire.
Pourtant, son désespoir restait si poignant.

J’avais vraiment peine à la regarder dans les yeux alors je baissais parfois la tête sur le bloc-notes. Je jouais machinalement avec le stylo entre mes mains sans envie aucune d’écrire. Je jouais aussi avec mes lèvres trouvant triste, mais aussi inquiétant le fait qu’elle se sente épié. J’espérais que cela n’était vraiment pas le cas, car Ashley aurait pu être suivi jusqu’ici. Et cela, c’était très dangereux : pour elle, comme pour moi. Il lui faudrait alors une garde rapprochée.

Immobile pendant les 10 secondes suivantes, c’était seulement ensuite que je relevais enfin la tête vers cette pauvre innocente pour m’assurer du bien fondé de ses dires. Toute de suite, elle me remerciait pour nous avoir laissé seul à seul sans la possibilité d’un appel téléphonique quelconque et j’hochais la tête poliment. Je ne pensais pas non plus à vérifier de l’autre côté de la porte connaissant la politesse de mes collègues : malgré leur attitude d’avar, je devais leur donner l’éthique de travail. J’aurais pu avoir un petit sourire en coin à cette pensée spontanée, mais Ashley parlait et donc je gardais mon sérieux. Je prenais aussi sur moi d’écrire quelques mots sur la possibilité qu’elle soit écoutée et suivit. En avait-elle parlé à quelqu’un ? C’était une possibilité, car dans son état, elle aurait voulu se délester d’émotions trop difficiles à porter seule. Je surlignais donc ceci plusieurs fois.

Alors, elle venait à parler de Brian O’Connor. Je relevais la tête, intéressé ayant effectivement entendu ce nom au sein du Blood Circle. C’était un homme polyvalent, mais quand même plus soldat que scientifique. Il avait effectivement été porté disparu depuis trop longtemps déjà. Comme moi avec mon ex, il avait évidemment ses secrets. Et si j’avais été capturé par les Sorciers moi aussi ? Est-ce qu’elle aurait vécu la même histoire sordide qu’Ashley ? Je hochais légèrement et négativement de la tête m’ôtant cette horrible pensée de l’esprit qui aurait, sinon, tôt fait d’être ressassée.

J’allais plutôt ouvrir la bouche pour dire connaître le fiancé d’Ashley, mais elle se mit à déblatérer tout et rapidement sur celui-ci jusqu’à affirmer que des Sorciers avaient même fouillé son appartement. Ah bon ? Certes, je la voyais paniquer et je ne pus pas continuer. Je lui pris plutôt la main à nouveau.

- Chuuttt … Calmez-vous Ashley. Calmez-vous. Tout va bien.

Fis-je tout en lui tendant, de ma main droite, la boîte de mouchoirs qui trônait sur mon bureau. Je lui sourie doucement avant de reprendre un bon 15 secondes plus tard. Je voulais continuer, mais il ne servirait à rien si elle était dans un tel état de détresse. Je caressais le dessus de son pouce et, là seulement, je recommençais à parler.

- Je connais Brian O’Connor. Un bon élément. Il a effectivement disparu depuis un bon moment. Deux ans ? C’est possible.

Je soupirais et je m’étirais à nouveau dans mon fauteuil, les mains derrière la tête. J’étais en pleine réflexion tâchant de relier les points entre eux. Brian devait donc avoir été kidnappé par des Sorciers et Ashley s’est retrouvé dans la même galère. Était-elle donc avec lui lorsque tout s’est produit ? Combien de temps cela se faisait-il depuis son évasion ? En avait-elle parlé à quelqu’un depuis ? Je savais maintenant qu’elle disait vrai, qu’il ne pouvait en être malheureusement autrement. Le nom de Brian O’Connar puis, sa détresse qui n’était sûrement plus un jeu d’actrice : il y avait des limites quand même à être un excellent acteur. Ramenant les bras sur ceux de mon fauteuil, je fixais à nouveau Ashley.

- Ashley, je suis désolé que vous soyez mêlée à tout cela. Je suis désolé pour votre fiancé. On devrait faire vraiment plus attention aux familles de ceux faisant partie de l’organisation. Parfois, j’ai l’impression que nous ne sommes que des machines murmurais-je soudainement las et incapable de regarder la jeune femme dans les yeux pour quelques secondes. Mais je crois que vous savez maintenant ou je veux en venir et j’espère que cela restera, évidemment, entre nous. Je veux dire que je suis un membre du Blood Circle.

J’avais chuchoté ces derniers mots me rapprochant plus encore de Ashley, les coudes posés sur mon bureau nous séparant. Prudent, je continuais avec la sécurité de notre conversation et de son histoire avant d’entrer dans le vif du sujet.

- Avez-vous parlé de … Tout cela à quelqu’un avant de venir me voir ?

Je l’avais regardé s’éponger le front et le visage de mouchoirs en papier plus que ses larmes en fait. La pauvre jeune femme semblait avoir si chaud que je croyais la voir faire un malaise. Elle semblait plus nerveuse que peinée en fait. Cette nervosité devait être due à la confiance qu’elle devait mettre en moi ou non. Peut-être qu’elle vivait tellement d’émotions de toutes sortes depuis … Un an ? J’avais alors légèrement froncé les sourcils, car précédemment elle en comptait deux.  J’avais alors griffonné « environ un an » sur le bloc-notes pour m’assurer de rappeler de ceci. Ces Sorciers étaient horribles pour qu’elle n’ait pas pu voir … Quoi ? La lumière du soleil ? Le temps qui passait ? Un court voile de tristesse passait devant mes yeux, car je savais le Blood Circle capable aussi du pire avec des Sorciers innocents.

À un moment, Ashley s’était excusé de l’imprudence de Brian O’Connor. Prenant une grande inspiration, je hochais négativement de la tête souriant tendrement envers elle. Je me sentais vraiment mal et coupable de ses excuses parce qu’elles n’auraient pas lieu d’être. On chassait les Sorciers : vrai.
Certes, ne pourrions-nous pas respecter plus nos collègues ?
Par exemple, nous pourrions échanger les Sorciers que nous avions kidnappé récemment avec les nôtres emprisonnés par eux. Cela rassurerait les familles. Cela donnerait une meilleure réputation au Blood Circle maintenant plus publique que jamais dans la population. Non, car pour faire partie du Blood Circle, il fallait être cruel, sans scrupule et tuer tout ce qui bougeait ! Je lui avais, ainsi, répondu très sérieusement et presque impérieux. Je lâchais, ensuite, délicatement sa main.

- Ce n’est pas à vous d’être désolée Ashley, mais à nous de mieux traiter les gens qui œuvrent pour nous.

Dans un autre ordre d’idée, j’avais bien envie de voir Ashley Taylor faire, justement, partie du Blood Circle. Pour commencer, cela va me permettre de mieux la protéger. Toutefois, elle en connaît aussi beaucoup, voire même trop, sur les Sorciers pour la laisser courir dans la nature. Il est possible qu’elle puisse dire, même approximativement, le lieu de son internement. Après tout, elle s’en était échappé. On pourrait, ainsi, attaquer et tuer ces criminels. Je savais que je peux tuer un criminel. Je le sais et je vais le faire ! Je n’ai aucune pitié pour des gens qui torturent des innocents. Ils méritent le pire.

Mais malgré la détermination qui avait engagé mon crayon, je soupirais quand même sur le coup agacé, mais surtout déçu par le peu de confiance que j’avais encore maintenant d'elle. J’étais un peu frustré parce que je lui révélais tout : de son fiancé travaillant pour nous, de ma propre appartenance au Blood Circle. Et Ashley, de son côté, me cachait l’identité de la personne à qui elle racontait une partie … toute l’histoire ? Pourquoi elle avait eu confiance en cette personne et pas envers moi ?

Je déposais mon crayon et me passais les mains sur le visage. Je fermais les yeux pour quelques secondes, le temps de réfléchir. Peut-être cette personne avait été un simple innocent. Mais maintenant, si c’était le cas, cette personne pourrait-elle aussi être fichée par les Sorciers ? En fait, c’était si ces derniers espionnaient vraiment Ashley comme elle le laissait penser. Mais encore pourquoi l’espionneraient-ils ? Pourquoi n’ont-ils pas encore agi pour la ramener près d’eux ? En proie à ces réflexions, je parlais comme pour moi-même, mais évidemment c’était aussi dirigé vers Ashley.

- Est-il possible que cette personne à qui vous en avez parlé soit un Sorcier ?

J’avais l’impression de m’embarquer dans quelque chose de complexe qui pourrait possiblement aussi faire du mal au Blood Circle. Certes, je devais en savoir plus. Je devais la protéger et pour cela, elle devait avoir confiance en moi.

- Ashley, je ne peux pas vous protéger si je ne sais pas tout. Cette personne semblait-elle être de confiance ? Est-ce que c’était un Sorcier ? En fait, cette personne pourrait aussi être en danger maintenant si ce que vous me dites est vrai par rapport à votre demeure sans dessus dessous. Je suis ici pour vous protéger Ashley. Je ne veux que cela et si besoin est, je pourrais aussi protéger cette personne.

Je tentais de bien articulé les mots pour bien me faire comprendre. En même temps, je tentais le plus possible d’être amical terminant ma tirade par un sourire.