Faut-il dire la vérité à n’importe quel prix ? N’est-il pas parfois bénéfique de mentir pour préserver ce presque équilibre qu’il avait ? S’il avait envie de se dire que oui, que ce que Kiara ne savait pas, ça ne pouvait pas la blesser – chose tout à fait vrai d’ailleurs – il ne voulait pas jouer à ce petit jeu avec elle.  Il n’aurait pas su répondre au pourquoi ça le tracassait au juste ? Au fond, ce qu’elle pouvait penser, il devrait s’en moquer non ? Pourtant, non il n’y arrivait pas se répétant que plus de temps il mettrait à parler et plus les dégâts seraient importants. Mais en même temps, c’était compliqué aussi de se dire qu’il pouvait, potentiellement, faire une croix sur cette demoiselle qui venait lui filer un coup de main lorsqu’elle le sentait en danger, cette même fille qui acceptait de lui laisser une chance quand bien même ça n’était pas intéressant pour elle, qu’elle perdait sûrement plus qu’elle ne gagnait. Bien sûr qu’il s’en rendait compte mais il n’avait pas envie de la perdre. Des détracteurs, il en avait, il le savait, s’en moquait comme de sa première paire de chaussette et il faut croire qu’elle aussi, donc il aurait apprécié de ne pas leur donner raison.

Le problème c’est que oui, ils avaient raison, il avait merdé et ça allait lui retomber sur le coin du nez. Comment des actions qui lui avaient semblé si banale pouvaient faire des dégâts des mois après et risquer de faire tout capoter ? Grigori n’en savait rien mais il était responsable, il se devait donc d’assumer, aujourd’hui même. De toute façon, il ne pensait qu’à cela en cours, sa plume lui rappelant sans cesse Kiara, c’était intenable et puis ils devaient se voir autant en profiter. Si ça se trouve, il se trompait complètement, le fait qu’il dise la vérité et qu’il lui dise qu’il n’avait jamais fait ça dans le but de la blesser et pour cause, il ignorait complètement son existence ce jour-là, elle arriverait à comprendre ? Il n’y croyait pas vraiment mais qui sait, il pouvait se tromper.

Une fois devant Sainte Mangouste, il observait l’immense bâtisse sous son regard, une moue un peu contrariée sur le visage. Une médicomage, il avait demandé à une médicomage d’être sa fiancée et pire que tout, il voulait aller au bout avec elle. Pour sûr qu’elle avait choisi exprès ses études pour l’enquiquiner… bon d’accord, elle était étudiante avant qu’ils se rencontrent, mais ce n’était pas une raison. Et puis comme c’était une bonne enquiquineuse de première, elle n’avait pas du tout l’air de vouloir arrêter ses études, pas plus qu’elle ne semblait vouloir s’arrêter une fois le diplôme en poche. Et aujourd’hui démontrait bien que s’il y avait bien un truc qui était commun à tous les médicomages, c’est qu’ils ne sont pas foutus d’être à l’heure.  Et ses sentiments étaient mitigés à ce constat, est ce qu’il avait envie de l’attendre toute sa vie ? Est-ce que ça ne serait pas pire de ne pas avoir à l’attendre du tout parce qu’elle ne serait plus là ? Il connaissait la réponse à ces questions mais voulait l’ignorer. De toute façon son esprit fut accaparé par la silhouette de Kiara qui venait de sortir du bâtiment, il hésita à lui faire un signe mais elle semblait l’avoir déjà vu et un sourire se dessina sur son visage tandis qu’elle lui disait avoir une excuse pour son retard et qu’il ne devait pas commenter. Avant même qu’il n’ait eu le temps de rétorquer qu’il n’avait pas eu l’intention de commenter son retard, les lèvres de Kiara vinrent se poser délicatement sur les siennes. Il la regarda dans les yeux, silencieux, se surprenant lui-même à espérer qu’il y en aurait d’autres.

Sans un mot il la laissa prendre son bras et l’entraîner dans les rues tout en lui racontant sa matinée et la raison de son retard.  S’il était convaincu que médicomage, ça n’était pas vraiment un métier pour les femmes, il devait reconnaître que Kiara savait très bien raconter les histoires. Il la plaignait presque d’avoir eu à supporter un patient incapable de se rendre compte qu’elle n’était pas un charlatan n’ayant aucune idée de ce qu’elle faisait. Un vent de panique secoua Grigori en se rendant compte qu’il était fier d’elle et que pour la première fois, il avait envie qu’elle réussisse, envie de voir cette satisfaction briller dans son regard lorsqu’elle racontait ses anecdotes, il frémit.

Lorsqu’elle lui posa la question, il hésita sur sa propre réponse. Comment s’était passé sa matinée au juste « Rien qui ne vaille la peine d’être raconté. »  Ils venaient à peine d’arriver au restaurant qu’il l’arrêta d’un geste « Marchons encore un peu, je n’ai pas très faim. » Il n’avait pas faim du tout, il avait plutôt l’impression qu’une chappe de plomb s’était posée sur son estomac et qu’il ne pourrait rien avaler du tout. Sans oublier qu’il n’avait pas envie d’être la cible des regards si ça venait à dégénérer. Il l’entraîna donc dans une espèce de parc, silencieux comme jamais auparavant, cherchant ses mots, quels seraient ceux qui la blesseraient le moins possible puis, finalement, il prit une profonde respiration avant de s’arrêter et de se placer face à elle, mal à l’aise « J’ai quelque chose à t’avouer. » Si seulement il était en mesure à cet instant de trouver les mots justes, de tourner ses phrases de telle sorte à ce que tout paraisse moins négatif, mais les seuls mots qui lui vinrent à l’esprit furent « Je suis fiancé. » Il aurait pu s’arrêter à ça, sauf que ça aurait été injuste pour elle de s’arrêter à ces trois mots, de faire comme si ça lui était tombé dessus et qu’il n’avait rien demandé « Je me suis fiancé cet été, j’ai merdé, je me suis précipité et » sa gorge cessa d’émettre des sons pendant quelques secondes, le temps pour lui de s’empêcher de lui dire qu’il était désolé, comme si son propre orgueil l’empêchait d’aller jusqu’au bout à ce sujet, se contentant de dire machinalement « Je vais régler le problème. »

Le moins que l’on puisse dire au regard que lui lança Kiara, au fait qu’elle venait de le lâcher comme si son contact la brûlait, c’est que la nouvelle ne passait pas. Le fait de s’y attendre ne rendait pas les choses plus simples pour autant, il était déterminée à ce qu’elle soit sur un pied d’égalité avec lui au niveau information, que personne ne puisse se servir de détails auprès de Kiara par la suite. Le problème c’est que Kiara, ça restait une fille, qu’elle avait beau avoir de bon côté, ses émotions prenaient le dessus et de toute façon, par principe, c’était couru d’avance, elle allait venir l’asticoter. D’accord, elle était agacée, blessée – comme quoi Grigori serait presque tenté de lui dire tu vois avoir des émotions c’est la merde, un mariage sans sentiment au moins tu aurais pas été déçue, mais il avait bien conscience qu’il y avait des limites à ne pas franchir, au risque d’aller trop loin et de ne pas pouvoir revenir en arrière.

Le regard qu’elle posa sur lui était dénué de toute chaleur, bien différent de celui qu’elle lui avait adressé tout à l’heure et le seul point sur lequel elle décida de revenir, c’était le problème. Il se retint de soupirer, si elle comprenait tout de travers aussi, il n’y avait rien à faire. Il serra les dents, prenant de plein fouet l’attaque pleine de fourberie et s’il ne la coupa directement, préférant écouter ce qu’elle avait dire, quand bien même elle était désagréable et qu’elle se débarrassait de lui sans état d’âme. Avait-il seulement parler de mariage ?

Le naturel revenait au galop chez lui aussi, cette impression qu’elle sautait sur l’occasion pour lui fausser compagnie. Il la regarda complètement décontenancer lorsqu’elle lui tourna le dos. Alors ça, c’était tout bonnement hors de question, elle pouvait penser ce qu’elle voulait mais lui tourner le dos, sûrement pas. Elle avait l’intention de le fuir, il s’en rendait bien compte en la suivant, il faut dire ce qui est habituellement Kiara, ça n’était pas la personne qui marchait à toute vitesse, donc il avait bien conscience qu’elle avait l’intention de le distancer, ce qu’elle pouvait être con parfois. Il la rattrapa pour se planter une nouvelle fois devant elle. « Stop, ça suffit ! » Oui le ton était autoritaire, en même temps, il n’avait pas du tout envie de se la jouer petit chien et de la suivre dans toute la ville, autant l’empêcher d’avancer, il gagnait du temps, elle … en perdait mais c’est un détail. « Tu es le plan C, c’est ça que tu me reproches ? Je ne savais même pas que tu existais ! Qu’est ce que tu voulais que je fasse, que je t’attende ?! Mais tu étais où toutes ces années Kiara ?! On ne peut pas dire que tu m’aies cherché non plus ! » Non, parce qu’elle était bien mignonne la Poufsouffle mais si elle était venue avant juillet pour se rapprocher de lui, il n’aurait sûrement pas proposé à deux autres personnes avant elle. « Je te rappelle pourquoi tu es venue me voir la première fois Kiara ? Parce que tu voulais voir à quel point ta sœur avait raison. » et là franchement gros effort de la part de Grigori pour ne pas avoir dit ton andouille de sœur, signe qu’il avait bien écouté ce que Kiara avait dit, pas question d’insulter la sœur – même si c’est une cafteuse – il s’y tenait. « Je ne t’ai jamais caché que je recherchais une fiancée, je te l’ai dit dès le premier jour et tu le savais avant de même de me parler, de toute façon donc je ne vois pas pourquoi tout d’un coup ça te pose problème ! »

Ce qu’il aurait dû dire à cet instant et il le savait parfaitement c’est que non, elle n’était pas la solution de rechange. Il ne l’avait jamais vu comme tel, même lorsqu’il ne la connaissait pas, il avait toujours joué franc jeu avec elle. Lorsqu’il s’était engagé, il était décidé à jouer selon les règles qu’elle lui imposait, bon par moment, il admettait qu’il n’était pas non plus d’accord avec ces dernières mais il n’avait jamais eu l’intention de lui faire faux bond. C’était elle qu’il voulait pour épouse, elle et personne d’autres. Il avait conscience qu’il aurait fallu le reconnaître, le lui dire, admettre qu’il n’avait pas envie qu’elle parte mais il en était tout bonnement incapable. Etait ce vraiment de la lâcheté ou une véritable peur, celle que si lui faisait un pas vers elle, reconnaissait que si justement, il voulait qu’elle soit dans ses pattes pour son mariage et pour cause, il la voulait elle, elle n’en ait que faire de ses propos et qu’il ait fait un effort – surhumain pour Grigori, il faut bien le dire – pour rien.

Alors, il préférait carrément rester sur la réserve, quitte à même la monter en pression pour qu’elle devienne détestable à son égard et qu’il puisse se dire que de toute façon, c’était une fille, qu’on ne pouvait décemment par leur faire confiance et qu’il pourrait presque se dire bon débarras lorsqu’elle partirait. Tout plutôt que d’admettre qu’il n’avait pas envie qu’elle parte, pas envie qu’elle le déteste, pas envie de perdre ces moments qui n’appartenaient qu’à eux et où il avait eu le sentiment de pouvoir juste lâcher cette pression qu’il avait sur ses épaules. Non pas que quelqu’un lui mettait la pression, ah ça non pas vraiment… Tout le monde s’en moquait éperdument. Encore que depuis les vacances d’été, il y avait bien une pression mais ça ne concernait pas vraiment une fiancée qu’il ne faudrait pas vexer, plutôt le fait qu’il fallait faire attention et à son corps, ce qui était pas nouveau, et à celui de son frère pour éviter de mourir à cause de lui et ça c’était nouveau et pas franchement agréable. Au moins, il pouvait être pragmatique et se dire que sans cette quête aux points qui l’occupait et qui l’obligeait à passer du temps avec Kiara pour en gagner – oui obliger, bonjour la mauvaise foi – il pourrait se concentrer uniquement sur son lien avec Dimka et voir comment le faire sauter. Voilà, il devait trouver du positif, après tout Kiara … ce n’était qu’une fille comme les autres.

Elle s’arrêtait, c’était déjà un très bon début. Bon il n’avait pas l’arrogance de croire qu’elle se la jouait jeune fille obéissante. Il faut dire que l’illusion n’aurait pas duré bien longtemps, elle avait croisé les bras, avec ce qui ressemblait clairement à de l’insolence, ne reculait pas d’un seul pas, le défiant clairement du regard. Durant quelques secondes, il eut la folle envie de la faire plier, de la forcer à rentrer dans le rang, dans son regard sombre brillait une véritable colère à l’idée d’être défié par une fille qu’il dominait de toute sa stature. Il n’en fit rien, s’efforçant de faire descendre la colère, essayant d’ignorer tant bien que mal son attitude et de détendre ses doigts qui s’étaient refermé tout naturellement pour former un poing.

Il devait se concentrer sur cette histoire de plan B ou C ouai bon de toute façon, le principe était là, il l’avait compris mademoiselle n’était pas contente de ne pas être le premier choix. Mais qu’est ce qu’elle venait le gaver à ce sujet, on se le demande, ce n’était pas une question de choix, c’est qu’il ne savait pas qu’elle existait, peut être que si madame avait daigné monter sur un balai et faire partie de l’équipe de Quidditch plutôt que d’étudier la dragoncelle, il l’aurait remarqué. Difficile de remarquer quelqu’un qui a le nez plongé dans ses bouquins.

Aie, à peine avait il fini de parler qu’elle lui criait dessus. Ce manque de respect flagrant pour sa personne. Il n’aimait pas mais alors pas du tout être rabroué de la sorte. Néanmoins, il faut admettre qu’elle avait un petit peu raison, enfin, il voulait bien le reconnaître par la pensée, par contre à haute voix, plutôt mourir. Oui, il est vrai, elle ne savait pas qu’il en avait déjà une… il ne pouvait nier cela. En revanche, il fronça les sourcils devant l’accusation qui lui était faite. Il n’avait pas prévu de continuer quoi que ce soit, mince elle était là non ces derniers mois ? Elle s’était rendue compte qu’il n’était pas vraiment le genre de personne à multiplier les conquêtes. Et pourtant, là encore, de la même façon qu’il n’admettait à voix haute avoir potentiellement loupé qu’il était toujours fiancé – ça va ça arrive à tout le monde non ? – il ne chercha même pas à lui prouver qu’elle avait tort, qu’il n’était pas comme ça. Elle semblait s’être fait une idée très précise de lui en l’espace de quelques secondes, balayant d’un revers de main tout ce qu’elle aurait pu constater durant tout ces mois si elle s’était donnée la peine de l’observer.

Le seul point où il y eut une autre lueur que de l’agacement dans le regard de Grigori, ce fut comme quoi il avait brisé leur entente. C’était précisément pour ça qu’il était venu lui dire, pour ne pas la briser. Là, oui, il était dérouté, il avait essayé la vraie relation lui aussi, s’était investi réellement dans ce qu’elle appelait à présent ce stupide jeu. Il comprenait bien par la façon dont elle en parlait que de son côté, elle n’avait jamais vraiment eu l’intention de se plier à ses propres règles, que tous les efforts qu’il faisait dès le départ était vain.

Il se retint de lui dire qu’être franc, c’est précisément ce qu’il était en train de faire, d’accord avec des mois de retards mais bien parce que lui pensait que c’était de l’histoire ancienne ! Mince on lui disait non, c’était non, comment pouvait il prévoir que c’était un non secret lui ?! ça c’était bien les filles, toujours des trucs en fourbe. Il fronça les sourcils lorsqu’elle lui dit qu’elle aurait jamais accepté. Oui bah ça va, il n’était pas idiot, il comprenait bien le principe et très franchement, lui il ne serait jamais allé voir quelqu’un d’autres si ses fiançailles avec Hestia avaient une chance d’aboutir, de la même façon qu’il n’avait pas cherché une autre fiancée depuis que Kiara avait émis éventualité d’un peut être, si je suis heureuse. S’ils avaient la même définition d’heureux, aujourd’hui ça contrecarrait un peu les plans, chose qu’il pouvait constater au vu du regard brillant.

Il ne put retenir ce qui ressemblait très clairement à un rire sarcastique, qu’il la laisse partir ? Non mais elle avait inhalé trop de potions à Sainte Mangouste, elle croyait quoi la mistinguette, qu’elle pouvait passer ses nerfs comme bon lui semblait sur lui et que derrière elle filerait sans qu’il ait eu le temps de lui rendre ses attaques verbales. Et bien il faut croire que ouai, c’est ce qu’elle croyait. Il la regarda, sidéré, qui lui faussait compagnie une nouvelle fois. Il resta immobile quoi deux secondes, avant de marmonner plus pour lui que pour elle  et avec un agacement certain « Macmillan, tu commences à me gonfler. » Super donc, de nouveau, ils jouaient au chat et à la souris. Est-ce que c’était vraiment dérangeant s’il avait le rôle du chat, une nouvelle fois, il la rattrapa, sauf que cette fois il ne se contenta pas de lui couper toute retraite – ce qui avait servi à rien – mais il l’attrapa par l’avant bras pour l’immobiliser « Arrête de me prendre pour un idiot. C’est l’heure de ta pause, pause que tu étais déjà sensée passer avec moi. Faut il que je te lance un sort pour que tu cesses de bouger ?! » Etait il seulement capable de lui lancer un maléfice lorsqu’il la laissait le défier ouvertement en pleine rue, sans lui en retourner la claque qu’elle aurait mérité, il en doutait fortement.

« Je sais que tu n’aurais pas accepté si tu l’avais su. Je n’ai pas essayé de te tromper Kiara. Si j’avais eu l’intention de ne pas jouer franc jeu avec toi, tu serais sous amortentia depuis longtemps puisque je me fichais éperdument que tu m’aimes ou non lorsque je t’ai demandé d’être ma fiancée » Il se rendait bien compte que sa langue avait presque fourché en utilisant l’imparfait plutôt que le présent, se pourrait-il qu’il ne s’en fiche plus autant à présent. Peu importe, elle ne remarquerait probablement pas, se focalisant, comme tout le monde, contrairement à ce qu’il avait cru, sur ce qui n’allait pas plutôt que ce qui allait « Je veux tenir parole Kiara, je veux mes 5000 points, je veux ta main. Je ne suis pas venu dans le but de dire d’une façon excessivement lâche que je quittais la partie en cours de route, je suis venu t’informer qu’il y avait des complications. Complications que j’ai bien l’intention de gérer. » Oui non mais s’il s’arrêtait à ça, elle allait ENCORE faire l’imbécile, encore que, elle l’était peut-être vraiment, et ne pas comprendre. « Quand je parle de complication, si tu pouvais éviter de te sentir concernée, ça m’arrangerait. Non parce que je peux dire de toi que tu es chiante, têtue, insolente mais une complication ou un problème, je ne pense pas que ces termes te définissent. »

Est-ce que ces propos allaient convaincre Kiara, il l’espérait. Bon, de toute façon, cette fois, il avait son bras entre ses doigts et s’il ne serrait pas par principe, sa poigne se ferait bien plus insistante si elle essayait de lui fausser compagnie. Il était décidé à lui parler et à moins qu’elle le monte suffisamment en pression pour qu’il parte, elle allait devoir accepter la décision, de la même façon que lui acceptait d’écouter la façon dont elle le percevait qui était tout, sauf flatteuse. En toute franchise, ça l’embêtait même réellement de voir alors même qu’il avait l’impression avant cela de compter, qu’en fait il s’était complètement trompé sur son compte et ce qui l’embêtait encore plus, c’est que lui, il l’aimait bien et n’avait pas spécialement envie de faire une croix sur elle.

Ce qu’elle pouvait être exaspérante parfois, il devait travailler son self contrôle parce que de son côté la Macmillan avait décidé de mettre le paquet pour le pousser à bout. A peine l’avait-il rattrapé, qu’elle recommençait son manège précédent en croisant les bras comme s’il était en plein jugement - condamné coupable d’avance en prime -. Cette façon qu’elle avait de le défier était pour le moins horripilante, il n’était pas habitué avec elle et le fait d’être pris à rebrousse poils, ça ne lui plaisait pas le moins du monde. Au moins, il pouvait s’estimer heureux, elle ne lui demandait pas de se taire, le laissant parler et essayer d’expliquer qu’il avait mal agi d’accord, mais ça elle le savait depuis le début, qu’il essayait à tout prix de se trouver une femme, mais qu’à partir du moment où elle avait laissé entrouvert une possibilité de mariage entre eux, il s’y était engouffré et n’avait jamais perdu de vue cet objectif. Ça ne faisait pas pour autant quelqu’un d’irréprochable et il en avait bien conscience, d’ailleurs elle se chargeait de bien le lui rappeler mais il avait joué le jeu sans se plaindre, sans tricher, mentionnant l’amortentia auquel, il est vrai, il avait pensé. Forcément qu’il y avait pensé, c’était un manipulateur né, éviter les obstacles et de perdre du temps c’était son moteur. Néanmoins alors lui voulait lui montrer qu’il ne se comportait pas ultra mal avec elle, elle tiqua, il le vit à son froncement de sourcils. Quoi, il ne l’avait pas fait, elle en avait la preuve non vue comment il l’agaçait en cet instant pour des broutilles. Ça va, ça arrivait à tout le monde de faire des erreurs. Combien de personnes le reconnaissait cependant au risque de perdre ce à quoi il tenait.

Parce qu’il n’y avait pas le moindre doute sur le fait qu’il allait dans le mur, qu’ils ne se comprendraient pas. Il fronça les sourcils à son tour tandis qu’elle passait une main sur son visage avant de finir par prendre la parole pour lui poser une question, les traits du garçon se fermèrent automatiquement. A peine eut elle terminé sa phrase qu’il embraya «Mon passé ne te concerne pas. Je ne te demande pas qui t’es passé dessus avant que je m’intéresse à toi donc ne viens pas me faire la morale parce que je suis fiancé. C’est une complication que je vais gérer, je t’informe juste pour ne pas qu’une personne mal intentionnée se serve de cela contre moi.» Le ton était bien plus sec, il n’y avait rien à sauver, il avait pleinement conscience de tout cela, donc autant y aller franco à son tour.

Et pourtant que ce sujet semblait la tracasser, il ne comprenait même pas pourquoi elle le gavait alors qu’il lui disait ouvertement qu’il la voulait elle pour épouse et ça l’énervait mais à un point «Mais qu’est-ce que ça peut te faire ?! Tu as l’intention de m’épouser sans que j’aie obtenu les 5000 peut être ?!» Il savait bien que non, ne se faisait pas d’illusions à ce sujet et puisqu’il en était extrêmement loin, il la trouvait énervante au possible de lui prendre la tête comme s’il mettait quoi que ce soit en péril. Il émit un soupir dédaigneux en l’entendant dire qu’il ne pouvait pas se fâcher contre elle, bien sûr que si, il le pouvait et le fait qu’elle insiste sur le fait qu’elle ne lui mentait pas, le ramenait à cette idée erronée qu’elle avait de lui mais plutôt que de tenter de la convaincre qu’il ne mentait pas, Grigori prit la direction opposée «Ce n’est pas comme si tu étais un plan hyper fiable depuis le début. Mieux valait-il que j’assure mes arrières.» Bien sûr et il lui parlait d’une fiancée parce qu’il rêvait que de ça depuis qu’il était enfant, se retrouver seul. Il n’était plus vraiment en mesure de faire des efforts, il était blessé dans son amour propre, vexé qu’elle lui en mette plein la tête alors qu’il se montrait honnête «Oh bah ça, tu m’étonnes que tu es contente... quelqu’un qui s’intéresse à toi, c’est flatteur... En fait tu devrais plutôt me remercier, je t’offre l’opportunité de pas finir vieille fille.» D’accord, il allait trop loin, il en avait conscience, savait que la pente sur laquelle il s’engageait était la mauvaise mais il ne voulait pas être lâché parce qu’il avait été honnête, elle voulait une vraie raison de claquer la porte, il allait lui offrir. «Tien parce que c’est pas votre façon naturelle à vous d’agir les filles? Des baisers pour essayer d’avoir tous les mecs à vos pieds et puis surtout ne jamais vous engager ?! Baiser avec un mec d’accord, se marier avec jamais de la vie, c'est pas ça votre credo?» Il aurait voulu ne jamais rien lui dire, être capable de lui cacher la vérité pour ne jamais en arriver là mais il faut croire que les efforts ne payaient pas, autant abandonner avant qu’il ne soit trop proche du but fixé et qu’elle lui tourne le dos, mieux valait il maintenant.

La machine était en marche, cruelle, cherchant une faille dans la carapace afin de s’y engouffrer et d’y faire des dégâts monstrueux. Se fichait-il réellement de ce qu’il provoquait, il voulait croire que oui. A cette seconde, il voulait être sur un pied d’égalité avec elle, qu’elle se sente trahie par lui autant que lui se sentait trahie par elle. Elle ne voulait pas comprendre ce qu’il lui disait par souci de transparence, préférant se dire qu’il avait une double vie. Quelle raison aurait-il eu de lui avouer quoi que ce soit d’ailleurs si c’était le cas ? Non pas qu’il soit du genre à envoyer des lettres, ça il est vrai qu’elle pouvait s’attendre à ce qu’il vienne lui dire en face s’il avait quelque chsoe à dire, ne se cachant pas derrière du papier et un hibou. En revanche, serait-il vraiment le genre de personnes à venir l’attendre tandis qu’elle finissait de travailler ? Vraiment pas, il était plus du genre opportuniste, s’il l’avait croisé au détour d’un couloir là il lui aurait dit. Mais tout ça, elle était sensé le savoir, enfin, avant aujourd’hui, il était persuadé d’avoir été plutôt transparent avec elle - à ses dépens parfois –.  C’est donc qu’au final soit elle se moquait éperdument de tout ce qu’il lui avait dit – comme bon nombre de personnes sur cette planète - soit qu’elle se saisissait de la première opportunité qu’il lui donnait pour lui faire faux bond.  



Il ne la reconnaissait plus, elle lui demandait continuellement de faire des efforts, d’accord pas verbalement, mais elle devait bien savoir qu’il essayait d’adapter son comportement au mieux pour être dans ses bonnes grâces, et là elle était incapable elle de son côté de tenter de le comprendre? C’était trop pour Grigori, s’il n’était pas capable de rentrer de plein fouets dans ses parents pour leur dire à quel point leur comportement le désolait, n’arrivant pas à avoir d’emprise sur eux. Sur elle, il était capable d’avoir l’ascendant, pas par des gestes, bien sûr que par les gestes il pouvait la démolir mais ce ne fut pas la voie qu’il choisit. On guérit plus facilement des coups que des mots et puisqu’elle semblait vouloir détruire son avenir – leur avenir ?- il était prête à détruire tout, retomber dans ses travers, c’était facile, un domaine familier dans lequel il se réfugiait depuis toujours, lui contre le monde entier, lui contre elle. A chaque mot qu’il prononçait, il la regardait, guettant ses réactions, essayant de l’atteindre et y arrivant, il en était persuadé et pourtant elle l’atteignait tout autant par ce regard qui refusait de se poser sur lui. Il avait beau avoir l’habitude d’être ignoré, ce n’est pas pour autant que c’était agréable et il devait résister à la tentation de lui hurler dessus cesse de m’ignorer. Elle le faisait exprès, il le savait, ça n’aurait eu aucun résultat de crier cela, juste prouver qu’elle arrivait à l’atteindre. Et puis il y eut cette larme, signe ultime qu’il avait réussi à l’atteindre lui aussi et il ne savait plus trop s’il était satisfait ou terriblement déçu. Leurs regards se croisèrent et pour le coup, ils devaient être assez similaire, un panel d’émotion fort peu agréable devait danser dans les yeux de chacun.



Le couperet finit par tomber une première fois avant de rebondir et de tomber une nouvelle fois. Il y eut un petit temps de latence du côté de Grigori, oui, il s’y était attendu et avait su dès qu’il s’était confié que ça finirait ainsi, ce n’était pas pour autant que c’était plus facile à encaisser.  L’aurait-il laissé partir sans cela, pas sûr, n’étant pas devenu quelqu’un d’autres en l’espace de quelques minutes et refusant toujours qu’on lui tourne le dos. Pourtant, il manqua le coche lorsqu’elle lui faussa compagnie, parce qu’il encaissait, parce qu’il n'était pas réactif et parce qu’il essayait de démêler ce qu’il ressentait au juste. Ce n’était pas censé faire si mal. Après tout c’était une fille non, ses états d’âme il devait s’en ficher comme de sa première chemise – encore que Grigori aimait bien sa première chemise donc bon – et là, il ne s’en fichait pas complètement. Il était en colère contre elle, contre lui aussi de s’être montré quelque peu naïf et d’avoir cru que tout se passerait bien et qu’il suffisait d’être honnête avec elle pour qu’elle comprenne qu’il n’avait pas pensé à mal. Le choc était rude, la nouvelle dure à encaisser. Ce n’était même pas le fait qu’il était de nouveau  sur la case départ le problème, non ça, ce n’était pas le problème après tout c’était la troisième fois, des mauvaises langues auraient même pu dire jamais deux sans trois. Mais c’était la première fois que ça l’affectait, parce qu’il avait eu la sensation que pour une fois, il s’était investi, réellement investi et que sans que ça soit parfaitement naturel de sa part, ça non, il se forçait de moins en moins. Tout ça pour ça ? Ce n’était pas possible... son esprit le refusait mais que pouvait il faire au juste, elle avait été assez claire et son ton ne laissait guère d’espoir sur le fait qu’elle ne pensait pas ce qu’elle avait dit. Il inspira profondément, méritait elle vraiment qu’il fasse des efforts ? Il n’en était pas persuadé. C’est donc sur cette pensée qu’il allait voir ce que l’avenir lui réservait et si cette sensation de frustration d’avoir perdu la partie si brutalement finirait par s’éteindre, que Grigori transplana à son tour étant sûr d’une chose néanmoins, Kiara était loin d’être un cadeau.