Jaeden & Amber

La vie d’Amber était des plus chaotiques depuis les vacances d’Halloween. L’enlèvement qu’elle avait subi par les membres du Blood Circle avait changé quelque chose au fin fond d’elle-même. Elle ne saurait comment l’expliquer. Elle se sentait simplement différente, plus… vulnérable. Elle avait cette impression d’être constamment observée, épiée, menacée. Lors de l’attaque de l’Université, elle n’avait pas ressenti toutes ses émotions, parce que c’était ses camarades qui avaient été touchés. Elle ne l’avait pas été directement. Pourtant, tout avait soudainement changé et Amber s’était aperçue que le Blood Circle était plus imposant et plus préparé qu’elle ne l’avait imaginé. Les dernières nouvelles dans les journaux ne présageaient rien de bon. Le monde sorcier devait être mieux préparé.

Si seulement il n’y avait eu que son enfermement… Il avait fallu que ses parents en rajoutent une couche supplémentaire derrière et que son frère revienne de sa mission aux États-Unis. L’ensemble de ses éléments donnait un mélange assez explosif. Amber allait implosé de l’intérieur si elle restait une seconde de plus dans un tel environnement. Pour cette raison, elle décida de tout mettre en pause, le temps d’une soirée. Boire pour oublier n’était pas dans ses pratiques régulières, mais elle en avait terriblement besoin. Il y avait des failles que même les amis ne parvenaient pas à combler et le sentiment d’impuissance qui avait grandi ce dernier mois ne l’aidait en rien. Elle devenait folle… Totalement folle. Elle était terrifiée et se sentait faible.

Enveloppée de toutes ses idées négatives, elle était assise au comptoir du White Theastral, un verre de whisky à la main. Son deuxième. Elle en avait marre de penser, encore et encore. Elle avait envie d’appuyer sur le bouton pause, de stopper toutes ces idées néfastes qui lui passaient par la tête à cet instant. Elle avait envie de retrouver la confiance en elle qu’elle avait perdu, qu’elle avait laissé derrière les barreaux de la cage dans laquelle elle a été retenue durant des jours.

Pourtant, ce n’était pas elle qui avait subi le plus de chose. L’un des garçons avait subi le prélèvement d’une moelle osseuse et elle ne parvenait pas à effacer son regard de sa mémoire. Elle se souvenait la terreur qu’elle avait pu lire sur le visage de ses camarades, le désespoir qui avait grandi d’heures en heures, quand bien même ils aient essayé de partir, sans relâche. L’intervention des sorciers avait été rapide et ils avaient rapidement été séparés. Amber était incapable de se souvenir de leur prénom, seul leurs visages étaient gravés dans sa mémoire. Elle aurait aimé les recroiser, ne serait-ce que pour pouvoir échanger. Elle aurait aimé savoir si elle était la seule à devenir complètement dingue depuis ce jour-là, comment ils avaient vécu « l’après » de leur côté.

Amber n’avait pas besoin de se sentir soutenue. Elle avait seulement besoin de retrouver confiance en elle et elle ne pouvait pas s’y résoudre tant qu’elle ne serait pas capable de se défendre sans magie. Dans cette cellule, dépourvue du don qui lui avait été octroyé, elle avait été incapable de mettre une stratégie en place. Lorsque l’un d’entre eux, un grand homme brun, de la vingtaine, dont le visage hanté ses nuit, s’était approché et avait planté cette seringue dans son bras, elle avait été incapable d’agir. Elle avait été effrayée de subir un prélèvement plus important que du simple sang, de finir dans la même situation que l’homme dont on avait pris de la moelle osseuse. Elle avait été tétanisée par la peur, quelques instants. Cette faiblesse, Amber voulait s’en débarrasser. Elle refusait d’avoir des points exploitables de la sorte, par des personnes dangereuses. Leurs outils restaient inconnus pour le monde sorcier, tout comme leur pratique. Ils n’avaient aucune idée de ce qui pouvait se tramer et se retrouvaient obligés de patienter, sans pouvoir passer à l’offensive.

La jeune femme haïssait toute cette situation. Elle serra le petit verre fragile entre ses doigts, le regard perdu à l’horizon. Elle n’était pas pourvue d’une très grande force, mais la rage qu’elle ressentait en cet instant vint se briser le récipient entre ses doigts. Le petit fond de whisky qui restait dedans s’étala sur le comptoir, formant une petite flaque. Il avait suffi qu’elle se coupe avec du verre pour qu’elle revienne enfin à la réalité. Son regard émeraude bascula entre les dégâts qu’elle avait fait et le barman, deux ou trois fois peut-être, avant qu’elle ne prenne la parole.

— Je suis désolé… souffla-t-elle entre ses lèvres.

Le désarroi pouvait se lire dans son regard, alors qu’elle tentait de ramasser les morceaux de verre éparpillés sur le comptoir, pour aider le pauvre serveur qui n’avait rien demandé. Elle savait qu’il y avait sans doute des personnes enivrés qui faisaient plus de dégâts qu’elle, mais soit… Rien n’excusait sa conduite.

Quand sa bêtise fut nettoyée, elle jeta un bref regard à la paume de sa main qui saignait, sans que cela ne soit inquiétant ou abondant non plus. Cette vision fit de nouveau ressurgir des souvenirs en elle, qu’elle était incapable d’oublier. Elle se leva brusquement de sa chaise et se fonça en direction des toilettes, peinant à respirer correctement. Ses yeux se déposèrent un instant sur Jaeden, mais son esprit fut incapable d’établir un lien à ce moment. Elle avait simplement besoin de respirer…

Par chance, les toilettes furent vides. Il fallait dire qu’il n’était pas bien tard et que les clients commençaient seulement à arriver. Amber était venue de bonne heure, n’ayant rien de particulier à faire. Quoi qu’il en soit, elle fonça vers le lavabo et laissa l’eau glisser sur sa peau pour retirer le sang qui avait commencé à ruisseler. Ses yeux commençaient à la brûler, mais elle contient le mélange de rage et de tristesse qui bataillaient en elle, depuis des semaines. « L’alcool permettait d’oublier »… Quelle belle sottise ! Cela n’avait fait qu’amplifier davantage les sentiments qu’elle tentait de calmer en elle.

— Bordel, souffla-t-elle entre ses lèvres, entre le grognement et le désespoir, ayant simplement envie que cette perte de confiance cesse.  

Jaeden & Amber

Amber resta un moment enfermée dans les toilettes. Son corps était tout tremblotant et ses yeux la brûlaient chaque jour davantage. Lentement, elle se laissa glisser le long du mur et ferma ses petits yeux émeraudes pour tenter de se calmer. Ces petites crises arrivaient plusieurs fois par semaine. Il en avait fait une en plein milieu de la nuit et son frère, Tobias, l’avait surpris et accompagné dans ce moment. Pour deux frangins qui ne s’étaient jamais entendus, c’était d’ailleurs bien curieux. Mais soit… Elle respira profondément et tenta de focaliser son attention sur quelque chose d’apaisant. Bordel, qu’est-ce qui pouvait y avoir d’apaisant dans sa vie en ce moment ? Ce n’était qu’un bordel pur et simple…

Lentement, ses pensées se dirigeaient vers les créatures magiques qu’elle avait rencontré dans la Forêt Interdite, avant les vacances. Il n’y avait qu’en leur compagnie qu’elle se sentait bien, elle-même, comprise. Triste sort quand on savait qu’elle préférait la compagnie d’animaux que d’humains, mais elle faisait avec. Au moins, ils n’avaient pas le pouvoir de parler et de juger une personne.

Au bout de quelques minutes, ses tremblements cessèrent et elle se releva, essuyant rapidement ses yeux, avant de quitter les toilettes. Tout irait bien. Seulement : plus d’alcool quand elle était seule. C’était une mauvaise idée, une très mauvaise si elle n’avait personne pour la faire penser à des choses positives. Sur cette courte réflexion, elle tomba nez-à-nez avec Jaeden qui semblait… inquiet ? Mouais… Peut-être ne s’agissait-il que d’une simple politesse à son égard.

— Salut, Jaeden, souffla-t-elle entre ses lèvres, l’impression de sortir de ces toilettes avec un crâne bourré comme jamais.

Finalement, il lui proposa une oreille à laquelle se confier et Amber se contenta de hausser simplement les épaules, comme pour dire « pourquoi pas ». En vérité, elle savait que Jaeden était l’option la plus intéressante dans son entourage. Il ne connaissait ni son histoire, ni les problèmes qu’elle pouvait avoir dans sa scolarité, avec les autres élèves, mais également avec sa famille et les mangemorts. Il possédait deux oreilles attentives, mais également une bouche qui ne répéterait sans doute jamais les propos qu’elle pourrait tenir en sa compagnie, tout simplement parce qu’ils ignoraient l’un et l’autre s’ils avaient des connaissances en commun.

Le suivant dans un bureau, à l’arrière du bar, elle attendit qu’il ait fermé la porte et qu’il l’observe pour savoir qu’il était temps de parler, de raconter ce qui la tourmentait. D’un geste simple, elle s’assit sur le bord du bureau, faisant attention à ne rien pousser ou toucher sur son passage. Elle détestait elle-même qu’on touche à ses affaires et qu’elles soient déplacées, même de quelques centimètres.

— C’est… compliqué, marmonna-t-elle un moment, ne sachant pas très bien par où commencer. Pour être tout à fait honnête avec toi, je fais partie du groupe de sorciers enlevés par le Blood Circle. Je n’ai rien… Tout du moins physiquement.

Elle quitta un instant son regard et se racla la gorge, tout en cherchant le meilleur moyen de lancer le sujet. Finalement, il se trouvait que le plus simple était le mieux : tout balancer sur le tas et ne pas réfléchir.

— Je ne me suis jamais sentie aussi démunie, sans baguette, là-bas. J’aurai aimé savoir me défendre, me battre, mais ces moldus étaient bien plus forts que moi et un coup de bras suffisait pour me projeter plus loin, expliqua-t-elle en fixant le sol, plongée dans ses souvenirs et ses pensées néfastes. Je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable et je ne cesse de repenser à ces jours passés dans cette cellule, quand bien même je m’efforce à sourire et à rester naturelle en public.

Amber ignorait si Jaeden la prendrait pour une personne faible ou pleurnicharde. Ce n’était pas ce qu’elle voulait à ce moment-là. Elle cherchait tout simplement à vider son esprit de tous les tourments qui l’assiégeaient. Elle ne pouvait raconter ça à personne et elle se disait que le faire, ce soir-là, lui permettrait peut-être de retrouver un peu de tranquillité.

Jaeden & Amber

La jeune femme ignorait ce qui la poussait à accorder une confiance presque aveugle à Jaeden. Il fallait dire qu’elle avait aussi le don d’être attirée par ce qui pouvait être dangereux ou néfaste pour elle quand elle n’était pas au meilleur de sa forme. Cela avait pu y jouer, même si en vérité elle penchait plus pour la seconde hypothèse : le jugement avant même de connaître la personne. Amber était bien placée pour savoir qu'il ne fallait pas juger une personne sur son apparence. Elle savait que certains avaient une terrible histoire à raconter et qu’ils gardaient néanmoins le sourire, comme si leur vie avait toujours été des plus simples et des plus radieuses. Au fond d’elle même, elle avait ce pressentiment selon lequel Jaeden n’avait pas toujours eu une vie facile, même s’il ne disait rien. Peut-être avait-elle tort après tout ? Il allait sans dire qu’elle avait déjà émis quelques théories à son sujet. Ses tatouages ne la terrifiaient pas le moins du monde ou ne la répulsait pas. Elle avait l’impression qu’ils étaient là pour raconter une histoire, SON histoire. Elle avait l’impression qu’il les portait comme une sorte de carapace. Après tout, peut-être avait-elle tort, mais ses différents interactions avec lui avaient suffi pour se faire une idée sur sa personne et le catégoriser comme quelqu’un de sympathique plutôt qu’un dangereux pervers ou un mal-intentionné.

Si Amber s’était permise d’avoir une telle réflexion, c’était que quelque part, elle se sentait comme lui, ou plutôt le lui qu’elle s’était imaginée. Elle avait la sensation que la vie ne l’avait pas gâtée et que, pourtant, elle continuait à subir les coups et à avancer, parce qu’il y avait des petits moments de bonheur ici et là, qui lui permettaient de garder la tête hors de l’eau. Sans oublier qu’une part d’elle ressentait le besoin d’avoir un confident en dehors du château, quelqu’un qui pourrait répéter son histoire s’il le voulait, mais qui serait assez âgé pour qu’ils n’aient pas de connaissances en commun qui pourraient être au courant de toutes ces choses à son sujet. C’était peut-être étrange, mais elle avait la sensation qu’elle pouvait être elle-même, en toute sécurité, avec Jaeden. Elle avait également ressenti ça cette été avec Raphaël, mais le statut de son sang ne lui permettait pas de le fréquenter comme elle le voulait sans craindre des représailles de ses parents. Être fille de Mangemorts, ça craignait…

Quoi qu’il en soit, elle suivit silencieusement Jaeden, jusqu’à un bureau. Elle avait clairement le moral dans les chaussettes, à tel point qu’elle aurait aimé piquer une tête dans une piscine et hurler à pleins poumons, là où personne ne pourrait entendre son désarroi. Elle détestait être comme ça et de se sentir faible, et le fait de ressentir toutes ses émotions ne faisaient que la dépiter davantage. Elle n’était pas du genre inactive, à se morfondre sur son sort, mais aucun mot n’était assez puissant pour décrire l’impuissance qu’elle avait ressentie dans cette cellule. C’était terrible. Ça l’avait changé, bien plus qu’elle ne l’aurait imaginé, bien plus qu’elle ne l’aurait voulu.

— Peut-être bien, mais il n’empêche que leur rang s’agrandit de jour en jour et que leurs nouvelles technologies se font bien plus vite qu’on n’aurait pu l’imaginer.

Elle redressa le regard vers Jaeden, profitant un instant de la main réconfortante posée dans son dos. Elle avait autre chose à lui avouer, avant de poursuivre. Elle prit une profonde inspiration et lâcha ce qui la pesait depuis un moment déjà.

— L’un d’entre eux à prélever de mon sang. Ce n’est clairement pas la pire des interventions, je le sais, mais je n’ose imaginer ce qu’ils vont en faire par la suite, avoua-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure. Je n’ai pas envie de contribuer à une nouvelle arme qui pourrait nuire aux sorciers.

La jeune femme n’osait imaginer ce qu’ils pourraient faire avec son sang. Cela la terrifiait. Si des chercheurs parvenaient à faire une potion qui leur retirerait leurs pouvoirs magiques à tout jamais, elle se sentirait extrêmement coupable, même si elle n’aura pas contribué directement et volontairement à ces inventions. À l’heure actuelle, elle ignorait de quoi ils pouvaient être capables. Après avoir attaqué l’Université, quelle serait leur prochaine destination ?

Finalement, Jaeden mentionna des cours de self-défense et Amber releva la tête d’un air intéressé. Son pouls avait ralenti pour prendre une allure bien plus calme. Le stress avait commencé à la quitter, bien que toujours présent au fond d’elle. Elle n’avait pas envie de se morfondre sur son sort. Cela aurait pu être bien pire et son interlocuteur avait sans doute bien mieux à faire.

— Des professeurs envisagent de mettre en place des entraînements en l’absence de baguettes magiques, mais je pense que toi comme moi nous savons le temps nécessaire pour y parvenir.

Les sortilèges lancés en l’absence de baguette magiques relevaient presque d’un exploit. Amber savait qu’elle pourrait y arriver, elle en avait l’intime conviction. Mais pas tout de suite. Et dans quelques mois la situation aura déjà bien trop évoluée.

— Quant aux cours de self-défense, je ne peux me rendre dans le Londres moldu aussi régulièrement.

Ses parents feraient un arrêt respiratoire s’ils apprenaient qu’elle fréquentait des moldus aussi régulièrement. Ils la mettraient plutôt en relation avec un Mangemort qui pourrait l’entraîner avec des méthodes plutôt douteuses qu’elle n’osait imaginer. Non. Si elle voulait faire ça, elle devrait le faire par ses propres moyens, sans leur en toucher le moindre mot.

Elle acquiesça d’un mouvement de la tête, lorsque Jaeden lui proposa un verre d’eau, et replongea dans ses réflexions quelques instants. Elle ne sut ce qui s’était produit en elle à cet instant, mais une idée naquit. Le regard pétillant d’espoir, elle redressa son visage en direction du grand brun et reprit la parole d’un ton bien plus posé et calme que tout à l’heure.

— Tu connais peut-être quelqu’un qui peut m’aider ? Je ne serai disponible que les week-ends, mais je suis motivée et j’apprends vite.

En effet, elle apprenait vite tout ce qui touchait à la magie, mais le combat, c’était autre chose. Néanmoins, elle avait une chose qu’on ne pourrait pas lui enlever : sa détermination. Si elle voulait y parvenir, alors elle y parviendrait.

Jaeden & Amber

Amber ignorait ce qui l’avait poussé à se confier à Jaeden. Il fallait dire qu’il y avait très peu de chance qu’ils aient des connaissances en commun et si ça avait été le cas, il n’aurait très certainement pas raconté son histoire à tout bout de champ. À moins d’être obsédée par la personne qu’elle était ou bien que cette confession soit la chose la plus excitante qui lui soit arrivée depuis bien longtemps. Malgré tout, elle en avait vu assez pour savoir que sa vie ne devait l’importer que très peu. Il ne semblait pas non plus être le genre de mec inatteignable à qui il n’arrivait jamais rien. Peut-être que le stress, le chagrin et l’alcool la poussaient à penser et à agir différemment, mais de son point de vue, ces arguments étaient suffisants pour lui faire confiance. Elle n’irait pas jusqu’à lui citer des noms de mangemorts ou des personnes qu’elle avait sur sa liste noire.

Quoi qu’il en soit, leur brève conversation avait suffi à lui faire du bien et à l’apaiser. Amber n’était pas au meilleur de sa forme, mais elle n’était pas non plus au pire. Elle ferait avec. Elle était assez résiliente quand elle le voulait et mettait rapidement tout en œuvre pour être rapidement sur pied, quitte à bosser comme une acharnée.

Silencieusement, elle écouta Jaeden se confier à son tour, ne sachant pas réellement quoi dire. Il venait de battre tous les records dans la liste des pires expériences vécues avec des membres du Blood Circle. Elle aurait aimé lui dire que le comportement de son père était surprenant et qu’elle ne comprenait pas comment on pouvait agir ainsi avec son propre enfant, mais au fond, elle ne connaissait que trop bien ce qu’il avait pu vivre. Thorfinn Towsen n’était pas commode et il était certain que si leurs causes n’étaient pas aussi éloignées l’une de l’autre, ils auraient pu très bien s’entendre. Un léger air attristé vint ternir le visage de la jeune femme au fur-et-à-mesure de son histoire. C’était affreux.

— Je suis sincèrement désolé pour toi, que tu aies du vivre de telles choses. Je ne comprendrais jamais ce qui peut pousser un parent à agir de la sorte.

Elle ne prit pas la peine de lui assurer que ce secret serait bien gardé. Ce serait le cas. Elle n’avait pas beaucoup de confident et ne voulait pas risquer de perdre ça pour de stupides ragots qui ne lui apporteraient rien d’autre que des problèmes. La plupart des Serpentards qu’elle connaissait aurait sauté sur l’occasion en revanche. Ils pouvaient être de véritables vipères quand ils le voulaient. C’en était désolant.

Finalement, la conversation dévia vers la possibilité d’un entraînement en week-end. Amber fut incapable de cacher sa joie face à une telle annonce. Elle en avait besoin. Ne serait-ce que pour sa confiance en elle qui avait pris un sacré coup, au cours des dernières vacances. Elle avait besoin de retravailler dessus pour les prochaines semaines, histoire de « redevenir » celle qu’elle était réellement avant tout ça.

— C’est une superbe opportunité, Jaeden. Je te remercie, souffla-t-elle. Sincèrement.

Un léger sourire s’étendit sur ses lèvres, alors qu’elle hocha légèrement la tête, comme pour appuyer et illustrer ses propos. Il fallait dire qu’elle ne connaissait pas grand monde capable de l’aider dans cette discipline. La baguette magique était le point fort de tous les sorciers. Bien plus que le corps-à-corps.

— J’aurais aimé te proposer de t’entraîner au manoir des Towsen, mais avec la situation avec ma famille. Il vaut mieux aller ailleurs…

Sa voix se brisa et elle fronça les sourcils, plongeant dans une intense réflexion. Où pouvaient-ils bien s’entraîner et être à l’abri de tous les regards et les animations qui pourraient les déconcentrer ? Une idée lui vint en tête, même si elle n’était pas parfaite. Cela pourrait faire l’affaire.

— J’ai une petite forêt, pas très loin de chez moi. Je sais qu’il fait froid, mais je me dis qu’avec un petit coup de baguette, on pourrait arranger ça.

Ses sourcils se froncèrent légèrement et elle se demanda si sa phrase ne pouvait pas être interprétée différemment. Elle avait déjà entendu des moldus faire des sous-entendus sexuels avec le mot « baguette ». Elle n’espérait que Jaeden n’ait pas un esprit aussi mal-placé qu’eux et, les joues légèrement rosies, elle rajouta :

— Je pourrais enfin utiliser ce sortilège qu’on nous a appris en cours.

Comme ça, pas le moindre sous-entendu possible. Elle secoua le visage, se sentant totalement stupide, et finit son verre d’eau d’une traite. Elle ne pouvait pas rentrer dans cet état. Son père lui ferait un sermon pas possible sur son attitude irresponsable. Elle n’avait clairement pas besoin de ça. Si elle avait envie de boire, elle avait l’âge et c’était son droit. Malgré tout, sa colère était terrible et elle ne voulait pas la subir après une telle soirée. Le Chaudron Baveur ferait l’affaire pour la nuit.

— Je pense que je devrais y aller. Il commence à se faire tard et je dois encore rédiger un parchemin pour mon cours de Défense Contre les Forces du Mal de lundi.

Elle leva un instant ses sourcils, l’air de dire « je vais m’éclater ». En vérité, elle n’avait pas envie de se pencher dessus. Elle n’avait plus l’envie de se pencher sur grand-chose, à vrai dire. À quoi bon se tuer à la tâche quand de simples moldus pouvaient les atteindre sans baguette magique ? Vraiment stupide…

Avec un léger élan, elle sauta du bureau pour réatterrir délicatement sur ses deux jambes. Elle avait envie de se reprendre en main, mais plus que tout d’apprendre à se défendre. Les prochaines rencontres avec Jaeden s’annonçaient des plus intéressantes et instructives. Elle était impatiente. D’un mouvement très peu commun chez elle, elle déposa sa main sur son épaule et lui sourit doucement, avec sincérité et bienveillance. Le monde ne tournait visiblement pas très rond, ce soir.

— Merci de ta confiance. Et à bientôt ! conclut-elle, avant de se diriger vers la sortie du bureau.