La filature, ça n'a jamais vraiment été mon truc. Le peu de fois où j'ai été envoyé faire ce genre d'office, ça s'est souvent soldé par un cuisant échec. Entre mon manque total de discrétion et mon incapacité à rester en place quand je me retrouve à proximité de l'un de ces foutus Sorciers, autant dire que c'est la catastrophe assurée, presque à coup sûr. Sois je me fais griller, sois je me foire, sois j'ai la gâchette qui me démange. En bref, rien de bien glorieux. A se demander si un de ces jours je vais pas finir par me pointer comme une fleur avec un pauvre Moldu sous le bras et me rendre compte trop tardivement que je me suis trompé de cible. Après tout, je leur ai pas encore faite celle-là ! Mais voilà que cette fois je me retrouve carrément sous couverture, à devoir me fondre dans la masse au cœur d'un village à la population exclusivement constituée de Mages. Je ne sais pas qui est l'abruti en charge des assignations mais il faut croire que malgré près d'un an après avoir rejoint les rangs du Blood Circle, les types aux commandes n'ont toujours pas compris que je suis plus à l'aise et surtout plus à ma place sur le terrain. Pas que je sois le genre de gros dur gonflé à la testostérone et capable d'anéantir mon petit monde d'un claquement de doigts mais je suis clairement du genre tête brûlée, téméraire, irréfléchi et impatient en plus de ça. Tant de qualités qui font que je ne comprends définitivement pas ce que je fous ici.

Enfin si, les raisons je les connais. On m'a chargé de mettre la main sur une certaine Sélénya Macmillan et de la rapatrier au quartier général. Son dossier est du genre très complet d'ailleurs, puisqu'elle a été séquestrée et a servi de rat de laboratoire à nos scientifiques sur une période d'environ deux ans, avant de parvenir à s'échapper. Pauvre fille. Honnêtement je la plains et je comprendrais jamais cet attrait qu'ont certaines personnes à vouloir infliger ce genre d'horreurs à quelqu'un, plutôt que de simplement s'en débarrasser. Très franchement ça me débecte, sans doute parce que ça ne me rappelle que trop bien mon propre vécu. Mais les ordres sont ce qu'ils sont et si les méthodes de nos supérieurs sont loin d'être à mon goût, j'ai clairement conscience que cette organisation me permet de mener ma propre vendetta, d'une façon dont je n'aurai sans doute jamais été capable de le faire avec mes seuls moyens. Alors je suppose qu'il faut bien quelques concessions, comme une sorte d'échange équivalent.

Voilà pourquoi en début de semaine, je me suis retrouvé à m'aventurer en ces lieux et plus précisément à louer une chambre aux Trois Balais, un pub plutôt réputé dans le coin et à la clientèle somme toute assez hétérogène. Je dois admettre que de me retrouver ainsi perdu en territoire ennemi n'est pas franchement pour me rassurer. D'autant plus qu'en cas de problème, j'ai personne pour assurer mes arrières. Mais puisque la demoiselle est étudiante à Poudlard, Pré au Lard est le seul endroit où j'ai une chance de finir par la croiser, en dehors de l'enceinte de la célèbre école. D'ailleurs, c'est sans doute pour ça surtout que m'a été incombé cette mission. Un Cracmol fait toujours moins tâche qu'un Moldu dans ce décor. Si ce n'était pas tombé sur ma pomme, ça aurait sans doute été sur celle de Ange ou encore de Garnet. Et bien que je ne sois pas le plus grand des connaisseurs en la matière, je suppose que j'ai en mémoire suffisamment d'informations pour me permettre de me fondre un minimum dans la masse.

Le seul hic et pas des moindres, c'est que je n'ai aucune idée du moment où je finirais enfin par tomber sur cette fille. Ça pourrait être demain ou bien le mois prochain. Et la patience n'est clairement pas mon fort. Cinq jours déjà que je tourne en rond et c'est en train de me rendre dingue. Si ça se trouve, elle est déjà descendue au village depuis mon arrivée et je ne l'ai même pas croisée. Bon l'avantage, c'est que ça m'a permit de faire du repérage et d'analyser les alentours sous toutes les coutures. J'ai pas vraiment pour habitude de réfléchir avant d'agir mais sur ce coup là, j'ai pas trop le choix. C'est pas hyper peuplé mais y'a du monde à tous les coins de rues tout au long de la journée et pas mal de tourisme en plus de ça. Le mieux c'est que j'arrive à l'attraper dans une ruelle plutôt que le long du chemin principal, de préférence près de l'entrée du village. Comme ça j'ai plus qu'à la rapatrier à ma voiture, garée en contrebas après la sortie du patelin. Et à la ramener ensuite au bercail.

Alors, comme chaque jour depuis mon arrivée, je vadrouille un peu partout et je me trimballe d'une vitrine à l'autre en attendant que le temps passe. Posté depuis quelques minutes face à la devanture de Scribenpenne, je regarde sans vraiment les voir tout un tas de plumes, agencées sur divers présentoirs. Je tourne la tête au moment où j'entends quelqu'un s'approcher et je n'en crois pas veine lorsqu'il me semble reconnaître la fameuse Sélénya dont on m'a présenté les photos. Passé l'instant de surprise, je m'arme aussitôt de mon plus adorable sourire pour l'interpeller. « Excusez-moi, vous croyez que vous pourriez m'aider ? Je cherche une plume pour ma sœur et je vous avoue que j'y connais pas grand chose, je suis un peu perdu. » Il paraît que j'ai une bonne bouille quand je tire pas trop la gueule, alors autant jouer là-dessus pour essayer de l'amadouer. Et puis au pire des cas, il me restera toujours la possibilité d'abattre la carte du pauvre petit Cracmol ignorant pour éveiller sa pitié. En espérant ne pas tomber sur une de ces fanatiques aux idées trop arrêtées, sinon je risque plus de m'enfoncer qu'autre chose.