Les moldus et élèves de Poudlard du forum se sentent cruellement seuls au milieu de tous ces sorciers adultes, alors pensez à les privilégier pour vos personnages
Assis sur le matelas décrépit sensé te servir de lit, tes prunelles font l’aller retour entre ton réveil et la porte blindée. Vingt et un jours que tu es enfermé à l’isolement dans cette piaule où se mélange l’odeur infâme de poussière et de sanitaires. Tu as fini par t’y habituer. On finit toujours par s’habituer à l’horreur. Tu as bien essayé d’éradiquer les cafards et les rats que tu as vus passer d’un côté à l’autre de ces dix mètres carrés, mais rien à faire. Ils te narguent. Te rappellent comme il est facile pour eux de sortir de cet Enfer. Le conseil d’administration de la prison de Wandsworth n’y est pas allé de main morte cette fois. Cellule disciplinaire pour injures et menaces de mort. En même temps, les surveillants qu’on t’assigne ont la fâcheuse manie de te faire sortir de tes gonds. Ils ont cette sorte de fascination qu’on les dresseurs de lions. L’excitation de titiller un fauve en cage. Mais tu n’es pas dupe. Joues avec eux, autant qu’ils tendent le bâton. Pourtant tu le sais, il faut toujours un gagnant, et dans le monde carcéral, ça ne peut pas être toi.
Au loin, tu entends des pas résonner dans le long couloir qui mène à ta cellule. Tes affaires autorisées sont emballées près de toi, dans un balluchon miteux. Quelques livres, tes affaires de toilettes, ton dernier paquet de cigarette bien entamé. Pas grand-chose, en somme. Tu sens les pas ralentir, comme si le gardien cherchait à prolonger encore de quelques minutes le supplice de ta punition. Le cliquetis des clés d’acier s’est arrêté, lui aussi. La vengeance absolue. Tu ne doutes pas une seule seconde que les surveillants cherchent à te faire payer tes affronts. Ici, on n’oublie rien. On ne pardonne rien non plus. Tu te lèves d’un bond, alors qu’une rage incendiaire te brise les reins. Si tu n’avais pas un minimum d’éthique, tu ajouterais à ta liste le nom du personnel de la prison, et te ferais une joie de les tuer un par un, une fois sorti de là. Mais, pour être parfaitement honnête, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Violence aggravée sur personne dépositaire de l’autorité publique. Ivresse sur la voie publique. Récidiviste. Le psy ne t’a pas épargné non plus. Tu es suffisamment dangereux pour que le juge te condamne à douze mois de taule, dont 9 avec sursis. Finalement, une peine assez clémente au regard de tes activités nocturnes. Cette fois, ton oncle n’a pas envoyé ses chiens pour te faire sortir. Sans doute sa manière de te faire comprendre qu’il se soucie de toi. Ou qu’il a abandonné. Tu ne sais pas trop. Et te voilà enfermé pour encore plus d’un mois à cause de cette Colère que tu ne maîtrise plus, quand tu bois. Cette colère, c’est contre toi-même que tu l’exultes. Contre ta vie. Contre ce qu’elle a fait de toi. La frénésie qui t’habite à la vue du sang te révulse, autant qu’elle t’attire. Tu perds pieds dans cet univers de massacre et de vengeance. Et pourtant, tu continues.
Le crissement strident de la clé dans la serrure finit enfin par résonner. Délivrance. Le surveillant te demande de t’éloigner de tes affaires, avant de te passer les menottes. Il attrape ton baluchon avant de te désigner la sortie du menton. Tu t’exécutes sans broncher, trop heureux de quitter la cellule de l’Enfer. Dans le couloir, un deuxième attend, les bras croisés. Tu reconnais immédiatement le connard que tu as menacé, quelques semaines plus tôt. Il est sans doute venu attester lui-même de la vivacité de ton esprit, après tant de temps reclus. Il espère te briser, mais ignore encore sur qui il est tombé. Tu es aussi blindé que les portes de ce bâtiment. « Alors, le mitard t’a fait réfléchir ? » Sa voix nasillarde te donne presque envie de lui arracher la langue. Il jubile de te voir menotté, prêt à recevoir un coup de matraque à la moindre incartade. « Je déteste ta race » lâches tu dans un sourire cruel en guise de réponse. Le gradé qui te tient par le bras secoue la tête en signe de résignation, et te pousse en avant pour que tu prennes le pas. Tu avances sans plus de cérémonie pour rejoindre la cellule que tu partages avec tes codétenus.
Pourtant, ce n’est pas ce chemin que tes deux escortes te font emprunter. Tu interroges le gradé du regard, te demandes quelle surprise ils t’ont encore préparé. Le temps de la promenade est passé, tu sais qu’ils ne t’amèneront pas dans la cour. Tu en aurais bien eu besoin, après tout ce temps enfermé. Faire de l’exercice aurait au moins eu le mérite d’apaiser tes nerfs. Finalement, après avoir franchi le hall, toujours à l’ombre de tiges de métal rouillées, tu reconnais l’entrée de la zone de parloir. Elle se compose d’une salle commune, et de boxs individuels. C’est devant l’un d’eux qu’on t’arrête. Le surveillant ouvre machinalement la porte, et tu découvres enfin le visage de ton visiteur. Étonnement, ce n’est pas ton oncle qui se tient là. Robert te fait face avec la splendeur d’un astre brillant. Tu as toujours admiré la force silencieuse qui se dégage de lui. Quelque part, elle te rassure. Et pourtant, tu devines que sa présence ne laisse rien envisager de bon pour toi.
Tes prunelles parcourent rapidement la pièce. Le box n’est pas bien grand. Une table, deux chaises. Des murs jamais repeints. Un décor très éloigné de vos demeures respectives. D’ailleurs, la scène en elle-même parait surréaliste. Tu n’aurais jamais parié que ton « grand » cousin vienne te rendre visite en pareil lieu. Bien qu’il représente une figure paternelle à tes yeux, tu le sais aussi très occupé entre son métier et sa foi religieuse. Le gradé te pousse à entrer sans douceur. Tu t’arrêtes en le couvant de ton regard de fauve, faussement scandalisé, alors que le cynisme déforme tes lippes. « Je croyais qu’on envoyait les hommes d’Eglise en taule uniquement pour la confession d’avant exécution. M’aurait-on menti ? » Le surveillant est sur le point d’imploser, mais fait son maximum pour se contenir face à vous. Une bavure serait malvenue. « Dolokhov, assis. » En tirant la chaise, tu lâches un soupir devant son manque d’humour évident. Une fois assis, il vient retirer tes bracelets en métal chromé. Instinctivement, tu masses tes poignets en attendant qu’il sorte du parloir. Tu n’aimes pas cette situation. Elle n’est pas sans te rappeler le sort que tu fais subir à tes victimes. Belle abnégation. Tu finis par te caler au fond de ta chaise, dans une position confortable malgré la rudesse du mobilier, avant de détailler ton visiteur. « Alors mon oncle est si désespéré que c’est toi qu’il appelle en renfort ? J’espère au moins que t’as pensé à mon paquet de clopes. Tu sais faut faire de drôles de choses pour en avoir ici ». Provocation à peine masquée, uniquement destinée à le titiller. Tu joues au mauvais garçon, pourtant, tu as passé l’âge. Tu cherches une réaction. N’importe laquelle, plutôt que Ses reproches.
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Ven 24 Avr - 23:36
La prison… C’était bien l’un des endroits où je mettais les pieds par obligation, la plupart du temps, quand on demandait un aumônier pour des prisonniers en fin de vie ou toute autre raison aussi joyeuse que cela. Ce n’était pas un lieu où je me sentais vraiment à l’aise, étant donné la crasse qui y régnait et le bruit abrutissant dont il était bien difficile de faire abstraction. L’environnement carcéral n’avait jamais été l’idéal pour les êtres humains. Ce n’était pas un lieu de rédemption et j’avais toujours trouvé que les méthodes des gardiens pouvaient parfois laisser un peu à désirer. Quant aux conditions d’hygiène et de vie pour les détenus, je n’osais pas vraiment imaginer ce que devaient receler les sanitaires ni à quoi ressemblaient les cuisines et le réfectoire.
Dans ces lieux, il n’y avait pas trente-six moyens d’obtenir la rédemption et le salut. Et mon devoir, en tant que diacre, était d’aider ces âmes perdues à retrouver leur chemin vers la lumière de Dieu. Oh, je ne me prenais pas pour l’un de ces illuminés qui se croient capables de tout résoudre par un simple échange de mots et une absolution rapidement octroyée, non, le repentir sincère me semblait bien plus important que tous les à-côtés que l’on pouvait facilement trouver dans un tas de caricatures anticléricales qui circulaient facilement et rapidement sur les réseaux sociaux et dans certains titres de presse peu reluisants.
Mais je ne venais pas ici pour annoncer la bonne Parole de l’Évangile, puisque c’était une raison d’ordre familial qui m’amenait dans la célère prison de Wandsworth. Un établissement connu pour avoir abrité quelques grands noms du crime, mais aussi pour n’avoir pas toujours respecté les détenus. Il y avait été question à plusieurs reprises, dans l’histoire de cet environnement carcéral, de châtiments physiques cruels, d’exécutions sommaires et de traitements plus que dégradants. Bien sûr, la société ayant quelque peu évolué, je savais bien que tout cela appartenait au passé, mais il était clair que ce genre d’histoires laissaient des traces, pas toujours visibles à l’œil nu, dans des lieux tels que celui-ci. Cela faisait partie d’un vécu que beaucoup tentaient aujourd’hui d’occulter, mais il ne servait à rien, me semblait-il, de chercher à nier ce qui fut, ce qui est ou ce qui sera. Les choses se passent toujours pour une bonne raison, que l’être humain n’est pas toujours en mesure de comprendre, car il faut pour cela accepter de s’ouvrir pour recevoir la Révélation divine… Et la plupart des hommes et des femmes ne sont pas prêts pour cela. Je venais donc dans la prison de Wandsworth pour y rencontrer mon petit cousin, Ambrose, une fois de plus derrière les barreaux. Ce jeune homme était pourtant intelligent, doté d’une force de caractère et d’une foi qui en faisaient un parfait croyant… mais ses égarements sur les sentiers de la perdition étaient encore un peu trop réguliers. Et je m’étais déplacé pour essayer d’instaurer avec lui un dialogue et une réflexion pouvant, peut-être, l’amener vers un repentir qui lui apporterait le don de Dieu.
Seulement, et c’était assez fréquent dans ce genre d’endroits, la première de ses remarques, quand il fut devant moi, ne fut pas une intervention très positive ou amicale. Enfin, c’était une sorte de trait d’humour qui ne faisait rire personne, en soi, mais, connaissant un peu l’oiseau tout de même, je me contentais de lui répondre :« Vu le nombre de fois où tu as atterri ici, Ambrose, je pensais que tu avais pris le temps de potasser un peu tes droits… La peine de mort a été abolie depuis un petit moment déjà… »
Si mes souvenirs étaient bon, la Reine avait corroboré l’abolition de la peine de mort voici un peu plus de vingt ans… bien que le dernier condamné à la peine capitale remontait à bien avant cela. Deux ans après ma naissance, si je ne me trompais pas. J’aimais beaucoup l’histoire de mon pays et ce genre de petits détails avaient souvent retenu mon attention, bien que je n’aie pas forcément une bonne mémoire des chiffres.
Je pris place à la table qui nous était assignée. Plus ou moins propre, à première vue, mais le nombre de bactéries sur des supports de ce genre n’était pas visible à l’œil nu. Je savais d’ores et déjà que je me laverais les mains directement en sortant de la prison, par principe, d’abord, mais également par mesure d’hygiène de base. Mon jeune interlocuteur se massait un peu les poignets, récemment délivrés de ces menottes métalliques, et il me lanças une nouvelle petite boutade, à laquelle je répondis d’abord par un sourire.
« Tssss… Ambrose… ne manque pas de respect à ton oncle, tu sais très bien qu’il ne supporte pas l’idée de te savoir ici… »L’homme vieillissait et se désespérait, en effet, de voir son neveu être envoyé en prison aussi régulièrement.« Je pense que tu sais ce que je pense du tabagisme… j’ai ouvert assez de thorax pour voir ce que ça fait comme dégât. Et je vais éviter de te pousser à échanger des cigarettes contre de « drôles de choses » comme tu dis, auprès de tes… camarades. »
Je ne tenais pas à savoir de quoi il retournait exactement. Les personnes incarcérées perdaient bien vite leur dignité en pareil endroit et il n’y avait plus de retour possible, après cela… Perdre sa dignité, cela commençait par de simples faits, puis, peu à peu, les actions prenaient de l’ampleur, gagnant en importance… C’était un procédé spiralaire qui venait s’appliquer. Et de ce genre de situation, il était bien difficile de se sortir sans aide. Je n’avais pas la prétention d’être une aide suffisante ou nécessaire, mais j’étais là et c’était déjà mieux que de ne pas lever le petit doigt.
« Je t’ai apporté un exemplaire de la Bible. Tu as un peu de temps devant toi pour lire, il me semble… C’est peut-être le bon moment pour revoir tes classiques… »Je déposai devant lui une édition de la traduction œcuménique de la Bible, à la couverture bleu marine. Ce n’était pas la seule chose que j’avais apportée, mais je préférais commencer par le plus important.
« Tu es censé sortir quand, cette fois ? »
Avec les récidives, les peines de prison de mon petit cousin avaient tendance à s’allonger un peu. Je ne tenais pas à le voir moisir ici, mais il semblait y trouver un certain confort ou une bonne raison de recommencer et de se faire prendre, puisqu’il y revenait tout de même assez souvent… Mais je ne pouvais pas juger de cela. Je n’étais pas un homme de loi et je ne voulais pas me faire non plus une idée trop arrêtée sur mon petit cousin. Il était toujours possible de remettre quelqu’un dans le droit chemin, pour autant qu’il accepte d’être aidé et épaulé comme il se devait.
« Quand je suis arrivé, on m’a dit que j’allais devoir t’attendre un moment, parce que tu étais « au trou ». Mais ça me fait plaisir de voir que tu n’as pas l’air trop choqué par ce petit séjour à l’ombre… »
Je savais bien que cela signifiait qu’il avait dû être sanctionné pour un comportement quelconque, mais je ne voulais pas aborder le sujet par moi-même. Il était assez grand pour le faire. Et j’étais tout à fait disposé à l’écouter s’il le souhaitait.
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Dim 3 Mai - 15:26
look what you made me do
Robert & Ambrose
Prison de Wandsworth. 13 Janvier 2019
La raillerie de ton grand cousin te tire un sourire complice, alors que le surveillant vous indique la durée de la visite et qu’il attendra dehors. Tu n’y prêtes pas vraiment attention, curieux de la présence de Robert en ces lieux. C’est la première fois qu’il vient te voir en prison, malgré tes différents séjours en Centrale. Face à face dans ce box minuscule et décrépit, tu observes attentivement sa réaction à ta provocation directe, un brin espiègle. Humour cocasse dont tu ne te départais pas étant enfant. Ton sourire disparaît cependant lorsque Robert te rappelle à quel point ton oncle doit se ronger les sangs de te savoir ici. Tu baisses la tête. Aurais aimé t’en convaincre. Pourtant, le fait que tu moisisses ici n’est-il pas un signe de son abandon ? « Je t’ai apporté un exemplaire de la Bible. Tu as un peu de temps devant toi pour lire, il me semble… C’est peut-être le bon moment pour revoir tes classiques… » Ton visage se durcit alors que tu l’observes glisser l’ouvrage Saint vers toi, dont la reliure bleue parfaitement lisse te laisse à penser qu’il n’a pas encore été manipulé. Le Créateur et toi, c’est une histoire compliquée. Une sorte de sempiternel je t’aime moi non plus. Tu as grandi dans une famille croyante, mais tes parents n’étaient pas de fervent pratiquants. A leur mort, ton oncle t’a appris que la foi pouvait être un refuge. Une force dont tu t’es emparé jusqu’à ce qu’elle comble, pour un temps seulement, la solitude inhérente à ta quête de vengeance. Tu as massacré tant d’animaux diaboliques en Son nom. Ces êtres méprisables, qui par leur magie, prétendent dominer ton Créateur. A la manière de l’ange dont tu portes le prénom, Mikail, chacune de tes traques est un pas de plus pour débarrasser la Création de leur souillure. Comme on efface une empreinte dans la neige. Mais ne dit-on pas que l’Enfer est pavé de bonnes intentions ? Ton chemin de sang t’a éloigné de Sa lumière. Tu le sais. T’en persuades. « J’aurai pu l’emprunter à la bibliothèque, tu sais. » Rare privilège des prisonniers pour tuer le temps qui s’écoule si lentement en prison. Ta voix est lasse, ne te ressemble pas. Tu as soigneusement évité cette partie des étagères de cette salle vétuste, remplie de livres poussiéreux et écornés. « Mais je ne l’ai pas fait. Car Dieu n’est pas ici. » Tes prunelles reflètent en cet instant un mélange de Colère et de détresse. Pourtant, l’expression de ton visage n’a pas changée, emprisonnée dans un étau de glace. Tu sais que tes mots sont durs, et qu’ils heurteront certainement Robert. Pourtant, loin de toi l’envie de le blesser. Tu te bases uniquement sur ton expérience, ce que tu as pu voir en ces lieux. Rien de bon. Rien de beau. Tu es enfermé avec la raclure. Les rebuts, déchets que la société à préférer oublier. Voleurs, trafiquants, assassins, violeurs. Pourquoi lire un tel ouvrage en plein milieu de l’Enfer ? Lire les écritures Saintes te rappellent à quel point tu ne l’es pas. Ta condition d’homme, sûrement. Que tu ne peux pas obtenir Son pardon. Pas tant que tu ne sauras maîtriser la Colère qui gronde en toi. Celle qui t’a valu, une fois de plus, un aller simple entre les quatre murs de ta cellule. Pas tant que la frénésie barbare qui t’habite n’aura été jugulée. Mais y’a-t-il seulement un remède ? Une issue ? Tu saisis l’ouvrage entre tes assassines, admires quelques instants la couverture sans défaut, avant de le poser délicatement à côté de toi. Quand le surveillant viendra te chercher, tu sais qu’il l’examinera à la recherche d’un quelconque méfait dissimulé. « Tu es censé sortir quand, cette fois ? » Tes prunelles claires fixent de nouveau ton visiteur. Pour la première fois, tu te sens honteux. Ce sentiment est le pire de tous face à lui, le chirurgien brillant, époux aimant, père de famille. Guerrier des temps modernes en somme. Pourtant, tu n’en montres rien et tournes la tête de côté, tentant d’étirer ta nuque endolorie. Faire comme si de rien n’était. Chaque jour passé dans cette Centrale est un Enfer. Ton Enfer personnel. Chaque souillure, chaque humiliation sont autant de cicatrices invisibles marquant ta chair. Mais la perspective de retrouver la liberté te fait tenir, autant qu’elle t’effraie. Tu n’oses d’ailleurs pas imaginer le calvaire de ceux qui ont pris perpète. « Dans un mois et demi, le 28 Février. Tu seras la ? ». Ta question sonne comme celle d’un enfant. L’enfant que tu étais, des années plus tôt, rencontrant pour la première fois cette partie inconnue de ta famille, et le jeune homme à la forte prestance qu’était déjà Robert, du haut de ses vingt-cinq ans. Tu ignores si ton oncle fera acte de présence, et te soucies de voir un visage familier le jour de ta sortie. Un repère, quelque chose à quoi te rattacher. Ton oncle… Vos relations se sont envenimées ces derniers mois. Tes courts séjours en Centrale n’ont pas aidé non plus, ni même ton refus obstiné de t’expliquer. Expliquer pourquoi tu t’éloignes lentement des tiens. De la Cause. Les mots restent fermement embastillés au creux de ta gorge. Peut-être parce que tu n’expliques pas toi-même le chaos informe de pensées et de sentiments qui te traversent. Cette soudaine prise de conscience sur ta vie, ta condition. Comment pourrais-tu te livrer à l’homme qui a fait de toi ce que tu es ? Le reflet de sa propre existence ? Tu ne supportes pas l’idée de lire la déception dans ses prunelles fatiguées. Ne te résout pas non plus à passer aux aveux. Alors fuir, c’est la seule solution qu’il te reste. Tu n’es pas lâche pourtant, ne l’as jamais été. Mais cela maintient au moins le peu d’équilibre qu’il reste dans ta vie. Cette vie que tu ne contrôles plus. Robert finit par briser le silence qui règne dans les lieux, entrecoupé du cris lointains et lugubres de tes congénères. « Quand je suis arrivé, on m’a dit que j’allais devoir t’attendre un moment, parce que tu étais « au trou ». Mais ça me fait plaisir de voir que tu n’as pas l’air trop choqué par ce petit séjour à l’ombre…» Tes lippes s’étirent devant le cynisme de ta chair, la subtilité dont il fait preuve, alors que tu te remémores sans peine l’altercation qui t’a value l’isolement. Cette sanction, la pire de toute pour la plupart des prisonniers. Mais pas pour toi. Tu es un tueur, habitué à la solitude. Exercice qui te permet de ménager tes nerfs. « Visiblement, j’incarne le fantasme de la plupart des surveillants. Les gens comme … nous… ne peuvent pas être brisés. » Tout en parlant, tu croises tes mains sur ton torse. « Ça, c’est une chose qu’ils ne peuvent pas supporter. Comment pourraient-ils le comprendre d’ailleurs ? On est là pour expier notre dette auprès de la société. Même si je suis enfermé, je ne rentre pas vraiment dans le moule. » Tu laisses passer quelques minutes, avant de reprendre, laissant échapper un soupire. Comme si cela n’avait pas la moindre importance. « Il y a les petits coups bas. Laisser la lumière allumée pour t’empêcher de dormir, comme l’interrupteur est dans le couloir. Oublier de passer par ta cellule pour le ravitaillement en tabac. Sauter l’heure de la douche. Arriver trop tard, en prétextant du travail de dernière minute, pour te permettre d’aller en récré… » Tu égraines lentement les petites frustrations du quotidien. Celles auxquelles tu es bien rôdé désormais. L’abus de pouvoir des surveillants est une chose bien connue de l’administration pénitentiaire. Pourtant, elle laisse faire, préférant fermer les yeux sur ces comportements qui taillent en pièce le fameux code de déontologie, et rendent une situation plus tendue et explosive qu’elle ne l’est déjà. « Un des surveillants a voulu jouer avec moi… Mais il ne sait pas sur qui il est tombé… Disons simplement qu’il n’aurait pas dû s’approcher si près des barreaux de ma cellule ». Ton sourire est carnassier, à présent. Tu jubiles en te remémorant la peur panique que tu as provoquée chez cet homme. Au fait qu’il pensera un peu plus à sa femme et ses trois enfants, chaque matin, lorsqu’il passera les portes de cette Centrale. Cette idée te ramène d’ailleurs tout droit sur terre, alors que ta mine prend soudainement une expression plus soucieuse. « Au fait… Helene, les enfants… Comment vont-ils ? ». Les enfants… tes trois petits-cousins n’en sont plus depuis longtemps. L’innocence est une Vertu qui ne se conserve que peu de temps dans ta famille. Pourtant, à ta manière, tu les considèreras toujours comme tel. Les protègera quoiqu’il arrive. Quoiqu’il t’en coûte. Tu sais qu’ils empruntent la même voie que toi. Devrais t’en réjouir. Mais au fond, tu souhaites qu’ils n’aient jamais à connaître les affres du doute que tu traverses.
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