Raphaël était allongé sur son lit, à regarder le plafond en réfléchissant. Il avait été contraint d’emmagasiner de force tellement d’informations en si peu de temps. Et surtout il se sentait ridiculement inutile. Il ressassait tout ce qu’il s’était passé à “l’université des sorciers”. Ce qu’il aurait pu faire, ce qu’il aurait dû faire. Amber était saine et sauve, mais ce n’était pas grâce à lui. En plus de ça, qu’est-ce qu’il s’était imaginé en venant là bas ? Qu’il serait un héro ? Qu’il serait le… “moldu” qui était prêt à sauver les sorciers ? Il repensa à cette discussion avec Leah et son amie Deirdre en Août, cette dernière lui avait reproché de se comporter comme un lâche et un égoïste. Est-ce que Raph avait agit ainsi pour se prouver à lui même qu’il n’était pas tel que Deidei l’imaginait ? Le flot de ses réflexions allaient dans un sens, dans l’autre, c’était un bordel complet dans sa tête. Nymphéa et Amber, des sorcières. La Magie, le Blood Circle… Les moldus, il était un moldu. Mais c’est quoi un moldu exactement ? Il y avait aussi l’amie de Amber qui était venue le chercher. C’était qui ? Il l’avait suivie sans se poser de questions pour pouvoir rejoindre Nymphéa et aider à libérer Amber. Bon sang, il avait été tellement idiot et naïf. Artémis… Cette fille connaît Artémis… Qui est-t’elle ? Et comment se connaissent t’elles ?

Il repensa à ce qu’elle lui avait dit “Pour le désordre tu demanderas à Artémis, elle est bien au courant”. Ça fait déjà quelques jours que sa colloc rousse était partie voir sa famille mais est-ce que c’était vraiment le cas ? Au final, Raph ne connaissait rien de la famille de Artémis… Et la sorcière semblait en savoir plus que lui sur son amie… Le téléphone du jeune homme vibra pour lui indiquer qu’il avait reçu un message. Il changea de position pour s’allonger sur le côté, en grimaçant un peu de douleur, et s’empara de l’objet pour le consulter. Nymphéa… Elle venait prendre des nouvelles, savoir s’il était sorti de l'hôpital. Après les événements, son amie l’avait accompagnée à l'hôpital, pour qu’il se fasse examiner suite aux coup de briques qu’il avait reçus. Ses blessures aux avant-bras n’allaient lui laisser que quelques bleus et des petites écorchures qui cicatriseront. Par contre, les coup reçus dans les côtes lui avaient fêlé ces dernières. Il était sous médicament, lui permettant de supporter la douleur, mais certains mouvements ou actions le faisaient un peu souffrir.

Son amie voulait également qu’ils se rencontrent, elle avait des choses à clarifier avec lui. Il commença à lui écrire qu’il allait bien, que les médocs aidaient beaucoup. Il exagérait un peu, mais il ne voulait pas inquiéter son amie, et puis, ce n’était pas faux, il pouvait se déplacer sans trop de soucis, tant qu’il ne courrait pas un marathon. Pour la suite du message, il hésita à répondre… Et si c’était la dernière fois qu’ils se voyaient ? Et si maintenant elle avait peur qu’il la dénonce et que ce rendez vous serait leur ultime rendez vous pour se dire adieu ? Ses mains tremblaient… Le tournage n’était pas fini, il avait encore besoin d’elle pour la suite des aventures d’Eurydice ! Et puis, c’était devenue une véritable amie… Une amie qu’il ne voulait pas perdre. Le fait de connaître son secret ne changeait rien pour Raphaël : Nymphéa lui avait prouvé qu’il pouvait avoir confiance en elle ! Après quelques échanges il lui proposa de se donner rendez vous chez lui pour qu’ils se déplacent ensemble ensuite. Il préférait éviter de la faire entrer en contact avec ses collocs, et puis… Ils vont sûrement parler des événements de la veille, il préférait tenir Sam et Tom en dehors de la confidence. Quand à Art… Il préférait ne pas y penser pour le moment.

Il prévint ses collocs qu’il allait s’absenter ce soir. Sam lui rétorqua de faire attention dans les escaliers. Évidemment, il fallait s’attendre à ce genre de remarques pendant quelques temps. À l’hôpital et auprès de ses collocs, il s’était abstenu de dire qu’il s’était pris de briques volantes contrôlée magiquement par une sorcières qui a perdu la raison à cause d’un gaz développé par le gouvernement… Il a préféré dire qu’il était tombé dans les escaliers en aidant une amie à déménager des meubles. Il se doucha péniblement et se changea avant que Nymphéa n’arrive. C’était plus pour laver la peur et l’anxiété de parler avec son amie que par soucis d’hygiène ou de soin des apparences. Il resta enfermé dans sa chambre à attendre que son téléphone ne vibre. Il allait envoyer un message à Nymphéa pour lui demander où elle en était, si elle ne s’était pas perdue qu’il entendit la sonnette de l’appartement résonner.

«C’est pour moi ! »

Raph mit son téléphone dans la poche et prit son sac avant d'ouvrir.

Raphaël n’avait jamais de visiteur, c’était la première fois qu’il ouvrait la porte pour autre chose qu’une commande de nourriture. la seule autre fois, c’était en pensant que c’était sa commande Pizza et qu’il était tombé sur l’ex petit ami de Thomas qui venait récupérer ses affaires. Le Norvégien avait d’ailleurs posé un lapin au pauvre gars.

«Hey ! Coucou toi.»

Il fit un léger signe de la main timide pour saluer son amie, avant de refermer la porte derrière eux.

«Je te propose de discuter dans un coin tranquille. Pour parler… Librement… »

Raphaël se doutait qu’elle voulait lui parler de son statut de sorcière, de magie. Il avait peur qu’elle lui dise qu’ils ne pouvaient plus se voir, maintenant qu’il le savait. Et pour parler de ça, il était préférable de ne pas tomber sur des oreilles indiscrètes. Après tout, être une sorcière était un crime dans ce pays… Il savait même maintenant que c’était un crime passible de peine de mort… Un léger frisson lui parcouru l’échine et il déglutit pour lui permettre de bloquer les larmes qui allaient commencer à se former. Il ne laisserait pas ce pays sombrer davantage dans la folie. Les gens doivent savoir…

Il avait à peine eu le temps de finir proposer d’aller dans un coin plus tranquille que la jeune femme le prenait dans ses bras et se mis à pleurer à chaude larme dans le cou du jeune homme. Je crois qu’elle n’a pas bien saison la notion de coin tranquille, s’amusa t’il. Cependant, sentir les larmes humides de son amie le mit mal à l’aise et bientôt il sentit une sa poitrine se compresser par l’émotion. Alertés par le bruit, Samuel et Thomas, les colocs de Raph vinrent voir ce qu’il se passait, puis se regardèrent en se demandant qui était cette fille qui chialait sans raisons. Elle s’excusait de l’avoir impliqué dans tout cela. Elle parlait évidemment de sa tentative de sauvetage d’Amber. Par contre… Raphi ? Le surnom n’avait pas échappé à Tom qui donnait des coups de coups à Sam en rigolant et en répétant à voix basse Raphi, Raphi. Raphaël tapota maladroitement l’épaule de Nymphéa pour la réconforter.

«Hey, t’inquiète pas, c’est moi qui ai proposé de venir t’aider»

Bon sang, pas ici, pas comme ça ! Alors que Raph caressait doucement l’épaule de de la pauvre fille en pleurs, il fit accidentellement glisser son sac en bandoulière et le fit tomber sur le sol. Il essaya de le rattraper en vol, mais il était trop lent. Heureusement, aucun objet n’a pu sortir du sac. Raphaël ignorait comment le sac de son amie était rempli, mais ça aurait pu très vite être gênant s’il ressortait plus d’objets qu’il n’était censé en contenir. Et Nymphéa qui ne se souciait pas plus que ça de son sac. La pauvre, elle semblait tellement bouleversée et désolée. Il la serra faiblement et maladroitement contre lui, ne sachant pas trop comment ni où poser ses mains. Avant de lui dire à voix basse, et calmement :

«Ne pleure pas, je vais bi… »

Elle le coupa en lui parlant immédiatement de la disparition de son frère ? Raphaël ignorait tout de la famille de son amie. Il connaissait simplement l'existence de Kun, le cousin de Nymphéa qui a prêté son nom à l’amoureux de Eurydice dans leur tournage. Il avait disparu ? Il a été enlevé lui aussi ? Il sentait la présence des deux garçons derrière lui.

«Allons faire un tour, ça sera mieux pour discuter»

La jeune fille acquiesça et ramassa son sac. Raphaël ouvrit la porte et annonça aux deux garçons :

«Je sais pas quand je rentre, laissez pas les clés sur la porte que je puisse utiliser les miennes pour rentrer. »


Il emboîta le pas de la jeune fille et referma derrière eux. Ils prirent l’ascenseur sans un mot, un peu gênés. Finalement, en sortant de l’ascenseur, il décida de briser le silence.

«Ton frère. Il… C’est comme pour Amber ?»

Le jeune homme n’était pas physiquement prêt à repartir en sauvetage. Il se sentait faible… Et tellement inutile. Il n’avait aucune chance d’affronter des soldats entraînés à combattre, surtout s’ils étaient capable de neutraliser des êtres dotés de magie… Il aurait pu y rester, la veille ça s’était joué à pas grand chose. S’il n’avait pas eu sa caméra… S’il n’avait pas eu la chance de désarmer l’homme… Si Nymphéa n'était pas arrivée quand… Beaucoup trop de si…

«Je… ne pense pas pouvoir t’accompagner cette fois… Les médocs m’aident à supporter la douleur et… Pour ce genre d’opération je serai totalement inutile… Ce n’est pas mon rôle, faut que j’ouvre les yeux aux… »

Raphaël parla à voix basse

«Aux gens comme moi que vous n’êtes pas si différents de nous… »

Une fois dehors, Raph n’avait pas trop d’idée d’où aller. Il n’avait pas trop envie d’aller dans les transports. Ils ne pourraient pas parler librement.

«Ça te dit d’aller vers les quais de la Tamise ? Ça sera reposant, on peut marcher en chemin.»

Alors qu’ils étaient encore dans l’ascenseur, Raphaël se posait des tas de questions. Maintenant qu’il connaissait leur secret, quelles vont être ses relations avec Amber et Nymphéa ? Est-ce que les deux filles vont avoir confiance en lui ? Est-ce que lui même savait s’il pouvait avoir entièrement confiance en elles ? Est-ce que le tournage allait continuer ? Nymphéa avait cessé de pleurer. Elle a évoqué la disparition de son frère, mais ils ne pouvaient en parler devant Sam et Tom. Il ne savait pas s’il pouvait leur faire confiance. Après tout, Artémis était probablement des leurs… Et pas depuis aujourd’hui… Est-ce qu’il devait parler à son amie ? Est-ce qu’ils pouvaient ne serait-ce que rester amis ? Et si c’était Artémis qui détenait le frère de Nymphéa prisonnier ? Le jeune homme essuya du revers de sa veste, les traces de larmes encore humides que la jeune fille avait laissé dans son cou. Après une minute qui sembla durer une éternité, l’ascenseur s’arrêta et les portes s’ouvrirent. Le frère de Nymphéa… Raphaël demanda à son amie des détails sur la disparition de son frère, lui avouant qu’il était trop faible pour lui venir en aide physiquement mais qu'il ferait tout pour aider autrement. Au grand soulagement du jeune homme, le frangin n’était pas prisonnier.

Hyacinthe… La jeune fille avait déjà évoqué ce nom lors du tournage avec Amber. Et déjà cette fois là il avait fait le rapprochement avec ce même Hyacinthe qu’il avait rencontré en février. Bon sang, il se sentait cruellement raciste de penser ça, mais quand même un mec typé asiat, tout comme son amie, qui porte le même prénom que le frère de la dite amie. Il ne pouvait pas lui dire qu’il l’avait déjà rencontré, ça aurait l’air trop bizarre ! Et pour cause, C’EST trop bizarre ! Et en plus, il pouvait faire erreur.

«Il était parti en Norvège, c’est ça ? Et ta mère avait réussi à le retrouver grâce à une voyante, dans une cirque ?»

Même cette question était bizarre. Surtout que même si c’était le même Hyacinthe, ça ne voulait pas forcément dire que Nymphéa était au courant. Il regarda autour de lui et se dit que c’était pas forcément le meilleurs endroit pour parler de tout ça. Il proposa de se rendre le long des quais. Profiter de la fraîcheur du soir et de l’eau. La jeune femme sautilla de dalle en dalle pour exprimer son enthousiasme à aller au bord de l’eau, elle voulait même aller jusqu’à la fontaine du tournage en Août. Raph ne savait pas s’il avait la force d’aller jusque là bas.

«Euh… C’est un peu loin. On peut prendre notre temps, je n’ai pas d’impératif horaire de mon côté, après pour toi je ne sais pas… Si on ne se presse pas, je pourrais marcher jusque là bas.»

Les médicaments ne faisaient pas tout, il ressentait un peu la douleur, contrairement à ce qu’il affirmait. Il n’était pas insensible à la douleur, loin de là. Juste qu’elle devenait supportable, tant qu’on le titillait pas trop.

«Allons déjà sur les quais, puis on ira tranquillement à la fontaine.»

Raphaël approuva les dires de l’asiatique à propos de la tolérance. Personne ne devrait à avoir à se cacher. C’était vraiment une honte, qu’en 2019, certaines personnes devaient encore se cacher d’être ce qu’elles étaient. Il ne comprenait pas pourquoi les sorciers n’avaient pas le droit d’être sorciers, ils ne choisissaient pas d’avoir des pouvoirs. Il comprenait qu’on puisse avoir peur de ces pouvoirs mais tous les sorciers n’étaient pas des criminels. Ils étaient humains avant tout et Raphaël était persuadé qu’il y avait des sorciers qui protégeaient des non-sorciers. Son frère…

«Ton frère… N'était pas de cet avis ? Il n’aimai… Il n’aime pas les gens comme moi ?»

Raphaël ne voyait pas de raisons de parler du frère disparu au passé. Il reviendra peut-être, et jusqu’à preuve du contraire il n’était pas mort. Mais si Hyacinthe n’aimait pas les non-sorciers, comment le frère et la sœur pouvait être si différents ? Il ne représentait pas, justement, tout ce qu’elle même n’acceptait plus ? Après dix minutes de marche ils arrivèrent enfin au niveau des quais, au bord de l’eau.

«Oh, on arrive au niveau des quais. Faut qu’on aille à gauche pour rejoindre la statue, mais on en a pour environ une heure de marche en prenant notre temps.»

Ils marchèrent silencieusement puis finalement, Raphaël lâcha :

«Tu sais… Hier j’ai appris quelque chose sur une amie qui m’est chère… » Nymphéa lui avait ouvert une partie de ses peurs, de ses problèmes. Il ne savait pas tout d’elle, heureusement, mais lui aussi devait partager certaines choses avec elle et il avait confiance en elle. «La fille qui m’a jeté des briques à cause du gaz hallucinogène. Elle m’a parlé d’un truc plus tôt dans la soirée, quand elle était lucide je veux dire. Attends, faut commencer par le début...» Raphaël lui raconta tout, le week-end geekage de prévu pour se changer les idées, le téléphone couper pour ne pas être dérangé, l’amie d’Amber qui vient le voir lui demander des nouvelles d’Amber puis qui repart juste après, la lectures des messages de Nymphéa lui parlant de l’enlèvement d’Amber, le retour de l’amie lui expliquant à son tour la situation, la décision de Raph de venir.

«Je sais pas pourquoi j’ai fait ça. C’était idiot. C’était même pas courageux, c’était tellement stupide que ce n’était même pas courageux. » En fait, il savait pourquoi il avait fait ça. Il avait passé tellement de temps sur l’ordi, et il avait tellement peu dormi qu’il n’avait pas réellement conscience dans quoi il s’engageait. «Je ne regrette pas d’être venu. Je dis juste que j’ai pas réfléchi, je voulais bien faire, je voulais… être quelqu’un. Je voulais être utile… » Le jeune homme sentait sa poitrine se bloquer, et sa voix qui se brisait à mesure qu’il continuait son récit. «C’est… C’est frustrant de rester les bras croisés, à ne rien faire. Ne pas penser et agir comme un connard, ça ne suffit pas à faire changer les choses. Ça contribue à peine à ne pas les empirer. Et c'est encore plus frustrant d'essayer de faire quelque chose et de se rendre compte qu'on est juste un fardeau...»

Il essuya les larmes qui commençait à se former et qu’il retenait. Il n’était pas du genre macho, mais il avait une certaine fierté. Il essayait toujours de se montrer fort émotionnellement aux yeux des autres. Intouchable, insouciant. Derrière un écran, c’était tellement facile. Le jeu anesthésiait les émotions, et c’était tellement simple de mentir sur ces sentiments. Mais dans la vrai vie, c’était là que c’était le plus dur. Sourire, rire, plaisanter, trouver une excuse pour s’absenter, pleurer, essuyer ses larme, respirer, revenir, sourire… C’était là le plus dur. Et on ne pouvait, ou voulait, mentir à tout le monde. Il n’avait jamais réussi à duper Leah, par exemple. Mais cette dernière ne le forçait pas à se confier, elle respectait ses choix, elle sous-entendait simplement qu’elle n’était pas dupe et que ce n’était pas parce qu’elle fermait les yeux qu’elle était aveugle pour autant. Avec Nymphéa c’était différent. Raphaël voulait faire tomber l’image du bouffon insouciant et parler franc-jeu avec elle, mais une partie de son être luttait tout de même pour qu’il garde cette image. En fait, il avait peur. Qu’est ce qu’il deviendrait s’il se mettait à pleurer et qu’il ne plaisantait plus ?  Le rire c’était un peu l’essence de Raphaël. En en tout cas c’était l’image qu’il avait de lui même. Il n’était peut-être personne, et il pouvait le concevoir, mais sans le rire et l’humour, il n’était absolument rien.

«Je… Bref… J’en étais où ?»

Raphaël ressenti comme un coup de poing dans la poitrine. Il connaissait le frère de Nymphéa ! Enfin… Connaissait… Il l’avait croisé, il lui avait parlé et ils avaient joué rapidement à la console ensemble. Mais ils ne s’étaient vus seulement qu’une fois, difficile de jauger quelqu’un dans ces conditions là.

Alors que le jeune homme suggérait d’aller marcher tranquillement, son amie lui proposa de prendre le métro, si c’était une option préférable pour lui. Le geek lui répondit qu’il était préférable d’éviter la foule, avant d’affirmer que les quais n’étaient pas si loin que ça et que ce n’était pas gênant, surtout si les deux n’avaient aucun impératif horaire. Nymphéa murmura quelque chose à voix basse que Raph n’entendit qu’à moitié. Elle devait probablement se parler à elle même. En chemin vers les quais, ils évoquèrent les tensions entre sorcier et non sorcier, les deux jeunes adultes avaient le même avis sur le sujet, personne ne devrait à avoir à se cacher, personne ne devrait vivre dans la peur. Cependant, Nymphéa ajouta quelque chose qui perturba le jeune homme : Hyacinthe n’était pas de cet avis là.

Raphaël n’était pas sûr de savoir comment interpréter cette information. Le frère de Nymphéa détestait les non-mages ? Il pensait que les deux civilisation ne pouvaient coexister ? C’était intrigant… Il était désormais persuadé d’avoir rencontré cet homme en février. Et, bien que l’asiatique avait un caractère assez spécial qui lui était propre, il avait compris que dans le fond, ce n’était pas un connard fini comme il semblait l'être. Bien sûr à l’époque il ne savait pas que Hyacinthe était un sorcier, d’ailleurs il ne savait pas encore que les sorciers existaient. Outre le fait qu’il n’a jamais de visite, le fait d’avoir fait la connaissance de ce type le jour de l’incident de la fête foraine avait imprimé leur rencontre dans sa mémoire. Et s’il recoupait ce que Hyacinthe lui avait dire ce jour là, et ce qu’il comprenait de ce que Nymphéa voulait dire… Ça voudrait dire que le frère de Nymphéa ne fréquentait que des sorciers et donc que son coloc Thomas était donc un sorcier ?! Raphaël avait la tête qui tournait, il voulait en savoir plus ! Lorsqu’il demandait plus d’informations sur Hyacinthe. Il y eut un silence gênant, la jeune fille évita le sujet en parlant de l’architecture des bâtiments, de la beauté du quartier avant de répondre très évasivement. Raph était maladroit dans ses questions, mais il n’était pas non plus un idiot fini, il avait compris le message : on évite le sujet Hyacinthe. Alors que la jeune fille manquait de tomber sur une poubelle, Raph lui fit remarquer qu’ils arrivèrent aux quais.

Ils marchèrent silencieusement en direction des quais Sainte Katharine, ils avaient encore du chemin à faire. Il avait besoin, lui aussi, de parler de certaines choses. Des choses qu’il ne pouvait pas aborder avec Leah. Notamment du fait qu’il avait appris que Artémis appartenait probablement au Blood Circle, mais pour ça, il fallait commencer par le commencement, en expliquant comment il s’était retrouvé à participer à ce “Sauvetage”. Nymphéa essaya d’en placer une mais Raphaël ne lui laissait pas l’occasion de s’exprimer, jusqu'au moment où elle s’insurgea que Raphaël se soit considéré comme un fardeau.

«Elise ? Ah, oui… Non elle… »

Cette fois c’était Raph qui ne pouvait pas en placer une. Non, il n’avait pas du tout eu le sentiment que ça soit à cause d’elle qu’il ressentait ça. Faut dire que… La fille délirait tellement qu’elle avait peur qu’on lui vole son avion imaginaire… Nymphéa mit sur le tapis le fait que Raphaël avait dit qu’il n’était personne cet été. Il n’avait pas trop souvenir d’avoir dit ça, ou en tout cas, ça ne devait pas être dans ce contexte là. Il ne savait plus trop, ce sujet ne l'avait pas spécialement marqué.

«Hey, si tu me pousses dans l’eau, il faudra venir me sauver après, parce que je suis pas sûr de pouvoir nager ! » Répondit-il en plaisantant, juste avant que Nymphéa ne se jette sur lui  pour l’enlacer.

Ouille… Raphaël serra les dents pour ne pas exprimer sa douleur. Les médocs avaient tout de même leur limite, mais il ne laissa rien paraître sinon son amie allait encore culpabiliser. L’asiatique débita un tel flot de compliments que le jeune homme n’arrivait pas à tout suivre. Il se contenta de serrer Nymphéa contre lui en lui caressant lentement le dos. Il devait avouer qu’il se sentait un peu bizarre, il n’avait pas vraiment l’habitude de se genre de marques d’affections. Oh bien sûr il avait déjà fait des câlins à Artémis, mais c’était… Ce n’était pas vraiment pareil, c’était plus du type “Free Hugs” qu’on peut voir en conventions, ou parfois dans la rue. Une petite marque d’attention anodine. Là c’était différent, il pouvait vraiment ressentir la peine et l’affection que la jeune femme ressentait à ce moment. C’était… Terrifiant. Lui qui avait principalement l’habitude de communiquer à l’écrit, ou un peu en vocal, sur internet, il découvrait seulement à cet instant une infime partie de la communication non-verbale.

Il ne trouva rien à répondre, mais il comprenait qu’il n’y avait pas forcément besoin de dire quelque chose pour qu’ils se comprennent. Finalement, ils se séparèrent, et Nymphéa lui demanda ce que Élise lui avait raconté.

«De toi ? Bah euh… Non ? Elle pouvait pas savoir que je te connaissais à ce moment là» Bah oui, pourquoi Élise lui aurait parlé de Nymphéa ? C’était ridicule ! Il souria tout de même à la mention du sac “Mary Poppins” «Par contre… » Il hésita… Elle culpabilisait déjà tellement de lui avoir caché des choses et que Raph l’apprenne comme ça. «Visiblement elle semble connaître ma Coloc, Artémis.» Il laissa un petit moment de silence, pour laisser à son amie le temps de se rappeler d’une vague discussion qu’ils avaient eu à propos de ce prénom, lors de leur première rencontre. Artémis avait failli être le nom d'Eurydice, mais il s'y était opposé. «Artémis est quelqu’un de… de spécial pour moi c’est un peu plus qu’une amie mais… » Il tournait autour du pot, c’est pas forcément évident d’expliquer à quelqu’un les sentiments que l’on a pour une tierce personne, surtout quand on sait que ces sentiments ne sont pas partagés. «Bref, je l’aime bien, mais c’est un peu compliqué. C’est pas ça le plus important… » Il essaya de contrôler sa respiration, l’émotion lui écrasait la poitrine. Ce qu’il venait dire, ce qu’il allait dire, tout ce qui s’est dit et fait juste avant, ça faisait beaucoup. Lorsqu’il continua, sa voix était un peu plus faible qu’à son habitude, et un peu plus aigüe, presque comme un sanglot. «Elle m’a parlé de votre ancienne université. Quand Ils l’ont prise. Elle avait ajouté un truc du genre “Désolé pour le désordre, pour ça faudra que tu te plaignes à Artémis”.» Il n’était pas tout à fait sûr qu’elle l’ait dit tout à fait comme ça, mais dans l’idée c’était comme ça qu’il l’avait interprété. «Et… Je sais pas trop ce que je dois comprendre dans ce qu’elle m’a dit. Je crois que je devrais parler à cette Élise pour en avoir le cœur net… » En prononçant cette dernière phrase, il réalisa qu’il avait peut-être dit un truc qu’il ne fallait pas. Nymphéa venait de lui dire que la fille aux briques et elle se détestaient. Terrain épineux ?

Lorsqu’ils mirent fin à leur étreinte, Nymphéa eut l’air choquée. Elle se confondait en excuses une fois de plus en lui demandant s’il n’avait pas trop mal.

«Ça va aller, tu peux recommencer quand tu veux si tu as besoin»

répondit-il avec un clin d’œil, pour garder la face. Cela dit, ça faisait mal physiquement, mais… C’était agréable. Il était tiraillé entre la douleur de l’étreinte et la chaleur du réconfort que cela procurait. Ils marchèrent un peu pendant qu’il racontait comment il en était venu à apprendre que Artémis soit potentiellement liée au Blood Circle. La jeune fille s’arrêta au niveau d’un banc, et machinalement Raphaël s’assied sur le dossier du banc, pour ne pas à avoir à se baisser. Il se sentait un peu bête à raconter tout ça à son amie. Si ça se trouve, il n’avait rien compris à ce que Élise lui avait raconté et il se faisait simplement des films.

Raphaël n’avait pas remarqué que la jeune Chang rougissait en baissant la tête. Raphaël se perdit dans ses pensées. Est-ce que l’amitié qui les unissait Artémis et lui était suffisamment forte pour survivre à une telle crise ? Comment la fille aux briques pouvait connaître Artémis, elles étaient amies ? Si oui, est-ce que Raphaël et Elise pourraient lui faire changer de camp ? Nymphéa reprit la parole, en affirmant que le jeune homme aimait Artémis et que… La suite était incompréhensible, mais Raph ne releva pas. Il l’Aimait… Mais c’était un Amour à sens unique, et bientôt ce serait un Amour impossible. Roméo et Juliette n’étaient qu’une fiction de Shakespeare, et il avait du mal à voir l’histoire se réaliser entre Artémis et lui. D’un autre côté, les deux protagoniste meurent à la fin de l’histoire, ce n’est pas terrible ça. Cela étant dit, Artémis portait le nom d’une déesse de la mythologie grecque, est-ce que ça ne serait pas un signe comme quoi ils devaient vivre un Amour digne des tragédies ? Le poitrine de Raphaël se serra en pensant à tout ça.

Nymphéa lui parla ensuite d’Elise. Son amie lui rappela une fois de plus que les deux filles n'étaient vraiment pas en bon termes et Raphaël l’avait un peu ressenti en l’écoutant parler d’elle. Nymphéa avait désarmé Elise ? Les souvenirs de Raphaël étaient flous. La veille, la douleur était tellement intense que lorsque la fille aux briques avait baissé sa baguette, le jeune homme n’avait plus trop prêté attention à ce qui suivait. Oui, maintenant qu’on en parlait, il se rappelait vaguement les détails que lui racontait la jeune fille. Ça lui revenait peu à peu, la baguette, la dispute et…

«La gifle !»

Il se souvenait du bruits de la baffe et des sorciers qui en parlaient. Il était tellement faible à ce moment là que tout était comme un rêve.

Nymphéa lui avoua finalement qu’il y avait un moyen de vérifier si Artémis appartenait au Cercle. Un moyen plus sûr que la parole d’Elise. Est-ce qu’il voulait vraiment le savoir ? Voulait-il connaître la vérité ? Il se leva du banc et avança de nouveau en direction des quais et de la fontaine. Lentement, mais il au moins il ne restait plus statique. Il avait besoin de bouger, ça l’aidait à extérioriser. Ah bon sang, il avait envie de courir, de plonger dans la Tamise ou de cogner les arbres. Les questions se bousculaient dans la tête, mais elles refusaient de faire la queue calmement, non elles avaient toutes le pass prioritaire pour obtenir une réponse. Une réponse... Est-ce qu’il voulait une réponse ? Il n’avait avancé que de quelque mètres que Nymphéa, toujours assise sur le banc lui posa une question horrible.

Raphaël se retourna, choqué. Elle osait vraiment lui demander ça ? Non… Non ! NON ! Il hurlait intérieurement. Des larmes coulèrent de nouveau le long des joues de la belle asiatique. C’était tellement étrange de voir la jeune fille pleurer, elle qui semblait habituellement insouciante et pleine de joie, toujours à rire. Il l’avait faite pleurer, il se sentait comme un monstre et il pouvait ressentir le poids de la culpabilité. Il essaya de parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il recommença

«Nymphéa… Comment… Tu crois que… »

Il ne trouvait pas les mots pour répondre à son amie, tellement la remarque de cette dernière était aberrante. Il avait accepté de passer la soirée avec elle, de se confier, ils s’étaient consolés l’un l’autre, il pouvait encore sentir le souffle chaud, et les larmes humides dans son cou. Et elle doutait de lui ? Elle le croyait capable de la trahir, d’essayer de la tuer ? Il avait des sentiments profonds pour Artémis, mais pas au point de faire quelque chose qu’il jugeait immoral. Sacrifier des enfants, ou même des adultes, uniquement parce qu’ils sont sorciers, c’était grotesque. Il s’approcha de Nymphéa, et s’assit à côté d’elle sur le banc. Il prit une grande inspiration et la prit dans ses bras pour la serrer fort contre lui. Il grimaçait de douleur, mais il savait que les mots n’étaient rien. Les mots n’étaient que des mots, qui venaient, qui passaient et qui s'oublie mais les sensations restaient. Par contre, j’espère que la sensation de douleur ne va pas rester, elle. Il déposa un baiser chaste dans la chevelure de son amie.

«Jamais je ne te trahirai… Je t’en fais le serment. Même si je veux avoir le coeur net sur ce qui Artémis est vraiment, ça ne veut pas dire que... Que je... Nymphéa...»

Il ne pouvait plus supporter de sentir son amie pleurer sans retenue contre lui, sa poitrine se compressa et il ne put bloquer les larmes. Il se mit lui aussi à sangloter, il était incapable de se contenir. Sourire, rire, plaisanter, trouver une exc… Conneries ! Il y a des gens avec qui il fallait être soi-même. Parce que ces gens méritent qu’on leur prouve qu’on leur accorde une confiance absolu. Il parlait à son amie avec son cœur mis à nu et il ne se sentait pas vulnérable. Non, il sentait au contraire qu’il renforçait leur amitié et leur complicité. Ensemble ils ne déplaceraient peut-être pas des montagnes, mais en partageant leurs faiblesses communes, ils allaient pouvoir surmonter bien des choses.


«Allez… On arrête de pleurer maintenant !» Ajouta-t-il dans un petit rire-en-pleurs. «On a pas une fontaine à aller voir ?»


C'était beaucoup d'émotion d'un seul coup, il avait besoin de faire une pause de tout ça.

En temps normal, Raphaël aurait été gêné d’agir comme ça avec un autre être humain. C’était rarement lui qui initiait un contact physique envers quelqu’un. Mais là, ça lui semblait naturel de serrer son amie contre lui pour la consoler. C’était quand même vexant qu’elle puisse penser ça de lui, qu’il puisse la trahir, mais il comprenait la situation dans laquelle elle était. Son frère venait de disparaître et visiblement ils étaient vraiment très proches, la pauvre asiatique devait se sentir seule, abandonnée. Elle était venue chercher du réconfort auprès de son ami, et voilà que ce dernier lui annonce que la fille dont il était amoureux s’amusait potentiellement à empaler les têtes de sorcier sur des piques pour s'occuper pendant les vacances. Quel manque de tact il avait eu de lui avoir annoncé ça comme ça, et maintenant. Mais il ressentait le besoin de s’ouvrir à son amie. Depuis quand était-ils devenus amis d’ailleurs ? Ils se sont rencontrés cet été pour le tournage, et même s’ils ont eu un bon feeling, ils ne sont pas vraiment devenus amis sur le coup. Si ? Le passéétait derrière, tout ce qu’il savait c’était que Nymphéa était son amie et que désormais, un lien fort basé sur la confiance mutuelle s'était tissé. Les promesses sont faites pour êtres tenues, pas pour être brisées et il venait de lui faire le serment de ne jamais la trahir. Jamais Raphaël n’avait été aussi sérieux qu'au moment où lui avait donné sa parole. S’ils avaient été dans un film, il y aurait eu un silence total, avec seulement le jeune homme qui faisait sa déclaration. Mais ils étaient dans le monde réel, les voitures circulaient, les vagues formées par les remous des bateaux sur la Tamise venaient s’écraser contre la paroi du quai et ils sanglotaient.

Et ils sanglotaient l’un contre l’autre, le masque tombait. Raphaël ne jouait pas réellement un rôle. Il aimait rire, plaisanter et s’amuser ; il n’avait pas besoin de se forcer pour être le gai-luron que tout le monde lui connaissait. De manière général, quand on voyait Raph, on pensait au gars qui déconne tout le temps, toujours optimiste, toujours insouciant et jamais triste. C’était vrai, Raph était comme ça. Mais il ne faut jamais dire toujours, au même titre qu’il ne faut jamais dire jamais, du moins lorsque vous jugez quelque chose parce que pour une promesse c’est différent. Raph n’était pas une “machine à bonheur illimité” lui aussi pouvait ressentir de la peine, de la douleur ou de l’anxiété. La plupart du temps, c’était facilement gérable et il se montrait fort devant les autres, parce qu’il avait conscience que souvent, au sein d’un groupe, il était un moteur de bonne humeur. Son amie Leah O’Malley était peut-être la première à avoir découvert la partie sombre de Raphaël, elle comprenait quand quelque chose n’allait pas. Il n’a jamais su si sa confidente faisait du mentalisme à ses heures perdues, mais c’était le genre de personne avec qui il savait que la question “Coucou tu vas bien” c’était souvent une ouverture pour te demander ce qu’il n’allait pas. Mais cette fois-ci avec Nymphéa, c’était quelque chose de différent. Tout d’abord, Raphaël était épuisé, aussi bien physiquement que psychologiquement. Son mental était en miette avec toutes les révélations de ces deux derniers jours, tellement d’informations, tellement de secrets dévoilés. Quant à son physique… Il avait mal partout, il avait eu une nuit plutôt compliquée et pour finir il commençait à être tard. Ensuite, le ton de la discussion était sérieux ; Nymphéa, d’ordinaire toute guillerette, ne semblait vraiment pas d’humeur à rire. Enfin, pas besoin d’avoir beaucoup d’empathie pour être affecté quand votre amie chialait à chaudes larmes contre vous, surtout quand le sujet vous touchait directement.

Alors que Nymphéa commença à relancer le sujet à propos de son frère, Raphaël mit fin à son étreinte, et se leva en changeant de sujet. Il proposa d’arrêter de pleurer pour aller voir la fontaine qu’ils étaient censés aller voir. C'est vrai quoi, si on continue de pleurer comme ça sur leur blanc, ça va être nous la fontaine que les gens vont venir voir ! Ils rirent tous les deux, d’un rire humide de leurs larmes encore fraîches, pour peu que cette phrase ait un sens. Sa tendre amie mima un signe militaire en acquiesçant docilement, avant de comparer, en riant, le jeune homme à sa mère. Ça doit être une femme bien, il ne s'en offensa pas. La jeune Chang prit un peu d’avance, suivi de Raphaël qui traînait un peu la patte. Ces longues minutes à s’étreindre fortement l’avaient légèrement amoché mais ça valait le coup. Son amie semblait déjà plus légère et lui même avait une sensation de chaleur dans la poitrine, comme un sentiment de profonde tendresse, une sensation de réconfort après une terrible frayeur. Ils marchèrent finalement côte à côte et Nymphéa décida de s’emparer de la main du jeune homme pour marcher. Il ignorait la raison de son geste, en temps normal il se serait probablement dérobé, gêné d’un contact physique si intime, mais ce soir là il n’avait quasi plus aucune barrière. Beaucoup trop d’émotions et si cela pouvait rassurer son amei de sentir sa main dans la sienne, alors advienne que pourra. En tout cas, elle semblait s’amuser à balancer leur deux mains en sautillant joyeusement. Bon, elle ne sautillait pas réellement, mais Raph était persuadé que s’il n’était pas dans un état physique aussi lamentable, ils auraient été là à faire la course en sautillant, et il eut un petit sourire à cette image. Finalement, la jeune fille lui demanda s’il y avait de l’eau à la statue maintenant.

«Excellente question. Je suppose que oui, la période de sécheresse est terminée depuis longtemps, et puis on n’est pas encore en hiver, donc Ils ne doivent pas encore craindre que les canalisations ne gèlent.»

Ils… Raphaël eut un petit sourire en pensant à ce mot. il y avait toujours des Ils inconnu, dans n’importe quelle situation. Un groupe d’entités anonymes qui faisaient telles ou telles actions, sans même qu’on sache s’ils étaient vraiment plusieurs, mais ils étaient les Ils.

«Le seul moyen, c’est de savoir. Et espérons qu’il n’y ait moins d’immondices cette fois… »

Ils firent de nouveau quelques pas avant qu’elle ne lui parle à nouveau d’Elise, et de Phénix. Il s’arrêtèrent et Raphaël la dévisagea sans comprendre. Attends, je suis censé savoir de quoi elle me parle ? Elle lui expliqua que c’était le groupe qui avait organisé le sauvetage de la veille.

«Ah… Je suppose que du coup grâce à mes faits d’armes d’hier je dois faire partir de la bande maintenant» répondit t-il dans un rire.

Par contre, Raphaël avait du mal à suivre, il ne comprenait pas le rapport entre cet Ordre, la mère de son amie et son statut d’étudiante.

«Je suis désolé, je suis peut-être un peu long à la détente, mais… J’ai du mal à te suivre. Alors Elise et toi vous appartenez à… ce truc là, cet ordre, et c’est ce groupe en question qui a organisé le sauvetage d’Amber et des autres hier. Mais… Je vois pas ce que ta mère vient faire là dedans, elle a un rôle important ? Tu dis que tu étais étudiante, tu es une apprentie Phénix ?»

Il y avait une autre question qui lui brûlait les lèvres mais il ne savait pas comment son amie le prendrait. Puis après une courte réflexion, elle ne pouvait pas le blâmer pour son ignorance, et ça ne pouvait pas être pire que la situation sur le banc. Il s’assura que personne ne soit à portée d’écoute avant d’ajouter :

«C’est un Ordre Religieux ? Est-ce que les sorciers ont leur propres croyances ?»

La question de la religion pouvait être tabou avec certaines personnes. D’ailleurs c’était un peu de la cas de Raphaël. Même s'il respectait les choix et les croyances de chacun, sans les partager pour autant, il évitait habituellement  ce genre de discussions souvent sujettes à polémique, mais là, la curiosité était vraiment trop forte

«Pardonne moi si je t’offense avec mes questions, ou si je ne comprends pas. Je ne connais absolument rien de ton monde… »

Il ne savait rien, et il était prêt à apprendre tant de choses... Même s'il avait déjà appris tant de choses ces derniers jours, c'était un nouveau monde qui s'ouvrait à lui. Un monde inconnu, le monde de son amie. Et il était prêt à le découvrir partiellement, avec son aide.

Ils avançaient, côte à côte, main dans la main. Raphaël essaya de ne pas penser à la situation dans laquelle ils étaient. Le contact doux et frais de la main de son amie dans la sienne ne laissait pas le jeune homme indifférent. Bien au contraire, cela créait un tourbillon d’émotions et de questions. Le Geek, dont la sociabilité se passait principalement par un écran d’ordinateur ou téléphone, n’avait qu’une expérience très limité de ce qu’était un contact physique. Quelques câlins amicaux avec Artémis, même s’il espérait davantage, et des câlins de réconfort avec Leah où il n’y avait aucune ambiguïté possible. Des contacts physiques qui pourraient être qualifié d'intimes, il en a donc déjà eu. Mais là, c’était différent… Est-ce que Nympha avait une arrière pensée en prenant la main du jeune homme ? Est-ce qu’il aurait dû refuser de prendre la main de la jeune fille ? Est-ce que la situation était ambiguë ? Étrangement, un geste aussi anodin que celui de se tenir la main chamboulait entièrement le jeune homme. Qu’est-ce que les gens pouvaient penser d’eux en les voyant là dans la main ? Même si leur avis ne devrait pas avoir d’importance, leur jugement pesait sur la conscience de Raphaël comme un écho du procès qu’il se faisait à lui même. Est-ce qu’il aurait accepté de se promener main dans la main avec Samuel, ou même Leah, dans le même contexte ? S’il n’y avait aucune ambiguïté, alors pourquoi est-ce qu’il se sentait aussi bizarre ? Quel était donc ce mélange de sentiments de peur, de gêne, de chaleur et… d’excitation ? Il se sentait comme un enfant qui faisait les quatre cents coups avec son amie ; il avait l’impression qu’ils faisaient une grosse bêtise et qu’il ne fallait pas que les adultes l'apprennent. Il ne savait pas s’il voulait mettre fin à ce contact, ou si au contraire rien au monde ne pourrait le forcer à rompre ce lien. On pourrait penser que Raph était quelqu’un d’insouciant, il se posait pas trop de questions, il geekait et il profitait de la vie. Ou plutôt c’est ce qu’il pensait, il pensait vraiment qu’il profitait de la vie, qu’il s’amusait, mais en fait il passait à côté de tellement de choses. Ce qu’il ressentait à cet instant précis, ce n’était pas à travers un écran qu’il aurait pu le découvrir, pas ce summum d’émotions. La vie était trop courte pour ne pas se prendre par la main, s’il savait combien de temps on vit quand on a toujours vingt ans...

Bien que gêné, il décida donc de garder la mains fraîche de Nymphéa dans la sienne et la serra même légèrement plus fort.

«Tu sais, ce que je t’ai dis sur Artémis… Je… J’aimerais que tu n’en parles à personne… »

Ils avançaient lentement en direction de la fontaine sur laquelle ils spéculèrent sur la présence d’eau ou non.

«À vrai dire, je ne sais pas si c’est pour ça, mais je suppose que c’est la raison. En hiver les fontaines publiques sont coupées. Que ça soit les monuments où les fontaines à boire… Enfin en France c’est comme ça, je n’ai pas fait attention ici. Mais je suppose que c’est pour éviter que les canalisations n’explosent, étant donné que la glace prend plus de volume que l’eau.» La jeune femme évoqua la magie comme solution miracle pour dégivrer les canalisations. Raphaël s’arrêta, confus et dévisagea son amie. Elle arborait un large sourire satisfait. Elle n’était pas sérieuse là ? Il regarda autour d’eux pour s’assurer que personne n’avait pu les entendre, l’air grave puis il releva enfin l’attitude arrogante de son amie et il rigola.

«Ah ! Tu n’es pas sérieuse !»

Ils recommencent à marcher tandis que Raphaël réfléchissait. Ce n’était pas si idiot que ça comme proposition, ça aurait pu être quelque chose de sérieux. Bon, peut-être pas présenté de manière aussi simpliste. Le garçon ne connaissait rien au monde des sorciers, il ignorait ce que les Moldus pouvait apporter aux Mages, mais le monde de la magie avait indéniablement plein de choses à apporter aux non-mages. Pourquoi est-ce qu’on cherchait à les détruire ? Cela n’avait aucun sens, aucune logique. Si ça avait été pour profiter de leur pouvoir, de les dupliquer et de les créer artificiellement ça aurait été cohérent. Mais là ça n’avait absolument rien à voir, le Blood Circle cherchait purement et simplement à exterminer les sorcier… Parce qu’ils sont sorciers. Raphaël avait un peu honte d’avoir vérifié autour d’eux quand Nymphéa avait évoqué la magie, ça donnait l’impression qu’elle avait dit quelque chose de sale, de honteux. En vérité, il s’inquiétait pour elle, si quelqu’un les avait entendus, alors elle serait en danger. Si les Moldus et les sorciers collaboraient, plus personne n’aurait à se cacher et il n’aurait plus à craindre pour son amie. Sans s’en rendre compte, avec son pouce il caressa la main de Nymphéa , comme pour la consoler, l’encourager, comme si les pensées qui effleuraient Raphaël était une discussion difficile qu’ils étaient en train d’entreprendre. “Si tu n’as plus besoin de te cacher, alors tout ira bien, je n’aurais pas à avoir peur pour toi”. Le jeune homme eut un petit soupir d’amusement, un genre de rire qu'il avait refréné à cette pensée. Ça sonne un peu comme un super-héro qui a peur de ne pas être à la hauteur pour protéger ses amis. Même si on dit que tous les héros ne portaient pas de capes, Raph n’avait clairement pas la carrure d’un Superman, il souhaitait juste que Nymphéa ainsi que les autres sorciers puissent vivre sereinement.

«L’idée n’était pas idiote, cela dit… » lâcha t-il finalement. Il avait fini de réfléchir, et par la même occasion d’effleurer le dos de la main de la jeune fille. Il ne parlait pas trop fort, histoire qu’eux seuls puissent comprendre ce qui se disait «Je suis sûr que c’est une idée qui pourrait se creuser… Je veux dire, une société où tout le monde serait intégré… Je sais pas vraiment comment, mais… »

Mais quoi ? Le jeune homme réfléchissait à nouveau, sans terminer sa phrase… C’était compliqué de remettre en cause le système sociétal qu’il avait toujours connu. La magie chamboulerait pas mal de choses. Des anciens métiers disparaîtront tandis des des nouveau apparaîtront. De quoi étaient capables les sorciers ? Comment fonctionnait leur société ? Il ne savait tellement rien… Il se rappela qu’il avait une phrase à finir…

«… mais… je sais pas. Sur le papier ça a l’air super, mais pour concrétiser ça… »

La Jeune Chang évoqua ensuite l’ordre du Phénix. Raphaël était complètement perdu, il bombarda Nymphéa de questions qui rigola sincèrement, le jeune homme ria avec elle, avant de se ressaisir. Non mais, sérieux, je comprends pas tout là .Finalement les réponses qu’elle apportait mettaient davantage le jeune homme dans l’incompréhension.

«Un parti politique ? »

Il haussa les épaules. Il ignorait totalement comment les sorciers étaient dirigés. Pleins de questions lui brûlèrent les lèvres à ce sujet. Le monde sorcier était source de mystères, il aimerait tellement en savoir plus. Le français était persuadé que cet Ordre du Phénix, et tout l’univers magique, le véritable univers magique, était une source incommensurable d’inspiration pour du RolePlay sous toutes ses formes. Elle évoqua le Sang-pur, Raphaël ne comprit pas la signification de cette expression, mais décida de ne pas relever de suite. Par contre, le concept de Mages Noirs était assez explicite. Elle lui parla de Voldemort et de Harry Potter, des noms qui n’avaient aucun sens à ses yeux. Il comprit tout de même que Voldemort était un méchant et que Harry était un gentil. Elle parla ensuite de l’esclavage des Sang-mêlés et des moldus. Il commençait à comprendre cette histoire de sang.

«Attends doucement, je ne suis pas de ton monde, je comprends pas forcément tout. Si je te suis bien, il y a les Moldus, les gens comme moi. Les Sang-mêlés, qui sont issus d’une union entre un sorcier et un moldu et les sangs-purs qui sont des sorciers purs.»

Pour cette partie il pensait avoir finalement saisi.

«Mais là, t’es en train de me dire que y’a bientôt 30 ans, un mec, qui a comme nom le pseudo qu’un gamin français aurait pu choisir pour jouer à  Fortnite, a tenté de réduire les gens comme moi en esclavage, et que ce Harry Potter a créé la résistance pour le contrer. J’ai bien suivie ? »

Même si la forme laissait à désirer, il était très sérieux dans son résumé, il voulait être sûr de comprendre les choses. Nymphéa continua donc d’expliquer le rôle de l’Ordre du Phénix et demanda finalement son avis au jeune homme qui soupira comme pour s’excuser d’avance pour sa franchise et son manque d'optimisme à ce sujet là.

«Ce genre de conflit existera toujours, malheureusement. On peut inverser les tendances de telle sorte qu’une majorité de personne pense autrement, mais il y aura toujours des individus qui seront fermés… » Raphaël hésitait à illustrer ses propos, mais il préféra s’abstenir, il se contenta. «Des crétins, y’en a de partout et y'en aura toujours»

Un nouveau terme inconnu fit son apparition. Mangemort. Encore une fois, le jeune homme décida de ne pas relever, les questions allaient engendrer d’autres questions. La nuit risquerait d’être terriblement longue… Elle parla également de Troll. Il ne comprit pas si elle parlait du même type de troll que l’on trouvait sur internet où s’il s’agissait d’une insulte faisant référence à une véritable créature. Il apprit finalement que le père de Nymphéa était moldu, la jeune fille le complimenta avant d’en dire autant sur Raphaël juste après. Attend, on arrête tout... Son père était moldu ? Mais elle ne venait pas de dire un peu plus tôt que…

«Ton frère… Je veux dire Hyacinthe… Je suis désolé de remettre ça sur le tapis mais… Tu as laissé supposer tout à l’heure que… Qu’il n’appréciait pas… »Les gens comme moi ? les gens comme ton père ? La question était compliquée à formuler. D’ailleurs, il n’arrivait pas à finir sa phrase, il espérait que la jeune femme puisse le comprendre d’elle même…

Et pendant tout ce temps, la main de la jeune fille s’était réchauffée dans la sienne.

Raphaël préférait éviter que d’autres sorciers soient au courant que sa colocataire appartienne au Blood Circle. Même si elle était son ennemie dans cette guerre, elle restait avant tout son amie dans la vie. Peut-être qu’il pourrait la raisonner, la convaincre que les sorciers ne sont pas leur ennemis. À vrai dire, il ne savait pas du tout ce qu’il allait faire. S’il allait la confronter, s’il allait l’espionner si… Il ne savait pas. Par contre, il ne voulait pas la mettre en danger. En plus de ça, les sorciers risqueraient de faire le lien entre elle, lui, et le Blood Circle, ils risquaient de le juger alors qu’il n’était pas du tout mêlé à ça. On pourrait aussi lui interdire de rencontrer Nymphéa. Non, c’était beaucoup plus simple de garder ça secret, pour le moment. Seules Nymphéa et Elise avaient besoin de savoir.

Nymphéa le trouvait vachement érudit parce qu’il savait comment fonctionnait les fontaines. A vrai dire, il ne savait pas vraiment, il supposait, mais il pouvait se tromper. D'abord en partant de ce qui semblait être une blague de la jeune sorcière, ils évoquèrent ensuite la possibilité de la cohabitation entre Sorciers et Moldus. Raphaël réfléchissait à cette possibilité en caressant machinalement la main de son amie sans s’en rendre compte. S’ils pouvaient prouver aux sorciers que tous les moldus n’étaient pas comme le Blood Circle et aux moldus que les sorciers n’étaient pas tous dangereux... Ça serait super ! Nymphéa l’avait menacée de le jeter à l’eau s’il redisait une fois de plus qu’il n’était personne. Mais ce n’était pas dit, ni pensé, de manière dégradante. Il n’était personne, il n’avait aucune influence. Certes, il pouvait essayer d’influencer les gens avec ces projets vidéos, ou des trucs qu’il publie sur YouTube, pour leur ouvrir l’esprit. Mais c’était un impact tellement insignifiant par rapport à ce que le Blood Circle était capable de faire avec leurs messages gouvernementaux. Il n’était rien à côté d’eux, juste un insecte tentant de se battre contre des géants…

La fontaine était en vue et la jeune fille le lui fit savoir. Raphaël arrêta le flot de ses pensées, et les caresses qu’il faisait inconsciemment avec son pouce, lorsque Nymphéa lui parla de l’ordre du Phénix. Le jeune homme était complètement paumé dans toutes ces explications, ces histoire de sang, de mage noirs. Il reprit peu à peu les idées et les reformula à sa manière pour voir s’il avait bien compris la situation. Son amie se plaça face à lui, rompant ainsi l’union de leurs deux mains pour le regarder avant d’éclater de rire.

«Bah quoi ? J’ai mal compris ? »

Visiblement, il avait bien compris, et elle ajouta que Voldemort aurait du rester sur Fortnite, le monde s’en serait mieux porté. Raph eut un petit sourire et se retint de lui rétorquer que Fortnite n’existait pas il y a plus de trente ans. Elle lui parla ensuite d’Albus “Dobble Door” qui était le fondateur dudit ordre. Elle mentionna de nouveau de Harry Potter, héro à 18 ans, et de sa mère qui était l’amie de Potter. Pouah… Sauver le monde Moldu à 18 ans… C’était… Disons qu’en comparaison, à 18 ans Raph se demandait s’il devait jouer Tank ou Heal dans les jeux en lignes pour être sûr d’être sélectionné pour partir en Raid… Pas vraiment les mêmes dilemmes pour le coup. Lorsqu’ils parlèrent ensuite de tolérance, Raphaël coupa la parole à Nymphéa.

«Évidemment qu’on aimerait que tout le monde soit d’accord, mais faut rester réaliste. On ne pourra jamais mettre tout le monde d’accord. »

Raphaël qui parlait de réalisme en parlant de la magie. Lui qui vivait en permanence à travers des jeux vidéos, lui qui ne connaissait rien à la vie.

«Quelque part, pour d’autres sujets c’est intéressant que des avis divergent, sinon plus personne n’aurait d’avis, on serait simplement des espèces de… Clones… D’ailleurs à ce propos d’avis différents… »

Raphaël essaya de formuler sa question pour Hyacinthe. Il savait que le sujet était délicat, depuis le début de la soirée, la jeune femme se transformait en véritable fontaine de larmes lorsqu’on parlait de son frère. Mais ils ne pouvaient pas éviter éternellement le sujet. Ils pouvaient toujours l’aborder avec délicatesse. Bon, peut-être que le tact n’avait pas été fort de Raph en lui posant la question sous forme de “Au fait, ton frère il bute des Moldus lui aussi ? C’est pas très fleur bleu tout ça… ” Nymphéa clarifia les choses, sur ce qu’elle voulait vraiment dire. Raph finit par comprendre la relation qu’elle avait Hyacinthe, ce complexe d’infériorité qu’elle avait vis à vis de son frère, et les moquerie qu’elle subissait de sa part. La jeune Chang s’arrêta de parler et s’essuya les yeux en se mettant limite à crier pour affirmer qu’elle ne pleurait pas.

«Hey, t’en fais pas, on est cool. Je sais que c’est un sujet difficile à aborder, prends ton temps.»

Le jeune homme lui caresse doucement les épaules, pour l’aider à se contrôler. Il avait vu ça dans les films et dans des livres, c’était un geste qui se faisait bien dans ce genre de circonstances. La sorcière reprit ses explications. Elle parlait de manière confuse, en haussant la voix. Hyacinthe était également un Phénix, comme Raphaël le supposait étant donné que le Chang était lui même un Sang-mêlé avec un père Moldu, c’était donc  normal qu’il se rallie avec l’Ordre pour combattre les Sorciers Nazi anti Moldus. Il ne comprenait pas tout ce qu’elle lui racontait, beaucoup de termes qu’il avait assimilé depuis peu. Par contre il capta le fait que par moment, elle ait souhaité qu’il disparaisse de sa vie. Raphaël souffla du nez, pour exprimer un amusement plein de cynisme.

«Ça peut arriver qu’on souhaite la mort, ou la disparition de quelqu’un qu’on aime. Sous le coup de la colère, de la jalousie ou juste à cause des hormones. A la puberté je veux dire, les “crises d’adolescences”.»

En parlant d’hormones, Raph imaginait en réalité ces espèces de combats de coq entre mecs. Cette rivalité qu’ils pouvaient avoir dans différentes compétences pour prouver à l’autre qui "avait la plus gross"e et espérer pouvoir impressionner une fille. La plupart des mecs avaient ses pulsions de virilité guidés par leurs hormones et le désir de s’accoupler. Raph avait vécu ça avec Samuel, pas qu’il souhaitait s’accoupler avec lui, mais ce “concours de bite” ,comme on l'appelle dans le milieu, où le Geek n’a finalement pas eut d'autres choix que de s’écraser. Des deux, ce n’était pas lui qui avait réussi à impressionner la fille qu’il convoitait.

«Moi même, j’ai déjà souhaité que mon meilleur ami disparaisse. Pour des raisons encore plus puériles que ça, même si dans le fond, ça y ressemblait un peu sur le côté “Il réussit mieux que moi”. »

Ils s’approchèrent de la fontaine.

«Regarde, il y a de l’eau.»

Il s'assit sur le rebord, restant de profil par rapport à la fontaine, avant de continuer.

«Ce n’est pas parce que tu as voulu sa disparition sur un moment de colère que c’est ta faute. C’est des choses qui arrivent, et ça ne veut pas dire que tu n’apprécie pas ton frère. D’ailleurs, rien que de voir dans l’état dans lequel ça te met, ça se voit que tu l’aimes beaucoup. Je sais que ta famille est importante pour toi, je l’ai compris quand tu m’a avoués que le nom que tu as choisi pour le fiancé d’Eurydice était le même que celui de ton cousin. Je t’avoue que… Je ne connais pas mes cousins.»

Faut dire que du côté de son père, il valait mieux ne pas connaître les descendances du tonton… Raphaël soupira en regardant la Tamise et le reflet des étoiles dedans. Il commença à rire doucement.

«À ce propos du fiancé d’Eurydice, c’est dommage que j’ai explosé ma caméra hier. On aurait pu tourner cette fameuse scène romantique, sous le ciel étoilé, où elle pense à son doux fiancé. La vue est appréciable… »

Un frisson parcourra Raphaël qui se contenta de soupirer avec mélancolie.

Raphaël avait donc mal comprit ce que Nymphéa lui avait dit tantôt. Hyacinthe n’avait rien contre les moldus, il était également un Phénix, comme sa sœur et sa mère. Le français trouvait ça étrange que le frère de Nymphéa se soit rallié aux mangemorts, sachant qu’il avait un père Moldu et que son ex petit ami était Moldu. Raphaël préférai d'ailleurs ne pas révéler ce détail à Nymphéa, pour le moment en tout cas. Il ne savait pas comment l’homosexualité était perçue au sein de sa famille, et encore moins dans le monde sorcier et puis… est-ce que Raph était certain que Tom soit vraiment un Moldu ? Après tout, s’il était sorcier il ne le crierait pas sous tous les toits, ça c’était sûr.

Le jeune homme pouvait voir grâce aux lumières de la ville que son amie souriait quand il lui avoua que lui aussi, il souhaitait de temps à autres la disparition de quelqu’un qui lui était important. Si ça s’était réglé ? Concrètement, ils n'avaient jamais été fâchés, dans les apparences il n’y avait pas de conflit. Juste qu’ils ne se parlaient plus, et concrètement si Artémis et Samuel pouvaient disparaître quelques temps, ça arrangerait bien le Français, ça lui éviterait bien des tourments. Après, il ne lui souhait pas non plus qu’il lui arrive malheur, c’était juste une mauvaise période pour les deux amis, mais ils n’allaient quand même pas partir en guerre fratricide.

Nymphéa se pencha vers la fontaine pour en vérifier le contenu. Inquiet, Raphaël approcha ses bras pour se préparer à la retenir, si jamais elle tombait ; même si dans son état à lui, il n’allait pas retenir grand chose. Il continua de la rassurer à propos du mal-être qu’elle ressentait à cause de la disparition de son frère et de sa culpabilité. Elle se retourna pour lui sourire, ce qui rassura Raphaël, il préférait la voir souriante. Pas que l’Asiatique soit une machine à sourire et qu’elle était contrainte d’être toujours heureuse pour le plaisir des autres, c’était juste qu’il préférait savoir qu’elle allait mieux. Elle tourna la tête pour bailler.

«Fatiguée ? Tu veux rentrer ?»

C’est vrai qu’il était tard, la fontaine n’était qu’un prétexte pour avoir un endroit vers où marcher, mais ils n’étaient pas obligés d’y rester. Nymphéa le remercia encore de lui avoir redonné confiance en elle, et confirma qu’ils étaient assez proche dans sa famille. Elle justifia cela par le fait d’être sorciers.

«Oui, j’imagine. Après peut-être qu’en Angleterre vous avez plus le sens de la famille qu’en France, ou juste que ma famille est un cas un part aussi.»

Raph passa sa main dans les cheveux, un peu gêné d’avouer qu’il avait moins le sens de la famille que son amie. Il y avait son père et sa mère, et un peu ses grand-parents mais c’était tout. Il n’était pas proches des autres branches de sa famille et quelque part, il s’en fichait pas. Il ne pouvait pas se plaindre d’un truc qu’il ne connaissait pas. Finalement, le jeune homme changea de sujet, en parlant de sa caméra qu’il avait brisé la veille, ainsi que, en plaisantant, de l’impossibilité de profiter de cet instant pour tourner une scène pour le film. Nymphéa pesta contre le Blood Circle, comme si c’était eux qui s’en étaient pris personnellement à sa caméra, bon c’était un peu leur faute, mais ce n'était pas l’objet qui était visé.

«Euh, en fait ils ne lui ont rien fait, c’est moi qui l’ai balancée sur la tronche d’un Moldu qui… Bref elle m’a été bien utile. »

D’ailleurs, en plus d’être complètement cassée, il l’avait laissée sur place. Avec tout le remue-ménage qu’il y avait eu, c’était bien la dernière chose à laquelle il avait pensé. La sorcière prétendit avoir une idée et fouilla dans son sac magique pour en sortir son téléphone. Mais… En juillet elle n’avait pas dit qu’il fallait éviter de mettre des objets électronique dans le sac ? Ce sac là était peut-être ordinaire. Raphaël décida de ne pas relever, ne voulant pas passer pour un idiot. Son amie proposait de filmer la scène avec son téléphone, ce qui fit sourire le jeune homme. Il posa doucement sa main sur le bras de Nymphéa, comme s’il voulait la calmer. Quand il put enfin en placer une, il lui confia

«Ne t’inquiète pas pour ça. On n’est pas pressé. Ça nous fera une autre excuse pour se voir juste tous les deux tard le soir sur les quais et discuter.»

Et puis, même si la qualité de l’image était excellente sur les téléphones, elle allait être différente de celle d’une caméra, et la différence allait être visible sur le rendu final. Elle proposa ensuite de lui réparer sa caméra, avec la magie.

«Euh… En fait c’est à dire que… »

Raphaël lui avoua, gêné, qu’il l’avait laissée sur place, avec tout ce qu’il s’était passé il avait complètement oublié d’en récupérer les morceaux.

«De toutes façons, je n'avais aucune données dedans, c’est tout dans mon ordinateur, et je n’ai pas eu le temps de filmer quoi que ce soit sur place.»

Lorsque Raphaël demanda à son amie si elle était fatiguée, elle lui rétorqua qu’elle avait encore de l’énergie. Il ne savait pas trop comment prendre cette réponse. D’un côté elle ne niait pas être fatiguée, mais de l’eau elle ne le confirma pas non plus. Il se contenta donc de hausser les épaules en ajoutant :

«Pas de soucis. Je te cache pas que moi je commence à fatiguer. La nuit a été assez courte avec l'hôpital et la difficulté de trouver une position confortable. Je pense que pour rentrer, je commanderai un Uber.»

Ils parlèrent un peu famille. En fait Raph ne savait pas trop comment ça se passait chez les autres. Dans les séries et les films anglais, les familles ont toujours l’air bien unies. Mais bon, c’était le cinéma ça. Et puis, c’était anglais ou américain ? C’est pas forcément la même culture non plus. Dans tous les cas, quand il était chez ses parents, le Geek passait plus de temps sur l’ordinateur qu’avec sa famille. Pas qu’il ne les aimait pas, mais c’était comme ça. Vint ensuite le moment où le sujet de la caméra fût abordé. Il faut que je pense à en commander une dès demain… Ses parents allaient le tuer quand il allait annoncer qu’il avait cassé sa caméra. D’ailleurs… Qu’est-ce qu’il allait leur dire ? Pas la vérité en tout cas… Déjà qu’ils n’étaient pas trop partant pour qu’il revienne à Londres cette année à cause de ce qu’il se passait depuis février ; mais s’ils venaient à apprendre sa petite escapade de la veille… Nymphéa lui fit remarquer qu’au moins la caméra avait servi. Avant de se mettre à rire. Pour une fois, Raph ne riait pas.

«Oui, je me suis servi de ma caméra pour le désarmer. Mais j’avais préféré me rendre parce que je savais que je ne pouvais pas le maîtriser, même s’il était désarmé. Je voulais surtout éviter de me prendre une balle dans la tête.»

Il avait dit ça d’un naturel… Mais intérieurement il était terrifié en repensant qu’il avait frôlé la mort de tellement près la veille. Le pire, c’était qu’il n’était même pas certain que , même en ayant montré un signe de soumission, le membre du Blood Circle ne l’épargne. Nymphéa se désola qu’il n’ait pas pu récupérer ce qu’il avait filmé sur place.

«De toutes façons, je n’ai rien pu filmer… Mais oui, à la base je voulais filmer des preuves.»

Elle proposa de prendre un Uber pour rentrer, tout en prétextant la douleur que devait ressentir le jeune homme. Bon, c’était probablement plus qu’un prétexte, vu qu’il avait vraiment mal, et qu’elle avait vraiment l’air de s’en inquiéter.

«Je m’en charge, tu veux qu’il te dépose quelque part ?»

La jeune fille répondit qu’elle saura se débrouiller. Tandis que Raphaël notait son adresse pour appeler un Taxi à proximité via l’application, Nymphéa lui parla d’un sujet important. Un projet pour montrer la paix entre Moldus et Sorciers, un genre de preuve que c’est possible. Elle le brossait dans le sens du poil, on le complimentant sur ses talents de monteur et de cameraman, ce qui fit rire Raphaël.

«Arrête ! Je me débrouille, mais je ne suis pas aussi doué que ça. C’est juste mon métier, mais je ne suis pas meilleur qu’un autre. Je dirais que je suis dans la norme.»

Mais il était vrai que d’un point de vue amateur, ce qu’il faisait pouvait paraître incroyable. Son idée de projet était assez proche de ce que Raphaël envisageait déjà de faire. Discréditer le Blood Circle auprès de l’opinion publique pour que les gens réfléchissent plus au bien commun avant d’agir à l’encontre des sorciers. C’était pour ça qu’il avait embarqué sa caméra la veille.

«Faudra qu’on en reparle oui. C’est assez proche de ce que j’envisageais déjà de faire dans mon coin. C’est pas pour rien que j’ai pris ma caméra hier. »

C’était cool d’avoir une alter-ego sorcière qui pensait comme lui. L’idée était super chouette il était d’accord pour tout… Pour tout, sauf pour un truc…

«Euh… Alors par contre pour le nom c'est non. C'est mort, je crée pas un truc avec un nom pareil, c’est trop la honte, mais t’en fais pas on trouvera bien un truc qui en jette et dont on sera fiers ! »

Raphaël jeta une pièce dans la fontaine.

«Je fais le vœu qu’on puisse lancer ce projet et qu’on arrive à convaincre des gens… Et aussi qu'on arrive à trouver un nom cool»

La pièce alla couler dans la fontaine pour rejoindre d’autres pièces que des touristes avaient jetées. Il n’avait pas pour habitude d’être superstitieux, mais la magie existait, pourquoi pas la chance et la bonne fortune ? Au pire, ce n’était qu’une livre sterling…

Ils rejoignirent le lieu de rendez-vous du Uber. Une fois dans la voiture, ils échangèrent quelques mots, et rigolèrent un peu, mais ne parlèrent plus aussi ouvertement de magie. Une fois arrivés, les deux jeunes gens descendirent de la voiture et remercièrent le chauffeur.

«Bon bah… Merci de m’avoir raccompagné. On se tient au courant pour cette histoire de projet. Merci pour cette soirée c’était... spécial.». Il déposa un bisou sur la joue de la jeune fille avant d’ajouter «Rentre bien, fais attention à toi.»

C’était une soirée étrange. Étrangement agréable, malgré les sujets sensibles et les larmes versées. Raphaël prit l’ascenseur et arriva devant la porte de son appartement. Moment de vérité, est-ce qu’ils auront pensé à retirer les clés de la serrure ? Il inséra sa clé et ouvrit la porte dans un soupir de soulagement. Il referma derrière lui et fit quelque pas. Quelque chose craquait sous ses chaussures. Il alluma la lampe torche de son téléphone. Du riz ? Mais qu’est-ce qu’ils ont branlé encore ? Il y en avait tout un chemin, ça conduisait jusque dans sa chambre. Le français alluma la lumière de sa chambre et vit un petit tas sur son lit.

«C’est quoi ce bordel ?! »

Ses colocataires débarquèrent en rigolant

«Oh Raphi, t’es rentré. Ton amie n'est pas là ?
- Oui je suis rentré, mais c’est pas ça le problème, pourquoi y’a du riz dans mon lit ?
- Bah, les asiats ils aiment le riz non ? Tu voulais pas la serrer ta chinoise ? On voulait juste l'aider à trouver le chemin jusqu’à ton plumard.»

Raphaël claqua violemment la porte avant de la fermer à clé, ce qu’il regretta aussitôt à cause de la douleur que le geste avait ravivé.

«Vous êtes vraiment trop cons ! »

Il ne trouvait pas la blague spécialement drôle. Avant peut-être, mais là ça visait directement son amie. C’était dégradant… Heureusement qu’elle ne l’avait pas accompagnée jsuqu'à l'intérieur, ça aurait été gênant. Pourquoi est-ce que les gens se faisaient forcément des idées des qu’un garçon et une fille passaient du temps ensemble ? Il n’avait pas le droit d’avoir de jolies amies filles sans pour autant chercher à les sauter ? Il secoua ses draps en éparpillant la céréale sur le sol. Il était trop crevé pour nettoyer ce soir, il passera l’aspirateur le lendemain. Il ferma les yeux et sourit en repensant à sa soirée, puis s’endormit rapidement, malgré la colère, malgré les questions encore sans réponses, malgré la douleur. Tout simplement trop épuisé par le manque de sommeil de la veille.