Les lumières des réverbères reflétaient leur lumière jaunâtre sur la neige. Neige qui n’avait cessé de tomber ces derniers jours sur Londres mais qui offrait, pour le moment, un peu d’accalmie. Seul dans la nuit, à regarder les lumières d’une demeure bien particulière, Grigori trouvait qu’il avait l’air d’un psychopathe, observant chez les gens afin de trouver une potentielle victime. Frottant ses mains l’une contre l’autre afin de se réchauffer, il se reprit en se disant qu’il serait tout de même le psychopathe le plus pitoyable de l’univers puisqu’il se gelait quand même un peu les fesses. Non parce que les gens avaient beau dire la Russie c’est froid, nia nia nia, Grigori trouvait qu’il s’était trop bien adapté à la vie Anglaise et que le fait de porter des costumes pas très chaud plutôt que des tenues hivernales, ça n’est pas extrêmement futé lorsqu’il attendait Kiara dans la rue.

Alors, c’est sûr qu’il aurait pu donner rendez-vous à la demoiselle directement au lieu où il devait se rendre, après tout ce n’était pas l’éducation en matière de courtoisie qui l’étouffait et il n’était pas obligé de la cueillir devant chez elle. Il y avait cependant quelque chose qui faisait qu’il voulait voir son regard lorsqu’elle se rendrait compte de l’endroit où il l’emmenait. C’était une sensation qu’il avait un peu de mal à percevoir, il se rendait bien compte que ce n’était pas pour gratter des points ou alors plutôt, il se cachait derrière le fait que ça ferait des points mais la vérité c’est qu’il avait juste envie qu’elle soit contente. Parce qu’au fil des semaines, il s’était rendu compte que ce que lui voulait, elle ne le partageait pas forcément. En la regardant, parfois, il se demandait même pourquoi elle avait accepté tout cela alors qu’il n’aurait jamais pu l’y obliger. Alors, s’il pouvait, juste parfois, lui donner le sourire et lui montrer que oui, il serait le grand gagnant du jeu puisqu’il aurait une épouse, mais elle ne perdrait pas forcément parce qu’il était prêt à faire tous les efforts qu’il fallait. En fait ce qui aurait été vraiment sympa, c’est qu’elle tombe amoureuse mais elle ne voulait pas tomber amoureuse, non mais elle était chiante hein Kiara, sympathique les trois quarts du temps et de bonne compagnie mais elle était sacrément chiante à pas tomber amoureuse.

S’il attendait aussi longtemps devant la demeure des Macmillan, ce n’était pas dû au fait que la demoiselle était longue, c’était plutôt Grigori qui était trop ponctuel et en même temps, peu désireux d’aller toquer, pour demander si elle était prête. Pas de la politesse, non personne lui avait appris qu’il fallait laisser à une fille le temps de se préparer mais, se présenter chez elle, à ses parents, c’était le risque qu’elle n’apprécie pas tout. Il prenait le parti de ne pas l’étouffer, à tort ou à raison, il n’avait pas spécialement envie que les gens soient au courant, non pas qu’il ne trouvait pas Kiara à sa hauteur, bien sûr que c’était moins prestigieux que certaines familles sang pur, ça il en était bien conscient mais étant donné que personne ne forçait la main de la demoiselle, un jugement de la part d’une personne proche de lui ou l’inverse et c’était le risque que le contrat soit caduc et qu’il retourne au point de départ, sans épouse. Et puis maintenant, réellement, en toute franchise, c’est elle qu’il voulait, pas une autre, n’importe qui pourrait lui dire qu’elle était partante pour un mariage avec lui qu’il refuserait tout nettement. Il s’était engagé en connaissance de cause et c’est elle qu’il voulait dans son lit et dans sa vie, peu importe le temps que ça prendrait, il lui faisait confiance pour respecter sa parole, une fois qu’il aurait les points oulalah j’imagine si ça ne se passait pas comme ça, s’il avait les 5000 points et qu’elle lui disait non c’est mort, cette claque, qu’il se prendrait dans la tronche, il serait fou.

Lorsqu’enfin elle sortit de chez elle, il la rejoignit en quelques enjambées, se rendant compte qu’il était soulagé qu’elle ne lui ait pas fait faux bond, sensation un peu étrange. Il lui tendit une main amicale non sans lui dire – pour les points là c’est vrai – « Merci, d’avoir accepté mon invitation. » Néanmoins, si habituellement, bavarder avec elle dire bonjour, bon déjà ça l’embêtait les trois quarts du temps parce que la politesse c’est mignon cinq minutes mais ça ne sert à rien. Là il n’avait pas envie de s’éterniser sous la neige, il commençait à avoir les mains gelées, aussi transplana-t-il sans attendre jusqu’au restaurant. Une fois devant la bâtisse, il la regarda attentivement, essayant de déchiffrer ce qu’elle ressentait, du plaisir ou une impression qu’il étalait sa richesse ? Ce qui n’était d’ailleurs absolument pas le cas, il n’essayait pas du tout de l’épater de la sorte, ayant bien compris qu’elle était indifférente à tout ceci et qu’il ne l’achèterait pas avec de l’or et des bijoux… ce qui était bien dommage par ailleurs, ça aurait été plus simple. Est-ce qu’elle savait seulement pourquoi il avait fait le choix de cet endroit ? Dans le doute, il s’expliqua « Tu en as parlé une fois et tu avais l’air d’en avoir vraiment envie, de venir ici. » Il ouvrit la porte, s’apprêtant à s’avancer pour entrer au chaud avant de se raviser et de lui tenir la porte, non sans avoir, il est vrai, levé les yeux au ciel trouvant ça complètement crétin, se trouvant complètement crétin et n’ayant pas spécialement envie de passer pour un type qui tenait les portes aux filles. Alors qu’il venait à peine de rentrer dans le restaurant, qu’ils n’avaient même pas encore été installé à leur table, c’est dire à quel point c’était dans la soirée, il lui glissa « Une fois qu’on aura mangé, il faudra qu’on passe chez moi. » Lui demander son avis ? Si c’était possible ? Ah visiblement, c’était passé à la trappe, il était dans son truc, le cadeau qu’il avait pour elle, il l’avait laissé chez lui, se voyant mal le trimballer dans Londres, il avait préféré jouer la carte de la prudence et prendre soin de l’animal plutôt que de vouloir à tout prix donner son cadeau à Kiara. Et puis, il y avait autre chose, quelque chose qu’il ne dirait jamais mais qu’il ressentait, cette crainte, alors que lui était attaché à l’animal, ce qu’il nierait d’ailleurs, qu’elle le trouve nul. En toute objectivité, il se rendait bien compte que ce n’était pas l’oiseau le plus beau de la volière, certainement qu’il était un peu bête aussi mais il était plein de bonne volonté et puis Grigori avait passé du temps à essayer de le requinquer, à faire en sorte qu’il ait assez à manger. Alors ça ne se verrait pas et il ne le dirait pas mais il espérait ne pas s’être trompé sur son choix de cadeau.
Finalement, sans dire un mot de plus, il suivit le serveur jusqu’à leur table, observant tandis qu’il suivait ce dernier et Kiara, la laissant passer devant – beaucoup d’efforts qu’il fait le garçon – la tenue de la demoiselle, puis celle des autres filles présentes en ces lieux. Il y a pas à dire, Kiara n’avait rien à leur envier.