Une journée de plus qui s'achève au pays de l’alcoolémie. La tête qui tourne et la démarche en parfaite harmonie avec mon état, j'erre dans les rues sans but précis. J'aurai pu rentrer après avoir quitté le dernier pub où je m'étais décidé à mettre les pieds mais l'air frais me fait un bien fou et me donne davantage l'envie de traîner encore un moment plutôt que d'aller m'enfermer entre quatre murs. D'un geste un peu approximatif, je tâtonne l'intérieur de ma veste pour m'emparer de ma flasque et en boire quelques gorgées. Triste sensation d'insatisfaction en constatant qu'il n'y reste qu'un fond de Whisky. Je le vide d'une traite avant de me décider à revisser le bouchon. Qui chute aussitôt au sol, à cause des tremblements de ma main. Je soupire face à tant de maladresse et je me penche pour le ramasser. Deuxième tentative, nouvel échec. « Putaiiiin ! » Je me laisse tomber par terre, en plein milieu du passage. Ma logique plutôt embrumée me pousse à trouver ça plus pratique que de devoir me baisser sans arrêt. Et puis, le paysage semble tanguer un peu moins, dans cette position.

Après une bataille acharnée, j'en sors finalement vainqueur et je parviens même à faire retrouver sa place initiale à mon flacon. Je pousse un cri de joie, très fier de cet accomplissement. Je me relève un peu précipitamment, je chancèle sur quelques pas et je manque de peu de m'étaler comme une crêpe. Je respire à fond et je me concentre au maximum pour essayer d'aligner un pas après l'autre. Bon. Il serait temps de trouver une épicerie de nuit, où je pourrais me ravitailler et me remettre sur pieds. Ou pas, le dernier jeu de mots est sans doute très mal choisi mais ce n'est qu'un détail. Je déambule donc à l'aveuglette, en quête d'une enseigne encore allumée à cette heure tardive. Quand finalement je trouve mon bonheur, j'achète une bouteille de Vodka que j'entame avant même mon passage en caisse. Le vendeur a l'air plutôt contrarié mais s'abstient néanmoins de tout commentaire. Ça m'arrange, je suis pas particulièrement d'humeur ce soir et ma patience aurait certainement avoisiné le néant. Et puis, c'est pas comme si j'avais pas l'intention de lui payer sa foutue bouteille, alors il a plutôt pas intérêt à me faire chier, celui-là.

De nouveau à l'air libre, je m'imprègne de la fraîcheur automnale tout en m'imbibant le gosier. Je perds un temps fou à reprendre plusieurs fois le même chemin, en m'apercevant que je ne me souviens plus de l'endroit où j'ai garé ma voiture. L’illumination ne me vient qu'un bon moment plus tard, quand je repasse devant la devanture du bar dans lequel j'ai passé une bonne partie de ma soirée. Ma carcasse se traîne jusqu'à la rue que je cherchais, ce qui me laisse tout le loisir d'en apercevoir à l'autre bout, une gamine en train de faire mumuse avec des trucs en lévitation. Sous le choc, j'en lâche ma bouteille qui s'éclate au sol avec fracas. Donc ça y est, c'est la fête ! Plus de secret Sorcier et ces malades se permettent de pratiquer leur magie à la vue de tous et même des Moldus ! Non mais j'hallucine, quoi ...

Sans prendre le temps de réfléchir davantage, je me précipite à la rencontre de la jeune femme. Le dernier Sorcier que j'ai croisé m'a filé bien trop facilement entre les doigts pour que je puisse me permettre de faire la même erreur une seconde fois. Celle-là n'y coupera pas. Et puis, vu la mandale que je m'étais pris en rentrant au QG pour avoir tenté d'assassiner l'un d'entre eux sur un coup de tête, autant dire que j'ai plutôt tout intérêt à leur ramener vivante. Visiblement décidée à en finir avec ses idioties, la jeune femme récupère ses courses, s'apprêtant à partir. J'en profite pour me faufiler derrière elle et enserrer ses bras de l'un des miens. Mon autre main vient aussitôt se poser sur sa bouche pour l'empêcher d'ameuter le voisinage. Les effluves d'alcool qui émanent de sa personne me poussent à croire que la demoiselle est au moins aussi éméchée que moi. En vue de la légèreté de sa tenue et du peu de discrétion dont elle a pu faire preuve, j'aurai sans doute dû m'en apercevoir plus tôt.

Requinqué par la tournure inattendue des évènements, je traîne la demoiselle jusqu'à ma voiture. Ma main quitte ses lèvres un instant pour partir à la recherche de mes clés, avec lesquelles je tâche d'ouvrir le coffre de ma voiture. Avec ma délicatesse habituelle – soit aucune – je la jette à l'intérieur puis je l'enferme à double tour. On est jamais trop prudent avec ces gens là. Je me précipite à l'avant pour prendre place sur le siège conducteur, plus fébrile que jamais. Bon, chaque chose en son temps. J'ai besoin d'un petit remontant et cette conne m'a privé du peu d'alcool qu'il me restait. D'un geste brusque, j'ouvre la boîte à gants et ma main se met à en fouiller l'intérieur. Après quelques recherches, mes doigts se referment sur un bout de shit. Parfait. J'en ressors aussi un paquet de tabac et des feuilles pour me rouler un joint. Je l'allume aussitôt que j'ai fini de le préparer et je m'avachis sur mon fauteuil, tout en tirant quelques taffes. Je soupire de bien être. J'ouvre la fenêtre pour laisser les volutes de fumée s’échapper au dehors puis je me penche sur le tableau de bord pour attraper mes lunettes de soleil, que je fiche aussitôt sur mon visage. Certes inutiles à une heure aussi avancée de la nuit mais c'est toujours préférable que de laisser à mes collègues l'occasion de voir ma tronche pas bien fraîche, ces emmerdeurs trouveraient sans doute encore moyen de se plaindre de mon état. Après avoir allumé le poste pour mettre la musique à fond, je démarre la bagnole. Direction le QG.