Le bruit de la porte qui se fermait, Théo resta à regarder cette porte sans bouger, jusqu’à ce qu’il sente que Sélénya venait se tenir à lui. Il tourna la tête pour regarder sa copine, la laissant venir contre lui. Pas un mot ne s’échappait de ses lèvres. Il n’était pas encore parfaitement sûr que tout allait bien, ce qu’il savait en revanche c’est qu’elle n’était pas partie avec Kiara. Elle était là, avec lui et ce qui était fou, c’était de se dire que ça ne tenait qu’à un fil. Ils n’étaient même pas maître de leurs destins, il pouvait l’aimer de toutes ses forces, de toute son âme et la vouloir avec lui de tout son cœur. La vérité c’est qu’il n’avait pas le moindre pouvoir, elle non plus d’ailleurs qu’ils devaient accepter d’être jugé, d’être détesté ou accepté, et il vivait la chose ultra mal. Il l’attrapa dans ses bras, l’enlaçant doucement et la regardait. Est-ce qu’il n’avait pas failli la perdre ? Cette crainte avait du mal à s’effacer et pourtant, il était certain de ses sentiments à elle aussi, il sentait bien qu’elle avait été ébranlée elle aussi.
Lorsqu’elle se redressa, machinalement, il passa une main dans son dos afin d’éviter qu’elle ne se fasse mal. Leurs fronts vinrent se poser l’un contre l’autre et il la regardait essayant de lire, sans succès, dans son regard pour voir comment ça allait de son côté ? Est-ce qu’en réalité elle avait envie d’être ici ou aurait-elle préféré rejoindre sa sœur pour s’expliquer sans oser le faire parce qu’il était là lui et qu’elle devait bien se douter au fond d’elle qu’il ne vivait pas son meilleur moment. A sa première phrase, il esquissa un sourcil sans dire le moindre mot, à la rigueur il n’aurait pas dit ça, que ça aurait pu être pire, ça oui sans problème mais il avait aussi le regard de Kiara en tête et il ne pouvait pas dire que ça s’était bien passé. Alors oui, il admettait sans sourciller qu’elle était d’une loyauté envers Sely qui forçait le respect, elle ne trahirait pas sa sœur, mais ça s’arrêtait là.

Se poser ? Oui, bonne idée, il avançait avec elle vers le canapé jusqu’à ce qu’elle lui lâche la main. Ah ce fut direct pour le coup, il tourna la tête étonnée vers elle. Elle changeait d’avis ? C’est parce qu’il ne disait rien ? Il s’apprêta à répondre à toutes ses phrases d’un coup pour la faire rester, sauf que même là, il était moins rapide qu’elle. Elle lui annonçait qu’elle le rejoignait ? Il cligna des yeux quelque seconds avant de hocher la tête. Après tout, il y avait tout un tas de raisons pour qu’elle lui dise cela, il n’y avait rien d’alarmant là-dessous.
Il mit à profit le temps qui lui était donné pour s’asseoir sur le canapé. Ça remettait en cause toutes les perspectives d’avenir tout ça, comment pourraient-ils espérer avancer ensemble si à la moindre personne l’apprenant, ils étaient totalement terrifiés à l’idée que ça se passe mal. Et puis, il y avait quelque chose qui était alarmant aussi, depuis qu’il était en couple avec Sélénya, il se passait rarement plus de trois minutes sans qu’il y ait un bisou, un câlin ou un contact tout simplement et là, il n’y avait plus rien. Elle s’était assise à ses côtés en revenant… en même temps elle n’allait pas s’asseoir sur le tapis mais pas de mains venant chercher la sienne, pas de baiser, rien. Et elle lui demandait si ça allait. Il la regarda dans les yeux. « J’ai l’impression qu’on a régressé. Tout allait bien, on commençait à se projeter, un peu. » Il baissa son regard sur ses mains « Et maintenant j’ai l’impression qu’on vient de nous rappeler que le seul avenir que l’on a c’est quand on est entre ces quatre murs et encore, si personne ne vient à l’improviste. »  Il poussa un soupir « Mais en même temps, moi je n’ai pas envie d’être avec quelqu’un d’autres, j’ai pas envie que ça s’arrête, je tiens à ce nous. »

A la question qu’elle lui posait, il n’avait pas la moindre réponse à lui fournir. Comment pouvait elle espérer qu’il connaisse les réactions de tout un tas de personnes. « On peut se tromper. Oui ils peuvent bien le prendre, nous n’en savons rien et si la pire réaction c’est celle que ta sœur a eu parce qu’elle a été sous le choc, au moins autant que nous. Alors franchement nous n’avions rien à craindre. » Cependant, il n’était pas dupe non plus, Kiara avait généralement un caractère plutôt tranquille, ça n’était pas vraiment celle qu’il craignait le plus. « Mais si on ne se trompe pas et que ça dégénère, tout ça, ça s’arrête Sélénya et quand je dis tout, c’est tout. Si tu es prête à prendre ce risque, alors parlons-en à nos proches. » Il n’était absolument pas prêt parce qu’il pressentait au fond de lui que ce serait la dernière fois qu’ils feraient quelque chose ensemble. Ce n’était pas ce qu’il voulait, lui il voulait continuer à se réveiller de temps en temps contre elle, avoir les yeux qui brillait parce qu’elle passait à l’improviste parce qu’elle en avait envie, parce qu’elle pouvait. Tout cet équilibre était fragile et il ne voulait pas le risquer. Aujourd’hui, ce qu’il avait surtout compris c’est qu’ils n’étaient à l’abri de rien, qu’aucun lieu ne protégeait réellement leur idylle. Les seuls protecteurs de cette dernière c’était eux deux et les personnes qu’ils avaient mis au courant, plus ou moins volontairement et ils allaient devoir redoubler d’efforts.

S’il ne pouvait sentir la main de Sélénya, ni même sa chaleur, il y en avait un autre qui avait décidé de venir pointer le bout de son nez. En bon gros fûté qui se respecte, il se cala entre eux deux, déjà parce qu’au moins, comme ça il était sûr qu’ils ne pourraient pas se détourner de lui pour faire des câlins mais surtout parce que comme ça naturellement les mains des deux êtres humains allaient venir lui fournir des caresses. Ce qui ne manqua pas du côté de Théo parce qu’il faut bien dire qu’un geste machinal, ça permettait de décompresser et puis le ronronnement de l’animal roux, ça avait quelque chose d’apaisant, même si très franchement, à choisir, il aurait préféré un contact avec Sélénya mais bon, elle devait être, elle aussi, un peu déboussolé et ça ne devait pas être sa priorité, pour le moment.

Au premier son qui sortit de la bouche de Sélénya, il tourna la tête pour la regarder. Bien sûr qu’elle ne voulait pas que ça s’arrête, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure qu’elle était mordue de lui. Chose sur laquelle chacun allait devoir travailler durant l’année scolaire. Pas de doute, ça allait être compliqué ou pas d’ailleurs s’il faisait n’importe quoi comme aujourd’hui et qu’il manquait de faire voler en éclat leur couple parce qu’il manquait de prudence. Quant à la question de vouloir quelqu’un d’autres, ça aussi, il n’en doutait pas une seconde parce que si c’était le cas, ils n’en seraient plus là, ils ne seraient pas dans ce canapé à discuter. Elle ne viendrait probablement plus ici non plus, quoi que si, elle viendrait mais l’excuse je vais voir Alcyone serait une vérité et non plus juste une excuse pour pouvoir voir son copain. Il répondit simplement « Je sais bien Sélénya. »

Il était plus pessimiste qu’elle, c’était un fait indéniable, là où lui pointait du doigt tout ce qui n’allait pas, Sélénya faisait l’effort d’enrober les choses, de chercher le rayon de soleil à travers les nuages et elle avait raison dans ses propos. Lui aussi aurait pu les voir s’il cessait de s’inquiéter autant. Il hocha la tête, une personne de plus au courant, une personne qu’une fois encore, ils n’avaient pas voulu mettre au courant, ça commençait à être un peu craignos, le nombre de personnes au courant augmentait et ça provoquait des sueurs froides à Théo, il suffisait d’un rien pour qu’une personne en colère contre l’un, ou l’autre ait le malheur de tout répéter. Et au milieu de tout cela, il y avait cette confidence qu’elle lui faisait et qui eut au moins le mérite de le faire sourire. Il se retint de venir chercher sa main, ses lèvres, sa présence, se contentant de répondre avec un sourire « Pour moi, c’est pareil. Peu importe les difficultés, c’est avec toi que je veux être. » De toute façon, s’il était sincère, il pouvait se dire qu’il savait très bien que leur avenir pendant un long, très long moment, ce serait entre ces quatre murs, oui c’était chiant, parce qu’il avait l’impression – totalement vraie d’ailleurs – de ne pas avoir le droit de l’aimer. Et puis, s’il faisait un petit effort, ce n’était pas si mal ici, ils passaient de très bons moment l’un avec l’autre.

Bon par contre, au fil des mois, il n’avait visiblement pas appris comment s’adresser à Sélénya. Ah non mais dans le genre boulet, pas de doute, il avait toujours la prime. En fait, à l’instant où il termina sa phrase, c’est fou, mais il savait déjà que ça n’était pas passé du tout. Il la regardait, son regard il le connaissait, il savait le déchiffrer et quelque chose se passa dans ce dernier, elle semblait blessée et il n’était pas certain de savoir pourquoi. Et si habituellement, celui des deux qui se coupait à toute conversation c’était lui, là c’était elle. Elle ne répondit pas dans la foulée, sa poitrine se soulevait à intervalle beaucoup plus rapide et même les caresses sur Paprika n’étaient pas naturelles, elle se forçait. Alors pas dans le sens où elle n’avait pas envie de caresser le chat, mais ses doigts étaient comme hésitants… chose que le chat ne remarquait même pas, lui tant qu’il avait des câlins. Elle finit même par tourner la tête signe qu’elle était incapable de soutenir son regard

Elle s’éteignait au fur et à mesure des secondes qui passaient, sa gorge se serrait et celle de Théo aussi comme un parfait miroir de celui de sa copine. Puis elle reprit la parole après un long, très long moment pour dire que ce n’était pas ce qu’elle voulait. Il ne la coupa pas, écoutant tout ce qu’elle avait dire, le fait qu’elle ne voulait pas que ça s’arrête, qu’elle l’aimait, qu’elle avait peur pas spécialement de la réaction des autres mais une peur de les perdre eux, tout simplement. Lorsqu’elle eut terminé de parler, il se leva – bah forcément vu que le crétin de chat l’empêche de la ramener contre lui –. Il vint se placer devant elle, écarta en douceur ses cuisses afin de ne pas l’écraser puis grimpa de nouveau sur le canapé à genou dans l’espace qu’il venait de créer, s’asseyant sur ses propres pieds. Ses deux mains vinrent s’emparer des mains de sa chérie, chacune la sienne pour venir les poser sur le canapé, sans que les siennes ne les lâchent. Puis il vint poser son front contre le sien, seule surface épargnée par les larmes. « Hé, ça ne s’arrêtera pas, tu ne me perdras pas » Son nez effleurant doucement le sien, il reprit après une seconde « Je t’aime aussi. » Et c’était tout ce qui importait, tant que chacun était sûr de ses sentiments et avait confirmation sur ceux de l’autre, ils s’épaulaient. Il caressait ses doigts, pensif. Comment dire le reste « Je ne partirais pas Sélénya, à aucun moment. Le jour où je t’ai dit que tu valais la peine que je me batte pour toi, j’étais sérieux. » Il la regarda dans les yeux, son regard brillant de détermination « Tant que toi tu seras là, tant que toi tu auras envie de te battre pour ce que l’on partage tous les deux, je serais là pour me battre à tes côtés. » Sa main droite lâcha celle de Sélénya pour venir remonter à son visage et son pouce vint caresser le haut de ses joues, l’une après l’autre, afin d’effacer toute trace de larmes. Il n’était pas spécialement joyeux lorsque sa copine pleurait, alors déjà de bases, mais alors quand c’était à cause de lui, bonjour la culpabilité. Il lui souffla donc doucement « Je suis désolé de t’avoir blessé. Je tiens vraiment à toi et je ne te reprochais rien et je crois que j’ai eu tort, j’aurais dû te laisser en parler à Kiara avant. » Il sentit une boule se former dans sa gorge mais il alla au bout de sa pensée. « Je te fais confiance, si tu as envie de le révéler à quelqu’un, je ne m’y opposerai pas, c’est promis. » Au moins, qu’aujourd’hui lui serve de leçon à lui, elle connaissait ses amies, ses proches et autant le dire à tout le monde serait d’une débilité sans nom, autant ceux en qui elle avait confiance, aucun intérêt de la forcer à se taire, à part briser la confiance derrière. Il déposa en douceur un baiser sur ses lèvres, bien que fronçant le nez en sentant le goût de sel… non vraiment les lèvres de Sélénya après avoir pleuré, ça n’était pas son truc.

Qu’elles étaient compliquées ces discussions parfois, lorsque la peur le tenaillait, il manquait décidément d’un peu de jugeotte et il blessait. Il pouvait comprendre qu’elle ait peur tout d’un coup, il ne s’était pas exprimé de la meilleure des façons. Il lui fallait donc réparer ses bêtises. Se lever, venir jusqu’à elle et se poser entre ses jambes, rien que ça. Il n’avait aucune idée de comment l’aider à ne plus pleurer, mais il voulait lui montrer qu’il était là pour elle, voulant être là pour elle, lui montrer qu’elle n’avait pas à avoir peur, son futur il le voulait à ses côtés. Ce qui est fou c’est qu’elle aurait pu se raidir, ne pas vouloir qu’il vienne l’embêter, rentrer dans sa bulle, il ne sentit pourtant aucune résistance lorsqu’il attrapa ses jambes. La confiance était solidement installée entre eux et cela le touchait encore plus en cet instant de voir que même un peu blessé, elle ne cherchait pas à se soustraire à son contact, par contre pour ce qui était de le regarder, pour le moment c’était fichu. Ce n’était pas grave, ça allait s’arranger, il allait veiller à ce que cela s’arrange. Chercher le contact tout doucement et tenter par ses mots, par ses gestes de lui montrer qu’il l’aimait réellement et qu’il n’avait jamais eu l’intention de la lâcher suite à leur entrevue avec Kiara. Alors bien sûr, si la futur médicomage s’était comportée différemment, le discours de Théo à l’heure actuelle aurait été très différent mais puisque ce n’était pas le cas, il pouvait bien la rassurer.

Cela sembla d’ailleurs fonctionner, elle finit par ouvrir les yeux, et quel regard elle avait, bon d’accord un peu humide pour le moment, mais cela n’empêchait clairement pas Théo de le trouver beau. Elle se remettait, bruyamment il faut le dire, mais bon ça il pouvait comprendre et il n’allait quand même pas se payer sa tronche, oulah c’était le risque d’avoir une dispute par la suite, l’humour était à proscrire pour le moment.

Il lui fit un sourire tandis qu’elle disait qu’elle serait là aussi, qu’ils seraient ensemble contre tous – ou presque tous – quoi qu’il advienne.  C’était tout ce qu’il voulait, une unité entre eux et que rien ne puisse les pousser dans leurs retranchements. Il était temps aussi de reconnaître qu’il avait eu tort pour Kiara, tort de lui demander de ne rien dire, parce que de son côté, il l’avait bien dit à Alcyone, alors certes, ce n’était pas totalement la même chose, Alcyone aimait son frère et aimait Sely, donc s’il y avait bien une personne qui pouvait accepter leur relation, c’était elle. Mais même sans ça, il savait que peu importe qui ça aurait été, Alcyone n’aurait rien dit, alors pourquoi Kiara l’aurait fait ? Sa copine de son côté comprenait les doutes qu’avait pu avoir Théo, il fit la moue avant de dire « Oui, bien sûr que je ne pouvais pas savoir mais avec le recul, je me dis que si l’on ne peut pas faire confiance à la personne que l’on côtoie depuis toujours, ça craint. » A présent, il allait falloir qu’elle parle avec sa sœur et Théo ne pouvait qu’espérer que ça se passerait bien entre les deux Macmillan parce que purée, des fois ce que les sœurs pouvaient être chiantes. Après, il faut aussi reconnaître que Kiara était un peu moins caractérielle qu’Alcyone… et Sely non parce qu’elle a son petit caractère la pouffy en vrai. S’il vint l’embrasser en douceur, presque timidement même et qu’il pouvait sentir le goût de ses lèvres, bientôt, ça n’eut plus d’importance. La sensation était bien trop agréable pour le rebuter et puis elle le ramenait contre lui, rien que ça suffisait à lui plaire. Après, ce n’était pas ce genre de baiser qui risquait à tout moment de les mener vers un besoin charnel, non c’était bien trop mignon pour cela. Le baiser se transforma bien vite en langoureux mais restait juste un moment de tendresse et de réconfort pour l’un comme pour l’autre. Il ne s’éternisa pas tant que ça et elle reprenait la parole pour lui dire qu’elle n’avait personne à mettre au courant, pas de problème, c’était elle qui voyait, il lui laissait juste le champ libre, esquissant juste un sourire plein de tendresse lorsqu’elle le remerciait. « J’ai toujours eu confiance en toi tu sais, je n’ai jamais douté que tu ferais les choses biens. »

Un moment de pure tendresse où ils profitaient juste de la présence de l’autre, après avoir cru que leur histoire allait voler en éclat, c’était tout ce qui fallait au couple. Son front contre celui de sa copine, Théo ne cherchait même plus le contact de ses lèvres, il était bien contre elle tout simplement, savourant la caresse de son nez contre le sien, les yeux fermés, écoutant le cœur de la demoiselle battre contre le sien. Lorsqu’elle reprit la parole, il rouvrit les yeux pour la regarder, son étonnement se lisait dans son regard. Elle était vraiment en train de lui dire qu’elle voulait qu’il se lave ? Alors autant, il trouvait ça très gentil de sa part de ne pas dire ouvertement qu’il puait le fauve, autant, dans un moment comme celui-ci, il n’était pas du tout motivé pour la quitter, il était bien contre elle. Il s’apprêta néanmoins, par pur gentillesse, à lui dire d’accord et qu’il revenait rapidement, sauf qu’elle reprit la parole avant qu’il n’ait eu le temps de parler… Ah ? Il n’y allait pas seul ? Voilà qui était beaucoup plus alléchant comme programme. C’est dingue mais là, il répondit directement « Je suis partant. » Oh bah oui, non mais il n’était pas fou, un moment privilégié avec sa copine nue, autant il n’avait pas l’intention de lui faire l’amour dans la douche, autant il trouvait l’idée particulièrement intéressante et alors le moment de grâce, qui démontrait d’ailleurs que Sélénya n’était pas encore elle-même, elle acceptait d’être portée. Il écarta son front du sien avec un immense sourire qui reflétait très bien à quel point il était fier comme un paon à cet instant « Mais avec plaisir madame. » Il se leva d’un bond et l’attrapa pour la soulever, faisant mine pendant quelques instants de la porter comme un sac à patate juste pour l’enquiquiner – bah sinon c’est pas drôle hein – avant de se raviser et de ramener ses fesses juste au-dessus de son bassin « Si madame veut bien se donner la peine d’enlacer de ses jambes ma taille afin que ça soit plus pratique de la porter, ça m’arrangerait bien. »

Une fois sa copine bien installée, il déposa un baiser sur ses lèvres, c’était le moyen de paiement, un bisou, puis il l’emmena en haut à pied. Non parce qu’autant transplaner avec elle, ça ne lui posait pas le moindre soucis, autant s’il pouvait gagner un peu de temps à l’avoir dans ses bras et à la porter, il prenait carrément le temps. Il ne s’arrêta qu’une fois dans la salle de bain « Je te prête un t-shirt à moi ou tu ne dors pas là ? » Ce n’était pas toujours évident de savoir à l’avance. Ce qu’il savait par contre, c’est qu’il fallait être nue pour aller dans la douche, il l’installa donc sur le meuble où était rangé les serviettes et se chargea de la déshabiller « Bain ou douche madame mon copain pue mais je ne veux pas lui dire donc je m’oblige à prendre une douche afin de ne pas le vexer. »

Non porter Sélénya comme un sac à patate dans ce cas de figure n’avait pas été l’intention de Théo. Il connaissait sa copine, un peu, et savait que ça ne passerait pas vraiment et puis il  y avait autre chose de plus important que de l’embêter, c’était pouvoir la regarder et pouvoir sentir son regard. Il ne voulait clairement pas la mettre en colère, surtout maintenant, surtout après avoir risqué de tout perdre. Ils avaient besoin l’un, comme l’autre d’avoir un moment ensemble. Elle le menaçait en plus, quelle copine indigne, lui qui faisait les choses si bien pourtant. Il fit mine d’être offusqué « Plus jamais ? Tu es en train de me dire que plus jamais je n’aurais l’occasion de pouvoir te montrer comment je suis fort et comme il m’est facile de te porter ? Je vais faire attention alors à ne pas trop en profiter au risque d’être malheureux à cause de toi, toute ma vie. » Il exagérait carrément et son sourire démontrait qu’il n’était pas réellement inquiet, déjà parce qu’il savait respecter les limites de Sélénya – sinon ils auraient couché ensemble bien avant fin mai – mais aussi parce qu’il la connaissait et qu’en cet instant, elle ne demandait pas à être porté pour lui faire plaisir à lui – pas uniquement en tout cas – mais bien parce qu’elle n’avait pas envie de quitter l’espace de ses bras.

Il n’empêche que c’était une sensation un peu particulière qui l’envahissait lorsqu’il la portait. Il avait conscience qu’elle n’était plus la jeune fille ce manque de respect qu’il avait porté le soir où ils étaient venus la trouver, elle n’avait plus besoin de lui comme ce soir là où elle était cramponnée à lui. Il n’empêche qu’une fois dans ses bras, elle le laissait gérer, elle lui offrait toute sa confiance. Elle n’avait pas besoin qu’il la porte, elle savait marcher, était en pleine possession de ses moyens et même si c’était sûrement parce qu’elle ne voulait pas le lâcher deux secondes, elle savait parfaitement qu’il serait tout content, son sourire l’avait assez bien démontré. Elle obéit à la requête de son chéri, passant ses jambes autour de lui pour se tenir et fut récompensé – pas que, il en avait envie aussi – par un baiser. Elle finit par poser sa tête sur son épaule, elle relâchait toute la pression de la journée par ce geste. Il s’apprêtait à lui demander si ça allait, sentant non pas un malaise entre eux mais, elle n’était pas bien et il ne semblait pas en mesure de pouvoir faire quoi que ce soit, sauf qu’il fut très vite occupé à savourer ses bisous, tandis qu’il l’emmenait. Au moins, il pouvait être sûr d’une chose, elle ne doutait pas de leur couple.

Suite à la question qu’il posa, il y eut un moment de silence. Par ce silence, il savait qu’elle réfléchissait à la question sérieusement. Il évita donc de l’influencer. De toute façon, elle savait que lui, il était toujours partant pour qu’elle dorme ici. Un grand sourire illumina son visage lorsqu’elle répondit. Ça aurait dû ne pas le réjouir qu’Alcyone soit l’excuse mais il était tellement content du résultat, du fait qu’il allait pouvoir dormir contre elle, qu’il se moquait éperdument que la raison fournit aux parents soit une fois de plus un mensonge – parce qu’ils n’avaient pas le choix, Sely n’était en rien responsable. – Il la posa sur le meuble pour la déshabiller tandis qu’elle optait pour le t-shirt, l’inverse eut été étonnant, ce n’est pas comme si à chaque fois qu’elle en avait l’occasion, Sélénya ne lui chippait pas un t-shirt. S’il la déshabilla, ce n’est pas pour autant qu’il resta habillé bien longtemps, ah non mais vraiment, il devait sentir tellement mauvais qu’elle ne voulait pas perdre une seconde. Quoi que, ça dépendait un peu, elle l’attrapait pour ne pas qu’il ne file et il fit un ou deux pas, répondant à la sollicitation de la demoiselle et venant se caler juste devant le meuble, restant entre ses jambes bien sagement.

C’est qu’elle ronchonnait la demoiselle. Bon alors, c’est vrai, elle n’avait pas les sourcils froncés, le fait qu’elle le maintienne contre elle, tout cela démontrait qu’elle n’était pas agacée ni rien, mais elle ronchonnait tout de même. Il lui offrit un sourire, emplit de fierté… beaucoup d’ego en cette fin d’après midi de la part de Théo, quand elle lui dit que c’était pour elle – alors elle ne puait pas d’ailleurs hein – mais qu’elle préférait qu’ils soient ensemble. Et là, la fourbe, elle l’embêtait. Ah non, ça ne se faisait pas ça !  Et puis alors c’est qu’elle papillonnait des yeux, la sale gosse, ça donnait envie de l’embrasser. La première chose qu’il trouva à faire, ce fut de la reprendre, et là ce fut instinctif, dans la foulée, c’est limite s’il ne l’interrompit pas « notre salle de bain. » Il eut un moment de doute néanmoins qui passa dans son regard, comme si au final, il n’avait pas le droit de penser cela. Il s’empressa donc de reprendre, espérant que comme ça elle n’aurait pas le temps de capter quoi que ce soit « Si tu veux la prendre avec moi, je n’ai aucune bonne raison de refuser. » D’un geste de la main, il montra les jambes de sa charmante copine qui le bloquait, comme si c’était l’argument ultime, alors que clairement, dans son regard il était très clair qu’il ne voulait être nulle part ailleurs en cet instant qu’avec elle.

« Va pour un bain alors et tu ne le prendras pas toute seule. » Elle se chargea de remplir la baignoire et ce ne fut qu’une fois cette dernière remplit qu’elle le libéra. Il tendit la main pour l’aider à descendre du meuble – même si elle était bien assez sportive pour le faire toute seule – et il se glissa dans la baignoire avant d’être rejoint par sa copine. Au fait qu’elle vienne attraper ses doigts, Théo se rendit bien compte que ça n’allait pas de son côté. « A quoi tu penses ? » Il l’observa quelques secondes avant de reprendre « Si tu te poses des questions au sujet de notre couple, il faut que tu saches une chose. J’ai passé un très bon été à tes côtés. » Il fit une pause avant de reprendre « D’accord, ce n’est pas l’histoire d’amour la plus simple au monde mais on est bien ensemble, pas vrai ? Tu le pensais quand tu as dit à Kiara que tu étais heureuse, non ? Quelque chose a changé ? » Il déposa un baiser sur sa joue, plein d’affection « On peut continuer ensemble ? D’accord ça sera chiant de ne pas pouvoir se voir autant qu’on le voudrait mais, à la rigueur, quand ça devient trop dur, on peut avoir une espèce de code et on pourrait essayer de se retrouver ici. Ça te dirait ? » Bon, le problème, c’est que ça deviendrait vite trop dur mais Théo comptait bien ne pas mettre en péril leur histoire par manque de prudence. Tout à l’heure lui avait au moins servi de leçon.

Si tout ce qui était dans cette maison appartenait au propriétaire originel des lieux. Théo n’était sans doute pas le genre de personne à être un égoïste fini. Le genre de personne disant à tort et à travers que ça c’était à lui, et ça aussi. Bien sûr qu’il avait eu cette période lorsqu’il était plus jeune mais c’était passé fort heureusement, sinon il serait insupportable. C’était donc des réflexes quand il reprenait Sélénya, ou quant il disait à Alcyone qu’elle était chez elle. C’est bien beau de posséder mais si on ne partage pas avec les personnes qui font parti de notre vie, on finit seul quelque part. Alors, comme un réflexe, il avait repris Sélénya avant de se dire que si c’était sa façon à lui de voir les choses, ça n’était peut-être pas celle de sa copine. Ce qui pouvait aisément se comprendre elle avait à peine plus de vingt ans. Sa maison, c’était celle de ses parents. Elle n’avait sûrement pas l’intention de s’installer autre part en réalité, c’était trop tôt et cela peu importe le temps si leur relation aurait duré depuis des plombes, ça ne changeait pas l’âge de sa copine après tout et puis, lui à l’âge de Sélénya, il était encore chez ses parents et ne s’en portait pas plus mal, n’aurait d’ailleurs probablement pas eu envie de partir. Il essaya donc de changer de sujet. Est-ce que ça fonctionna, pas le moins du monde. Sélénya se reprenait, elle ne leva pas les yeux comme pour montrer qu’il lui cassait les pieds, non loin de là. Elle avait même ce petit sourire qui n’avait pas l’air faux. Serait-il possible qu’elle soit bien plus mature que lui au même âge et qu’elle entrevoit la possibilité de vivre ici, qu’elle se sente un peu chez elle ? Il n’en savait trop rien.

Quoi qu’il en soit, ce n’était peut-être pas le moment de se poser des dizaines et des dizaines de questions puisqu’il finissait dans l’eau avec elle. Cela suffisait à se sentir bien pour Théo. Sauf que si lui était parfaitement bien tout proche d’elle. Habituellement, ils parlaient tous les deux et là grand silence. Donc, à ses yeux, c’est que quelque chose n’allait pas. Il se doutait bien que c’était un tout combiné, le fait que Kiara soit venue et ait découvert le pot aux roses, que derrière à l’inverse son copain lui dise qu’elle était chez elle, les vacances allaient se terminer et avec elles, leur facilité à se voir.  Alors, il prit la parole, essayant de lui faire comprendre qu’il n’avait pas envie que cela s’arrête, bien sûr, au final, la décision revenait à Sélénya, bien entendu. Il essayait de mettre toutes les chances de son côté pour que ça dure, tentait de parer à toute éventualité pour qu’elle soit convaincue – dans l’hypothèse où elle ne l’était pas déjà. Du coup, il fallait qu’il dise tout ce qu’il avait en tête, il l’empêcha plus ou moins volontairement de parler avec ses mots, avec le fait qu’il essayait de lui montrer son affection par un baiser sur la joue, histoire qu’elle se rende compte que oui bien sûr qu’il aimait coucher avec elle, qu’elle l’attirait et qu’elle lui donnait envie de l’embrasser mais il n’y avait pas que ça. C’était elle qu’il aimait, pour sa personne avant son physique, d’où le baiser sur la joue et non sur la bouche.

Quand il n’eut plus d’argument, il se tut, la laissant alors parler à son tour. Tout d’abord elle se redressa, un peu, restant néanmoins contre lui, elle était juste à sa hauteur. Ses premiers propos soulagèrent un brin l’infirmier. C’est dans ses propres réactions, à ces moments-là, qu’il se rendait compte à chaque fois qu’il était réellement amoureux et qu’il était dans l’incapacité total de voir son avenir sans elle, ce qui était somme tout assez inquiétant malgré tout parce que oui, il avait la crainte de ce que les parents de la demoiselle pouvaient penser, forcément. Sauf que ça passait au second plan face à son envie à lui de rester avec elle. Il ne répondit pas directement, si elle avait su écouter tout à l’heure, il le faisait tout aussi bien, esquissant un sourire rempli de reconnaissance lorsqu’elle disait être bien avec lui, sachant qu’elle ne parlait pas là que du fait de prendre un bain ensemble.

Elle était heureuse, grâce à lui ou en étant avec lui ? Dans tous les cas, il n’était pas étranger à ce bonheur et ça lui faisait plaisir de se dire qu’ils avaient trouvé leur équilibre ensemble. Il était fort probable qu’en effet, il ne puisse pas imaginer à quel point elle l’aimait. Ce n’était pas chose aisée, il ne s’était pas rendu compte qu’elle l’aimait avant qu’elle ne le lui dise, il paraissait donc évident qu’il n’avait qu’un petit aperçu de ses sentiments. Les seuls sentiments dont il se rendait vraiment compte étaient les siens et eux, ils étaient vraiment puissants.
Au moins, dans ce qu’elle disait, il pouvait comprendre qu’effectivement, il se passait quelque chose dans son esprit – en même temps Sely qui ne parle pas, forcément hein – mais que ça ne concernait pas leur couple en lui-même, ça devait être lié mais pour l’envie d’être ensemble, ça semblait ne pas être un problème. Il la regarda attendri, heureux et fier. Elle avait prévu de rester dans sa vie un bon bout de temps, s’il comprenait bien ses dires, leur histoire n’était pas près de se terminer, chacun voulant la même chose, construire un avenir autour d’un nous.

Il y avait néanmoins une ombre au tableau. Cette ombre qui menaçait depuis le tout début de leur relation de les engloutir pour ne plus avoir la possibilité de voir la moindre lumière. Alors sûrement qu’au début, dans leur inconscient à chacun, ils s’étaient dit que ça ne durerait pas forcément longtemps, une espèce de fantasme partagé, qu’une fois le désir assouvi, ils se rendraient compte que ça ne valait pas la peine de tout risquer. C’était totalement stupide, ça n’avait jamais été une histoire de sexe entre eux, il n’y avait aucune raison que le seul désir qu’ils avaient l’un pour l’autre soit juste physique et qu’après ça finisse par leur passer, ça non. Le problème c’est que plus les mois passaient et plus ils se rendaient compte, forcément qu’il tenait à leur couple, qu’ils n’avaient pas envie que ça s’arrête et qu’il y aurait un jour où ils auraient la possibilité de se mettre en ménage réellement, que le temps des excuses pour passer en coup de vent ici serait terminé et qu’il faudrait assumer. Aujourd’hui, avec le fait que la sœur de Sélénya venait d’être mise au courant et pas de la manière la plus sympathique qui soit, ça rapprochait un peu plus le couple de cette ombre qui planait. S’il ne répondit rien, il devait reconnaître qu’il comprenait ses doutes, que ce n’était sûrement pas évident d’avoir à penser à tout cela à l’âge de Sélénya. Que pouvaient ils bien faire, à part faire un peu plus attention ? Rien du tout. A la rigueur le dire, pour au moins s’enlever ce poids des épaules mais c’était aussi le risque de devoir faire une croix l’un sur l’autre et après un état à découvrir ce que c’était d’être avec ce qui s’apparentait le plus à une âme sœur, Théo n’était pas tellement chaud.

Son esprit allait être dévié par les paroles suivantes. Elle était réceptive à l’idée du code. Lui tout ce qu’il voulait au départ, c’était ne pas être quitté et lui donner une solution pour ne pas avoir à l’être. Néanmoins si ça pouvait les aider, c’était à prendre en compte. Il réfléchissait lui aussi à un code, même si, il est vrai qu’il était plus occupé à câliner sa chérie qu’à réellement chercher, son pouce traçant des motifs imprécis sur la main de sa copine tandis que ses lèvres déposaient des baisers sur l’épaule de sa chérie. Elle finit par prendre la parole ce qui le fit s’arrêter, écoutant ce qu’elle avait à lui proposer. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle avait des bonnes idées… et qu’elle utilisait Paprika, comme quoi hein ce chat n’était pas seulement un cadeau mais bien un allié qui s’ignorait. Il aimait beaucoup la formule qu’elle avait choisi, bien que ses premiers propos soient plus pour la taquiner « Les gens vont croire que tu es totalement amoureuse de mon chat et que c’est réciproque. »Il aurait bien secoué la tête pour montrer qu’il n’avait pas d’autres idées mais le nez de Sélénya vint frotter sa mâchoire et il aurait été dommage de la faire souffrir. « Ton idée est très bonne, j’aime bien comment ça sonne. L’année devrait mieux se passer de cette manière. »

Il réfléchit quelques minutes avant de reprendre la parole « Ton sommeil va mieux depuis que tu dors de temps en temps avec moi n’est-ce pas ? »C’était une question récurrente, il n’avait pas vraiment besoin de confirmation, il s’en rendait compte ne serait-ce qu’aux cernes qui avaient totalement disparu de son visage… sauf lorsqu’ils s’empêchaient de dormir en faisant l’amour, mais ça c’était autre chose, ça n’avait pas l’air de la traumatiser. « Ce serait idiot de faire un retour arrière. Quand on aura ton emploi du temps, en fonction de tes cours, on choisira un jour de semaine pour qu’on dorme ensemble… pas à l’école parce que c’est trop dangereux et qu’on serait totalement crétin de faire cela mais ici ça peut se faire. »Il s’arrêta quelques secondes, est ce que c’était juste pour le sommeil de Sélénya qu’il faisait cela, vraiment pas donc il rajouta pour plus de franchise « ça me ferait plaisir que tu dormes ici. Moi aussi j’avais prévu de rester dans ta vie un bon bout de temps si tu veux tout savoir. »