Un soir de pleine lune…
J’observe l’homme en face de moi, scrutant ce visage avec attention. La traque aura été ardue mais tellement satisfaisante. Son visage porte des marques de coups, pas des miens, mais de ceux qui l’ont immobilisé : des hommes de la Cosa Nostra. Après tout mon travail était de le trouver, pas de m’y attaquer : ça c’est le job d’autres personnes. A chacun sa place. C’est quelque chose que j’apprécie dans l’Organisation. Chacun… Sa place. La Cosa Nostra voulait cet homme : l’associé d’un mauvais payeur à ce que l’on m’a dit. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. Les seules questions pertinentes pour ma besogne sont : quel est son nom, à quoi il ressemble, où a-t-il été vu pour la dernière fois et quelles sont ses relations connues… Le reste se découvre.
Je fais un signe de tête aux deux gros bras qui l’ont attaché solidement à sa chaise. Ils partent en acquiesçant. Lentement, je me lève et ferme l’unique porte de la pièce où je me trouve moi et ma proie.
Un nouveau claquement m’indique son verrouillage. Nous sommes seuls désormais. L’homme ouvre péniblement les yeux. Je sens sa peur. Une peur justifiée. Il jette des regards atour de lui. « Ne cherche pas d’échappatoire… Il n’y en a pas ici-bas ». Ce dernier cligne plusieurs fois des yeux, sans doute pour sortir de son état de torpeur. « Où sommes-nous ? » dit-il en toussant. J’hausse les épaules, indifférente. « Nous sommes dans un hangar désaffecté de la banlieue de Londres que la Cosa Nostra utilise quelques fois. Un lieu discret qui permet une certaine… Intimité ». Peu importe qu’il sache où il est ou non. Dans tout les cas cette pièce serait son tombeau. Je m’approche de lui, pour finir par m’accroupir au niveau de son regard. « Tu vas mourir… Pour faire passer un message… Accepte-le ». Inutile de lui mentir ou que sais-je… Ce dernier n’a plus rien à offrir à l’Organisation à part sa carcasse. « Tu serviras d’avertissement… Tu comprends ? ». Il me regarde dans les yeux, l’air résigné. Il sait comment ça se passe dans le business. Depuis le temps moi aussi. « Qui es-tu… Comment m’as-tu trouvé » me souffle-t-il. Je laisse un sourire parcourir mes lèvres, aussi fugace que sincère. Au moins n’allait-il pas supplier. Je déteste lorsqu’ils font ça. Qui je suis ? Je sens mon cœur s’alourdir. C’est une bonne question. Moi-même je me le demande par moment. « Une traqueuse… De la Cosa Nostra… Mon instinct est sans pareil dans ce job… ». Il tente désormais de monnayer sa vie : « Libère-moi… J’ai de quoi payer… ». Je dénie de la tête. « L’argent ne compte pas pour moi. Uniquement la loyauté ». Je sens un frémissement au fond de moi-même. La Louve s’agite. Elle sent qu’elle allait bientôt prendre le dessus. « Vois-tu, l'Organisation m’a permis de sortir de la misère. D’avoir un toit. Une famille. Un but dans la vie. Rien d’autre n’a d’importance ».
Soudain je ressens une douleur dans le bras, suivit d’un craquement. La transformation commence. L’homme s’agite sur sa chaise, commençant à comprendre de quelle manière le message allait être envoyé. J’enlève ma veste pour la jeter dans un coin, suivi de mon jean moldu. Il pouvait bien se rincer l’œil s’il le voulait, ça n’avait pas d’importance. Je ne peux m’empêcher de lâcher une plainte de mes lèvres lorsqu’une nouvelle douleur m’assaille. Je tombe à quatre pattes, sentant mes membres se déformer et s’étirer. Ma conscience humaine disparaît peu à peu… Quelques instants après, le captif avait en face de lui une louve aux crocs acérés. Il n’aura le temps que de pousser un hurlement avant qu’elle ne se jette sur lui.

Au matin…
Je sens une douce chaleur m’envelopper. Non, trop tôt… Fatiguée… Je gémis un peu avant de finir par ouvrir les yeux. Les rayons du soleil commencent à filtrer à travers les vitres de toit. Un regard vient capturer le mien. Il m’apaise, comme à chaque fois. Malgré mon épuisement je ne peux m’empêcher de sourire. « Hey… » dit-il. « Hey », lui dis-je en retour. L’homme s’accroupit à mes côtés, resserrant la couverture qu’il a déposé sur mon corps nu. Il tire de sa poche un mouchoir et vient le passer autour de mon visage. Lorsqu’il le retire ce dernier est rouge du sang qu’il a nettoyé. Je jette un œil derrière lui où gît les restes du prisonnier, paix à son âme. Deux hommes de la Cosa Nostra prenne une photo magique du carnage. Sans doute pour l’envoyer à des fins d’avertissements. Craindre la mort est une chose. Craindre d’être massacré, ou voir sa famille massacré, par un lycanthrope en est une autre. Une technique d’intimidation efficace. Je n'en éprouve aucune honte. C'est ce que je suis désormais. Une traqueuse... Une membre de la Cosa Nostra. « Tu peux te lever ? ». Le sorcier tend sa main.

Flash-back
Il y a quelques années…

« Parle-moi de toi… ». Je me retourne vers mon nouvel ami, me calant de côté sur l’oreiller. Ses yeux me détaillent de cette manière si propre à lui… A ses yeux je me sens… Différente. Spéciale… Je n’ai jamais vraiment pensé pouvoir un jour ressentir cette quiétude dans les bras de quelqu’un d’autre que mon regretté amour de jeunesse… Et pourtant, cette relation avec ce garçon… Mais est-ce vraiment une relation ? Pas de sexe, pas de sentiment amoureux… Juste une présence… Un soutien… Alors quoi ? Je ne sais pas encore. Un meilleur ami ? Un frère de substitution ? Lorsque je suis arrivée dans cette maison de passe il a été le premier à me tendre la main. J’étais la petite nouvelle à la rue, paumée, qui entrait dans le monde feutré de la prostitution sorcière et lui le garçon qui a grandi dans ce milieu toute sa vie… « Il n’y a pas grand-chose à dire… Née dans une famille de sang-pure… Reniée pour avoir aimé un loup-garou à Poudlard… Et me voilà… ». Au final c’est à ça que se résume ma vie. Tout avait commencé à Poudlard. Mon intégration chez les Poufsouffle… La rencontre avec ce garçon si… Particulier. « Parle-moi de lui… » me dit-il. Je pèse un instant le pour et le contre avant de dodeliner de la tête. « On était dans la même Maison à Poudlard. Ça été… Le coup de foudre immédiat. On était jeune à l’époque… Toujours ensemble… J’avais… Besoin de lui ». Je me permets un rire sans joie. « Bien entendu lorsque ma famille a apprit que je le fréquentai ils ont voulu en savoir plus… Et ils ont découverts sa nature… Un Loup-Garou… ». Un instant me remémore cette fameuse discussion avec mes parents. Les cris, les menaces… Rien n’y a fait. « Pour des Sang-Purs, c’était juste inconcevable. Il fallait que je choisisse… Je l’ai fait. Après nos études nous avons emménagé ensemble. Rien de bien luxueux mais c’était chez nous… Nous étions heureux… A notre manière ». Je passe cependant sous silence ma décision de me faire mordre pour me rapprocher toujours un peu plus de lui. Devenir lycanthrope était à l’époque une évidence ; Même si mon regretté amour ne l’avait pas souhaité. « Il est mort quelques années après. Assassiné ». Je ne dis plus rien, la voix devenue tremblante. Jaeden non plus. Ça me convient. Il s’approche de moi et me prend dans ses bras pour me réconforter. Les mots sont inutiles.

Fin du Flash-back

Le sorcier tend sa main. Son regard est plongé dans le mien… Comme toujours… Confiante je la prends. « Oui… Rentrons Jaeden… »