Les débuts de vacances d’Amber étaient réellement terribles. Les discussions avec ses parents avaient si mal-tournées qu’elle avait décidé de partir de la demeure familiale quelques jours. Cela ne leur ferait pas de mal de ne pas avoir de nouvelles de leur fille. Elle avait beau être la plus jeune de la famille, elle avait l’impression que les responsabilités qui pesaient sur ses épaules étaient doubles. Amber n’était pas le portrait craché de son frère, Thomas, qui avait réussi tout ce qu’il avait entrepris dans sa vie. Elle ne voulait pas suivre ses parents dans la magie noire et ils le savaient. Son père s’était énervé en voyant qu’il n’y avait visiblement rien à faire pour elle. Il lui avait lancé le sort de l’Imperium pour la contraindre à torturer un pauvre petit lièvre qui n’avait rien demandé. Cet événement avait été la goutte qui avait fait déborder le vase. Elle avait préparé ses valises en deux temps, trois mouvements, et était partie dans le seul endroit qu’ils ne fréquenteraient jamais : le Londres des Moldus.

Amber repensa au contrôle du Ministère sur certaines des baguettes, dû aux récents événements. À cause de son père, elle risquait désormais gros. Si des quelconques suspicions se déposaient sur elle, elle ne saurait jamais comment se sortir d’une pareille situation, si ce n’était de faire appel aux contacts de sa famille pour la sortir de là. Situation qu’elle préférait éviter le plus possible.

Vêtue d’un tee-shirt rouge et d’un pantalon noir, elle arpentait silencieusement les rues londoniennes, sans trop savoir où ses pas allaient la conduire. Elle avait trouvé une petite auberge pas très loin. L’intérieur était loin d’être luxueux, mais cela ferait l’affaire pour la nuit. Tant qu’on lui posait pas trop de questions, cela lui convenait. Depuis l’attaque de l’Université, Amber avait constamment l’impression d’être épiée et de devoir faire attention au moindre de ses faits et gestes. Si des Moldus passaient à l’attaque avec du matériel si élaboré, elle devait faire attention à ses arrières. Ici, elle était très loin du connu, même si elle restait constamment sur ses gardes et en capacité de se défendre.

Finalement, elle décida de souffler un peu en se prenant un cappuccino sur la terrasse d’un petit café. Évidemment, elle choisit la vue sur la route et se cala sur une chaise, contre la devanture. Elle n’aimait pas ne pas voir quel danger pouvait arriver face à elle à tout moment. Et cela depuis maintenant deux mois. Cette attaque ne lui avait pas fait grand bien, tout particulièrement psychologiquement, mais elle devait continuer à vivre sa vie avec ça. Elle n’avait pas le choix.

Appréciant pleinement la saveur de sa boisson, Amber laissa ses oreilles se balader autour d’elle. Elle adorait écouter les conversations des autres. Ce n’était pas de la curiosité malsaine, simplement de l’amusement. D’ailleurs, un couple placé face à elle la fit doucement rire.

— Sur une échelle de 1 à 10, tu vaux au moins 11 ! lança le garçon avec une fierté sans égale.

Vraiment… Quelle drague pourrie ! Ce garçon avait sincèrement cru qu’en restant pénard sur sa chaise à lancer de telles futilités, il ferait tomber cette fille dans ses bras ? Eh bien, visiblement, c’était le cas, puisqu’elle celle-ci se pencha pour l’embrasser. Rahhh, ces moldus. Une fois, ils pouvaient être totalement passionnants et la fois suivante totalement incompréhensibles. Même si cela ne changeait pas vraiment des sorciers. Mais la demoiselle semblait mériter tellement plus que ce corniaud qui allait sûrement rajouter d’un moment à l’autre que son père était un voleur parce qu’il avait volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans ses yeux. Amber se le promit à elle-même : si elle assistait à de telles insanités, elle allait se frapper la tête contre la table.

Alors, après s’être appelé par tout un tas de surnoms futiles et étranges, les deux jeunes gens s’en allèrent, main dans la main. Pendant ce temps, Amber resta assise là, les sourcils encore soulevés d’étonnement et plein de jugement face à la phase de drague à laquelle elle venait d’assister. Visiblement, elle n’était pas la seule à vouloir pleurer de rire face à cette scène sans queue ni tête, puisque son regard croisa celui d’un autre garçon, qui semblait avoir également prêté une oreille attentive.

— Y’a des choses, parfois, qui me dépassent, soupira-t-elle entre ses lèvres, ne pouvant contenir un léger sourire d’amusement.

Amber perdait vraiment foi en l’amour. En voyant ce couple, elle avait presque envie de s’enfoncer les doigts au fond de la gorge pour aller vomir ce qu’elle venait de boire (aussi délicieux soit le cappuccino). Les histoires à l’eau de rose ? Très peu pour elle. La jeune femme cherchait de la passion, de la tourmente, du désir… Rien de platonique et d’aussi effroyable que la scène à laquelle elle venait d’assister. Sérieusement, ce gars donnait l’impression d’être un vampire prêt à se jeter sur sa proie pour la vider de son sang. Bon, l’objectif des deux n’était pas le même, mais il semblait être aussi addict à la fille qu’un vampire pouvait l’être avec ce fameux liquide rouge.

Finalement, son regard émeraude se déposa sur le seul client de ce bar, qui semblait être pâle, comme s’il venait de voir un fantôme. En vérité, cette expression moldue l’avait toujours bien fait rire. Comme si eux, les sorciers, avaient une telle réaction à la vision d’un fantôme. C’était presque devenu une habitude. Si bien que Nick-Quasi-Sans-Tête venait même manger à côté d’elle à la grande table, lorsqu’elle n’était pas encore à l’Université. Si leur compagnie était appréciable au château, les moldus, quant à eux, semblaient en avoir une peur bleue qu’elle était incapable de comprendre. Il s’agissait même d’un des premiers déguisements à être exploité au moment d’Halloween, quand des petits enfants affamés partaient demander leurs bonbons, qui finiraient sans doute par leur donner une bonne crise au foi.

Soit ! Ce jeune homme semblait être aussi amusé qu’elle, et désespéré à la fois, par la scène à laquelle ils avaient assisté. Orientant lentement son buste dans sa direction, elle arbora son plus beau sourire. Les premières impressions étaient toujours importantes. Et puis, elle était dans un monde de non-sorciers, elle n’avait pas besoin de faire sa tête de ronchon et de mal-aimable toute la journée. Ici, personne n‘avait connaissance de l’histoire de sa famille, de ce qu’ils avaient pu faire aux moldus, mais aussi de l’importance du statut du sang. Loin d’être méfiante envers cet inconnu, les souvenirs de l’attaque de l’Université lui revinrent un masse et la refroidirent soudainement. Les membres du Blood Circle étaient partout et elle se devait de rester sur ses gardes à tout moment. Personne ne savait de quoi ils pouvaient être capables, désormais.

— Je me doute qu’avec des phrases de ce genre, vous devez faire tomber beaucoup de femmes !

Amber ricana légèrement. Pour le moment, elle préférait se dire qu’elle n’avait peut-être rien à craindre de lui, qu’il n’était qu’un simple passant sans mauvaises intentions. Pourtant, à ce jour, elle était incapable de connaître le véritable visage des gens. C’était comme si tout le monde tentait sans cesse de lui mentir.

Tout ce qu’elle voulait, c’était vivre sa vie comme une jeune adulte de son âge : sortir, s’amuser, danser, boire, rire aux éclats… Elle s’estimait trop jeune pour rentrer dans un conflit sans fin avec ses parents, les Mangemorts et maintenant les Moldus. La vie était tragique parfois ! Vivement que ces vacances se terminent et qu’elle puisse retourner à sa bièraubeurre et ses livres sur la sorcellerie à lire aux Trois Balais. Nul doute qu’on la prendrait pour une folle à lire un bestiaire des créatures magiques en pleine terrasse d’un café moldu. Ces petits rituels lui manquaient tellement et les vacances paraissaient être interminables… Elles ne venaient que de commencer pourtant… Amber avait vraiment besoin de se trouver un hobbit pour remplir son temps libre et surtout de ne pas péter un câble, deux mois, dans le même logement que ses géniteurs. Cela sonnait comme la pire des tortures à ses yeux !

Amber ne savait vraiment pas pourquoi elle était venue dans un tel quartier de Londres. L’environnement était loin d’être désagréable, bien au contraire, mais elle se rendait compte que les lieux étaient moins appréciables que prévus. Il n’y avait ni de jus de citrouille, ni de conversations sur le dernière match de Quidditch… Ce n’était pas le plus passionnant et elle se demandait si elle ne ferait pas mieux de poursuivre sa mini « fugue » (si le terme fonctionnait encore à son âge) au Chaudron Baveur. Au moins, elle serait vraiment dans son élément.

La jeune femme n’était pas discriminante envers les Moldus, loin de là. Elle appréciait même le fait qu’ils puissent vivre aussi simplement. Néanmoins, elle, elle avait appris à vivre d’une toute autre façon et se faire à leur mode de vie était plus compliqué que prévu. Ou alors, ses parents l’avaient tellement éduqué pour détester les moldus qu’elle avait fini par les juger sans même s’en rendre compte. Par la barbe de Merlin, elle ne voulait pas devenir comme eux ! C’était peut-être seulement pour sa bonne conscience, mais elle décida d’entretenir la conversation avec cet inconnu. Elle ne détestait pas les non-mages… Elle ne deviendrait pas comme ses parents…

— Je suis curieuse. Dites-en moi plus sur votre méthode ! Combien de fois cela a-t-il fonctionné ?

Amber prit ses dispositions pour s’asseoir en face du grand brun, déposant ses deux coudes sur les tables pour soutenir la tête et le regarder d’un air faussement intéressé. Un sourire sarcastique s’étendait sur le coin de ses lèvres et elle peinait à cacher son amusement. Très rapidement, un léger rire s’échappa et elle finit par le couper en buvant quelques gorgées de son cappuccino au goût qui laissait franchement à désirer. Elle avait l’impression de boire du café à l’eau avec une pincée de lait… Mais elle l’avait payé et détestait le gâchis.

— Quoi qu’il en soit, je suis heureuse de voir que je ne suis pas la seule à avoir une vision pessimiste de l’amour.

Un de ses sourcils se souleva légèrement, alors qu’elle songea à ses conquêtes amoureuses. Était-elle tombée sentimentalement parlant dans les bras de quelqu’un ? C’était assez triste à dire, mais Amber n’en avait aucun souvenir. Elle était plutôt du genre à partager ses draps une seule nuit, avant de disparaître au beau matin. Elle n’avait aucune envie de s’attacher et cela venait sans doute d’une peur créée par ses parents dès sa naissance. Ils lui avaient toujours appris que l’amour était une faiblesse et que cela pouvait causer sa propre perte, parce que l’on réfléchissait avec le cœur et non plus avec sa raison. Leur théorie était stupide. Il y avait énormément de Serdaigle qui alliaient la sagesse et l’amour. Elle ne voyait pas pourquoi elle ne pouvait pas le faire. Pourtant, cette attitude avait été conditionnée sans même qu’elle s’en aperçoive. Elle était issue d’une famille de Mangemorts et les risques encourus étaient donc beaucoup plus importants. Surtout pour se faire une place au sein de ce groupe, auquel elle ne voulait absolument pas appartenir.

— Je crains ne pas pouvoir vous renseignez. Je ne fréquente pas ce coin de Londres.

Ce n’était pas un mensonge. Elle visitait une autre partie de la ville, mais très bien cachée aux yeux de tous. Pourtant, elle se devait bien de garder la vérité pour elle, pour se protéger ou ne pas être prise pour une folle. Quelque peu paranoïaque à l’idée qu’on puisse faire un rapprochement entre elle et la sorcellerie, elle prit la décision de changer de sujet en prenant un ton quelque peu amusé.

— Vous vous renseignez pour quelle raison ? Vous êtes dans les services d’hygiène et de santé ? plaisanta-t-elle en plissant légèrement le nez.

Amber n’avait aucun problème avec l’humour. Tout dépendait surtout de l’angle sous lequel il était envisagé. C’était vraiment impressionnant le nombre de style d’humour qu’il était possible d’avoir. Elle-même était plutôt pour un penchant humour noir et sarcastique. Cela lui venait sans doute de son histoire de vie. Elle avait appris à avoir un énorme détachement des situations dans lesquelles elle pouvait être, quitte à s’en moquer sous un angle qui ne plaisait pas à tout le monde. Lors de sa première année, cela avait même suffi à forger l’opinion que les autres pouvaient déjà avoir sur elle : « Non, mais tu l’as vu celle-là ? Elle est vraiment pas nette... », « En même temps, ils ne doivent pas connaître l’humour dans sa famille. »… Ces commentaires récurrents, elle avait appris à s’y faire et avait cessé de vouloir s’intégrer en lançant des vannes, visiblement incomprises. Amber s’était enfermée peu à peu dans une bulle solitaire et ne s’était pas énormément ouverte aux autres. La jeune fille pétillante qui était arrivée à Poudlard avait vu son sens de l’humour s’assombrir avec le temps, à cause du manque de pratique. Quelques rares personnes avaient réussi à passer au-delà des rumeurs et apprendre à la connaître pour ce qu’elle était réellement. Et cela lui avait fait énormément de bien.

Finalement, Raphaël parla de son expérience avec une fille bien trop belle qui lui avait fait tomber les bras. La chute de son histoire provoqua instantanément le rire de la demoiselle. Cela faisait du bien de tomber sur quelqu’un qui savait comment la prendre pour l’amuser. Elle passa lentement sa main dans ses cheveux pour glisser une mèche rebelle derrière son oreille et prit la parole.

— Vous n’avez pas dû avoir énormément de copines dans votre vie. Je me trompe ?

La demoiselle arqua un sourcil, gardant son air amusé au niveau des fossettes qui s’étaient dessinées sur ses joues. Partir de chez elle avait finalement été la meilleure idée qu’elle avait pu avoir, ces derniers temps. Cette conversation lui faisait énormément de bien et lui permettait de se changer les idées, chose qu’elle n’avait pas faite depuis bien trop longtemps !  

Raphaël lui partagea sa vision de l’amour et un petit sourire se dessina sur les lèvres de la demoiselle. Elle était totalement d’accord avec lui. De ce qu’elle avait vu, l’amour finissait toujours par briser au moins un des cœurs. Et il était évident qu’elle ne laisserait jamais le sien être brisé par un homme. Ou même une femme. Ou qui que ce soit d’ailleurs ! Cela sonnait comme une évidence pour elle. Jamais elle ne se laisserait être piétinée par une personne en qui elle avait confiance.

L’inconnu du café commença alors à parler avec une voix des plus sérieuses, en disant qu’il savait qui elle était réellement. Sans qu’elle ne puisse faire grand-chose, elle se sentit devenir livide et son teint vira au blanc, tel un fantôme. Il savait donc qu’elle était une sorcière. Discrètement et lentement, sa main se glissa dans la poche de sa veste, prête à brandir sa baguette si nécessaire. Sa seconde main vint se poser sur ses genoux. Hors de question de se retrouver avec un bracelet anti-magie comme certains sorciers qui avaient pu en faire l’expérience.

Tout se passa assez rapidement et finalement, le grand brun dévia vers la chute de sa plaque et Amber s’affaissa dans son siège. Bordel ! Il lui avait fichu une peur bleue ! Elle n'avait pas envie de revivre le même cauchemar qu'à l'université. Elle se mit lentement à rire, d’un rire jaune par ailleurs.

— Bravo ! Vous êtes effroyable ! Je vous discerne le prix de la pire blague de l’année.

Amber plissa légèrement le nez, affichant un léger sourire de sarcasme et d’amusement. Lentement rassurée, elle relâcha la pression de sa baguette et reposa l’une de ses mains sur la table.

— Vous réalisez des courts-métrages ? C’est fantastique ! répliqua-t-elle en marquant une légère pause avant de secouer la tête de gauche à droite. J’en oublie totalement les manières, mais je crois que vous ne m’avez pas dit comment vous vous appeliez, n’est-ce pas ?

Amber écouta attentivement Raphaël et ses histoires d’amour. Elle était heureuse d’avoir rencontré quelqu’un qui était aussi détaché qu’elle par rapport à une telle situation. La plupart des élèves de sa promotion cherchait précautionneusement une personne avec qui partager leur cœur. Là où allait l’intérêt des filles, la jeune femme préférait aller dans la Forêt Interdite, à observer les petites créatures magiques qui y vivaient. Elle était passionnée par elles. Ils lui apportaient le réconfort qu’aucun humain n’était capable de lui fournir. Elle aimait aussi le silence qui régnait dans ces lieux. Certaines étudiantes n’aimaient pas s’y rendre, parce qu’elle avait une peur bleue des araignées, chose qu’Amber n’avait jamais comprise. Dès son plus jeune âge, son frère s’amusait à lui en glisser dans son lit pour la terroriser et cela n’avait jamais fonctionné. Quand la benjamine lui avait demandé pourquoi il essayait sans cesse de faire ça, il lui avait simplement répondu, d’un haussement d’épaule : "C'est normal c'est pour terroriser les fripouilles!". C’était normal ? Il n’empêche qu’il devait lui manquer une sacrée case pour avoir de telles idées en tête. M’enfin bon… Sa relation avec son frère était bien trop compliquée. Elle ne voulait pas s’avancer dans cette pente glissante. Elle avait bien trop de matière pour parler de lui. Et pas nécessairement en bien. Alors, elle se contenta de reporter son attention vers le dit-Raphaël qui finit par se présenter.

— Non. Je n’avais pas deviner. Je ne suis pas très douée pour déceler l’origine des accents, de toute manière.

Amber haussa doucement les épaules et se mit à rire légèrement, encore quelque peu crispée de la blague maladroite de cette nouvelle rencontre. Il ne pouvait pas savoir, après tout… Mais elle était tout de même confuse. Dire qu’elle était à deux doigts de lui lancer un Petrificus Totalus, qui lui aurait valu un aller simple vers un procès au Ministère, pour usage de magie devant un moldu. Oui, très peu pour elle !

— Je m’appelle Amber. Et je suis une anglaise pure et dure !

Elle sourit doucement à son interlocuteur. Bon, en vérité, son père était australien, mais elle était née dans ce magnifique pays qu’est l’Angleterre. Elle ne se sentait aucunement australienne et n’avait d’ailleurs jamais vu le pays.

Finalement, le jeune homme parla avec passion de son projet de court-métrage. Amber déposa ses deux coudes sur la table et se servit de ses deux mains pour maintenir son visage, affichant un air des plus intéressés. Ce genre d’ambition n’était pas tellement présente chez les sorciers. D’ailleurs… À sa connaissance, très peu d’entre eux cherchaient à percer dans le cinéma. C’était un projet assez ambitieux.

— Je trouve ton projet très intéressant. Je ne dis pas être une bonne actrice, mais je ne trouvais pas quoi faire de mon été, avant aujourd’hui. Donc ce serait un honneur pour moi de rejoindre l’aventure.

Par la barbe de Merlin, son père ne devait pas découvrir cela. Sa fille de sang-pur, jouant dans un film moldu ? Non, mais quelle idée ! Pourtant, cette proposition qui se présentait à elle lui semblait être sa meilleure chance pour pouvoir s’éloigner d’eux, le temps de quelques jours, tout au plus.

— Et puis, je vois bien un tournant dans ton scénario. En mode… commença-t-elle en mettant ses deux mains devant elle et en les éloignant au fur-et-mesure de ses paroles, comme pour dérouler un titre. Je connais votre secret… Bon maintenant vous allez me dire où vous avez caché le bébé !

Amber offrit un sourire plein de sarcasme à Raphaël. Évidemment qu’elle se moquait de lui et de sa vanne totalement idiote. Mais il fallait bien avouer qu’elle aurait parfaitement son rôle à jouer dans un scénario de film d’action, n’est-ce pas ?

— Si ce que tu fais te plaît, c’est le principal.

Amber lui offrit un doux sourire, avant de glisser sa main dans la poche de son manteau, pour en sortir un bonbon à la menthe. Par politesse, elle en déposa un second sur la table, si jamais Raphaël ressentait l’envie d’en prendre un lui aussi. Elle n’était pas une très grande gourmande des bonbons, plus du chocolat, mais elle avait découverte cette marque moldue et elle était tombée sous le charme. Il y avait vraiment des découvertes surprenantes dans le coin.

— Non, je n’ai pas de téléphone. J’utilise mon pigeon voyageur pour envoyer mes lettres directement à domicile.

Oui, Amber se moquait légèrement de lui ! Quoi que… Elle utilisait tout de même un hibou, n’était-ce pas la même chose en fin de compte ? Secouant doucement la tête, elle tendit sa main dans sa direction.

— Je veux bien que tu me passes ton téléphone, pour que je puisse directement l’enregistrer. Mais je te préviens, je ne traîne pas souvent dessus.

Elle l’utilisait même jamais en dehors des vacances d’été. À quoi bon ? Poudlard et l’Université n’étaient pas aussi immenses que ça. Ils n’étaient pas coupés du reste du monde ! Et en plus, cela avait quelque chose de précieux de continuer à écrire des lettres à la main. Les moldus ne pourront jamais connaître cette sensation. Les technologies semblaient bien trop ancrée dans leur société actuelle… Même un peu trop quand on voyait ce que le Blood Circle avait à leur offrir. Mais soit…

Quand Raphaël lui confia son téléphone, elle tapa son numéro de téléphone, ainsi que son prénom, avant d’enregistrer le contact. Sans trop savoir comment, en voulant tout simplement fermer la page, elle se retrouva sur une conversation avec une demoiselle qui semblait assez bien le connaître.

— "J'étais chez moi en train de regarder L'Exorciste et j'ai pensé à toi", lit-elle à voix haute avant de sourire doucement. Je n’ai jamais vu ce film, mais j’ai l’impression que cette fille doit avoir des penchants masos pour penser à toi en regardant un film d’horreur !

Amber ricana légèrement, tout en tendant le téléphone à son interlocuteur. En voyant son regard, elle s’affaissa, ressentant une légère culpabilité à l’idée d’avoir lu ce message qui était peut-être intime pour lui. Elle se mordilla la lèvre inférieure, assez nerveusement, avant de prendre la parole.

— Je suis désolé, j’ai glissé sur cette fenêtre sans le vouloir. Je n’aurai pas dû lire.

La jeune femme espérait ne pas avoir vexé la première personne à qui elle adressait la parole à Londres. Enfin… La seule avec qui elle avait des projets. Et il fallait le savoir : s’excuser était loin d’être dans ses habitudes. Elle espérait ne pas avoir dépassé les bornes.

— C’est normal, c’est pour terroriser les fripouilles ! répliqua-t-elle quant au fait qu’ils étaient assez cauchemardesques dans leur genre. Mais honnêtement, je n’ai vraiment pas envie de te voir à l’œuvre si jamais tu dragues de cette manière !

Elle prit un air faussement sérieux, mais ne parvint pas à se contenir et se mit à rigoler de plus bel. Il était évident que ces deux-là avaient une case en moins. N’importe quel passant aurait appelé un hôpital psychiatrique rien qu’à l’entente d’un simple morceau de conversation.

Finalement, Raphaël se mit à déblatérer à une vitesse vertigineuse tout ce qui lui passait par la tête. Cela donna lieu à des phrases maladroites, sans queue ni tête, mais cela eut le don de faire sourire la demoiselle qui y trouvait même une certaine mignonnerie là-dedans. Cela avait un certain charme. Pas celui qui avait le don de la faire tomber dans les bras d’un homme, non plus. Mais il était certain que cela pouvait marcher sur beaucoup d’autres filles.

— Hé bien, je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi impatient de travailler sur un projet depuis un bon moment ! Cela fait du bien de voir autant de détermination, confia la demoiselle, d’un air confiant.

Il n’était pas dans ses habitudes de converser avec des moldus, mais Raphaël semblait être quelqu’un de très intéressant. Elle avait hâte de travailler avec lui sur son projet. Elle aimait l’aventure et l’inattendu comme il était prêt à lui offrir.

— De quoi parlent ces projets ?

Amber n’avait jamais eu l’occasion de rentrer dans un tel projet. Il fallait avouer que ses étés commençaient à devenir longs et répétitifs. Elle avait besoin de changements et de nouveautés et c’était exactement ce que Raphaël était prêt à lui offrir en cette charmante journée. Elle pourrait enfin sortir de chez elle et couper un peu les ponts avec ses parents. Il lui offrait un endroit où se réfugier : le lieu de tournage. Il était évident que ses parents ne la retrouveraient jamais dans un lieu pareil. Déjà la chercher dans un lieu moldu… Mais de surcroît sur un court-métrage ! Cela relevait de l’improbable avec eux. De toute manière, ils semblaient avoir du mal à comprendre qu’elle n’était pas comme eux.

— Ce n’est ni l’un ni l’autre. Disons que je suis une personne un peu « vieillotte ». J’aime beaucoup utiliser les anciennes méthodes, comme les lettres ou la machine à écrire. Et puis, par exemple, les liseuses ne remplaceront jamais la magie d’un livre pour moi.

Amber sourit doucement à son interlocuteur. En vérité, il n’y avait pas de nouvelles technologies à Poudlard et elle s’était très rapidement sentie dépassée par toutes les arrivées au niveau de la technologie. Elle n’avait pas grandi dans cet univers et il fallait rester accroché pour rester à la page. Ce n’était pas une chose facile. Une sorte d’immense fossé invisible était présent entre eux deux. Raphaël semblait être tourné informatique et technologie. Beaucoup plus qu’elle ne pouvait l’être. Il devait sans doute la prendre pour une barge d’être restée au temps du « Moyen-Âge » sur cet aspect-là. Mais tant pis. Elle assumait ce côté et n’était pas contre un cours express non plus. Cela pourrait même l’aider à comprendre davantage comment le Blood Circle est parvenu à bloquer leurs pouvoirs magiques lors de l’attaque.

Finalement, la conversation dévia vers son projet et il expliqua un peu plus en détails les aventures qui attendaient la protagoniste principale. Amber se mit doucement à sourire face à ce beau projet. Raphaël avait une sacrée imagination, ce qui était très certainement une bonne chose pour lui et pour ses envies de devenir réalisateur. C’était très important d’être ouvert d’esprit et imaginatif comme il l’était. Visiblement de bonne humeur, la jeune femme se prêta au jeu et porta sa main à son cœur, fixant un point invisible, avec le visage le plus sérieux du monde.

— Ma mère m’a toujours dit qu’un jour je ferais quelque chose de ma vie, elle s’imaginait pas que ça serait en zigouillage de zombies !

Puis, elle fit semblant d’essuyer une fausse larme d’émotions, avant d’éclater de rire. Une chose était sûre : elle était loin d’être aussi sympathique avec les gens de son école. Ici, dans ce bar, elle n’avait plus besoin de jouer un rôle… Enfin, cela semblait visiblement être de courte durée avec le projet qui les attendait.

— Plus sérieusement, je trouve que ton projet est épatant. C’est vraiment chouette que tu aies autant d’imagination. C’est une chose très importante dans ce domaine, répliqua-t-elle avec un sourire sympathique.

Comme pour confirmer ses propos, elle posa un instant sa main sur son avant-bras, avant de la retirer. De toute manière, les contacts physiques n’ont jamais été son genre. Et, honnêtement, sa mère et son père étaient loin de la prendre dans leurs bras, depuis qu’elle était née et sûrement jusqu’à leur dernier souffle. La chaleur humaine n’était pas très présente dans sa maison, malheureusement, ce qui faisait qu’Amber avait encore du mal à être tactile ou être touché par quelqu’un. Tout simplement parce qu’elle n’avait pas pris l’habitude. Mais elle comptait travailler là-dessus. Elle était arrivée dans un âge où elle commençait à avoir un peu plus conscience de qui elle est, ce qu’elle a envie de devenir et de comment y arriver.

Amber sourit doucement lorsqu’il mentionna l’histoire du pigeon voyageur. En vérité, il s’agissait surtout de sa chouette, Ballyhoo, mais elle avait peur qu’en parlant de ce volatile, le jeune homme fasse un rapprochement avec le monde sorcier. Elle ne savait pas grand-chose de lui au final. Peut-être travaillait-il pour le Blood Circle ? Peut-être était-il terrorisé des sorciers ? De toute manière, révéler son identité allait contre la loi du Ministère de la Magie. Les moldus ne devaient pas connaître leur secret, à moins d’être apparenté avec une personne de leur « type ».

— Que veux-tu ! Je ne raconte jamais de balivernes.

Finalement, il fit référence au couple qui venait d’arriver et Amber arqua un sourcil, quelque peu surprise et amusée de ses expressions. Il traînait avec des personnes aussi âgées que ça pour utiliser des expressions vieilles comme le monde ? Elle reprit la parole, avec une tonalité qui sonnait faussement noble.

— Carabistouille ? Excusez-moi, Monsieur. Je ne pense pas que nous soyons du même monde. De plus, j’aurai plutôt parié sur une future escarmouche, pour ma part.

Elle porta sa main en direction de son cœur, jouant théâtralement la fausse bourgeoise, avant de se mettre à rigoler.

— Bon sang, après ce piètre numéro, tu vas vouloir réétudier ma place dans ton court-métrage !

Amber se sentait bien sur cette terrasse. Elle avait l’impression d’enfin pouvoir être elle-même. Raphaël n’avait visiblement aucun préjugé sur elle et elle n’avait pas à se battre pour changer la vision que les autres pouvait avoir d’elle, pour une fois… Tournant son visage vers les deux amoureux, elle zieuta un instant la bouteille de vin. Ses parents avaient beau détester les moldus, ils ne pouvaient s’empêcher de commander un peu de leur vin. Ils avaient une passion pour cette « délicieuse » boisson, dont Amber ne pouvait comprendre le sens. Une chose était sûre : la bouteille que venait de commander ce garçon était loin de coûter quelques livres.

— Crois-moi, Raphaël. Si un homme dépense autant de fric pour une femme, c'est qu'il attend plus qu'un joli sourire ! C'est une sorte de premier acompte.

Elle agita négativement la tête, gardant son sourire amusé. Si ce gars-là commençait la soirée avec une telle bouteille, il attendait visiblement autre chose de la part de sa copine. Et ils étaient tout les deux assez grands pour comprendre de quoi il pouvait bien s’agir. Elle ne put songer plus longtemps sur l’avenir de ce couple que Raphaël lui posa une question à laquelle elle devait s’efforcer de répondre.

Si Raphaël voulait du mystère, Amber allait lui en servir sur un plateau. Elle n’était pas une grande bavarde. Elle ne parlait pratiquement jamais d’elle. Écouter les histoires des autres ne la dérangeait aucunement, mais quand on s’intéressait à elle, elle devait toujours faire attention à ce qu’elle disait ou bien mentir pour protéger sa famille ou sa réputation. Cela devenait pesant à la longue de toujours devoir jouer un rôle.

— Je suis surtout là pour échapper à mes parents. J’habite encore chez eux et l’ambiance est devenue très pesante, ces derniers temps. Alors j’ai préféré louer une chambre quelques jours, histoire de laisser les choses s’apaisaient d’elles-même.

Pour une fois, la demoiselle ne mentait pas. Mais elle ne pouvait pas non plus lui dire l’entière vérité. Il devait rester dans l’ignorance de l’existence d’un monde magique. Elle ne pouvait pas lui expliquer qu’elle ne partageait par leur idéologie qui voulait exterminer toutes les personnes sans pouvoirs magiques, tel que lui, en l’occurrence. Ils allaient rester sur leur court-métrage et leur amusement pour le moment. Elle n’était pas sûre que leur relation soit prête pour franchir ce cap. Et il était certain qu’elle ne le serait jamais.

L’homme qui venait d’arriver avec la demoiselle était loin d’être un muscadin. Amber avait même du mal à voir ce qu’on pouvait lui trouver. D’accord, la beauté extérieure ne faisait pas tout, mais quand même… Après, s’il lui offrait des bouteilles de vin de ce type, il était possible qu’elle soit avec lui que pour son argent et qu’il ne soit que le dindon de la farce dans cette histoire. Tout un tas d’idées traversait l’esprit d’Amber et elle ne put s’empêcher de sourire. Ils avaient l’air de deux sociopathes à les observer comme ça.  Mais soit…

— J’ai hâte de voir où ton projet va nous conduire. Je suis sûre qu’on va s’amuser comme des petits fous !

Amber était sincère. En fin de compte, cette opportunité était pile ce qu’il lui fallait. Elle avait besoin de sortir de son train-train quotidien et Raphaël lui offrait une occasion en or. Elle avait du mal à imaginer ce qu’elle aurait fait de son été sans lui. Sans doute serait-elle restée enfermée dans sa chambre à bouquiner, sortant de temps à autre près du lac d’Ullswater, pour aller voir les fêtes organisées. Elle n’était pas une grande fan des soirées lorsqu’elle n’avait personne pour l’accompagner. Elle avait l’impression de faire tache au milieu de ce tableau. De toute manière, elle n’avait que très peu d’amis et elle les avait choisi tellement soigneusement qu’ils devaient penser la même chose qu’elle à l’heure actuelle. Peut-être enverrait-elle un courrier à Roman pour le voir au bal masqué ? Après tout, c’était la bonne occasion de se voir à l’abri des regards indiscrets. Personne savait qu’ils étaient amis à Poudlard et cela était mieux ainsi. Ils avaient besoin de conserver leur réputation telle qu’elle l’était et ne pas créer de nouveaux sujets de discussion.

— Raphaël, si je fuis ce n’est pas pour les inquiéter, c’est surtout pour me protéger moi-même.

Elle haussa doucement les épaules. Elle ne disait pas ça dans le sens où ils pouvaient lui faire du mal physiquement, mais plutôt dans le fait que si elle ne partait pas un peu, elle finirait par étouffer. Mais évidemment qu’il ne pouvait pas la comprendre si sa vie familiale était joviale et organisée. Elle ne pouvait pas en dire autant pour elle. Raphaël ne semblait pas avoir les mêmes enjeux qu’elle. Les histoires de magie noire et de Mangemorts, ça ne le connaissait pas. Et elle ne pouvait pas lui en vouloir d’avoir des problèmes différents des siens.

— Je ne dis pas que tu dois être d’accord avec ce que je fais. Chacun a sa propre manière de penser, après tout.

Amber lui offrit un très léger sourire de politesse. Elle était la première à être franche quand quelque chose la turlupinait. Elle n’allait sûrement pas se vexer si Raphaël lui disait qu’il n’approuvait pas sa décision. Si la jeune Serdaigle avait appris quelque chose durant ses nombreuses années sur cette planète, c’était qu’il était impossible de mettre tout le monde d’accord.

Finalement, son interlocuteur fouilla dans ses poches à la recherche de monnaie et se mit à faire de grands yeux ronds. La fugueuse ne put s’empêcher de rire, croyant à une blague, mais il semblait être de plus en plus embarrassé. Peut-être ne jouait-il pas la comédie cette fois-ci.

— Mais tu sais c’que t’es toi ? T’es le roi des cons au pays des emmerdeurs.

Amber prit volontairement le ton donné dans le film et explosa de rire. Elle fouilla dans sa bourse et lui tendit quelques livres, suffisamment pour l’aider à payer sa consommation.

— Je n’ai pas pu m’empêcher, vu que nous sommes dans les expressions françaises. C’est l’un des seuls films de ce pays que j’ai vu et je trouvais que la réplique se prêtait bien à la situation.

La demoiselle sourit, fière d’elle et de s’être souvenue de cette phrase qui remontait depuis un moment déjà dans ses souvenirs.

Amber était une femme assez ouverte d’esprit pour accepter qu’il y ait d’autres points de vue que le sien. Après tout… Si tout le monde était en accord sur tout, il n’y aurait pas de guerres dans le monde, pas de discriminations, pas de sans-abris… La société était fondée sur des points de divergence. Il suffisait de comparer le monde sorcier et moldu. Eux aussi avaient des divergences politiques : les sang-purs, la magie noire, les personnes qui n’avaient pas de pouvoirs magiques…

Finalement, Raphaël lui lança un pique concernant son physique qui surprit Amber. Ses sourcils effectuèrent un petit bond, avant d’écouter la suite de sa phrase. Voulait-il vraiment jouer sur ce terrain avec elle ? Amber était assez observatrice et il avait l’air d’être très clairement le genre d’homme intimidait par la gente féminine si celle-ci prenait les devants. Elle se trompait peut-être, mais dans tous les cas, la suite allait être drôlement amusante.

Amber se pencha un peu plus vers lui et déposa délicatement sa main sur son avant-bras, en lui faisant son plus beau sourire charmeur. Elle était loin d’être nulle pour jouer de son physique et elle avait bien hâte de voir sa réaction, alors qu’elle se mit à murmurer quelques mots.

— Évidemment que j’attends plus qu’un sourire, Raphaël. Tu es clairement mon style d’hommes.

Elle laissa lentement glisser le bout de son index le long de son bras, laissant son regard azur plongé dans le sien, assez longtemps pour qu’il puisse commencer à être gêné. Elle guetta sa réaction et finit par se reculer en se mettant à rire de bon cœur. Elle n’avait jamais rencontré de moldu avec qui elle s’entendait aussi bien. Raphaël semblait être quelqu’un de léger et pas prise de tête. Cela faisait du bien.

Finalement, son interlocuteur s’absenta quelques minutes pour aller converser avec le propriétaire du lieu, laissant Amber seule, dans ses pensées. Elle fixait le couple et ce garçon qui devait sans doute embobiner sa belle de toute sorte de carabistouilles. Par Merlin ! L’amour n’était décidément pas fait pour elle. Comment se faisait-il que ces histoires à l’eau de rose semblaient si stupides pour elle ? Elle n’en avait aucune idée.

S’appuyant un peu plus dans le fond de son fauteuil, elle observa le ciel bleu et se mit doucement à sourire. Elle aimait l’été. Cette météo était tellement appréciable… Mais qu’est-ce que faisait sa chouette dans le ciel ? Bon sang, pourquoi fonçait-elle droit sur elle comme ça ? Amber essayait de lui faire un signe de tête pour lui faire comprendre que ce n’était pas le bon moment pour livrer le courrier, mais le pauvre volatile se trouva incapable de faire demi-tour à la vitesse où elle allait. Amber se leva de sa chaise en voyant Raphaël revenir, mais Ballyhoo la percuta en plein dans le torse, pour la seconde fois de la semaine. Ce hibou commençait décidément à trop vieillir pour faire des livraisons. Prête à tout pour conserver son secret, elle attrapa discrètement le morceau de parchemin et le fourra dans sa poche.

Son visage se tourna vers Raphaël qui la fixait. À cet instant, elle le voyait très clairement sortir un « Qu’est ce que c’est qu’ce binz! », comme il avait pu le faire précédemment. Réfléchis, Amber ! Réfléchis ! Que ferait un moldu ?

— Bordel, ce truc m’a flanqué une peur bleue.

Elle s’avança vers lui, portant une main sur son cœur, l’air de dire qu’elle était encore paniquée par ce qu’il venait de se passer. Amber fit semblant de reprendre sa respiration, avant de le regarder et de reprendre.

— Sinon, oui, tu as l’air totalement barge à les fixer comme ça, plaisanta-t-elle avec un léger sourire. Que t’a dit le patron des lieux ?

Raphaël lui proposa alors une promenade et Amber remua quelque peu la tête, avec un semblant d’hésitation.

— Je vais devoir filer d’ici quelques minutes, mais je peux peut-être te raccompagner quelque part ?

Voir Raphaël perdre autant ses moyens avait été la chose la plus jouissive qu’elle avait vu aujourd’hui. Le grand blagueur qui semblait toujours savoir quoi répliquer avait-il perdu sa langue ? Cette idée la fit doucement sourire. Elle aurait très bien pu aussi lui lancer le sortilège du Bloclang que l’effet aurait été le même. Heureusement, Amber n’était pas une tortionnaire et elle le délivra bien rapidement de son embarras, avant qu’il ne tourne de l’œil ou sorte une phrase aussi débile que celle du groupe de tout à l’heure. Finalement, il répliqua qu’elle était une bonne comédienne et la demoiselle porta sa main contre son cœur et fit semblant de sécher une larme avec la deuxième.

— Oh non… Arrête, je vais rougir.

Et encore une fois, la Towsen ne parvint par à contenir son sourire. Cela était une chose bien rare et pourtant, elle se sentait bien mieux dans ce monde moldu que dans celui des sorciers. Ici, pas de jugements. Seulement deux jeunes en quête d’amusement et d’aventure.

Lorsque Raphaël s’éclipsa, Amber songea un instant au repas qui l’attendrait ce soir. Elle se retrouverait sans doute avec une saucisse à moitié cuite, avec un vieux goût amer. Elle ne savait pas pourquoi elle avait choisi cette auberge de jeunesse. Par Merlin, la veille, il y avait du cornichon avec de la rillette de thon. Cela sonnait presque comme un sacrilège à ses oreilles. Ces deux ingrédients ne pouvaient pas se manger ensemble. Mais soit ! Elle avait un toit, elle n’allait pas se plaindre, mais cette idée la fit doucement grimacer au moment où Ballyhoo arriva de nul part. Cette journée était décidément loin d’être banale.

— Wah… Je ne sais pas, mais elle est apparue de nul part.

Amber haussa doucement les épaules et jeta un coup d’œil vers le ciel. Elle cherchait plus à savoir si sa chouette allait bien après l’impact qu’à faire semblant de surveiller ses arrières.

— J’espère qu’elle n’a rien tout de même… souffla-t-elle, légèrement inquiète, mais autant qu’aurait pu l’être un moldu qui se préoccupait des animaux et de leur bien-être.

Alors qu’elle reprit ses esprits, Amber écouta la blague quant au facteur et au pigeon voyageur et se mit doucement à rire. En vérité, elle doutait encore quelque peu sur certaines professions du monde des humains. Est-ce qu’il s’agissait du livreur ? Cela devait être épuisant d’avoir autant de personnes à gérer en même temps ! Le système sorcier était visiblement bien plus simple.

— Ne t’en fais pas pour l’argent, Raphaël. Quelques gal… livres n’ont jamais tué personne.

Bon sang, elle avait vraiment eu chaud ! Elle devait faire attention de ne pas trop gaffer. Ici, les règles du jeu étaient très différentes de celles qu’elle avait toujours connues. Elle devait y faire très attention.

— Inutile de m’envoyer un message. J’enverrai mon pigeon porter ton message. Bien plus sécurisé ! Évitons de prendre des risques inutiles !

Amber pouffa légèrement de rire, avant de nouer ses cheveux en un petit chignon. Il commençait vraiment à faire chaud dans le coin. Elle regrettait déjà d’avoir pris un cappuccino au lieu d’un délicieux diabolo grenadine. Il n’y avait décidément pas assez de cette boisson dans leur monde !

— Du coup, je pense que je vais rentrer. Je fais une fête chez moi ce soir. Ça te dirait de... de pas venir? Je suis encore indignée par ton commentaire sur mon physique, plaisanta-t-elle d’une façon bien trop théâtrale. Plus sérieusement, je vais sûrement rentrer et regarder un vieux feuilleton télévisé avec une bonne clim. Un excellent programme, n’est-ce pas ? proclama-t-elle en souriant grandement à Raphaël, qu'elle s'apprêtait à quitter.

Amber ne savait ce qui l’avait conduite à venir à ce bar, mais elle ne regrettait vraiment pas sa décision. Cela lui avait permis de rencontrer une personne qui valait vraiment le coup. Au moins, maintenant, elle savait ce qu’elle pourrait faire du reste de son été : tourner un court-métrage. Ohhh… Si Thorfinn, son père, la voyait, il ferait sans doute un arrêt cardiaque. Sa fille sociabilisant avec des moldus. Elle venant pourtant d’une famille de Mangemorts… La honte allait s’abattre sur le reste de la famille. Il fallait prendre garde !

— Des troubles de la mémoire immédiate ? Han, qu’est-ce qu’il faut pas entendre.

Amber regarda Raphaël avec un immense sourire aux lèvres. Il venait de lui sortir la pire excuse possible. Et puis, s’il souffrait vraiment de trouble de la mémoire, à son âge, cela serait bien plus inquiétant que ça.

Ces moldus la faisaient doucement sourire. Elle se souvenait de l’article de journal qu’elle avait lu avec des étudiants qui brandissaient des pancartes où l’on pouvait lire « Phoque le réchauffement climatique ». Elle ne savait pas pourquoi mais ce slogan l’avait marqué. Ils n’avaient pas de pouvoirs magiques, mais cela ne les empêchait pas d’annoncer fièrement leurs idéologies. Au final, ils étaient comme eux. Ils avaient seulement un mode de vie un peu différent. Jamais Amber se risquerait de dire qu’elle valait mieux qu’eux. Au contraire, ils avaient le don de faire les choses parfois plus simplement que les sorciers. Sauf quand le Blood Circle s’en mêlait… Là, c’était une toute autre affaire.

— Et alors là, la daurade se tourne vers le bar et elle lui dit : on peut pas avoir la barre et l’argent du bar ! s’exclama l’homme avec sa petite-amie derrière eux.

Amber n’avait pas eu accès au début de la blague, mais elle n’avait même pas envie de le connaître. Son haussement de sourcils suffisait à faire comprendre qu’elle trouvait ça vraiment puéril au possible. Un petit rire franchit le seuil de ses lèvres et elle leva la main pour saluer Raphaël.

— Je crois que cela marque le bon moment pour mon départ.

Sur cette petite pointe d’amusement, Amber salua sa nouvelle connaissance d’un hochement de la tête et mit les mains dans ses poches. Après être sûre qu’il n’y ait plus rien à rajouter, elle fit demi-tour et quitta ce café qui fut la source d’un profond amusement. Quel drôle de moldu, ce Raphaël ! Elle avait hâte de le revoir.