12 Janvier 2019 Pourquoi ? Mon esprit est envahi d'un flot de pensées, toutes plus contradictoires les unes que les autres. Je ne parviens plus à penser correctement depuis ce matin, depuis ma dispute avec Heimir. Tout aurait dû se passer comme d'habitude. On aurais passé la journée ensemble, tranquillement tous les deux aux trois balai dans la chambre qu'il occupe et je serais rentré tranquillement en fin d'après midi pour le dîner, après lui avoir dit au revoir. On aurais organisé une rencontre dans la semaine, quelque part dans le parc ou dans la forêt si nous en avions tous les deux le temps, la vie aurais suivi son cours sans que je ne me pose trop de questions et lui non plus. Mais il a tout gâché. Ou bien est-ce que c'est moi ?... Je ne sais pas vraiment qui est coupable dans cette histoire. Sans doute nous deux, puisque nous n'avons pas communiqué sur quelque chose qui nous semblait limpide aussi bien à l'un qu'à l'autre, tout en ayant pourtant des points de vue totalement opposés sur la question. Nous avons tous les deux crus que l'autre pensait la même chose, sans le demander. Et puis, c'est de ma faute aussi, on ne s'est jamais dit officiellement que nous étions ensemble, il a raison sur ce point. Est-ce donc une rupture ?...

Je soupire longuement et secoue la tête pour organiser mes pensées chaotiques. Merde. Par où commencer ? Heimir et moi nous nous sommes rencontrés cet été, au chaudron baveur à Londres. Au début c'était juste comme ça, c'était censé être passager et même moi je n'imaginais pas que ça deviendrais sérieux. Mais nous avons continué à nous voir à la rentrée. Si bien que c'est devenu habituel pour nous, d'être ensemble, de passer du temps tous les deux. De parler aussi, beaucoup, peut-être même trop. De parler de projets, d'avenir. Alors que j'étais sincère, lui ne l'étais pas. Il ne pensait certainement pas un seul mot de ce qu'il a pu me sortir et c'est le pire dans cette histoire. J'ai l'impression que c'est lui qui m'a donné de faux espoirs en me disant des choses comme bébé, oublies ta famille et vas vivre ta vie dans la nature si c'est ce que tu veux vraiment. Il a menti. Et je m'en rend seulement compte aujourd’hui quand ce matin il m'a appelé par un autre prénom. Il a soupiré, miaulé, gémit celui d'un autre. Alexei c'est tout de même assez éloigné de Thaddeus ou de bébé.

Comment est-ce que vous le prendriez vous, si votre moitié prononçait le nom d'une autre personne lorsque vous partagez un lit ?.... Certainement aussi mal que moi. Mais ce n'est pas une simple erreur. Heimir en a vu d'autres. D'autres que moi, pendant ces quelques mois où je pensais que nous étions ensemble tellement celà semblait évident. Mais pas pour lui. Il ne m'a jamais considéré comme son petit ami, j'étais juste son amant préféré du moment, rien de plus, rien de sérieux, rien de romantique. Juste un type un peu trop gentil avec qui passer du bon temps quand il s'ennuyais les week end ou la semaine, quelqu'un avec qui tuer quelques heures, quelqu'un avec qui s'oublier dans la petite mort.

Je crois que je n'ai jamais aussi bien mérité mon surnom de mort vivant qu'en cet après midi. Le regard vide et épuisé, j'ai déjà eu trois crises de cataplexie depuis que je suis rentré. Mon corps tremble encore par moments et je suis forcé de me tenir aux murs pour ne pas tomber encore une fois. Sentant le malaise venir de nouveau, je glisse assez lourdement sur le bas d'un escalier pour me retenir. Au moins je ne tomberai pas de trop haut. C'est le choc qui me met dans un état pareil. Je le sais. Le fait de savoir que Heimir ne m'a jamais aimé et prétend qu'il ne peut pas avoir de sentiments, qu'il ne peut pas me rendre ce que je ressentais pour lui. Alors c'est ça, un cœur brisé ?... Je commence à mieux comprendre les filles qui vont pleurer dans les toilettes après avoir été larguées par leurs copains. Si je n'ai pas les yeux rouges, de mon côté j’enchaîne les comas depuis tout à l'heure. Comme si mon corps me disais : et si tu dormais Thaddeus ? C'est comme la mort, en moins définitif. Mais au moins, tu ne ressens plus rien pendant ce temps là. C'est bien ce semblant de décès non ? L'inconscience arrive encore, et je sens à peine mon corps tomber contre les marches. Ce ne sera pas la première fois que je sombre au milieu d'un couloir.      

J'ouvre les yeux, sans souvenir de ce qu'il s'est passé. Sans savoir combien de temps j'ai pu dormir et oublier l'espace d'un instant. Tout ce que je sais c'est que le type que j'ai en face de moi est quelqu'un que je connais. Quelqu'un que j'apprécie même. C'est un nouveau de l'université, un petit peu plus âgé que moi. Il est à Serpentard, mais en ayant étudié à l'étranger il n'a pas l'air de trop se soucier de ces histoires de maison. Pire encore il n'arrive pas à prononcer Poufsouffle correctement et nous appelle donc les jaunes. C'est assez drôle, et un peu mignon aussi. Je me redresse en clignant des yeux, prenant appui sur mes mains et frottant mon pull over couvert de poussière. Je croyais qu'on avais des elfes de maison pour le ménage à Poudlard ?... Visiblement ils n'ont pas le temps de passer partout, mais c'est compréhensible vu la taille du château. Je tousse un peu en revenant à moi-même et lève les yeux vers Uta, qui semble inquiet de me voir dans cet état là. Il sait pourtant que je ne suis pas ivre mort ou drogué, j'ai dû lui expliquer ce qu'étais ma maladie quand justement il a essayé de dire Poufsouffle pour la première fois. J'avais eu un fou rire en l'entendant, et un petit coma sous l'effet du rire. « C'est rien, c'est rien, ça va... »

Mentir à un serpentard. Très bonne idée Thaddeus, vraiment. Vu la tête qu'il fait il ne me croit pas un seul instant. Je soupire, passe une main sur mon visage fatigué avant de la poser sur mes genoux. Elle est lourde. Je crois que je vais encore partir si je reste là à ne rien faire : « J'ai besoin d'air frais. Tu peux m'accompagner dehors ou est-ce que tu es pressé ? Tu dois peut-être rejoindre Hyacinthe non ? » Brrr. J'en ai des frisons, c'est vraiment un drôle de couple ces deux-là. Bien assortis c'est vrai, quand on les voit tous les deux c'est comme une évidence. Mais quand on va au delà des apparences pour le Japonais qui a l'air aussi terrifiant que le Chinois, on se rend compte qu'il est en fait très gentil. Contrairement à son copain, plus grand mais aussi plus autoritaire et colérique. Avec l'aide de l'attrapeur des verts et argent qui tente de me soutenir en m'offrant son épaule -et je dois avouer qu'il est mieux que les murs du château, vraiment-, nous voilà quelques instants plus tard dehors à l'air frais, près des serres de botanique. Une fois les fesses posées près de l'une des serres de botanique, je prend une grande inspiration et soupire « Merci. Et pardon de t'avoir embêté. T'as surement mieux à faire que de rester avec moi. »
 

12 Janvier 2019

Lorsque je suis arrivé pour la première fois en Angleterre, je ne pensais pas me faire le moindre ami. Ce n'était pas le but, évidemment, puisque je n'avais en tête que mon coup d'état à préparer minutieusement de loin, avec ma famille. Si je suis ici, c'est pour faire des études sans aucune entrave du ministère japonais, sans une sorte de plafond de verre placé au-dessus de ma tête simplement parce que mon nom est Taira. Je ne pensais qu'étudier encore et encore, éviter les relations humaines et effrayer bon nombre de mes camarades avec mon look étrange et ma façon de parler. Résultat ? Non seulement j'ai réussi je ne sais comment à me lier d'amitié avec certains étudiants malgré ma timidité presque maladive et mes antécédents peu glorieux, mais en plus j'ai fini par me trouver un petit copain presque dès le premier jour d'école. Tu parles d'un asocial complet ! Je n'aime pas trop ça, évidemment, parce que ça signifie que lorsque je reviendrai au Japon dans quelques années, je laisserai derrière moi des liens qui risqueraient, en cas de gros soucis dans le déroulement de mon plan, d'être mis en danger par ma faute. Le gouvernement n'irait-il pas directement interroger des gens comme Hyacinthe ou Erebos si je me faisais choper ? Même quelqu'un comme Thaddeus serait en danger par ma faute. Cependant j'ai beau me dire ça, je suis incapable de couper les ponts avec ces gens que je croise de toute façon tous les jours ou presque. Si je largue Hyacinthe, non seulement je serais extrêmement triste et aurais du mal à passer outre pour me concentrer sur les études, mais en plus il risque fort de se suicider, con comme il est. Alors tant pis...tel un égoïste, je conserve mes liens et tente d'agir comme un jeune adulte tout ce qu'il y a de plus normal.

En parlant d'amitié, aujourd'hui est le jour de mon rituel habituel avec Erebos. Nous nous retrouvons presque tous les samedis depuis que j'ai découvert qu'il enseignait à Poudlard, même si ce n'est malheureusement pas à l'université mais au collège. Ce professeur était le seul qui me comprenait réellement lorsqu'il est venu enseigner au Japon sur un enchaînement assez étrange de situations qui ne me regardent pas de près comme de loin. Je crois qu'il était venu pour suivre une femme, sa maîtresse de l'époque je dirais, si toutefois il était déjà marié. Je l'ignore à vrai dire, et je ne devrais pas m'en mêler, mais...c'est plus fort que moi ! Je suis beaucoup trop curieux concernant les relations de mes amis. S'il était plus jeune et surtout s'il n'était pas professeur, j'aurais sûrement fini par mener une enquête sur lui afin de tout connaître. Certains diraient que c'est mesquin, d'autres que je n'ai aucun droit de lui faire subir ça, mais la vérité est que je ne m'en offusquerais pas qu'on me fasse de même. Je n'ai rien à cacher, surtout pas à des amis. Enfin...bon, peut-être que si, j'ai des choses à cacher pour les préserver. Moins ils en savent, mieux ils s'en porteront.

C'est en sortant du bureau du professeur Asclépiades que je tombe sur lui. Enfin que je manque de réellement lui tomber dessus, à ce garçon qui est totalement avachi contre les marches de l'escalier. Il n'y a qu'une seule personne à qui ça peut arriver, ce genre de choses. Thaddeus...la première fois que nous nous sommes rencontrés, lui et moi, c'était lorsqu'il était inconscient contre le mur d'un couloir de ce même château, à piquer un petit somme sans avoir le temps de rentrer dans sa salle commune. Je suis au courant de sa condition évidemment, comme beaucoup d'autres. J'ai eu pitié de lui lorsqu'en se moquant de moi et de mon anglais approximatif des premiers jours, il s'est évanoui pendant quelques secondes. Thaddeus, c'est le genre de garçon qu'on voudrait protéger pour toujours de peur que le monde extérieur n'essaye de l'abîmer. C'est un gentil garçon, un peu naïf, qui a une façon bien particulière de voir les choses. Il ne ferait pas de mal à une mouche...mais justement, c'est pour ça qu'on ressent le besoin de le protéger de ceux qui souhaiteraient lui faire du mal.

Je m'accroupis devant lui et tente de le réveiller en le secouant doucement. Il met un certain temps à émerger, comme d'habitude je suppose, et pose les yeux sur moi. Le temps qu'il calcule mon identité et le fait qu'il me connaisse, je peux détailler moi aussi son visage fatigué. Certes, c'est habituel aussi, ça, mais...je lui trouve un air pâle et absent, et maintenant que ses yeux sont ouverts, il a l'air triste. Je ressens à cet instant ce sentiment spécial qui donne envie de buter la ou les personnes qui l'ont mis dans cet état. Pourquoi attaquer un petit animal sans défense si ce n'est pour prouver à quel point on est un horrible monstre ? Peut-être que je me trompe, et peut-être qu'il n'y a vraiment rien ; mais je ne compte pas le laisser tant que je ne sais pas pourquoi il a l'air si triste.

« Ca va, hein...bien sûr, et moi j'me tape la reine d'Angleterre. »

Est-ce qu'ils ont encore une reine ici, d'ailleurs ? Il me semble qu'elle existait il y a quelques années, enfin ce n'est qu'une histoire de moldus ça...je ne suis pas au faît de leur culture, aussi il est probable que je me plante royalement, si je puis m'exprimer ainsi. Enfin ce n'est qu'une expression de toute façon, et je crois que Thaddeus l'a compris même s'il fait semblant de rien. Je l'aide à se redresser, doucement mais sûrement, et secoue la tête à sa demande.

« T'en fais pas. Il comprendra quand je lui expliquerai que je t'ai accompagné parce que tu te sentais pas bien. »

Bon, la vérité, c'est que je devais bel et bien rejoindre Hyacinthe devant les cheminées qui font le passage entre le collège et l'université, histoire qu'on rentre ensemble pour aller dîner et faire bien d'autres choses encore. Mais le petit copain comme le repas du soir pourront attendre, il y a des choses plus importantes dans l'immédiat. Comme de comprendre pourquoi mon ami de la maison au nom imprononçable est dans un état lamentable alors qu'il se portait plutôt bien la semaine dernière...bon, il s'en passe des choses en l'espace d'une semaine, mais tout de même ! Je l'accompagne dehors, du côté des serres où je sais qu'il pourra se recharger un peu plus rapidement qu'ailleurs. Je n'ai jamais rencontré quiconque avec autant d'affinités pour les plantes...c'est comme si son avenir était déjà tout tracé. « Je ne veux pas être croque-mort, moi je serai fleuriste ! » comme disait un petit personnage adorable à la té-lé-vi-sion ce noël. A bien y penser, on dirait que le sorcier qui faisait bouger les images avait rencontré Thaddeus avant de dessiner ce personnage !

« Nan, t'inquiètes Thad. Je vois pas ce que je pourrais avoir de mieux à faire que d'aider un ami. Tu veux m'en parler ? »

Lui tirer les vers du nez ne semble pas simple. Peut-être que c'est très récent, et ça ne m'étonnerait pas...peut-être qu'il en a honte aussi. Mais pourquoi ça ? Je sais qu'il n'est pas censé en parler, mais qu'il entretient une relation avec un homme que Hyacinthe a déjà rencontré. Un homme beaucoup trop beau à mon goût qui semble draguer tout ce qui bouge et qui possède un pénis, et qui a déjà eu affaire à moi lorsque les rumeurs d'une relation entre lui et mon propre petit ami sont arrivés à mes oreilles. D'ailleurs, j'aurais dû mettre Thaddeus en garde...je ne sais pas depuis combien de temps ils entretiennent cette relation, puisque je ne connais pas le Poufsouffle depuis longtemps, mais l'histoire avec mon cher blondinet remonte à avant les vacances de noël...bon, c'était une fausse alerte, mais Hyacinthe m'a clairement dit qu'il avait tenté quelque chose. Ce qui signifie qu'il essaye d'attirer toutes sortes de types dans ses filets...et s'il trompait Thaddeus et que celui-ci s'en était rendu compte ?

« C'est à cause de ton mec, c'est ça ? Vous vous êtes disputés ? Il t'a dit des choses horribles ? Tu peux m'en parler Thad, je suis muet comme une tombe. Si ça doit rester secret, ça le restera avec moi. »

Malgré ça, je ne garantis pas de ne rien faire si j'apprends que son rouquin lui a fait du mal. Je risque de faire un petit tour à Pré-au-lard pour lui foutre mon poing dans la gueule, ce que j'aurais dû faire depuis longtemps d'ailleurs. La menace, il n'y a que ça de vrai pour empêcher les cons d'agir comme des idiots !

12 Janvier 2019 Même si le Serpentard m'affirme qu'il n'a rien de mieux à faire j'ai du mal à le croire. Je ne suis pas spécialement important, certainement moins que son petit copain avec qui il semble filer le parfait amour contrairement à moi. C'est bien pour ça que je ne tiens pas à lui en parler, pour ne pas le déprimer, pour ne pas qu'il s'imagine vivre la même chose. Si je suis toujours présent pour les autres dès qu'ils ont besoin de quoi que ce soit, c'est différent quand c'est moi qui ai besoin d'un soutien. Parce que je ne veux pas déranger les gens. Parce que je préfère gérer mes problèmes seuls, parce que j'ai compris très tôt que c'était parfois dur de me suivre dans mes pensées. Je m'y perd moi-même assez souvent en étant d'une nature rêveuse. J'imagine tout un tas de choses, je réfléchis beaucoup aussi et je passe par cinq ou dix émotions en parfois moins d'un quart d'heure. J'ai l'impression que personne d'autre n'est comme ça, comme moi. J'ai sans doute tord d'ailleurs, je ne peux clairement pas être la seule personne au monde qui intériorise autant. Pas le seul qui réfléchisse de manière aussi profonde pendant des heures. Sur des sujets stupides parfois c'est vrai, la dernière fois que ça m'est arrivé c'est quand je me suis demandé comment ça se faisait qu'on avais commencé à manger des huîtres, vu la sale tête que ça a. Enfin la sale tête, non même pas, c'est juste un aspect assez peu ragoutant. Avouez que ça ressemble carrément à de la morve... Toujours est-il que je pense être parfois le seul à être comme ça et je me dis que c'est clairement égocentrique, moi qui ne le suis pourtant clairement pas. « Non ne t'en fais pas, j'ai juste mal dormi cette nuit. »

C'est un demi mensonge comme d'habitude, puisque je ne suis pas capable de faire mieux. C'est vrai que j'ai mal dormi hier soir. Comme si j'avais eu une sorte de sixième sens, comme si j'avais un peu prédit que j'allais passer une journée de merde aujourd'hui. C'est comme si je l'avais sentie venir, cette situation qui sent clairement la merde à plein nez. Comme si j'avais su d'avance que j'allais me faire larguer, mais surtout trahir. Parce que ce n'est pas tellement le fait de m'être fait plaquer qui me met dans cet état, mais plutôt qu'il m'ait planté un couteau dans le dos. Pas assez profondément visiblement, puisque je suis toujours debout. C'était prévisible que ça allait mal finir entre lui et moi. Tout était là pour que ça foire, les gros drapeaux rouges qui disent attention Thaddeus tu fonces droit dans le mur et celui-là ne va pas s'ouvrir comme celui de la voie 9 3/4 tu vas juste te faire mal en le percutant. Premier signe : notre différence d'âge. Au début je me disais que finalement ce n'était pas si grave que ça ne changeais pas forcément grand chose. Deuxièmement, son passif. Pas qu'il m'en ait parlé en détail mais j'ai rapidement su qu'il avait eu un certain moment de débauche. Troisièmement : il est toujours débauché. Il suffit de voir ce qu'il boit, le matin ce n'est pas du café mais du Whisky. En plus d'être mauvais pour la santé, ça fait faire n'importe quoi. Et c'est justement en faisant n'importe quoi qu'il m'a fait du mal. Pourtant il n'y a pas que l'alcool à blâmer mais aussi un certain Alexei.

Visiblement, le Japonais a compris. Je soupire longuement en l’entendant dire ton mec. Suis-je donc si prévisible que ça ? Encore une fois, il n'y a que moi qui ne l'ai pas vu venir semblerait-il. Ou tout du moins, je n'ai pas voulu le voir venir. J'ai préféré me mettre des œillères comme un Abraxan, me dire qu'il tenais à moi autant que moi je tenais à lui, que la loyauté était une notion universelle et commune à tous les êtres humains. Comme l'honnêteté d'ailleurs. Et la fidélité. Mais nous n'avons pas les mêmes notions de ces mots-là. Pas la même notion de l'honneur. Là où pour moi être quelqu'un d'honorable c'est être droit et sincère, pour Heimir c'est une toute autre histoire. Je me demande bien ce que ça signifie pour lui d'ailleurs, ce mot-là. « Oui. C'est à cause de lui. Oui, on s'est disputés. Et oui, il m'a dit des choses horribles. »

Mais c'est de ma faute une fois de plus j'ai voulu faire confiance à la mauvaise personne. Je ne pensais pas qu'il me ferait du mal. Parce que je croyais que l'on s'aimait. Et que pour moi, quand on aime quelqu'un on le respecte et on ne lui plante pas un couteau dans le dos. Je passe mes doigts dans mes longs cheveux châtains et me retourne vers lui.  « J'allais dire qu'on a rompu, mais pour lui visiblement, on a jamais été ensemble et je me suis fait des idées. » Je le sais bien que je suis assez crédule comme garçon, mais à ce point ? C'était évident. Les quelques personnes à qui je me suis confié ont assumé que c'était mon petit ami, que c'était une vraie relation sérieuse. Et c'est bien ça qui me rassure et qui me fait me dire que je ne suis pas fou. Que je n'ai pas tous les tords dans cette dispute. « J'ai vraiment pas envie de te déprimer avec toute cette histoire, c'est sordide et même moi j'ai pas tout compris je crois. Il m'a dit des choses bizarres, et il étais même pas forcément saoul. Je sais comment il est quand il a trop bu, ou qu'il a consommé. Et là il étais très cohérent. Perturbé, mais cohérent dans ses paroles. » C'est le genre de situation où j'en ai trop dit ou pas assez. Je crois que Utakata est un ami. Alors, ce n'est pas assez. Un nouveau soupire passe mes lèvres et j'avale ma salive difficilement. J'ai clairement envie de pleurer mais je crois que pour le moment, je n'en ai clairement pas la force. C'est la première fois que j'ai envie de sangloter après une rupture. Je sais bien qu'il faut une première fois à tout dans la vie, mais j'aurais préféré ne pas vivre celle-ci.

« On étais ensemble ce matin. Tout se passait bien, mais à un moment... Il a soupiré le prénom d'un autre. » Même moi qui suis un peu benêt, et je le sais, je suis capable de comprendre que ce n'est pas une simple erreur d'inattention. Pas après plusieurs mois à se fréquenter. Depuis le temps il connaît très bien mon prénom même s'il a tendance à me surnommer bébé. Tiens, encore une preuve que je ne me faisais pas des idées tout seul ! On ne donne pas un surnom d'amoureux à un simple plan cul. « Je lui ai demandé qui c'était. Il m'a tout de suite dit c'est pas ce que tu crois. Mais je trouve que c'est un peu insulter mon intelligence, sortir un truc pareil. Je lui ai demandé qui c'était, cet Alexei. C'est l'homme qu'il aime. Un type qui est mort. C'est pas récent en plus. Visiblement, ça fait quinze ans. » Je marque une courte pause et soupire : « Il m'a dit qu'il n'a pas le droit d'en aimer un autre que lui, même s'il mange les pissenlits par la racine. Et que d'ailleurs, il ne m'aimais pas. Je lui ai demandé s'il m'avait trompé. Il m'a dit oui. Et... C'était pas juste une fois. » Nouveau soupir. Je regarde au loin et cale mon menton dans la paume de ma main. Merde, c'est compliqué cette histoire. « C'était vraiment super bizarre. Et pourtant, j'en ai vu des choses étranges dans ma vie. Mais là, pendant qu'il me racontais qu'il aimais encore son ex qui est mort, il avais l'air terrifié, comme s'il s'attendais à le voir sortir de derrière le rideau ou je sais pas quoi. » Non vraiment, des fantômes j'en ai déjà vu. Et quand il me parlais de ses sentiments comme Alexei, il avais la même tête que les élèves nés moldus qui voient un fantôme pour la première fois. Livide à faire peur, inquiet, perplexe, perturbé. Les adjectifs ne manquent pas pour décrire à quel point son visage s'est décomposé. « J'aurais préféré que ce soit une blague, mais il m'a confirmé que jamais on a été ensemble, et que c'est moi qui m'étais fait des idées.. »

12 Janvier 2019

Thaddeus ne veut pas en parler, et c'est évident qu'il se sent coupable de se sentir aussi mal à cause d'une histoire sordide. Mais je ne suis pas dupe, je sais bien qu'il y a une raison à son état et que ce n'est pas simplement la fatigue. Alors quoi ? Je fronce les sourcils alors qu'il m'explique difficilement les choses. Ils ont rompu ? Mais ils n'étaient pas ensemble ? Mais quoi alors ? C'est mal foutu cette histoire. Si Hyacinthe me faisait un coup pareil, il se prendrait mon poing dans la gueule, c'est moi qui vous le dit ! Non mais quels idiots, ces mecs...le pire, c'est que je suis persuadé que si je n'avais pas pris le taureau par les cornes dès le départ comme on dit, le chinois m'aurait fait exactement la même chose il y a des mois de cela. Ce sont les mêmes, pas étonnant qu'ils s'entendent si bien ! Ces deux idiots se tirent vers le bas, et qui doit ramasser les morceaux après coup ? C'est bibi ! Non mais franchement !

« J'avoue que je comprends que dalle, là, Thad. »

Il était cohérent tout en étant incohérent ? C'est quoi cette histoire, encore ? Je savais que ce type était mauvais et dangereux, pourtant je ne m'attendais franchement pas à ce qu'il ose faire du mal à l'être le plus gentil et naïf de toute l'Angleterre, sans exagérer. Du Royaume-Uni d'ailleurs, puisque nous ne sommes pas en Angleterre à proprement parler, apparemment. Enfin pas sur le sol de Poudlard quoi. Oh et puis zut, j'en ai marre de retenir ces idioties ! L'important, c'est ce que Thaddeus a à dire. Et il ne semble pas prêt à raconter quoi que ce soit, là tout de suite...j'ai l'impression qu'il va éclater en sanglots. Laissez-moi vous dire que c'est franchement étrange de voir d'un coup un grand gaillard comme lui pleurer, parce que même s'il c'est un nounours, son apparence peut en effrayer plus d'un. C'est les tatouages, ça repousse les gens en général.

Petit à petit pourtant, le poufsouffle s'ouvre à moi. Il m'explique leur matinée à tous les deux, qui était certainement aussi remplie que la mienne avec Hyacinthe...voire peut-être plus, puisque ce matin j'étais fatigué pour ne pas changer. Enfin bref, une aventure honorable en couple. Jusqu'au moment gênant où un autre prénom sort pendant l'acte...Ah, je dois avouer que je n'aurais pas pu le supporter, pour ma part. Ca ne m'est jamais arrivé, heureusement ! Imaginez un peu ce qu'on peut ressentir lorsqu'on entend ça pour la première fois ? Je comprends pourquoi Thaddeus se sent si mal. Si ça ne tenait qu'à moi, j'irais immédiatement lui casser la gueule à cet imbécile. De toute façon il est mille fois trop vieux pour se taper un collégien ! C'est quoi ces types qui osent tourmenter les plus jeunes ? Sale pédophile, va ! Et ce n'est pas parce que mon ami a dépassé les dix-sept ans réglementaires que ça change quoi que ce soit ! D'ailleurs au Japon il serait à peine majeur, c'est bien un signe !

La colère monte, mais je tente de la contenir en serrant simplement les poings et la mâchoire. Ce type...est le diable en personne. Il est venu, a tenté un mec qui n'avait rien demandé, et le brise d'un coup en mille morceaux pour son seul plaisir. Je suis content de m'être trouvé là ce soir en particulier. Je ne pense pas que Thaddeus soit du genre à tenter de se suicider comme un Hyacinthe en dépression, mais il risque d'être malade un moment avec sa...condition. Je ne dois pas le laisser tomber à mon tour.

« Si j'ai bien compris...il s'est totalement foutu de ta gueule, c'est ça ? Il t'a embarqué dans cette histoire pour finalement te jeter sur le bord de la route, tout en t'avouant qu'il allait voir ailleurs...putain, mais quel...enculé, j'ai pas d'autres mots pour le dire. »

Thaddeus a l'air très choqué de m'entendre parler comme ça, mais je ne peux pas m'exprimer autrement. Surtout quand tout mon corps bout de colère parce qu'on vient de blesser mon ami. Et surtout, ça veut dire qu'il est resté avec ce connard pour rien ! Il était si heureux lorsqu'il en parlait que je n'avais pas le courage de lui briser ses rêves, à lui dire que peut-être ce n'était pas le bon. Que peut-être ce type du double de son âge se fichait de lui et ne voulait que s'amuser. J'ai espéré avoir tort, espéré que peut-être il était réellement tombé sur quelqu'un de bien...mais les signes étaient là depuis le début. Il est vieux, il boit, ils ont couché ensemble dès leur rencontre qui à l'origine n'était faite que pour ça. Tout poussait à penser qu'il était prêt à le quitter du jour au lendemain en lui servant au passage une excuse pourrie que je n'aurais même pas imaginé. Je soupire longuement, et sans prévenir, prends mon ami dans mes bras – tout en priant pour qu'il ne tombe pas dans les pommes, ou quelconque problème du genre dont il est habitué.

« C'est un con. T'as pas eu de chance de tomber dessus, c'est tout...et il essaye de s'en sortir en balançant des excuses bidons, parce qu'il assume pas ses actes. Heureusement vous n'êtes pas ensemble depuis longtemps, mais imagine, Thaddeus...imagine s'il avait attendu la fin de l'année pour te la foutre à l'envers. »

Ils avaient prévu beaucoup de choses tous les deux, de ce que j'ai compris. Enfin Thaddeus en parlait parfois, peut-être que l'autre n'en pensait pas un mot. Difficile de connaître la vérité avec ces vieux qui se croient jeunes, hein ? En tout cas, c'est à moi de le ramasser à la petite cuillère maintenant.

« Au moins, tu es au courant maintenant. Tu sais ce que type était une ordure, et heureusement il ne t'a pas fait plus de mal que ça. Il aurait pu t'ensorceler...pire, te faire voir des choses affreuses que tu n'aurais pu supporter ! Imagine qu'il t'emmène un jour dans une orgie et te drogue ? Ca m'a l'air d'être le genre de type à faire ça ! »

Bon, ok, là je suis peut-être un peu parano. Mais lorsque j'ai des amis, j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux et je me sens responsable d'eux. Je m'en voudrais de laisser Thaddeus dans cet état !

« C'est pas ton problème s'il arrive pas à se sortir de son passé ou je ne sais quoi. Tu peux pas non plus être sa babysitter ou son psy, il est assez grand pour s'en sortir tout seul je pense. Sinon...c'est qu'il aurait risqué de te faire un autre coup de pute du genre plus tard. »

Pour le soutenir, je prends sa main et le regarde dans les yeux. Hyacinthe va me détester pour mon retard, mais tant pis ! Il peut bien attendre quelques minutes de plus quand même, c'est important. Je me lève de notre petit promontoire et tire légèrement sur le bras du poufsouffle pour l'inciter à se lever. Nous ne pouvons pas rester là en réalité, c'est trop visible de partout.

« Viens, on va marcher un peu près du lac. Y'a jamais personne là-bas, c'est plus confidentiel et ça te fera du bien d'avoir un peu d'air. »

L'avantage avec ce château, c'est que le lac qui le borde est assez immense. Il y a des tas de créatures et de plantes bizarres dedans si j'ai bien compris, et même si je ne m'y intéresse pas spécialement, je suis tout de même fasciné par cet écosystème que nous n'avons pas au Japon. Nos lacs ne sont certainement pas assez vastes, je pense...mais ici, sur cette île, il y a apparemment beaucoup de grands lacs. De quoi faire trempette un peu partout !

« Ca te soulagerait de me raconter des trucs ? N'importe quoi tiens...pourquoi tu ne me dirais pas ce que tu étudies en botanique ces temps-ci ? Ce que tu lis ? Tu pourrais m'apprendre des choses ! J'ai toujours été nul en botanique... »

12 Janvier 2019 Les histoires d'amour ça se termine toujours mal. Et les histoires de cul, ça pue. Je soupire longuement aux réflexions du Serpentard et hausse les épaules. Mouais, c'est vrai que ça aurais pu être pire. J'aurais pu le suivre à l'autre bout du monde avant de me faire larguer, avant qu'il ne se débarrasse de moi comme d'une vieille chaussette trouée dont on ne veut plus. Utakata a le mérite d'être assez pragmatique comme garçon, même si maintenant j'ai peur qu'il aille tabasser Heimir parce qu'il m'a fait du mal. J'ai peur aussi de ce que Mérope pourrais faire. Ou encore pire, Noctis. Finalement, j'ai beaucoup d'amis et de gens qui m'apprécient. C'est sans doute parce que je suis gentil, et facile à vivre d'après ma mère. Toujours calme, toujours souriant aussi. Mais pas aujourd'hui. C'est rare et ça peut sembler surprenant mais ça m'arrive d'être déprimé moi aussi... J'ai de quoi remarque, je viens de me faire larguer par mon petit copain. Qui en fait n'étais pas mon petit copain. Et c'est compliqué. ça me file mal à la tête cette histoire. Si bien que j'approuve l'idée du Japonais, quand il propose d'aller près du lac pour prendre l'air au calme sans personne. Les mains dans les poches de mon hoodie, je descend donc la pente à ses côtés en silence, toujours perdu dans mes pensées.

Ce n'est clairement pas la première fois qu'on me prend pour un bouche trou, ou qu'on profite de moi. Trop bon trop con comme on dit, non ? Je suis bonne poire, c'est vrai. Peut-être trop. Mais je ne peux pas me résoudre à être méchant en vers quelqu'un, parce que je n'aimerai pas qu'on le soit en vers moi. Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas que l'on te fasses, c'est avec cette règle là que j'essaye de vivre ma vie. Et aussi, voir le bon côté des choses dans toutes les situations et personnes. Même si aujourd'hui c'est assez difficile. Je me dirige vers une vieille souche d'arbre près du lac, pour m'y installer avec Utakata. En fouillant dans mes poches, je sort un joint déjà roulé. J'ai besoin de me calmer. J'ai besoin de dormir aussi, et même si c'est habituel pour moi d'être somnolent, là c'est une véritable envie parce que je ne me sens pas bien du tout. Au moins, quand je pionce je ne pense pas à tout ça. Il y a le risque de voir Jimmy débarquer au réveil ou quand je m'endors, mais je suis prêt à lui dire bonjour aujourd'hui. Sleep paralysis demon and chill. Tassant légèrement le cône sur le dos de ma main tatouée d'encre magique, qui vu mon état n'a pas envie de bouger d'un iota en ce moment, je détourne le regard vers le vert et argent. « J'ai recommencé à travailler sur les plantes tropicales, celles endémiques de l'île Bali plus précisément. » étrangement aujourd'hui je n'ai pas spécialement envie de parler de botanique, bien que ce soit ma matière de prédilection et une passion. Je fronce les sourcils le temps d'allumer mon joint, tire dessus et regarde au loin en recrachant la fumée.

« Tu as déjà été malheureux à cause d'une rupture toi ? » Il est un petit peu plus âgé que moi. Pas de beaucoup. Mais ça compte non ? Il a probablement eu des expériences que moi je n'ai pas eu dans la vie. Ou l'inverse remarque, j'ai sans doute expérimenté des choses que lui n'a jamais faites. Mais à mon avis c'est surtout culturel. Il n'est pas européen, donc on a pas vraiment eu les mêmes valeurs j'imagine. Ou le même bagage culturel ? Oui, c'est comme ça qu'on dit je crois. Il m'avais un peu parlé de son île natale, qui est très différente de la mienne. Et moi, je lui avais posé des questions sur les pivoines asiatiques, auxquelles il n'a pas vraiment su répondre clairement puisqu'il n'est pas spécialement doué en botanique. « C'est la première fois que ça me rend aussi triste. D'habitude, quand je cassais avec mes copines j'étais juste un petit peu maussade, mais je retrouvais vite le sourire. Là j'ai l'impression qu'il y a un détraqueur dans mon dos. Je ne suis même pas certain que Céleste arrivera à me faire rire aujourd'hui. » dis-je en soulevant mon joint, rempli de cannabis. Mon cannabis, issu de ma plante nomée Céleste. Utakata est au courant que je donne des noms aux végétaux dont je m'occupe. Beaucoup de mes camarades trouvent ça un peu bizarre, mais avec le temps ils se sont habitués à ce que je parle des plantes comme d'être vivants à part entière, comme on le ferais en parlant d'un animal de compagnie ou d'un être humain. « Déjà que j'ai du mal avec le sortilège du Patronus, si je devais en lancer un là tout de suite, j'en serais clairement incapable et je laisserai le détraqueur me manger tout cru. »

Je plisse le nez et lève les yeux vers le ciel gris soudainement confus : « Quoi que, il ne voudrais certainement pas de mon âme puisqu'ils mangent les émotions positives non ?... En temps normal je dois être un aimant à détraqueur, un peu comme les gens qui attirent les moustiques plus que les autres. Mais aujourd'hui, je serais sans doute immunisé j'imagine ? » Lui n'est pas très bon en botanique, moi je ne suis pas très bon en défense contre les forces du mal. ça tombe bien, puisqu'il veut devenir auror il doit d'y connaître non ?... Je ne sais pas si on peut être insensible à ce genre de créatures. Je suppose que non ? Ou peut-être que si, puisque Voldemort en avais dans son armée ? Et qu'ils n'ont pas mangé les sorciers qui étaient avec lui. Je crois que j'ai lu quelque chose, comme quoi Monsieur Jedusor avait dit que les Mangemorts et les détraqueurs étaient des alliés naturels. Est-ce que je devrais me faire mage noir du coup ?... Non, certainement pas. Je suis de toute manière dans l'incapacité la plus totale de faire de la magie noire, à cause du bois de pommier dont est fait ma baguette... Mais aussi tout simplement de mon tempérament. Je lace un regard accusateur à Céleste coincée entre mon index et mon majeur. Ah, je réfléchis trop avec ça !

12 Janvier 2019

Malgré mes efforts, Thaddeus n’arrive pas à changer de sujet. Je pensais que parler de ce qui l’intéresse par-dessus tout lui ferait oublier un instant sa douleur, mais il n’en est rien...et là, je dois avouer que mon inquiétude monte d’un cran. Je soupire longuement, tout en essayant de calmer la rage qui bouillonne en moi. Je suis un Taira. Un révolutionnaire dans l’âme, un type qui ne supporte pas l’injustice et les coups bas. J’exècre tous ceux qui profitent des plus faibles, et c’est aussi pour ça que j’ai choisi cette voie. J’aurais pu tenter ma chance au département de la Justice magique, mais je sais d’avance que ses portes me seront fermées et...j’ai d’autres projets bien plus intéressants. Quoi qu’il en soit, si je vois ce type un jour, il a intérêt à savoir se battre...ou à courir très vite, au choix. Parce que je ne compte pas faire de quartiers avec lui! Oser s’attaquer à Thaddeus, c’est comme noyer un chaton dans la rivière. Ca ne se fait pas, personne n’approuve, même les pires connards n’oseraient pas et c’est le meilleur moyen de s’attirer les foudres d’un pays tout entier. Thaddeus est peut-être martyrisé de temps en temps par des idiots parce qu’il est différent, mais j’ai l’impression que c’est la première fois que quelqu’un le blesse autant.

Un nouveau soupir passe la barrière de mes lèvres, et je regarde le lac au loin sans vraiment le voir. Si j’ai déjà souffert d’une rupture...oui, il y a longtemps maintenant. Quand j’y repense, je suis un peu nostalgique, mais...c’était une simple amourette de collégien. J’esquisse un sourire sans pour autant le regarder.

« Oui...quand j’étais encore à Maho. C’était mon tout premier petit ami, et je n’osais même pas lui donner la main. On s’est embrassés deux fois en tout, puis il m’a largué. Ca m’a donné un goût d’inachevé, comme si ma gêne avait été la raison de notre rupture...ses potes me détestaient par principe, à cause de Li qu’il ne fallait pas contrarier et qui a fait de moi un mouton noir à ne surtout pas aborder. Ils l’ont éloigné de moi et...j’ai mis deux ans à m’en remettre. Parce que c’était ma première relation homosexuelle, parce que c’était trop court, parce que j’avais beaucoup de regrets et personne pour m’épauler à cette époque. Mais maintenant, j’y songe avec nostalgie, comme d’une anecdote lointaine qui m’a forgé. Et puis...j’ai Hyacinthe, ici. »

Je ne suis pas sûr que Thaddeus soit vraiment rassuré par ce que je lui dis. Deux ans, c’est très long pour se remettre d’une rupture. Mais je ne veux pas lui mentir. C’est long, ça fait mal, mais on finit toujours par s’en sortir. C’est pas comme si l’homme qu’il aimait était mort subitement...là, il pourrait vivre avec cette douleur pendant toute sa vie. Mais dans mon cas, personne n’était là pour moi. Personne ne m’aidait à me changer les idées, ne tentait de me faire rire, ne me présentait à d’autres gens pour tenter de me recaser. J’étais seul, et c’est seul que j’ai fait le deuil de mon premier véritable amour. Lui a la chance d’être entouré, apprécié de tous sauf de quelques irréductibles qui le trouvent trop bizarre. Il n’y a pas de raison pour qu’il y pense encore dans plusieurs mois. La douleur sera là, atténuée, lorsqu’il songera à ce type qui décidément ne le méritait pas. Mais il s’en remettra, j’en suis sûr.

« Les détraqueurs sont attirés par la douleur...ils se nourrissent de pensées positives, mais sont plus actifs quand celles-ci sont rares dans ton esprit. En gros...plus tu as vécu d’horreurs dans ton passé et tenté de te construire malgré tout, plus ils seront virulents. Toi...si la pire horreur que tu aies vécu soit une rupture amoureuse, je pense qu’ils te laisseront tranquille un minimum. Même aujourd’hui...»

Je suis très pragmatique comme garçon. C’est peut-être en ça que Hyacinthe et moi, nous allons très bien ensemble. Je vois les choses telles qu’elles sont, je calcule le tout, et tente de repousser les émotions loin de mes statistiques. Ca donne parfois des réactions froides, des réflexions peut-être trop dures dans certains contextes...mais au moins, je ne verse pas dans l’hypocrisie typiquement japonaise qu’on m’a pourtant enseigné à l’école. Je suis vrai, moi. Pas une boule de mensonges, même s’il m’arrive de dissimuler quelques trucs aux yeux de certaines personnes qui n’ont pas à les connaître.

« Ce que je veux dire par là, Thad...c’est que tu te remettras de cette rupture, et beaucoup plus tôt que moi. Tu as des amis, tu es entouré et on ne te laissera certainement pas tomber. A Maho...j’étais complètement seul, c’est pour ça que ça a pris du temps. Je te dis pas que ce sera facile, mais c’est très possible que dans un mois tu n’y songes même plus. Tu auras oublié ce sale type, tu ne te souviendras même plus de son nom s’il faut. Et c’est tant mieux. Il ne mérite pas qu’on se souvienne de lui, après ce qu’il t’a fait. En plus, vu tes amis ici, il a de la chance que personne ne sache vraiment quelle tronche il a. Je suis sûr que je ne serais pas le seul à vouloir lui casser la gueule en bonne et due forme! »

Déjà, je sais que la petite blonde a l’air assez hargneuse pour lui sauter à la gorge. Moi...je ne suis peut-être pas excellent en duel, mais je suis plutôt doué au corps à corps et vu la carrure du type, je ne pense pas trop peiner si j’arrive à l’approcher. Je crois qu’il est aussi ami avec Noctis, un mec aussi sanguin que moi et certainement plus violent. Même si Thaddeus, en bon Poufsouffle qu’il est, reste pacifiste à l’extrême, ceux qui tiennent à lui s’assurent qu’il soit protégé comme une pierre précieuse face à l’envahisseur. Même si là, la pierre a été souillée par la main d’un malfrat...ah, il va falloir réparer tout ça.

« Tu es naïf, Thad, mais...il existe des gens, dehors, qui font le mal parce que ça les rend heureux. Je t’ai vaguement raconté pour Li...je pense que ton rouquin est de la même trempe. Ils ont l’air parfois gentils, peut-être frêles et fragiles, tu ne pourrais pas y croire mais...au final, leur esprit est complètement pourri. Ils ne se sentent bien qu’en écrasant les autres, en les faisant souffrir le plus possible. C’est la réaction d’un psychopathe, ça. Un pervers narcissique. Et encore, il ne t’a pas coupé de tous tes contacts! Imagine...il aurait pu t’emmener au bout du monde, te faire miroiter un beau rêve sans que jamais tu puisses y toucher. Comme une illusion. On t’aurait cherché partout, mais impossible de te mettre la main dessus. Imagine, Thad...tu as évité le pire. Au moins, à Poudlard, tu es sain et sauf. Et...tu sais maintenant qu’il ne faut pas parler avec des inconnus, encore moins coucher avec! Qu’est-ce que tu sais de ce type, d’abord? Tu connais son nom? Sa famille? Ses amis? Tu sais d’où il vient et ce qu’il a fait? Si vous vous voyez depuis cet été, t’es censé pouvoir répondre à toutes ces questions! »

En vivant avec Hyacinthe, j’ai appris beaucoup de choses sur lui. Je sais qui sont les membres de sa famille, ce qu’ils ont fait, ce que lui a fait même si je n’ai pas tous les détails car nous sommes ensemble depuis très peu de temps au final. Je sais qu’il a tenté de se suicider plusieurs fois, qu’il était à moitié alcoolique quand il était chez les moldus, qu’il avait un mec complètement con qui l’a détruit, qu’il a de gros problèmes de confiance malgré son assurance de façade. Je connais déjà Hyacinthe comme si nous vivions ensemble depuis toujours...mais lui? Que sait-il de ce type? Et que lui a-t-il dévoilé sur lui-même? Si relation il y avait, elle devait être toxique. Y mettre un terme n’était peut-être pas une mauvaise idée dans le fond, même si la forme était horrible.

« Je suis désolé d’être aussi cru, Thad...mais je m’en veux terriblement de t’avoir laissé dans ses griffes. Je pense que beaucoup d’autres de tes potes sont dans le même état d’esprit, on a l’impression de t’avoir poussé dans les bras du diable et...j’avoue, j’en ai honte. Si j’étais con comme un japonais, je me serais fait le seppuku, là. Suicide traditionnel, hop. Mais je préfère réparer mes erreurs plutôt que de me tuer comme un lâche. Alors je vais t’aider à oublier ce type, mais d’abord...on va essayer de comprendre où ça a merdé, d’accord? »

12 Janvier 2019 Mince, c'est quand même vachement triste son histoire à Utakata. Il avais un garçon qu'il aimais bien, mais à cause de la gêne c'est resté caché et ça n'a pas duré longtemps. C'est triste aussi de ne pas avoir d'amis. Tout le monde a le droit à l'amitié, c'est quelque chose de beau et de positif dans la vie, d'avoir des bonnes personnes autour de soi. Enfin, c'est ce que je pense. Mais comme il le souligne, après m'avoir rassuré sur les détraqueurs, je suis quelqu'un de naïf. Crédule aussi. Trop gentil. On me le dit parfois, que ma bonté me perdra. Mais pourquoi faire le mal ?... ça c'est bien quelque chose que je ne comprendrai jamais. Un acte de gentillesse, de bonté, ça peut changer la vie de quelqu'un parfois. Imaginez, un type au bord d'un pont prêt à sauter pour en finir. Et une gentille personne, qui prend le temps de parler avec lui. Peut-être que ça ne soignera pas la dépression du suicidaire, mais avec un peu de chance ça lui donnera l'envie de continuer à vivre encore un peu. Et au fur et à mesure, grâce aux actions positives, on finit par aller mieux j'imagine. C'est compliqué. Trop compliqué. Je fronce de nouveau les sourcils sur mon joint et redresse la tête quand mon camarade de Serpentard me pose des questions sur Heimir, aux quelles je suis censé pouvoir répondre.

« Il a un nom imprononçable, Karjalainen. C'est Finlandais, il est né dans les pays du nord. Il est un peu comme moi, il n'a que sa mère et ne sait pas qui est son père. C'est un inconnu comme le mien. La différence c'est que sa maman ne voulais pas vraiment de lui, donc il a dû se débrouiller seul assez jeune. Il a vite été livré à lui-même. Elle étais magizoologue elle aussi, alors elle voyageais beaucoup et n'a pas voulu renoncer à son activité professionnelle pour offrir un foyer stable à Heimir. La mienne non plus, elle n'étais pas vraiment prête à m'éduquer quand je suis né j'imagine. Elle avais à peine seize ans. Mais mes grands-parents étaient là pour l'aider à assumer le bébé, c'est à dire moi. J'ai eu la chance de pas être ballotté à droite à gauche aux quatre coins de l’Europe comme lui, livré à moi-même. Ensuite il a été étudier à Durmstrang. Il avais des amis, dont un en particulier dont il me parle souvent et avec qui il est encore en contact. Soren. Le type est aussi magizoologue de ce que j'en sais, et ils sont très proches comme des frères, ils s'envoient régulièrement des hiboux pour échanger. Soren, c'est le seul qui est resté ami avec lui, quand il a commencé à sortir avec un garçon de son école, Alexei, que personne n'aimais dans ses amis. Heimir est parti avec ce garçon en Sibérie après sa septième année, et je crois qu'il est mort ensuite. Mais je n'ai pas les détails. Quand on en avais discuté, ça l'avais rendu triste donc je n'ai pas insisté... Puis... Tout ce que je sais, c'est qu'il s'appelle Alexei. C'est... »

Je déglutis et marque une pause, pour tirer une latte sur Céleste et calmer mes nerfs. Mes mains tremblent et ma voix est nouée aussi. « C'est me prénom d'Alexei qu'il a gémit à la place du mien. Le type qui est mort, celui avec qui il étais en Sibérie. Je... J'ai appris tout ça quand on a rompu, qu'on s'est disputés. Il l'aime encore. Et... Il a promis à son ex de l'aimer pour toujours. Donc de ne pas refaire sa vie, malgré son décès si je comprend bien. C'est pour ça que Heimir m'a... » Je termine ma phrase dans un soupir et passe mes doigts dans mes longs cheveux châtains. Trompé. Je n'arrive pas vraiment à le dire, ou alors quitté plutôt. Même s'il m'a balancé froidement que nous n'avions jamais été ensemble. Merde, c'est super triste comme histoire tout de même. Je ne comprend pas comment Alexei a pu faire promettre une chose pareille à Heimir. Ni pourquoi lui tiens parole à un mort. C'est important les promesses, ça je veux bien l'admettre. Mais ce n'est pas gentil d'avoir fait promettre ce genre de choses. C'est comme si Alexei ne voulait pas que Heimir soir heureux sans lui. Et c'est quand même ultra glauque quand on y pense. Si ça devais m'arriver, si je devais mourir, j’espérerai que ma petite copine -ou copain dans cette situation- soit heureux ensuite avec quelqu'un de bien après mon départ. C'est ça l'amour, non ?... « En fait, je crois surtout que ce Alexei là, c'était un gros psychopathe. Heimir ne m'a pas raconté les détails de leur relation. Mais quand il m'a dit qu'il ne pouvais pas en aimer un autre que lui parce qu'il lui avait fait promettre de son vivant, finalement avec le recul je me rend compte que c'est assez bizarre. »

Moi je ne ferais jamais une chose pareille. Mais remarque, il y a beaucoup de choses que je ne pourrais pas faire que tout le monde fait pourtant. Comme dire du mal de quelqu'un que je n'aime pas. Certes, il y a des connards à Poudlard, mais je les ignore généralement. Et quand on me demande ce que j'en pense, je répond généralement qu'ils doivent être tristes ou mal dans leur peau pour chercher des ennuis à un gars comme moi. Parce que en fait, ça ne m'atteins pas vraiment quand on se moque. Ou plus, du moins. Avec le temps j'ai appris à ignorer les remarques. Et ça semble plus ou moins-bien fonctionner, on me laisse tranquille maintenant. Comme je ne réagis pas, ça ne dois pas les amuser dans leur plaisir sadique. Toujours est-il que pour devenir méchants comme ça, c'est que de base, ils sont malheureux dans leurs vies. Et c'est triste. Les victimes, ce sont eux pas moi. « Alexei c'est la zone d'ombre du passé de Heimir. J'ai peur de ce que je pourrais y trouver. »    

12 Janvier 2019

Un finlandais à moitié pédophile qui vient détruire un gamin beaucoup trop gentil et naïf...et qui en plus l’attend à la sortie de l’école comme un vieux pervers! Non, vraiment, cette histoire ne sent pas bon. Pourquoi est-ce que ça tombe automatiquement sur Thaddeus, hein? Est-ce qu’il les attire, ces vieux pervers dégoûtants? Je ne sais pas trop quoi en penser...en fait si, je sais très bien quoi penser de tout ça. J’ai envie de l’aider, de le sauver des griffes de ce type qui ne me dit rien qui vaille. En plus, n’est-ce pas celui qui a dragué ouvertement mon mec? Oh, il lui a fait du mal à lui aussi! Je ne compte plus toutes les fois où Hyacinthe est rentré complètement bourré, déprimé et avec des réflexions beaucoup trop sombres pour quelqu’un qui ne s’est pas fait monter la tête. Je suis persuadé qu’il est foncièrement mauvais, malheureusement j’ai l’impression d’être le seul à le voir. Si j’avais su...si j’avais pu agir...je l’aurais empêché de contacter les deux seules personnes qui comptent vraiment pour moi, monsieur le préfet en chef et monsieur je dors toute la journée. Mais avec des si...on coupe du bois, on fait de la musique, mais on ne refait pas le monde.

“Alexei”. C’est qui encore, celui-là? Je fronce les sourcils en assimilant toutes les informations, une par une. Alexei, avec qui il l’a trompé? Ah ben bien, le vioc! Attendez mais...trompé...mais ce type est mort...il l’a trompé avec un cadavre? Il est nécrophile, c’est ça? Putain mais en fait si ça se trouve, son but était de tuer Thaddeus depuis le début pour baiser son cadavre! Ah, je crois que je pars un peu trop loin là, je sais que ce genre de tordu existe mais je sais pas...je pense que s’il était aussi dégueulasse, Hyacinthe ne serait pas pote avec. Même si je sais qu’il est très nul pour juger les gens, il ne resterait certainement pas avec un nécrophile psychopathe à tendances pédophiles! Bon, définitivement, c’est moi qui me monte la tête.

“Attends, ce type, là, Alexei, il est mort depuis un bail, non? Alors pourquoi il te fait encore de l’ombre?”

Je comprends que dalle à ce qu’il me chante là, le Deadman. Il ne peut pas le tromper lui? Mais c’est quoi ce truc? Si ce type est mort, il n’a plus aucun droit sur les vivants, non? Je sais pas mais je pense que si je meurs, ce qui arrivera tôt ou tard de toute façon, et que Hyacinthe survit, ce qui est hautement peu probable étant donné l’énergumène, il va refaire sa vie au bout d’un moment avec un autre type. Ou une meuf, vu qu’il est penché sur les deux bords. Deux fois plus de chances de m’oublier hein? Enfin bref, tout ça pour dire qu’un mort c’est pas la fin du monde. S’il n’est pas mort avec c’est qu’il voulait continuer de vivre sans, non? Alors je ne comprends franchement pas ce qui se passe avec ce type.

Ok, ça me fait chier de l’avouer et je ne suis pas sûr de vouloir changer radicalement d’avis, mais j’ai l’impression que je me suis un peu trompé sur le compte de cet imbécile aux cheveux roux. En fait il est pas taré, il est juste con. Qui reste à ce point attaché à un mort, un simple souvenir? Je veux dire, la vie après la mort, c’est pas fait pour rendre des comptes à ceux qui nous ont quittés avant l’heure, hein. Il ne va pas être fliqué par le fantôme de son ex, et heureusement s’il passe son temps à se taper tout ce qui bouge. Alors qu’est-ce qu’il branle, celui-là?

“Bizarre? C’est carrément flippant, ouais! Tu fais pas ça à quelqu’un que t’aimes déjà, et puis merde...c’est quel niveau de lâcheté que de vouloir à tout prix que l’autre soit malheureux sans soi? J’sais pas, moi si je meurs, j’espérerais que quelqu’un prenne soin de Hyahya à ma place! Enfin que quelqu’un l’empêche de se suicider surtout, vu le type, parce qu’il serait bien foutu de mettre fin à ses jours juste après.”

Refuser que son mec soit heureux après sa mort, c’est petit. Vraiment petit. Mais du coup, ça me fait chier d’être obligé de revoir mon jugement sur ce type. Ne vous y trompez pas, je le déteste toujours autant, mais je crois comprendre pourquoi il est aussi con. Il s’est fait manipuler comme un bleu, et je crois que Thaddeus a du mal à le réaliser…

“Bon, Thad...je vais dire un truc, mais ça ne l’excuse absolument pas, ok? Donc tu ne cours pas dans ses bras pour le pardonner ou je sais pas quoi, je te connais. D’accord?”

Je dois peser mes mots, parce que si je suis trop...compréhensif, je sais que mon pauvre ami va se laisser dépasser par ses émotions, sa compassion, et courir à Pré-au-Lard pour forcer ce rouquin à l’accepter. Je soupire longuement, et regarde le ciel en cherchant mes mots.

“Un homme qui te force à rester attaché à lui peu importe le moment, c’est un pervers narcissique. Ca veut dire qu’il ne veut pas ton bonheur, au contraire, il veut que ta vie entière soit rattachée à lui et lui seul comme si t'étais son trophée. Tu m’as dit qu’il n’avait qu’un ami à cause de sa relation, hein? Eh bien c’est déjà beaucoup trop pour un pervers narcissique, il a dû chercher à l’isoler par tous les moyens. Lui monter la tête, le rendre totalement dépendant. Alors quand ce type, qui était devenu toute sa vie et sa raison de vivre, est mort, il a dû devenir un Hyacinthe bis. Mais ce type a tout planifié. Il l’a empêché de voir ailleurs, empêché d’en aimer un autre jusqu’à ce qu’il crève à son tour. Et même dans la mort, il le tient encore en laisse je ne sais comment, grâce à des potes ou je sais pas quoi. Ca, c’est la théorie.”

Je crois que...j’en ai un peu trop dit, vu la tronche que tire mon vis-à-vis. Ah, moi qui voulais justement arrondir un peu les angles...il faut que je me rattrape aux branches, là!

“Juste la théorie, Thaddeus! S’il était vraiment sous l’emprise d’un tel connard, pourquoi se taperait-il d’autres mecs? Et tu dis qu’il t’a trompé en plus, donc c’était pas avec un cadavre, non? Si ce n’était pas une excuse pour te larguer, alors pourquoi est-ce qu’il couche avec tout ce qui bouge, pourquoi est-ce qu’il va draguer des petits jeunes comme toi ou même Hyahya? Ouais, parce que faut voir ce qu’il lui a fait à mon mec, hein, je peux pas le saquer ce type...enfin voilà, je pense que c’est compliqué mais t’es pas obligé de fourrer ton nez là-dedans. En fait, il serait même mieux pour toi si tu avançais sans lui dans la vie, il ne peut t’apporter que des problèmes.”

Je connais ce regard. Je sais qu’il veut sauver la veuve et l’orphelin, ce brave garçon...mais du coup, c’est moi qui le pousse à le faire, et ça m’emmerde. Je lui attrape la main, et le regarde droit dans les yeux.

“Ne te mêle pas de ça, Thaddeus, ça ne t’apportera rien de bon. Au mieux c’est un connard qui te ment, et tu t’en sortiras mieux sans lui. Au pire, il est surveillé de loin par d’anciens potes de son ex, et tu risques de te faire buter rien que parce que tu oses prendre la place de cet Alexei. Tu devrais vraiment oublier ce type. Le garder loin de toi, ne jamais chercher à le revoir. Honnêtement, j’ai peur pour toi, tu sais.”