Elles étaient fin prête pour la mission sauvetage. Deirdre avait apporté son téléphone au cas où elles auraient besoin de renfort - toujours prévoir le backup - ou pour prendre des photos - déformation professionnelle. En attendant, il était en mode avion depuis la maison, pour ne pas être localisé. Une fois n'est pas coutume, elle avait également ramené son arme de service. Bien planqué dans le holster qu'elle avait à sa ceinture, le pistolet était masqué par un long sweat noir informe.

- On est sûr et, même si on le trouve pas, on apprendra forcément des choses utiles. Dès que le garde part, on entre. On s'éloigne le plus possible de l'entrée pour pas être vu quand il revient ou si y a une relève. On ne se sépare jamais. On reste en sous-sol, la gare est vide à l'air libre. Y a forcément un plan d'évacuation sur un mur. Faut qu'on le trouve pour se repérer.

Le garde s’éloignait, c’est le moment ! Elle fit un signe de la main à Leah et, sans perdre de temps, elle fonça à pas feutré vers l’entrée pour s’infiltrer dans le bâtiment. La porte se referma derrière Leah, elles étaient dans la place ! Pas le temps de s’enthousiasmer, faut dégager d’ici. L’ennui c’est qu’il n’y avait jamais de plan quand on en avait besoin, ça aurait quand même été super commode que les Blood Circle prennent la peine de mettre des flèches directionnelles, avec le temps de marche ça serait encore plus chouette. Mais non. Rien. Elles avaient le choix entre tout droit, ou tourner à gauche. Le tout auréolé de néons pour une ambiance digne d’Halloween, on est un peu beaucoup en avance sur la date là les gars.

- Merde ! Jura t-elle en se grattant la tête, toujours aussi délicate. Bon bah… on bouge…. Poursuivit-elle à voix basse en suivant le chemin de gauche, faute d’idée. Elle se tut un peu, le temps de s’éloigner de la porte et, histoire de bien les aider, c’était le silence total. Pas un bruit. Pour le coup, ça l’aurait arrangé qu’ils n’aient pas mis les moyens sur l’insonorisation car Deirdre craignait que quelqu’un ne débarque sans qu’elles ne l’entendent. J’sais que ça marche pas vraiment comme ça mais tu ressens rien ? L’espoir était faible mais si quelqu’un était très stressé, Leah ressentait peut-être son énergie négative ?

Face à elles le couloir se poursuivait et toujours pas l’ombre d’une piste… ah si. Deirdre devinait deux portes en avant d’où aucune lumière ne filtrait mais vu leur blindage, elle se doutait que même occupée elle ne verrait rien de dehors. Si elles continuaient à marcher, elles allaient forcément passer devant.

- D’accord

Un regard complice à Leah et Deirdre hoche la tête, convaincue par ce qu’elle disait. Sa confiance en elle était absolue, si bien qu’elle ne s’inquiétait plus de la présence d’autrui, s’il y avait du danger Leah saurait la prévenir à temps. Aussi, confiante, elle ne pris pas le temps de la rassurer même si elle voyait la tension chez sa meilleure amie, pour elle, le meilleur moyen de l’aider à aller mieux c’était agir. L’action il n’y avait que ce langage qu’elle ne comprenait et, hélas, Deirdre avait tendance à penser que son mode de fonctionnement s’appliquait à tous. C’était pourtant pas faute de connaître Leah par coeur, mais les paroles réconfortantes, non, elle n’avait toujours pas appris.

Les portes. Deux. On dirait le début d’une histoire d’horreur, une porte vers le salut, une autre vers un effroyable cauchemar. Faute de bruit, Deirdre se mis à observer la première porte sous tous les angles. Elle était épaisse, pas du genre qu’elle pourrait casser à coup de pieds - quoi que ça se tente. Mais avant d’y aller à la manière forte, ce qui laisserait des traces, Deirdre essaya doucement d’ouvrir la porte de la manière la plus ordinaire qui soit, raté c’était fermé. Elle reprit donc son observation, faute de mieux. La poignée était relativement ordinaire, aucune serrure ce qui lui laissait penser qu’il y avait un système de verrou à l’intérieur. Pas de lumière ne filtrait au sol et… ohoho. Il y avait une lucarne en verre en haut, comme ces portes dans les prisons. Elle n’avait jamais été en prison mais c’était ainsi qu’elle imaginait leurs portes.

Regarde, dit-elle à voix basse à Leah. Je peux te faire la courte échelle pour que, si on casse la lucarne, tu puisses y passer ton bras et ouvrir la porte de l’intérieur ?

Ce n'était pas très délicat mais là tout de suite elle n’avais pas meilleur plan... qui sait, peut-être arriveraient-elles à entrer en silence ?

Quand Leah partit, Deirdre la suivit du regard interloquée, qu’avait-elle en tête ? Elle ne fut pas déçue en la voyant revenir avec un extincteur - même si, bon, elle n’avait jamais été déçue par Leah en 20 ans d’amitié. “Bien joué !” Commenta t-elle en lui faisant la courte échelle, un sourire aux lèvres. Il y avait de la tension, forcément elles étaient en mission, mais il était agréable de sentir de la part des deux amies les encouragements dont chacune faisait part. Y avait pas à débattre, pour Deirdre, elles pouvaient être certaine de leur engagement et de leur équipe de choc.

D’un geste vif et assuré, elle souleva Leah pour qu’elle puisse briser la glace. Le bruit fut inévitablement fort mais espérons que ça ne le soit pas suffisamment pour attirer l’attention sur elles. Sans perdre de temps - ce sera dommage de se faire choper maintenant - Leah se glissa par la fenêtre pour ouvrir à Deirdre qui s’engouffra avec elle dans la pièce.

- Ca va ? Demanda Dee à voix basse en refermant la porte. Elle vit la coupure de son amie et fronça les sourcils, évidemment qu’elle n’avait pas de pansements et de désinfectants sur elle mais ça aurait été malin d’y penser. Note pour la prochaine mission : prévoir une trousse à pharmacie. T’as un mouchoir ? Ajouta t-elle, faute de mieux.

La lumière du couloir éclairait légèrement la pièce par la lucarne, une sorte de lumière tamisée qui ne dévoilait qu’une partie des nombreux objets qui encombraient la pièce. Car oui, la pièce était loin d’être vide. Ce n’était pas un débarras car tout était bien rangé, mais on sentait que ça ne manquait pas d’affaires. Au fond, deux étagères en métal tapissaient le mur, sur lesquelles des boîtes de rangement s’enchaînaient jusqu’au plafond. A leur droite une longue table style bureau prenait une bonne partie du mur. Dessus y était posé des bocaux, boîtes ouvragés, coffres... A leur gauche, des affiches et un tableau blanc sur lesquelles on pouvait deviner des notes à moitié effacées. Enfin, au centre de la pièce, une table ronde sans chaise, servant surement à la consultation des objets présents.

Par où commencer ? Elle ignorait si elles trouveraient quelque chose mais elles ne pouvaient passer à côté de tout ça ! Elles avaient de la chance, elles n’avaient pas vandalisé la porte des toilettes. “Je vais voir au fond” et joignant le geste à la parole, elle ouvrit un carton pas très grand, se disant que si l’oeuf était ici ce ne devait pas être dans le plus grand. Perdu, à la place elle trouva pèle-mêle des colliers. Elle n’y connaissait rien mais ceux-là était particulièrement pas esthétique.

- Des colliers… tu crois que c’est ceux qui neutralise les sorciers ?

L’idée lui glaça le sang mais ne l’empêcha pas dans mettre un dans sa poche pour le ramener au QG. Dee referma le carton et passa au suivant... ça promettait d'être fastidieux.

Deirdre hocha la tête de satisfaction en l’entendant la rassurer sur sa blessure. “Aucune idée… un espace pour le stock en trop ?”, s'interrogea t-elle en farfouillant. Son amie la rejoignit quand elle trouva le collier et, avant de le ranger, Dee lui montra le spécimen pour qu’elle puisse le jauger. Un prototype… flippant. Elle espérait qu’ils iront pas jusqu’à ouvrir une bijouterie hideuse dans le chemin en travers.

Entendant du bruit de papier, elle se retourna et fit un sourire de connivence en voyant Leah embarquer les papiers. On prend tout ! Elle eut envie de la rejoindre pour regarder ce que c’était, sa curiosité ayant toujours été forte, mais elle se retint et ouvrit un autre carton. Elle aura tout le temps dehors pour lire les documents, un peu de patience…

Heuuuu, fut la réponse pertinente qu’elle servit à Leah. Si elle était un oeuf… sa première pensée fut qu’elle se mangerait en omelette mais ça n’allait pas aider son amie. A part le mettre au frigo... bravo Dee, on sent que c’est toi qui cuisine à la maison, sans ironie, bien sûûûr.

Alors qu’elle cogitait à la question, Leah actionna un passage secret digne d’un James Bond. Son coeur fit un bon d’excitation alors qu’elle rejoignait Leah et posait sa main sur son bras, comme pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas.

C’est dingue. Une seconde de latence avant qu’elle ne prenne la main de sa meilleure amie et l’entraîne à sa suite dans le passage. Hélas, comme dans toute les bonnes histoires de passage secret, ce dernier se referma derrière elle en un grondement sourd. Ah…tant pis, on trouvera la sortie après ! Si j’étais un oeuf j’irais là, Leah, chuchota Dee avec la voix vibrante d’excitation.

Elle ne mit pas longtemps à aller à la première table d’observation pour étudier les produits. Ses cours de sciences étaient loin, il lui faudrait plus de temps qu’elle n’en avait pour analyser tout ce qu’elle voyait, mais elle comprenait qu’ils faisaient des recherches sur les créatures magiques pour extraite leurs capacités et les mettre dans la technologie du Blood Circle. Ce n'’était pas rassurant, de par l’idée et les conséquences pour ces pauvres bêtes s’ils mettent la main dessus mais aussi de l’avancée dont il font preuve dans la lutte ! Dire qu’eux, à l’Ordre du Phénix, ils en sont encore à s’accorder avec la partie sorcière de l’ordre ! Réflexe, Dee sortit son portable pour prendre des photos puis se focalisa sur l’oeuf.

Et ce fut moins difficile qu’elle ne le crut. Il y avait plusieurs machines avec des tuyaux mais, dans l’une d’elle, elle vit l’oeuf flotter. Il était dans un bocal translucide, plongé dans un liquide qui lui faisait penser à du formole, et connecté par les tuyaux. Devant la machine, un tableau de bord avec tellement de boutons qu’on s’y perdait. Les tuyaux partaient dans tous les sens et, cadenassés, ils ne risquaient pas de tomber par erreur.  

Leah… je le sens pas si on appuie sur le mauvais bouton...

Dee hocha la tête sans répondre à Leah, elle la suivait complètement sur le bouton rouge et pour tout le reste. Elle ne savait quelle idée avancer, ça la stressait, la boule au ventre était là, saisissante et, bordel, finalement appuie sur n’importe quel bouton que ça soit terminé ! Décider fut difficile mais elles arrêtèrent leur choix et….. ce n’était pas le bon bouton. Elle espérait quoi ? Que l’oeuf allait descendre tout droit dans leur mains ? Oui. La déception fut forte mais elle n’avait pas le temps de baisser les bras ! L’oeuf était toujours accessible, le bouton n’avait pas empiré la situation, c’était déjà ça.

En vérité, il ne s’était absolument rien passé. Dee haussa un sourcil étonné, rien ? Elle retourna observer la machine mais, non, rien n’avait changé… “On crée pas de bouton pour qu’il ne se passe rien”, dit-elle à Leah en continuant de farfouiller partout… et si… non ça ne pouvait pas être aussi basique. Quand même pas… le Blood Circle était arriéré mais pas à ce point. Elle se mit à quatre pattes pour trouver l’origine mural des fils, son pantalon fut plein de poussières mais, hélas, elle mit la main sur la prise. Bon, bah, si la machine était bien branchée, le problème était ailleurs. Okay. Donc, la machine est opérationnelle mais quand elles appuient ils ne se passent rien, conclusion… “Elle est verrouillée !” S’exclama t-elle en tapant son poing dans sa paume. Mais évidemment ! Pour éviter que quelqu’un ne l’actionne par erreur, ils avaient verrouillé la machine.

“Il doit y avoir une combinaison de touche à faire”.

Mais quel combinaison ? Il y avait un clavier numérique, elle proposa à Leah de l’utiliser. Bon sang, elles avaient déjà eu du mal à se décider la première fois, cela n’allait pas être plus simple la seconde fois. C’était comme deviner le code de déverrouillage d’un téléphone portable de quelqu’un, c’était quasiment impossible. Statistiquement les codes sont le nom d’un proche… mais y avait pas de lettres devant elle.. une date anniversaire… elle en connaissait une.

“Au pire, ils ne passent rien… hein”

Dit-elle à Leah en tapant une date anniversaire qu’elle regrettait de connaître par coeur. 07061992. L’anniversaire de Robin Kane…. si ça marche, ça lui fera un sacré pied de nez à ce salaud qu’elles leur vole son oeuf. Finalement, ça lui servait d'avoir été amie et plus si affinité avec cette ordure... pas la relation dont elle était la plus fière, aussi elle n'allait pas se vanter auprès de Leah que c'était l'anniversaire de Robin.

“Complètement d’accord’, répondit Dee en s’efforçant de garder tout son sang-froid même si ses nerfs commençait à être mis à rude épreuve. Les pompes s’étaient arrêtés, l’oeuf flottait dans son liquide mais sans l’alimentation, qu’allait-il advenir de lui ? Deirdre préféra ne pas y penser. De même qu’elle avait préféré ne pas s’étaler sur la date anniversaire mais Leah était curieuse. Une autre personne, elle n’aurait même pas pris la peine de répondre mais elle n’était pas une autre personne. Leah faisait partit de ces rares personnes auquel elle ne savait dire non. “La date anniversaire de Robin…”, dit-elle plus gênée qu’autre chose. Sur le moment ça lui avait semblé logique, dit à voix haute c’était plus ridicule qu’autre chose. Il y avait tellement à dire sur sa relation avec Robin mais, fort heureusement pour Dee, ce n’était ni le lieu ni le moment. Elle n’avait su exprimer toute sa colère à son égard, si elle se lançait sur le sujet ici, alors qu’elle était déjà sous tension, elle ouvrirait les vannes…. ce qu’elle détestait par dessus tout. “Oui c’est une bonne idée”, souffla t-elle à Leah, rassurée qu’elle ne s’attarde pas plus sur le sujet Robin.

Ce qu’on doit chercher ? Elle n’en savait rien… elle, son expertise, c’était la biologie et la photographie, pas les machines… Dee observait tout ce qu’elle voyait en espérant y trouver un indice mais, quand Leah lui annonça que quelqu’un arrivait, elle eut un temps d’arrêt. Elles n’avaient plus le temps de chercher. “Putain !” Ca n’avait plus rien à voir avec la tension qu’elle avait l’habitude de gérer, inspire, expire, Deirdre reprit le contrôle d’elle-même et fit le vide dans son esprit. Une idée, une idée… l’oeuf n’était plus alimenté… quelqu’un arrivait… “On va se servir de la personne pour avoir l’oeuf”. Elle couru aux placards qu’elle ouvrit à la volée, se foutant bien de mettre le bazar. Allez… allez… elle cherchait une arme, elle trouva une seringue contenant un liquide inconnu. Bon, bah, faute de mieux ! “Tiens, ce sera mieux que rien. Si on s’approche de toi, tu plantes”, ordonna t-elle à Leah en la lui donnant. Elle n’aimait pas lui imposer ça mais elle supportait encore moins l’idée qu’il puisse lui arriver quelque chose. Plus que l'oeuf, il lui fallait protéger Leah, c'était ça, le plus important.

“Planque toi. J’m’occupe de la personne”, poursuivit-elle en sortant son arme en l'armant. Dans toute sa tension, elle lui sourit pour lui montrer que ça allait aller puis alla se mettre dans l’ombre de l’ouverture, quelques instants plus tard, la personne fit inévitablement son apparition. La porte par laquelle elles étaient arrivées s’ouvrit, un homme d’âge mûr s’avança, l’air soucieux. La porte se referme, Dee sort de l’ombre, à distance respectable, flingue pointé vers l’homme, pas un tremblement dans le bras. “Fais un bruit et j’te descends. Tu déverrouilles la machine, me donne l’oeuf et tout ira bien”.

- Oui : l'homme obtempère et leur donne l'oeuf
- Non : il refuse d'obéir

Ca allait bien se passer, il fallait juste qu’elle se concentre et tout ira bien. Oui tout ira bien. Pas besoin d’être empate pour savoir que son amie était inquiète, elle la connaissait suffisamment pour savoir que cette situation était loin d’être idéale… le “quoi” en était l’expression même. Heureusement l’homme céda sous la pression de l’arme, elle eut du mal à retenir un soupir de soulagement. Leah se montra, un instant elle eut peur que l’homme s’en prenne à elle mais il avait vraiment peur. Il leur donna l’oeuf avec empressement, voulant certainement se débarrasser rapidement d’elles. Dee prit l’oeuf qu’il lui tendait de sa main libre mais le passa rapidement à Leah pour qu’elle le range dans son sac avec le reste.

Son amie la surpris en menaçant le type, décidément la pression révéla chez elles deux un tempérament plus frondeur qu’elles ne l’auraient soupçonné au départ. Effrayé, l’homme obéit. Il appuya sur une des pierres du murs - heureusement qu’il était là, elles auraient mis du temps à trouver l’astuce ! - et se dépêcha de les conduire à la sortie. Pour éviter d’être livré au garde, Deirdre lui rappela ce qui lui arriverait si elles étaient arrêtées mais ce fut surement inutile : le type ralentissait de lui-même et, après avoir vérifié le passage, les laissa sortir.

Elles se mirent à courir jusqu’à être à l’abris, alors seulement, Dee s’autorisa à souffler. Elle rangea son arme, eut une seconde d’arrêt, avant d’attraper Leah pour la serrer contre elle - sans écraser l’oeuf, ce serait dommage ! Dee n’était pas très élan d’affection mais la pression avait été forte ! Quand le type était arrivé, le pire aurait pu arriver ! “T’as rien, on a rien ! On a rien”, répéta t-elle avec un soupir de soulagement en se détachant de sa meilleure amie. “T’as été incroyable !”, poursuivait-elle, tout à sa joie d’avoir accompli la mission qui leur avait été donné, “On se débarrasse vite de tout ça au QG”, dit-elle en désignant le sac à dos, “et on s’fait un gueuleton de malade pour fêter ça ! C’est moi qu’invite !”, s'exclama t-elle avec un sourire rayonnant, à la hauteur de sa joie.