« Family is not important. It is everything. »
Une plume. Une potion empoisonnée. La tradition est de présenter à l'enfant âgé d'un an à peine les deux objets. Celui qui se saisit de la plume sera alors de ceux qui font des études, qui montent dans les milieux politiques, médicaux, de la justice... Celui qui attrape la potion est destiné à devenir un mafieux. Lorsque mes petits doigts potelés agrippèrent l'objet, se resserrant sur le verre du flacon, le sourire de mon père s'étira fièrement.
La Cosa Nostra n'est autre que la mafia Italienne dans laquelle les Zabini oeuvrent depuis des générations. Depuis que je suis haute comme trois pommes, j'ai été élevée dans cette ambiance étrange entre moeurs légères, solidarité et trafics. Si les Zabini dominent d'une main de maitre La Cosa Nostra, la Famille, c'est elle, la mafia. Elle est composée d'une multitude de membres. Le sang qui coule dans les veines, ce n'est pas ce qui importe le plus. Ce sont tes actes, tes pensées. Ta fidélité. Pour intégrer la Famille, soit c'est parce que tu l'es de sang, c'est ton héritage. Soit tu le deviens et pour cela il faut prouver ta valeur en faisant couler le sang de l'ennemi. J'ai un frère avec qui je partage mon sang, des parents. Mais La Cosa Nostra, c'est plus qu'une famille. Nous sommes unis qu'importe ce qui arrive. Un tatouage nous unit, une devise : ABYSSUS ABYSSUM INVOCAT. L'abîme appelle l'abîme. Une faute en entraine une autre. Les membres de la Cosa Nostra ont les mains sales et ils l'assument.
Ce qui nous fait vivre, notre couverture ? Un garage luxueux où nous mêlons l'art de la magie aux sciences des moldus. Des voitures et des motos volantes. Notre expertise se monnaie très cher. Mais derrière cette joli façade se cache des courses et paris illégaux, des transports de marchandises plus que douteuse. J'ai toujours couru dans notre garage principal, admiré les mécaniciens au travail, rêvé en regardant les coureurs. Quand j'ai quitté l'Italie après l'accident, mes parents m'ont envoyé dans une nouvelle concession en Angleterre, à Londres. J'étais sur une terre connue, mon frère y avait migré depuis quelques mois avec d'autres membres de La Famille. Ils comptaient sur moi pour être la potiche vendeuse. Pas être la mécano toujours les mains pleines de cambouis que je suis devenue...
Elles étaient toutes devant moi. La peinture brillante, les moteurs briqués et prêts à vrombir de plaisir. Je n'avais que quinze années mais déjà mes doigts trainaient sur leurs carlingues, dans leurs joints. Je les adorais avec leur profil racé. Les voitures étaient jolies mais je préférais la fougue et la liberté de nos motos volantes. Ma main se posa sur le guidon de l'une d'entre elles alors que mon regard fixait avec intensité la clé déjà prête à être tournée pour démarrer l'objet de mes convoitises. «
Anjelica, tu ne dois pas faire ça. » Mon regard chocolaté se tourne sur l'ambre ardente des prunelles d'une cousine éloignée. «
Sérieusement, tu pourrais te tuer ! » J'aime braver les interdits, vibrer sous l'adrénaline du danger.«
T'inquiètes ! Un petit tour juste pour voir ce que ça fait ! » J'étais déjà montée plus d'une fois derrière des membres de la Famille. Jamais je n'avais eu le loisir de le faire seule. Mes doigts s'accrochent au capot et d'un mouvement souple je grimpe sur la moto. «
Tu montes ? » Elle me jette un regard qui me fait rapidement comprendre que jamais elle ne poserait son postérieur royal la dessus. Encore moins avec moi aux commandes. Tant pis, je tourne la clé et m'active sur les vitesses. Je me mets à rire alors que l'objet s'envole et commence à avancer doucement. «
ANJELICA ZABINI ! Descends tout de suite de là ! » Mes iris croisent celles enragées de mon père et perdant le fil un instant, le contrôle de la moto m'échappe. Le sol me semble bien dur alors que je m'y écrase. Ma première chute à moto, mon premier bras cassé. Et une punition telle que ma cousine m'en veut certainement encore aujourd'hui.
«
Andrea ! ANDREA ! » Un cri s'échappe de mes lippes. Un souffle court resta coincé au creux de ma gorge alors qu’un sursaut s’empara de mon corps. Mes yeux papillonnèrent quelques secondes avant de reprendre conscience. Je mets quelques minutes à me souvenir. A réaliser que ce n'est pas un cauchemar, qu'Andrea ne se trouve pas à mes côtés. La chambre de l'Hôpital est plongée dans l'obscurité, mais mon coeur bat à tout rompre. Mon corps est douloureux malgré toutes les potions qui me sont administrées. Mais je n'ai pas le droit de me plaindre. Pas quand mon meilleur ami est mort alors que je suis toujours là. Accrochée à son cadavre dans cette chute mortelle. Son corps encore tiède contre le mien. Sans vie, sans réaction. Son regard vitreux alors que je tentais de lui faire reprendre conscience. Les larmes souillent mes yeux, mon visage. Je m'en veux. Si je n'étais pas montée avec lui, jamais il n'aurait participé à cette course. Et il serait toujours là.
Inconscience.Un bruit, mes yeux s'ouvrent. Je suis toujours dans cet hôpital qui me semble être un prison. Je recommence à me mouvoir seule. Je me redresse du fond de mon lit et mes yeux croisent les siens.
Le frère d'Andrea. Ils se ressemblent comme des jumeaux. Etaient tout aussi proches. Sa vue me fait mal, et ce n'est rien en comparaison de son regard emplit de colère. «
Il devrait être à ta place. » Les mots sont cinglants, ils me percutent avec violence. J'étouffe. Mais pas seulement d'angoisse... sa main s'est glissée sur mon cou alors qu'il s'est approché de mon lit. Sa poigne se resserre et je ne cherche même pas à lutter. Parce que dans le fond, il a raison. Pourquoi lui et pas moi ? Ma vue se trouble, ma main se pose sur son poignet par instinct, les larmes s'échappent. Je tombe inconsciente. Il ne termine pas son geste cette nuit là. Mais son ombre est comme une épée au-dessus de ma tête qui me rappelle la mort de mon meilleur ami.
Je me suis jurée de le venger. Je voulais retrouver ce connard qui nous avait fait tomber. Lui exploser la cervelle d'un Avada Kedavra. Je ne sais pas qui il est, il a disparu. Mais je ne perds pas espoir de le retrouver. Et ce jour là, il souffrira sous ma baguette. Tant qu'il me suppliera de l'achever et de le tuer.
Jaeden, juste son prénom me donne la gerbe. Pourtant depuis que je suis arrivée à Londres, je ne cesse de le rencontrer. Et pour cause, Luca n'est autre que son meilleure ami. Obligée de le supporter. C'est comme une réaction épidermique. On se cherche, on se bouffe, on se lance des piques. C'est à celui qui mordra le plus fort. L'Anglais m'horripile et plus d'une fois, il parvient à me faire sortir de mes gonds. Il parvient à me faire jurer en Italien... Heureusement, je ne le supporte que lors de quelques soirées en compagnie de mon frère.
Ce soir nous sortons avec Luca. Mais il a insisté pour que Jaeden vienne. Parait que c'est plus sûr. Comme si on était pas capables de se défendre vu ce que notre famille nous a appris. Depuis mes huit ans, mon père m'a poussé à apprendre la boxe que je continue de pratiquer. Pas besoin de ce British rigide dans mes pattes... Alors rapidement, je m'éclipse à travers la foule grouillante qui danse au rythme des dernières musiques à la mode. J'ai adressé un doigt à mon frère que je vois un peu plus loin avec des membres de La Famille. En venant ici, je pensais tout quitter, pourtant notre monde me colle à la peau. Plus que je ne l'aurais jamais pensé. Accotée au bar, je tends mon bras pour attraper un whisky pur feu, quand une main s'empare de mon coude afin de me faire pivoter brusquement. Mes yeux ambrés dévisagent l'inconnu qui se tient en face de moi. Je tente de me dégager en vain. «
Lâche moi connard. » Pourtant rien y fait et autour de nous, tout le monde semble se foutre de la situation. Le type m'entraine sans douceur à l'extérieur en passant par une sortie de secours.
La douleur parcourt mon dos alors qu'il me balance contre un mur de pierres. Il arrache presque la manche de ma robe pour y trouver ce qu'il cherche. Le tatouage en forme de rose enroulée d'un serpent. «
La fille Zabini... » Un murmure. Le bruit d'une lame qui s'ouvre, qui tranche le silence. Son corps s'écrase contre le mien, sa main contre ma gorge qui me laisse difficilement respirer. La peur assaille mes entrailles et si dans un ultime instinct de survie je tente de lui assener des coups de pieds et de poings, le retour est sans hésitation. Ses phalanges écrasent contre mes lippes et je me sens vaciller sous le choc. Sa lame glisse lentement contre ma joue. «
Je vais te buter, lentement. Ca sera un message pour la Cosa Nostra ! » Ultime vague de sursauts, je me débats, mes bras fendent les airs. Une véritable furie. Jusqu'à ce que je sente la lame s'enfoncer dans mon ventre, aux tréfonds de mes entrailles. J'entends un cri. C'est le mien. Pourtant je réalise à peine tant la douleur m'assaille. Et alors qu'il s'apprête à recommencer, son corps bascule en arrière et c'est la silhouette de Jaeden que j'aperçois.
Le monde semble s'écrouler sous mes pieds, je me laisse lentement glisser à terre, les mains contre ma plaie saignante tandis que la carrure d'Evans s'occupe de mon assaillant. J'entends alors la voix de mon frère jurer en Italien. Je sombre doucement alors que l'Anglais s'approche de moi pour me soutenir. Je n'ai pas la force de parler mais malgré la haine qu'il m'inspire d'habitude, mon regard lui dit tout bas :
merci.
«
Putain di merda! Bordello ! » Je crois que je suis en train de hurler. Ou ça y rassemble pas mal. J'ai encore mon bandage sur le ventre sous mon t-shirt et si les points me font un mal de chien, je ne peux m'empêcher de jurer quand j'entends que le Evans a rejoint La Famille. «
Non è possibile ! » Mon frère en prends plein la figure jusqu'à ce qu'il me maitrise en me bloquant par mon poignet. «
Tu as encore failli mourir Anje ! Et ce type, que tu l'exècres ou non, il t'a sauvé la vie. Il a fait coulé le sang des ennemis ! C'est la loi. Il est des nôtres maintenant. » J'arrache mon bras de sa prise et sors de la pièce non sans balancer une chaise sur mon chemin. La porte claque dans mon dos. Les idées folles s'étiolent dans mon esprit. Et si ce n'était qu'une ambuscade qu'il m'avait tendu pour mettre un pied dans La Famille ? Des nôtres ou non, je découvrirais le moindre de ses secrets.
J'observe la course de loin alors que la nuit s'est étendue au-dessus de Londres. Le visage d'Andrea me hante. Celui de son frère. Celui du coureur qui nous a percuté. Je monte à peine sur les motos depuis. Juste pour rouler tranquillement parfois. L'adrénaline qui a tant été ma source de vie, frôler la mort pour se sentir vivante, cela m'effraie. Le bruit des boucles de ceinture qui se détache, l'odeur de l'essence. Le vrombissement des motos, des voitures. L'exaltation n'a plus la même saveur. Et à l'abris des regards, je m'effondre. Bouffée par la tristesse. Rongée par la soif de vengeance.
J'ai entamé une danse macabre, et c'est la Mort qui m'impose son rythme.