Quand je pense que dans quelques mois, les professeurs ne pourraient plus compter sur moi dans cette école… c’est sûr j’allais leur manquer, enfin si bien sûr je ne redoublais pas une seconde fois. Est-ce que c’était totalement de ma faute si j’avais redoublé, je ne pensais pas.  Il fallait bien que quelqu’un prenne soin de la boutique pendant que ma patronne était à l’hôpital, oui elle ne m’avait rien demandé mais en même temps si je voulais bosser à plein temps avec elle à la sortie des cours, il fallait bien que je me rende indispensable. Bon et il fallait que quelqu’un cherche Kayla quand elle avait disparu. C’est les professeurs qui avaient dû être ravi, non pas que Kayla disparaisse, ça ils seraient sadiques si c’était le cas, non pas que je reste une année de plus pour pouvoir les aider dans leur vie de tous les jours. Ça n’était donc pas de ma faute si j’avais redoublée et ce n’était absolument pas dû à mon manque d’investissement pour ce qui était de mes cours. Disons que je n’avais jamais véritablement vu les études universitaires comme quelque chose d’important pour avoir un métier, c’était juste un endroit pour pouvoir être nourrie et avoir un toit sur ma tête afin de ne pas dormir dehors. L’intérêt de mes études ayant d’ailleurs diminué avec le temps puisque j’étais avec Soledad et que je convoitais d’avoir un poste à plein temps dans sa boutique à la fin de l’année. Il aurait peut être fallu que je lui en parle en début d’année pour savoir si ça pouvait se faire ou non mais je n’avais pas eu le temps.

Ce matin, comme bien des matins, je n’avais pas spécialement envie d’aller en cours, je traînais des pieds, mis trois plombes à prendre mon petit déjeuner – bon aussi parce que j’avais vraiment très faim. Il ne restait plus grand monde dans la grande salle, en prime Kayla n’était même pas là pour faire la morphale et me tenir compagnie. J’aurai certainement pu rejoindre quelques retardataires encore présent mais ils mangeaient très rapidement, ça n’avait donc pas grand intérêt, je laissais donc mes oreilles traînées, écoutant les conversations des professeurs, celui de sortilège qui disait qu’il allait faire une interro surprise aux Serdaigles, ce qui fit sourire Maxime, ils ne devraient pas être trop surpris mais dans le doute, elle les préviendrait. Pour sa part, même les interros pas surprises avaient toujours ce petit goût de surprise, signe évident de son manque d’attention. Non ce qui fut intéressant et qui me fit redresser ma tête et me dire que cette journée allait être bien c’est que le prof de potion ronchonnait que ses stocks de poils d’hippogriffes, de dictame, d’achillée sternutatoire, de plume de jobarbille, de moly  et de chiendent étoilé étaient au plus bas, voire qu’il n’en avait plus mais qu’il n’avait pas le temps d’aller dans la forêt interdite pour trouver ces ingrédients, qu’il allait devoir aller chez des spécialistes pour en acheter. Oh, il n’allait quand même faire ça, c’était jeter son argent par les fenêtres que d’aller acheter des ingrédients alors que j’étais disponible et serviable. Je fis apparaître un bout de papier et un stylo bille ouai parce que ok écrire à la plume c’est plus qualitatif mais faire un accio plume, accio encrier, trop long, pas le time et en plus il fallait s’appliquer lorsqu’on écrivait avec une plume et moi je devais noter vite les ingrédients cités avant qu’il n’oublie.

Une fois la liste pliée et rangée dans une poche, il fallait que je trouve un partenaire, Kayla faisait la stagiaire studieuse avec Théo, je ne pouvais pas lui envoyer un sms pour lui dire d’abandonner son acolyte afin de m’accompagner. Il y avait de très fortes chances que ça ne fonctionne pas et si, par miracle, elle acceptait, Théo allait nous balance à Soledad, alors que balancer le gens, ça se fait pas je rappelle, et Sol allait me ronchonner dessus et comme c’était devenue ma mère adoptive, elle avait tous les droits elle les a toujours eu en vrai. Je cherchais qui accepterait de m’accompagner pour cette mission, il me fallait un Gryffondor, non parce que les autres maisons, je veux pas dire mais ils sont un petit peu trop sérieux. C’est alors que quelqu’un gueula dans les couloirs « MAX ! » Bien sûr que je me retournais en me sentant concernée, sauf que cette fois, ça n’était pas à moi qu’on s’adressait, non c’était à Maxine, puisqu’elle était non loin, qu’il la regardait et qu’il se rapprocha d’elle pour lui parler. C’est à ce moment là que je captais, c’est avec elle que je voulais aller dans la forêt interdite ! Elle était toujours partante pour les aventures, il y avait de fortes chances que cette fois-ci, elle soit partante aussi.

Je restais donc à côté le temps que l’autre qui avait crié Max finisse de lui parler et se tire pour aller on ne sait où, certainement en cours vu l’heure, puis je me glissais à coté de Maxine avant qu’elle ne lui emboîte le pas « Coucou,  ça te dirait une mission de la plus haute importance ? » Pour sûr que ce qui était de la plus haute importance pour moi ne l’était pas pour le commun des mortels mais c’est un détail « Figure toi que j’allais en cours de Botanique … je crois, je me souviens plus vraiment, bref j’allais en cours quand j’ai entendu le prof de potion parler  à un autre professeur que son stock de potion était dangereusement bas. Je me suis dit qu’en vrai, ce serait criminel de ne pas aider ce pauvre professeur, en plus il est ultra sympa. » Oui alors ça, il m’avait mis en retenue des dizaines de fois, donc hyper sympa faut le dire vite mais bon quand il s’agissait de me permettre de sécher, tout le monde devenait ultra sympa « Tu veux m’accompagner pour cette petite cueillette dans la forêt interdite. En plus, il fait beau comme c’est super rare en Angleterre chez moi aussi en ce moment il faut en profiter quand ça arrive et ne pas rester enfermés toute la journée. » Oui, oui, je croyais à ce que je disais, raison pour laquelle je hochai la tête convaincue avant de lui demander « ça te dirait de m’accompagner ou tu as un cours important que tu ne peux pas louper ? » Ouai parce qu’il est vrai que des fois, il y avait des cours importants qu’on ne pouvait louper même si on en avait envie. J’attendais, pendue aux lèvres de Maxine, impatiente de savoir si elle allait accepter d’être ma partenaire.  

Bon ok, il fallait l’avouer, j’avais beaucoup traîné cette semaine, ce qui m’avait valu pas mal de petits retards aux premiers cours de chaque journée. Des retards de cinq minutes – ce qui n’est absolument rien du tout – mais qui avaient suffit à mettre en rogne la plus grande partie de mes professeurs. Il n’y avait pas de réelles raisons à mon retard et mes justifications étaient toutes plus farfelues les unes que les autres. Un jour je m’étais étouffée avec un chocogrenouille, le lendemain, c’est la perte de ma brosse à dents, puis le jour suivant mes vêtements que j’avais tous mis à l’envers. Évidemment, rien de tout cela n’était la vérité, mais c’était le seul moyen que j’avais trouvé pour ne pas avoir à dire que j’avais simplement un poil dans la main – qui n’est plus un poil mais bien un baobab à ce stade. Que voulez-vous ? J’avais finalement pris la décision de continuer mes études après Poudlard dans le but de devenir une grande maîtresse des potions, mais il était compliqué pour moi de trouver une réelle motivation. Je voulais tout, tout de suite et devoir attendre encore cinq ans pour enfin entrer dans la vie active et trouver la liberté, ça me semblait être un long chemin sans véritable fin.

Alors, oui, ce matin n’était pas différent des autres. Je m’étais réveillée bien après mes camarades de dortoirs, avais fixé le plafond pendant de longues, longues minutes avant de daigner me lever, m’habiller et de filer dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner. Parce que oui, j’ai beau être en retard, je me suis toujours promis de ne jamais négliger le petit-déjeuner, sinon c’est la mauvaise humeur assurée. Quelques œufs brouillés, des toasts et un verre de jus de citrouille plus tard, c’est non sans marcher d’un pas lourd que je me dirige vers mon premier cours de la journée…Ou peut-être pas puisque je suis arrêtée à plusieurs reprises par mes camarades, c’est fou d’être autant demandée dans ce château, n’est-ce pas ? Quelques signes de la main, des bonjours avec un grand sourire et même de simples signes de la tête plus tard, c’est un autre camarade de ma maison qui s’adresse à moi, une conversation sans queue ni tête mais qui se termine par un « on en parle ce soir dans la salle commune ! », peut-être une future sortie en pleine nuit pour moi, ce qui ne serait pas pour me déplaire. J’adore sortir la nuit et c’est encore mieux quand c’est interdit. Si j’avais été préfète, j’aurais presque trouvé dommage d’avoir l’autorisation de me pavaner en pleine nuit en faisant croire que je fais ma ronde du soir.

Au moment où je m’apprête à reprendre ma route pour enfin atteindre la salle de cours, me voilà une nouvelle fois arrêtée. Par Maxime cette fois et rien que sa première phrase fait s'afficher un sourire malicieux sur mon visage. Elle savait pertinemment que j’étais toujours partante pour les missions de la plus haute importance. Comment refuser une demande aussi urgente ? En l’écoutant déblatérer ses justifications – somme toute inutiles puisque j’avais déjà accepté à son "coucou" - mes yeux se remplissent d’étincelles d’excitation. Enfin quelqu’un qui vient me sauver de ma routine et de mes nombreux retards. Qu’est-ce que j’avais à perdre après tout ? Les professeurs m’avaient déjà dans le collimateur. « J’accepte ta mission, et puis est-ce qu’il y a un meilleur moyen de remonter dans l’estime de son professeur que de lui rendre ce genre de petits services ? Je ne crois pas. » Evidemment, ma bonne humeur est enfin de retour et je n’attends pas une seconde de plus pour faire signe à Max de faire demi-tour pour rejoindre la lisière de la forêt interdite. Chaque pas m’éloigne un peu plus de mon cours de ce matin. Chaque pas fait monter la colère du professeur qui va perdre patience. Chaque pas va faire parler un peu plus mes camarades sur les raisons de mon absence. Mais je m’en contre-fiche, j’ai beaucoup mieux à faire en ce jour ensoleiller. D’ailleurs, si on restait un minimum honnête, tout le monde a beaucoup mieux à faire avec ce temps. Pourquoi s’enfermer dans une salle de cours ?

Je dévale les escaliers, bouscule peut-être quelques personnes sur mon passage, mais je ne fais pas attention. Je ne cours pourtant pas et garde une démarche rapide, mais assurée et confiante pour ne pas éveiller les soupçons. C’est tout un art de sécher les cours quand on est à Poudlard. D’ailleurs, ma première fois remonte en quatrième année, à 15 ans, après une prise de bec assez violente avec une fille de Serdaigle, c’est que certains ont du caractère, je n’aurais pas cru. Ma colère était telle que je n’avais pas réussi à me rendre dans ma salle de classe au début de l’après-midi, préférant me servir d’un oreiller comme punching-ball. J’avais reçu des heures de retenues et des points en moins mais ça valait le coup et c’est devenu par la suite une habitude.
Le parc de Poudlard est presque vide, je me dépêche de passer devant les quelques petites têtes curieuses avant de m’arrêter brusquement et de me tourner vers ma camarade. « Au fait, on vient chercher quoi au juste ? » Oui normalement c’est la chose qu’on demande en premier lieu, mais j’étais connue pour agir puis me lancer dans une réflexion approximative. « Est-ce qu’on va s’aventurer dans le fond de la forêt ou est-ce qu’on restera à la lisière ? » Une partie de moi serait sacrément déçue si l’aventure ne se limitait qu’à l’entrée, une autre s’estimerait heureuse de simplement ne pas être en cours à cette heure-là. Mais avec cette partenaire-là, je savais que dans tous les cas, je ne serais pas déçue du voyage. C’était ce qu’il manquait ici : un peu de piquant et de nouveautés. Sortie de Quidditch il n’y a pas grand-chose de bien excitant à faire ici. Alors avec un peu d’imagination, de témérité et des camarades aussi perchés que moi, il suffisait de nous créer notre propre activité extra-scolaire.

Ce qu’il y avait de bien avec Maxine c’est qu’elle était partante pour sécher les cours. Enfin non, nous ne faisions pas ça pour le plaisir de ne pas aller en cours, ça ne nous ressemblait pas le moins du monde, si on faisait cela c’est parce qu’on était altruiste, bien entendu, le professeur de potions manquait d’ingrédients et il n’avait pas le temps d’y aller parce qu’il donnait cours, enfin je crois, je n’étais pas certaine de cette information. Dans tous les cas, il était certain que personne n’allait remarquer notre absence. En prime, voilà que Maxine avait une raison supplémentaire d’accepter, elle voulait remontrer dans l’estime du professeur. Effectivement, je ne voyais pas de meilleure manière de remonter dans l’estime de quelqu’un qu’en l’aidant. « Je pense pas non plus et s’il y a une autre méthode, on était pas au courant, on peut donc pas nous reprocher de faire de notre mieux sans avoir toutes les cartes en main. » Puisqu’elle prenait les devants, je me hâtai pour la suivre, toute contente d’avoir une partenaire. C’est fou comme elle semblait plus motivée pour me suivre que pour aller en cours, comme quoi, les cours c’est vraiment chiant, il n’y avait qu’Eirian pour trouver cela intéressant et pour préférer aller à tous les cours plutôt que de profiter de ce temps pour faire d’autres trucs bien plus intéressants.

La seule chose qui me contrariait et c’est vraiment pour ne pas dire que tout était super génial dans cette histoire, c’était que je n’avais pas pensé à prendre mes lunettes de soleil. Alors on aurait pu dire que j’abusais, il suffisait de dire à Maxine de retourner dans nos dortoirs mais ça, ce serait dans l’hypothèse où mes lunettes étaient dans le dortoir, mais rien n’était moins sûr, j’éparpillais mes affaires entre chez Soledad, les parents de Kayla et Kesabel… c’est compliqué de se retrouver et alors autant je soupçonnai Kesabel, parce qu’il perdait patience avec mes questions sur où était tel ou telle truc, d’avoir un inventaire de toutes mes affaires chez lui, autant comme Soledad et les parents de Kayla me trouvaient adorable EUX, ils ne devaient pas avoir fait d’inventaire. Dans le doute, j’envoyais un sms à Soledad, prête à faire un petit détour à la boutique si par hasard j’avais été géniale pour le poser en évidence sur un truc. Evidemment, le réseau décidait d’être problématique, comme d’habitude… aller elle allait recevoir ça dans trois jours, quand il y aurait plein de pluie et que je serais avec elle à la boutique… Franchement Poudlard, vraiment une école ringarde !

J’avais à peine terminé mon message que Maxine se tourna vers moi pour me demander ce qu’on devait récupérer. Tiens, c’est vrai que j’avais oublié de lui donner cette information. Je farfouillais dans ma poche pour en sortir le papier et relire ce que j’avais écrit mais elle avait déjà enchainé en me demandant si on allait rester juste en lisière de la forêt. « Ah bah non, c’est naze de rester en lisière. J’ose espérer que s’il s’était agi que de cela, il y serait allé. » Enfin j’ose espérer c’était très vite dit, s’il y avait été, on aurait dû trouver une autre raison de sécher les cours. Euh non, c’est pas ce que j’avais voulu penser, je ne cherchais pas une occasion pour me tirer loin de ma salle de classe, j’étais serviable, il ne fallait pas que j’oublie mon excuse tout de même. Je lui lisais toutes les plantes, même si ça n’était pas le plus intéressant, non moi ce que je trouvais dingue c’était les poils d’hippogriffes, parce que les hippogriffes c’est cool, bon un peu caractériel aussi mais on n’allait pas les énerver, juste récupérer des poils dans leurs nids et des plumes sait-on jamais que le professeur ait aussi besoin de plumes, il n’y avait probablement pas pensé mais nous on allait y penser pour lui. Bon les plumes de jobarbilles m’intéressaient aussi, c’est fou parce que dès que ça touchait aux animaux, je trouvais ça quand même vachement plus intéressant !

Vérifiant que personne ne s’intéressait à nous, enfin surtout des petits premières années parce que je savais ce que c’était de voir les plus âgés partir à l’aventure, moi du haut de mes onze ans, j’avais toujours eu envie de les suivre. On allait éviter de mettre en danger les plus jeunes. Par chance, il n’y avait personne, ils étaient raisonnables… enfin pas tous parce que je ne comptais pas le nombre de fois où le sablier avait perdu des petits rubis au réveil parce que des jeunes Gryffondors avaient fait le mur… Ils n’étaient quand même pas très doués, moi je m’étais jamais fait prendre… Quoi que c’était certainement logique, j’étais un loup-garou, j’entendais les battements de cœurs et les pas des professeurs ou des préfets comme s’ils étaient à côté de moi, dans ce contexte, difficile de me prendre par surprise. Bref revenons à nos moutons, enfin nos hippogriffes. « Je te propose qu’on commence par le plus marrant, les poils d’Hippogriffe, il faut qu’on arrive jusqu’aux nids où ils font leurs petits, en espérant que les petits soient nés et que leurs mères les ait emmené en balade sinon va falloir qu’on trouve comment les éloigner du nid pour récupérer les poils et les plumes. » On aurait peut-être dû prendre de la bouffe pour les appâter, j’avoue que je n’y avais pas pensé. Autre chose auquel je n’avais pas vraiment réfléchi c’est est ce que tous les œufs avaient éclos ou est ce qu’on allait tomber sur une mère couvant son œuf ? Ah c’était ça qui était intéressant, ne pas savoir comment notre mission allait tourner. Je regardai Maxine les yeux brillants d’enthousiasme. « ça fait longtemps que j’ai pas vu d’hippogriffe, c’est trop cool ! » J’essayai de me concentrer et écouter les bruits alentours, voir si j’arrivais à reconnaître le cri de l’hippogriffe mais ça n’était pas fameux, il faut dire qu’il y avait énormément de bruits dans la forêt interdite, réussir à identifier le bon ça n’était pas simple. Quel dommage que je n’ai pas anticipé cette quête et que je n’ai pas profité d’une pleine lune pour faire du repérage afin de savoir par où aller. « Tu sais où ils font leurs nids toi ? » Peut-être qu’elle séchait plus souvent que moi dans la forêt et qu’elle connaissait l’endroit comme sa poche ?