nymphéa & noctis

Du flou. Tu ne sais pas ce que tu fais dans cet endroit brumeux. C'est une place étrange, arrondie et encerclée par de vieux réverbères à l'anglaise, les fameux candélabres métalliques et décorés de fer et de bronze que l'on peut trouver sur les anciennes avenues Londoniennes. Ce sont les seuls vestiges que tu peux apercevoir à travers le fog qui t'entoure, en raison des lumières qu'ils font percer à quelques mètres de hauteur et qui les illumine tant bien que mal, les faisant trancher dans le reste du décor opaque. En déviant le regard vers le pied de l'une des streep-lamp, tu peux te rendre compte que la place sur laquelle tu te trouves est pavée, tant sur la route que sur le trottoir – tu es visiblement tombé dans un lieu anachronique. L'atmosphère se rapproche singulièrement du début du dix-neuvième siècle, avec ses allées pavées, bordant les Mews et construites pour faciliter la vie des paysans dans les villages anglais ou le passage des calèches dans les métropoles telles que Londres. Pas de Jack l'éventreur à l'affût pourtant, c'est une autre silhouette – tout aussi peu désirée, pourtant – qui se glisse dans ton champ de vision. Une cape noire ne laissant échapper que les mains et le visage de sa propriétaire, quoique ce serait plus juste de parler des os qu'il en reste, se présente devant toi. La silhouette filiforme de la Mort te surprends, te fais déglutir.

Tu cherches à reconstituer le fil des événements. Il n'y a pas si longtemps, tu étais encore dans les jardins du Waddesdon Manor, allongé dans l'herbe et pissant le sang, mais tu ne pensais pas ton cas si important. Tu n'as pas pu mourir d'une façon si débile, après toutes les overdoses auxquelles tu as échappées ? Ton regard anxieux et interrogateur cherche à capter celui de la Mort – il est étonnant de voir qu'elle a encore des yeux, d'ailleurs. Tu pensais que ses orbites seraient vides et creusés comme le reste de son apparence, mais elle s'est visiblement accordé le luxe de garder un dernier élément humanisant.

❝ Qu'est-ce que… ❞ Elle fait un geste de la main t'appelant au silence.
❝ Patience. Nous attendons encore quelqu'un. ❞

Effectivement, des pas surviennent derrière toi quelques instants à peine après ses paroles. Tu fais volte face, observant une silhouette venir de ce qui semble être un boulevard, tout aussi brumeux que la place sur laquelle tu te trouves et qui semble être une impasse au vu de sa forme circulaire. Tu as du venir de cette allée toi aussi, que tu n'avais pourtant pas remarquée auparavant en baladant ton regard pour examiner les alentours – peut-être qu'elle n'apparaît que lorsqu'une âme ayant passé de vie à trépas doit rejoindre la place et s'efface ensuite ? Tu ne sais pas, tu ne tiens pas à savoir… Encore moins lorsque la silhouette se rapproche suffisamment pour que tu puisses en reconnaître les traits.

❝ AH NON, PAS TOI ! ❞

Le cri que tu pousses vient directement du cœur. Tu l'observes avec suspicion et méfiance, parce que la dernière fois que tu as été en contact proche avec cette fille, elle t'a à moitié éclaté le crâne avec son balai de joueuse de Quidditch. Ton angoisse de la voir ici va au delà de vos différents et de sa capacité d'agresser les gens pour une simple blague, pourtant. Bordel, qu'est-ce qu'elle fait là ? Elle n'est pas sensée se trouver ici. Elle n'est pas sensée crever pour le moment… Si ? Elle est encore jeune – enfin vous avez le même âge à quelques semaines près mais elle méritait moins que toi de passer l'arme à gauche, elle manquera à beaucoup plus de gens. Tu grimaces d'incompréhension, tandis que la Mort reprends la parole maintenant que Nymphéa s'est avancée de votre côté.

❝ Vous êtes donc Noctis Lestrange, décédé d'une hémorragie due à une blessure et Nymphéa Chang, décédée d'un arrêt cardiaque provoqué par la trop longue soumission à un sortilège impardonnable. Vous comparaissez devant moi pour le choix final. Vous avez deux options, celle d'aller jusqu'au bout et de m'accompagner, ou celle de revenir sur terre sous forme de fantôme. ❞

Une pause. Elle tourne la tête vers chacun de vous, avant de passer les os composant sa main droite sous sa cape, sortant un sablier d'une vingtaine de centimètres de haut qu'elle retourne pose sur le sol devant elle, entre vous deux.

❝ Vous avez quarante-deux minutes pour vous décider. Réfléchissez bien… ❞

Les pans de sa cape volent dans les airs et elle disparaît sans plus attendre, s'évaporant dans les airs aussi rapidement qu'elle est apparue. Le sable contenu dans la sphère supérieure jusqu'alors se libère, commence à rouler lentement, faiblement, dans la partie inférieure – tu pourrais presque voir chaque grain effectuer sa descente tant le mouvement est délicat.

❝ Alors j'te préviens tu vas calmer ta joie direct, nous sommes actuellement dans les limbes et il n'y a aucun balai avec lequel tu peux me frapper ici. En plus on est des sortes d'esprits vu qu'on a passé l'arme à gauche, alors tu pourrais pas me faire mal même en tentant… Enfin je suppose. Ceci étant dit…❞

Un instant tu songes à lui demander si elle a déjà une idée du choix qu'elle souhaite poursuivre, comme vous n'avez tous les deux pas le choix, mais tu te rattrapes de justesse. C'est peut-être un peu trop brutal – elle avait une famille elle, après tout. Elle risque de manquer à des gens, à ses parents, à Hyacinthe, à son cousin, Kun te semble t-il. Toi, tu n'as que ton fils et il encore bien jeune. Si tu lui manquera sur le coup, il y a peu de chances qu'il s'en souvienne dans quelques mois et en souffre sur le long terme. Tu suppose du moins – après tout, tu étais nouveau-né au moment de perdre ta mère et elle ne t'avait jamais vraiment manqué. A-J était petit, aussi. Il oublierait, ce qui n'était pas le cas des proches de Nymphéa, plus âgés et forcément moins insouciants, avec des idées plus appropriées du deuil et de la mort que celles d'un enfant de quatre ans et demi.

❝ Est-ce que cela va aller ? C'est un peu soudain pour toi je suppose… ❞

nymphéa & noctis

Tu arques un sourcil, à moitié amusé, à moitié méprisant, même si tu n'es pas sûre qu'elle puisse l'apercevoir à travers la brume qui vous entoure. À cause de toi ? Ah ben elle n'est pas mal celle là, tiens ! Tu ne vois pas en quoi sa présence ici peut être rejetée sur ta faute – certes tu as privilégié la métamorphomage au moment d'aider quelqu'un mais ce n'est pas une raison, elle avait l'air plus mal en point que Nymphéa qui ne saignait que du bras et son cas était donc prioritaire. Tu songeais à t'occuper de la jeune étudiante immédiatement ensuite, tu ne pouvais pas deviner que ta baguette jouerait à la connasse et que tu ne pourrais soigner qu'une seule personne. La Mort, en reprenant la parole, coupe néanmoins court à la vivacité de la fille Chang, qui attends le départ de cette dernière pour se retourner de nouveau contre toi.

❝ Moi je me vantais ?! À quelle occasion encore ? J'étais aussi aux prises avec un Mangemort au cas ou tu ne l'ai pas remarqué. ❞ Tu grinces des dents, souffle dans les airs – tu es surpris de pouvoir encore en être capable – avant de reprendre vaguement ton calme, peut-être parce que les larmes de la demoiselle t'affectent un peu. ❝ Je n'avais pas envie de crever non plus. ❞

Pas de cette façon, en tout cas. Tu t'étais toujours dit qu'tu clamserais jeune, qu't'aurais pas le temps de vivre très longtemps, pas de la façon dépravée dont tu menais ton existence en tout cas. Live fast, die young, qu'ils disaient – ils, ne pensaient sûrement pas à quel point ils pouvaient avoir raison parfois. Pourtant, tu aurais songé que tu rendrais l'âme dans la salle sur demande, entre deux slams ou au cours d'un bad trop, mais pas comme cela, pas aussi connement, buté par un des anciens « collègues » d'ton géniteur. Putain d'vie, putain d'mort. Tu poses un regard inquiet sur la gamine – t'arrive pas à la voir autrement même si elle n'a que quelques semaines de moins que toi, peut-être parce que c'est la sœur de Hyacinthe et qu'tu la vois comme une enfant à travers l'amitié qu't'as pour lui. Elle pleure, elle hurle, tu t'en fous, si cela peut l'aider qu'elle le fasse. T'avais l'habitude qu'on t'méprise, qu'on t'gueule dessus dans la vie, tu n'vois pas pourquoi ce serait plus dérangeant dans la mort, surtout si cela peut lui permettre de passer ses nerfs.

❝ Eh bien … Moi non plus ? Enfin j'savais que j'claquerais jeune, mais j'pensais pas que ce serait comme cela. ❞

Tu réfléchis brièvement lorsqu'elle reprends la parole. Ce qui se passera si vous n'choississez pas votre sort, eh bien … Le plus logique serait que la mort vous emmène, de force si vous n'acceptez pas que ce soit de gré. Tu te demandes ce qui se passe ensuite. Le vide ? La réincarnation ? L'enfer ? Tu n'as jamais trop cru aux deux dernières options, mais la présence de ce lieu qui fait office de limbes donne le sentiment qu'il existe quelque chose dans l'au-delà, partiellement en tout cas. Si cela s'trouve, et ce serait tout aussi bien pour toi, si tu choisis d'aller jusqu'au bout, tout deviendra noir et il n'y aura rien à la fin du chemin.

❝ La logique voudrait qu'elle choisisse pour nous si nous n'sommes pas capables de sélectionner une option nous-même après discussion. Mais je n'en sais rien. En tout cas, on ne reviendra pas dans nos corps habituels, à la limite on se réincarnera entre autre chose… Et même cela j'n'y crois pas. J'fais partie des gens qui pensent que tout est noir et vide après le saut final. Mais c'pas très joyeux comme vision alors n'fais pas attention et pensons à autre chose. ❞

Tu détournes un peu les yeux, marchant ici et là en travers de la place pour observer les différents éléments avec un peu plus d'attention. Tu la laisses pleurer tant qu'elle veut, sans te soucier du sable qui s'écoule – autant qu'elle le fasse maintenant et que vous puissiez discuter ensuite. Elle finira forcément par se calmer ou à défaut, à manquer de larmes même si l'envie de crier ne lui passe pas. Tu mordilles tes lèvres, repensant de nouveau à ton fils – c'est l'une des raisons qui fais qu'tu voudrais qu'il n'y ai rien, ensuite. Tu n'as pas envie de te morfondre pendant l'éternité en songeant à lui, alors qu'il t'oublieras sans doute rapidement, l'enfance étant reliée à l'insouciance dans la plupart des cas.

❝ J'suis d'accord en tout cas, c'pas forcément juste, pour toi en tout cas. ❞ Et puis tu poses une autre question – pas l'meilleur moyen de la détendre mais il faut bien commencer quelque part. ❝ Qui est-ce que tu vas regretter le plus ? ❞

nymphéa & noctis

L'ambiance est moins morbide que ce à quoi tu aurais pu t'attendre, même si elle n'est pas agréable pour autant – tu aurais sans doute, en vérité, préféré qu'tout soit noir à la fin du chemin, qu'il n'y ai rien à regretter, aucun regret vers lequel se retourner. Et pourtant, dans un sens, c'est logique, puisque certains ont la possibilité d'faire marche arrière pour revenir sous forme d'esprits et continuer à laisser une trace indélébile d'leur passage sur terre. Cherchant à chasser ce genre de pensées qui te dérangent puisqu'elles te concernent bien plus que tu ne t'y serais attendu pour ce jour, tu reportes ton attention sur la demoiselle. Elle semble surprise par tes paroles et cela t'arrache une grimace, à la fois douloureuse et nerveuse.

❝ Bof, tu m'connais. J'ai jamais eu un train de vie très sain, cela aide à passer l'cap plus tôt qu'les autres en général. 'Fin… Au moins j'n'aurais pas eu l'temps de choper une MST ou une connerie du genre, cela a été moins douloureux qu'prévu donc c'est quand même positif. ❞

Tu recommence à mâcher tes mots, reprenant pour faire passer le message l'assurance malsaine dont tu faisais preuve dans la vie, histoire de contrôler au moins quelque chose dans ce lieu étrange. Ton regard se fixe dans celui de Nymphéa, en manque flagrant d'arrogance pourtant, comme si ses yeux encore scintillants te rassuraient et pouvaient t'aider à reprendre une certaine contenance, même si elle a séché ses larmes quelques instants auparavant. Tu es désolé pour elle, malgré tout, et très rapidement tu cesses de la fixer pour ne pas la mettre mal à l'aise, reportant ton attention sur les alentours.

❝ J'suppose que c'est pas le genre de choses auxquels les gens biens pensent, ouaip. Tu étais moins prédestinée que moi à claquer et donc à penser à la mort, à t'y préparer, c'genre de trucs. ❞

Tu ne te considères pas né du mauvais côté de la barrière pour autant. Tu aimais ta famille, même si tu voulais t'en écarter, te libérer de la pression associée à ton nom de famille. Tu n'regrettais pas d'avoir été le fils d'un Mangemort, tu n'regrettais pas d'être né dans une lignée à la réputation violente et morbide – ils l'étaient beaucoup moins que certains prétendus neutres, ils ne s'en cachaient tout simplement pas et là était toute la différence. Pour autant, être – avoir été ? – un Lestrange t'avait aidé à te faire une idée de la mort très tôt, tant par les chasses aux animaux que tu faisais avec ton père que par le rituel imposé aux garçons de la lignée. L'année suivant ce passage, tu étais entré à Poudlard et ton changement aussi flagrant que violent de caractère t'avais enfoncé dans cette idée. Fumant, baisant, buvant certains alcools doux, tu t'enfonçais déjà dans les début d'ta première année dans une spirale qui n'assurerait pas une trop longue survie à ton myocarde.

❝ Cela fait quelques personnes sympas. Pour Elise, c'est vrai que parfois les personnes qui nous manquent n'sont pas celles auxquelles on pourrait s'attendre au début. ❞ Tu observes les alentours. Tu as subitement envie d'fumer, mais même sans être le trou noir auquel tu t'attendais, la mort n'offre sans doute plus cette possibilité. ❝ Pour Hyacinthe … Je n'sais pas. Nous n'avons jamais réellement parlé famille, mais j'suppose que puisqu'il t'a manqué quand il a disparu sans prévenir l'an dernier alors que vous étiez comme chiens et chats, la réciproque s'ra logique. ❞

La seconde partie de sa phrase te fait arquer les sourcils. Au premier abord, tu songes même qu'il s'agit d'une question, qu'elle t'interroge sur les gens qui te manqueront de ton côté, mais non, le timbre de voix avec lequel elle prononce les mots n'est pas interrogatif quand tu y réfléchis quelques secondes. Tu lui jettes un coup d'œil surpris avant de prendre la parole, frottant ta main droite contre ta nuque pour parer la gêne due à sa sympathie.

❝ Oh, euh. Eh bien, ravi d'être regrettable. Je n'sais pas ce qui se passera, ni si on se rendra au même endroit mais tu m'manqueras aussi, avec d'autres personnes. ❞ Tu lui rends son sourire avant d'enchaîner, malicieux et ironique. ❝  Ton balai par contre, beaucoup moins. ❞