Ft. Sio  

Beth bougonnait, enroulée dans un plaid sur son vieux canapé, dont elle refusait tout net de se séparer depuis des années. Ancien, usé mais rassurant. On ne se débarrasse pas si facilement des vieilleries. Dans le cas contraire autant dire que beaucoup de reliques de sorciers devraient recevoir une lettre leur enjoignant expressément de prendre une retraite bien méritée. Beth a toujours eu un attachement pour les objets du passé – de son passé. Ils lui rappellent toujours de doux souvenirs lui apportant de la chaleur écartant les soucis du quotidien et l’inquiétude liée au sombre avenir les attendant. Ce n’est pas pour rien que la jeune femme n’est jamais bien loin de sa cape bleue. Ce cadeau est inestimable à ses yeux, gare à celui ou celle qui oserait poser ses doigts crasseux dessus. Actuellement, elle récupérait tout ce qui pouvait la faire se sentir mieux. Beth fait partie de ces gens qui détestent être malade et de ce fait font de très mauvais malades à s’occuper. Alors que la majorité du monde sorcier et moldu fêtaient encore la nouvelle année, elle se retrouverait le menton sur ses genoux à attendre désespérément l’arrivée de son amie de toujours.

Qu’est-ce qui est pire que la pleine lune ? L’avant pleine lune et bien sûr l’après pleine lune. L’on n’en parle pas assez mais la jeune femme se retrouve dans un tel état de fatigue, que tout son corps lui fait mal et se sent faible, alors que peu de temps avant elle aurait pu déchiqueter le premier idiot à sa portée. Bon tout cela en supposant qu’elle ait malencontreusement oublié de prendre sa potion tue-loup - bêtise qu’elle ne refera jamais. Oui, la première fois, première expérience totalement désastreuse qu’elle ne retenterait pour rien au monde. A moins d’être lâchée dans la même pièce que l’organisateur de cette fameuse soirée funeste dont elle préfère occulter le souvenir encore trop vif. Bon et une Beth qui bougonne, ça donne une Beth qui tourne en rond dans son petit appartement et ce n’est pas très bon tout ça. D’autant que la jeune femme s’était sentie un peu obligée de poser ses vacances à cette période-là pour éviter de rater le boulot en raison des ses problèmes de poils. Le travail de Beth, c’est l’amour de sa vie. Donc oui, la voilà totalement en manque et de mauvaise humeur. Alors pour remettre un peu de couleur dans sa vie la jeune femme fait appel à Siobhan. L’on peut toujours compter sur la rouquine pour amener un arc-en-ciel dans son existence grâce à sa personnalité.

C’est donc naturellement qu’elle avait envoyé Philibert avec un message clair, simple et concis. Bon, peut-être un peu trop axé version Beth Stevens. Le message disait concrètement :

Ma Sio d’amour,

J’espère que tu te portes bien, entourée de tous ces mômes aux hormones en folie - quelle drôle d'idée ! Bien que je n’ai pas doute te concernant, mais on ne sait jamais avec eux. En tout cas, si tu as besoin que je vienne montrer mes crocs…pardon mon insigne d’agent de police exemplaire, n’hésite pas.
Sinon, de mon côté, la lune et moi, on se fait un peu la gueule mais sinon ça va. Bref, passons aux choses sérieuses ! Tu voudrais bien venir passer le nouvel-an avec moi ? Je me dis que ça fait longtemps que l’on n’a pas fait une soirée rien que nous, pyjamas, des montagnes de bouffes, tout ça, tout ça.

Je trépigne en attendant de tes nouvelles,

Ta Beth (qui te fait les yeux doux)

Siobhan faisait partie des rares personnes en qui la jeune femme avait suffisamment confiance pour lui faire comprendre qu’effectivement son moral n’était pas au beau fixe. Son amie ne la jugerait jamais et serait toujours là pour elle. Bien sûr, l’inverse marchait également. La sorcière s’inquiétait de voir partir Siobhan en tant que professeur. Les années Poudlard n’ont pas toujours été douces pour la rouquine. Beth aurait bien aimé la préserver encore un peu comme lorsqu’elles n’étaient que de jeunes sorcières, mais elle devait bien se rendre à l’évidence que ni l’une, ni l’autre, n’étaient encore des enfants. Mais depuis que la jeune femme possédait de la fourrure deux fois par mois, son comportement protecteur ne faisait que de se décupler, notamment lorsqu’il s’agissait de la personne qu’elle considérait comme sa famille - unique famille à présent.  

Un miaulement lui fit tourner la tête, il s’agissait de Squat’, le chat noir et blanc qui semblait apprécier que moyennement la cohabitation avec la jeune femme. En même temps, ce n’est pas sa faute si cet animal pensait qu’il pouvait venir faire impunément ses griffes sur son canapé sans en payer le loyer. Beth avait déjà essayé de lui expliquer les choses mais il n’en faisait qu’à sa tête à rester des heures derrière sa fenêtre. A force la jeune femme avait craqué et accepté la présence du chat sans nom. Oui, Chat-sans-nom, ce n'était pas très reluisant comme prénom, faut bien avouer. Celui-ci d’ailleurs s’étira de tout son long avant de sauter sur le parquet et se diriger en se dandiner vers la porte d’entrée. La jeune femme en déduisit que son amie arrivait. En effet, peu de temps après, elle entendit son amie dans l’escalier.

Tout en pestant contre ses articulations qui lui donnaient l’impression de sortir d’une mauvaise grippe, elle entreprit de se lever du canapé. Après tout, la jeune femme n’avait pas été élevée par des porcs, bien que l’effort de rallier l’entrée lui en demande suffisamment que même Squat’ lui jetait un regard déprimé. A moins que ce soit son regard habituel, toujours est-il qu’avec beaucoup de maturité, elle lui tira la langue en réponse. Non mais c’est vrai, il se prenait pour qui ce matou de salon ? Il y a même des jours où l’agent se demande si ce n’est pas un sorcier animagus. Mais bon, depuis le temps, il lui semblerait que ce soit juste un chat de gouttière qui ait décidé de lui pourrir l’existence de sa présence de pacha. Puis bon, en règle générale, Squat peut occuper l’appartement durant son temps de travail se prélassant là où il veut et puis la nuit, c’est Beth qui l’occupe. Cohabitation de l'extrême, n'est-ce pas ?

Au fond, Squat n’est pas un si mauvais chat, ni même un bon chat. Et puis, c'est quoi un bon chat ? Bref. Il lui arrive même de venir se coucher, à distance raisonnable certes, mais à ses côtés. Elle avait même l’impression que depuis son retour de l’hôpital, le matou comprenait que sa situation n’était plus la même et qu’il tentait de se montrer sociable. Après peut-être espérait-il simplement qu’elle se remette plus vite et qu’elle reprenne le boulot. La jeune femme n’avait pas su comprendre le sens des miaulements de son camarade à quatre pattes. D’autant que les premiers temps, le pauvre a certainement dû croire qu’elle lui avait fait l’affront de ramener un chien dans l’appartement. Peut-être se disait-il simplement que son humaine sentait juste le sale cabot à présent, qui sait. Beth entreprit de le pousser du pied pour qu’elle puisse ouvrir la porte à son amie. Mais celui-ci ne souhaitait pas bouger son popotin et lui jeta un regard courroucé, bien sûr ce crétin semblait aduler Siobhan contrairement à Beth – une bien meilleure compagnie certainement.

« Bouge-toi un peu. » grommela-t-elle, réussissant à déloger le matou.

Elle ouvrit la porte sur la rouquine et afficha un large sourire sincère avant d’attirer la jeune femme rousse dans son appartement sans attendre.

« Hey ma Sio ! » s’exclama-t-elle avec entrain, masquant volontairement sa lassitude. « Merci d’être venue ! C’est de la nourriture que je sens ? »  poursuivit-elle, tentant de reluquer dans le sac que portait son amie.

Un nouveau miaulement se fit entendre attirant automatiquement l’attention des sorcières, exactement ce qu’il voulait ce filou ! Beth lui jeta un regard faussement courroucé.

« Hey mon pote, c’est MON amie. T’as qu’à t’en trouver une si tu veux des câlins toi aussi ! » rétorqua-t-elle à Squat’, tout en relâchant tout de même son étreinte autour de Sio. « Viens entre seulement. Fais comme chez toi, d’accord ? »

Après tout selon Beth son appartement pouvait bien être celui de Sio, cela ne lui changerait rien du tout. En même temps, ce n’est pas comme s’il s’agissait d’un palais. Non, juste un appartement décoré selon les goûts de sa propriétaire, c’est-à-dire avec quelques objets moldus, d’autres sorciers…un bref un mélange qui pouvaient donner l’impression d’être un joyeux bordel. Mais c’est son chez elle, un endroit chaleureux avec des babioles par-ci-par-là. Mais attention, le fait de posséder de nombreux objets inutiles selon certains, ne veut pas dire que son appartement n’est pas propre. En même temps, en vivant seule dans une trois pièces et demi, ce serait difficile de pas être capable de faire un brin de ménage surtout lorsque l’on possède des dons magiques.
 
« Tu veux boire quelque chose ? » demanda-t-elle poliment à son amie, se décalant en essayant de masquer son inconfort.

A force d’essayer de se la jouer naturelle, il est clair que Beth s’enfonçait totalement. Sa lettre plus sa tête ne pouvaient pas tromper Siobhan sur son état physique et psychique actuel. Quoique. La jeune femme jugeait que cela pouvait toujours se jouer sur un malentendu. Étrangement, sa vie en était rempli. Mais ça se tentait tout de même de se la jouer tout va bien, je gère. D’autant qu’elle n’avait pas envie de s’apitoyer sur son sort en présence de sa meilleure amie, simplement profiter de sa présence comme avant. Cela reste le plus important à ses yeux et à son coeur, surtout en période de fêtes.