19.01.2019 Il est sept heures du matin, nous sommes samedi et pourtant me voilà déjà debout et prêt à partir. Encore endormi dans le dortoir, Utakata roule dans le lit collé au mien, soucieux de savoir où est-ce que je vais. Délicatement je caresse la joue du Japonais encore ensommeillé du bout des doigts et murmure pour ne pas réveiller les autres : « J'ai rendez-vous, pour un duel amical. Rendors-toi, je reviens à midi. » Rien de bien surprenant en soi, étant donné que je fais partie du club de duel de l'école. Ce qui est plus surprenant en revanche, c'est l'heure très matinale. Utakata comme d'habitude avec moi n'aura pas le droit à tous les détails. Ce qu'il ignore c'est que ce duel aura lieu en dehors du club. En dehors d'un cadre scolaire très réglementé et sécurisé. Mais l'adrénaline me fait fonctionner. Ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion de se frotter à l'ancien champion de duel de Durmstrang. Heimir va mal en ce moment. Moi aussi, et nous avons cette fâcheuse tendance à aller mal ensemble lui et moi. Généralement nous allons picoler, nous saouler dans un bar miteux. Si bien que cela porte à confusion, certains nous ont pris pour des amants se voyant en secret et ces rencontres avec le Finlandais ont semé la discorde dans mon couple. Cet idiot d'ex petit gros a cru que je le trompais avec le grand rouquin, à cause des "on dit". Ces fameuses rumeurs de couloirs dans l'école, qui se propagent comme des traînées de poudre. Mais il n'en est rien. Il n'y a jamais rien eu entre le magizoologue et moi, si ce n'est des paroles parfois ambigues sans l'intention d'aller plus loin de mon côté.  

L'année commence mal pour nous. J'ai cru que Utakata m'avais quitté, j'ai recommencé à me faire du mal et découché de l'université en me montant la tête tout seul. Simplement parce qu'il était en retard. Et s'il n'étais pas devant les cheminées de la fac à l'heure du rendez-vous, c'est indirectement la faute d'Heimir. Heimir qui a largué Deadman, que Taira a retrouvé en train de déprimer dans un couloir sur le chemin du retour. On peut dont dire que c'est la faute de Kar fuck, cet enchaînement de situations désastreuses. Je baisse d'ailleurs par réflexe un peu plus la manche de mon pull over pour cacher les bandages de mes poignets, vestiges de la semaine dernière. Vraiment, 2019 s'annonce comme une année bien merdique en commençant si mal.

J'ai redoublé d'efforts au club de duel depuis la rentrée. A cause de cette rencontre impromptue avec des mangemorts lors des vacances de Noël, qui nous a valu une belle frayeur et quelques blessures à mon petit ami et moi. C'est après ma tronche qu'ils en avaient, j'en suis certain. Qu'est-ce qu'ils en ont à faire, de lui ?... Il n'est pas Anglais, n'est pas dans l'ordre du phénix et surtout il n'en a pas grand chose à foutre de ces querelles qui ne regardent que les occidentaux d'après lui. Mais moi, je m'appelle Chang. Je suis le fils de Cho Chang, une amie de Harry Potter, une ancienne résistante, une héroïne de guerre. Mon père est un moldu et mes parents n'ont jamais caché leurs idées progressistes. Maman est une traître à son sang d'après certains, elle a souillé son sang pur pour faire des bâtards de sang mêlés avec un homme dénué de magie. Donc clairement, c'est après moi qu'ils en avaient. Toujours est-il que j'ai au moins pris conscience de certaines choses avec cette attaque surprise : je ne suis en sécurité nulle part, en m’appelant Chang. J'ai besoin de plus que le club de duel de l'école pour pratiquer. Mais aussi pour me défouler.

Le nez enfoncé dans une écharpe aux couleurs de ma maison, mes longs cheveux blonds détachés me voilà en route vers les cheminées pour rejoindre l'écosse. Une poignée de poudre de cheminette dans la main, ravi de ne croiser personne si tôt le matin, j’annonce clairement et distinctement ma destination : « Poudlard. » Quelques instants plus tard, après avoir disparu dans des flammes vertes me voilà dans une seconde cheminée à toussoter à cause de la poussière. Je dégage la fumée d'un geste de la main et sors de l'âtre pour épousseter mon manteau d'hiver. Mon périple n'est pas encore terminé : je dois me rendre à la cabane hurlante, où notre duel aura lieu avec Heimir.

Sortant du château par la porte principale, je plisse les yeux en sentant le vent froid d'hiver mordre la peau pâle de mon visage. Il fait froid, ce matin. Il commence même à neiger et je soupçonne une tempête de Neige d'être en route vers nous. Ce n'est clairement pas un temps à sortir, mais plutôt à rester bien au chaud sous un plaid avec une tasse de thé et un bon livre. Pourquoi pas avec mon chat sur les genoux aussi, devant un feu de cheminée. Clairement, il fait très froid ce matin. Les mains dans les poches, seul au monde semblerait-il je traverse le parc de Poudlard encore désert. C'est comme si le château était inhabité. Je devine seulement quelques traces de patte d'animaux dans la neige fraîche du matin, qu'aucun autre humain n'a encore foulé. Je préfère ne pas savoir de quelles bêtes il est question, envisageant des chats plutôt qu'autre chose de terrifiant. Heureusement, la pleine lune n'est pas encore là. Elle n'aura lieu que Lundi, je ne risque donc pas de croiser un loup garou reprenant forme humaine avec l'aurore par erreur.

Une fois non loin du vieux saule cogneur qui a un caractère au moins aussi mauvais que le mien, je dégaine ma baguette. Pas besoin de formuler quoi que ce soit, celle-ci partage mon excitation à l'idée d’entamer un duel et réagit immédiatement, immobilisant les branches de l'arbre. D'un pas rapide, je me dirige donc vers ce dernier, et pousse la neige à l'aide de mes pieds pour dégager un petit passage. Le manteau blanc est épais, si bien que je dois me faufiler à quatre pattes par le passage secret, rampant à demi pour y pénétrer discrètement. Je glisse sur les fesses dans le tunnel et grogne à atterrissage difficile. Il fait encore plus froid que dehors ici. Nettoyant de nouveau mes vêtements pour la seconde fois depuis que j'ai quitté mon dortoir, j'illumine le bout de ma baguette pour trouver mon chemin dans la pénombre, ou tout du moins pour ne pas trébucher puisqu'il suffit d'aller tout droit.

Ma marche n'est pas bien longue jusqu'à la cabane hurlante. Je m'assure que personne n'est encore arrivé en murmurant un simple sortilège à l'entrée :  « Homenum revelio. »  Rien. Heimir n'est pas encore ici, ni même un visiteur inattendu et non désiré. Je prend le temps d'observer cet endroit que l'on dit hanté. Mais rien. Pas de trace d'un fantôme. Juste une vieille baraque abandonnée. Une fois le salon trouvé, j'allume un feu de cheminée et retire mon manteau pour profiter de la chaleur. Le vent souffle fort dehors, et je regarde les quelques flocons commencer à voler. C'est là que je le vois au loin, avec ses cheveux cuivrés qui ne passent pas inaperçu. A l'entrée du petit chemin, Heimir arrive vers la cabane hurlante où je l'attend déjà.