Comme nombre de ses soirées depuis son arrivée, Azzio se trouvait au bar. Assis le dos contre la fenêtre, il regarde ses nouveaux amis picoler. Les bières s'enchaînaient vite, mais le jeune homme faisait attention à ne jamais trop s'enivrer, car il ne savait jamais quand la Cosa Nostra pouvait l'appeler. Et dans le doute, vu que son patron était le détestable Luca Zabini, mieux valait ne pas prendre de risque. Plus tard, peut être. Ce soir-là, donc, il regardait les deux mecs avec qui il traînait boire plus que de raison et s’amusaient vaguement de leurs blagues. Tony partait de plus en plus vers les blagues machistes et déplacées et Azzio ne disait rien, souriant de temps en temps, mais laissant couler. Avec ce genre de gars, il ne pouvait jamais rien arriver de bon quand on se dresse contre eux. Alors, par principe, Azzio se taisait, même s’il n’était pas toujours d’accord.

Une heure plus tard, les deux gars sont complètement soûl et Azzio soutient un Tony qui peine à mettre un pied devant l’autre pour tenter de sortir du bar. Le jeune italien soupire, mais continue d’avancer en le portant à moitié. Une fois allongé dans son lit, il ne fera plus de mal à personne. Une fois sur le perron, leur reste de bière à la main, les deux hommes bourrés se entonnent des chansons paillardes dans un anglais approximatif. Azzio les écoute avec attention, tentant de se faire aux coutumes locales.

C’est à cet instant qu’elle passe. Azzio s’arrête de marcher pour regarder sa poitrine, c’est plus fort que lui et il n’y peut rien. Tony, qui ne voit pourtant rien, se met à siffler. Comme s’il avait compris qu’Azzio voulait qu’il se taise et ferme sa gueule. Non, il fallait que Tony se manifeste à ce moment-là. « Hey bah, c’est d’la bombasse où j’m’y connais pas. » s’exclame-t-il en s’approchant de la jeune femme. « Viens par là ma belle, j’ai deux ou trois idées pour toi. » Il s’approche plus encore. Azzio regarde la catastrophe arriver sans rien faire. « Pour combien tu m’suces poupée ? » L’autre gars explose de rire et Azzio se mord la lèvre. On pourrait croire qu’il retient son rire, mais en réalité, il est extrêmement gêné d’être entouré de ces deux imbéciles. « Allez fait pas ta pute, on sait c’que tu vaux, connasse. » De part son refus, Tony devient fou, il lui jette son verre à la figure.

Azzio s’interpose directement. « Tony cesse. » lui intime-t-il avant de se tourner vers la nana. « Il est pas futé et j’accepte de payer pour lui. Il s’en rappellera même pas demain, vous pouvez pas le frapper alors qu’il est déjà à terre non ? » tente-t-il d’expliquer avec son accent chantant italien. A cet instant, pour éviter ses yeux plissés de colère, il plonge son regard vers sa poitrine. Il est loin d’imaginer qu’elle sait réellement se battre, il pense prendre un petit coup ou du moins, éviter une humiliation totale à Tony. Même s’il n’agit absolument pas par bienveillance ou galanterie. « C’est un imbécile, mais j’suis prêt à m’battre pour mon pote. » En réalité, Azzio ne fait que brasser du vent, son pote il en a rien à foutre. Il ne sait pas trop pourquoi il s’interpose, mais il en ressent l’envie et discuter avec elle, ça vaut peut être le coup non ?

Son regard est froid, son corps dégage quelque chose comme de l’ennui mélangé à de la haine, c'est un cocktail assez étonnant. Azzio, qui a l’habitude de ce genre d’attitude, ne réagit pas et se force à rester droit sur ses pieds, sans reculer. Pourtant, il a reconnu la flamme qui s’allume dans ses yeux ; la jeune femme n’a absolument pas peur. Tout en elle respire l’assurance, elle sait qu’elle gère, elle sait qu’elle ne risque rien. Azzio n'hésite pas une seule seconde, il sait que c'est une sorcière. Et même si elle a assez de force ou de connaissance pour gérer avec ses poings, il ne lui suffit que d’un coup de baguette pour immobiliser tout le monde et leur faire oublier l'instant. Azzio sent son propre bout de bois à proximité, il sait qu’il ne lui faudrait que quelques secondes pour le tenir dans sa main et un coup d’oeil discret vers les alentours le rassure, il n’y a pas d’humains dans les parages immédiats. Vu la noirceur de la nuit, leur combat magique pourrait passer inaperçu.

Pourtant, même s’il se croit prêt, il ne l’est pas. La jeune femme lui attrape le bras, avec force et détermination et le fait tourner dans les airs, comme s’il ne pesait rien et n’offrait aucune résistance. En réalité, il n’offre aucune résistance, il n’en a pas le temps. Saisi d’un réflexe au dernier moment, il relève la nuque pour que ce soit sont dos qui cogne les pavés et s’éviter ainsi une contusion cérébrale. Lors du choc, tout l’air s’échappe violemment de ses poumons et il voit des étoiles danser devant ses yeux. Ses paupières papillonnent pour se réhabituer à voir, puis se passe une main sur la tête. Son dos est douloureux, son bras est douloureux et son crâne est douloureux. Merde. Elle est rapide, efficace et violente.

Sur sa gauche, Azzio entend un hurlement de douleur, puis il sent Tony s’écrouler par terre en gémissant. L’italien ne peut s’empêcher de sourire. Elle sait y faire. Il se redresse sur ses coudes quand il l’entend parler à nouveau. « Vous savez pas à qui vous avez à faire. » Il se relève le plus rapidement qu’il peut et prend une profonde inspiration évitant à la terre de tourner. « Non, c’est sûr, mais attendez. » Azzio ne sait pas pourquoi il agit de la sorte, mais il ressent le besoin de lui parler, de l’interpeller et qu’elle reste. Juste un peu. Il avance vers elle, parce qu’il ne peut rien faire d’autre. « Comment vous vous appelez ? » Juste pour mettre un nom sur ce joli visage, un nom pour repenser à cette déesse qui a mis Tony en PLS. « Que j’puisse pour faire un autel à votre gloire pour vous r'mercier d'la dérouillée qu’vous avez mise à Tony. » Avec ces mots, il contredit les quelques minutes précédentes où il avait promit vouloir se battre à la place s on pote. « J’vous jure que j’vous veux pas d’mal. » continue-t-il, totalement sincère. C'est la réalité, mais il pourrait lui faire du mal, il pourrait se venger plus tard et il comprend qu'elle doute. Mais Azzio n’est pas le genre de gars à s’battre pour un oui ou pour un non, il est plutôt du genre à éviter les combats, mais tout à l’heure, quand elle est apparu dans la rue il n’a pas pu faire autrement que s'interposer pour être face à elle. « Je m’appelle Azzio et je crois que vous me rendez fou. » avoue-t-il en reculant d’un pas pour cacher le sourire qui vient de naître sur son visage. Un sourire qui n'a pas sa place après une dérouillée de la sorte.

Elle commence à être énervée. Cela veut donc dire qu’apparemment, elle était plutôt calme. Cela fait sourire Azzio, qui admire son caractère. Elle s’est fait craché dessus par un connard bourré et elle a réagit avec froideur et simplicité, sans la moindre hésitant. Elle était saoulée, c’était certain, mais pas dans une colère noire. Or voilà qu’une fois qu’Azzio se met à parler… la demoiselle se met à être sèche et brutale. Elle préfère donc un fond de verre de bière plutôt que des paroles. C’est à noter.

Le jeune italien cesse d’avancer vers la femme pour lui montrer qu’il respecte son espace vital, mais il ne s’arrête pas de parler pour autant. « On est partis du mauvais pied, mais ce n’est pas pour autant que ça doit être la fin ! » tente-t-il de justifier en cherchant ses mots. Elle doit bien sentir qu’il ne fera rien de plus que parler et que cela sert à rien qu’elle s’enfuit, de toute manière, Azzio de la voit pas demander de l’aide à qui que ce soit et, si sa première impression est bien la bonne et qu’elle est bien une sorcière, elle ne transplanera pas dans une rue pleine de gens. Donc il a encore quelques minutes avant qu’elle ne le frappe à nouveau et parte, pleine de rage. A moins que cela ne se compte en seconde ? Qu’importe. Azzio hausse les épaules et s’avance d’un mini pas, il ne veut pas l’effrayer mais ils sont un peu éloignés pour avoir une conversation sans hurler. « Je sais bien que vous me maîtriseriez sans le moindre problème. » Il lève les yeux au ciel. « Je l’ai compris dès le début, vu votre calme face au mec, vous avez l’habitude de quelqu’un qui sait pertinemment comment réagir dans une situation où la force brute prime. » Il lève ses paumes face à elle pour montrer qu’elles sont vides et qu’il ne fera rien. « Je suis nouveau dans Londres, ces deux gars sont pas mes potes mais les premières personnes que j’ai rencontrés et je cherche juste à discuter avec quelqu’un qui m’a tapé dans les yeux. A moins que ce ne soit pas ça l’expression ? Je maîtrise mal toutes les subtilités de la langue anglaise. » Il s’explique, sans qu’elle n’en ait rien à faire, mais c’est plus fort que lui. Ce demi qu’il vient de boire l’a un poil désinhibé et il se permet plus qu’il ne l’aurait fait en temps normal, mais… il se sent si seul ici. L’ambiance au garage est bonne mais la présence des jeunes Zabini ne l’aide pas vraiment à se sentir à l’aise, il déteste la pluie et le temps pourri, il n’a pas encore rencontré de personnes vraiment intéressante alors c’est compréhensible qu’il cherche la compagnie de gens … comme elle.

Puis il relève la tête, plonge son regard dans celui pétillant de la demoiselle et approche encore d’un pas « Je ne suis pas tombé fou amoureux de vous au point de vous demander en mariage, mais hey, qui ne tente rien n’a rien non ? » Azzio sourit, de son sourire franc et charmeur. « C’est juste une proposition, même parler deux minutes dans la rue, que vous me racontiez pourquoi vous rentrez à pied dans cette ville sombre peut être ? » Elle va le tuer. Et cela le fait rire. « Non parce que les deux gars là, le Tony, a part compter ses pets, il ne sait pas faire grand chose alors vous pouvez rapidement comprendre la soirée fantastique que je viens de passer. » Il ne lui fera rien et ça, il espère qu’elle en a conscience, mais il lui tend la main, juste une main. Au cas où elle veuille bien la saisir.

Elle est sèche, elle répond laconiquement, tout son corps envoie des signaux d’ennuis et pourtant… il continue. Est-il complètement dérangé ? N’a-t-il pas conscience du danger ? Peut être que le peu d’alcool qu’il a bu a suffit à lui détraquer le cerveau… quoiqu’il en soit, Azzio continue. Il est trop proche d’elle, trop proche de vivre quelque chose, même si c’est une raclée par une jeune femme magnifiquement belle. Il sourit. Et parle. Encore. Il a des choses à dire, des choses à tenter. Il ne veut pas risquer de passer sa chance. Et, qui sait, peut être finira-t-elle dans son lit à la fin.

Azzio continue d’y croire, parce qu’il n’a plus que ça. Il s’ennuie à Londres. Il n’est là que depuis deux semaines et la Cosa Nostra le laisse tranquillement s’habituer. Il ne croule pas sous les déplacement, et, si le boulot au garage est intéressant, il ne l’occupe pas toute la nuit non plus. Et puis l’été lui manque. La chaleur surtout, alors il la cherche ailleurs.

« Oui, j’ai tenté d’être honnête et direct, c’est bien plus que ce que font certain. »

Il hausse les épaules. Pas de place à la subtilité chez les Tosello. Il a toujours agi sans fard. Et de toutes les histoires louches de drogues moldues pour abuser les femmes sans défenses… au moins, il est plutôt correct. Enfin, de son point de vue. Il n’a pas conscience d’à quel point elle n’est pas intéressée. Il ne comprend pas qu’elle en a peut être trop souffert déjà. Qu’elle a trop entendu des remarques déplacées. Il est loin du compte. Comme beaucoup trop d’hommes encore.

Quand elle lui décerne la palme du culot, il lève les bras en l’air et sourit.

« Youhou, c’est déjà ça ! »

Et il rit, sincèrement. Il est idiot, mais attendrissant aussi. Pourtant elle reprend vite la route, elle veut lui échapper et lui, mue d’un instinct particulièrement mauvais, la suit. Elle pose sa main entre eux pour l’arrêter. Il fronce les sourcils, comprenant qu’elle ne veut même pas le toucher. Il se recule en ouvrant les bras comme pour s’excuser et lui laisser la place.

Cette fois-ci, quand elle parle, on sent qu’elle a réfléchit et qu’elle lui accorde une dernière chance. Il fait mine d’y penser, comme s’il mesurait ses chances et ses points forts, mais finalement il s’incline.

« Très chère madame, je suis honoré d’entendre ça. Vous avez accepté un minuscule quelque chose à faire ensemble, ce nous commence donc à exister. » Il sourit mais lève la main pour l’empêcher de parler - ou fulminer - « Mais je décline votre offre. » Il plonge un regard plein d’intensité dans les yeux de la brune « Je vous laisse tranquille, je vous le promets. »

Il s’éloigne doucement à reculons, comme pour prouver sa bonne foi.

« Mais souvenez-vous de moi, Azzio Tosello, l’homme que vous avez charmé par une bon coup d’pied dans les couilles. »

Il ricane maintenant. Il est vraiment temps qu’il s’éloigne avant de faire une connerie. Ou avant qu’elle ne perde patience.

« J’espère que nous nous reverrons ! » crie-t-il alors qu’il est pratiquement à côté de Tony, toujours au sol, qui s’était endormi.

Il la salue de la main, mais elle a déjà disparu. Transplanage, dans la foule ? Il ne le sait pas, mais il espère vraiment qu’il finira par la retrouver. On ne rencontre pas une fille comme ça à chaque dynastie et clairement, Azzio n’est pas prêt à la laisser partir. Tout en relevant Tony, il se demande si elle n’a pas fait tomber un cheveu ou si elle ne s’est pas cassé un ongle. Ce sera plus simple pour la retrouver. Non, Azzio n’est pas un psychopathe, je vous assure.