Calepin en main et air déterminé, Adèle remonta l’un des couloirs du rez de chaussée de Sainte-Mangouste pour rejoindre le lieu où l’on accueillait les patients. Comme d’habitude, elle serait l’une des premières arrivées et elle attendrait patiemment qu’un cas se présente. Comme d’habitude, elle resterait en retrait derrière un médicomage, attendant qu’il la sollicite afin qu’elle puisse faire part de ses observations et affine sa démarche diagnostique. Elle observerait avec attention les protocoles de soins qu’établirait le maître de stage, pour un jour pouvoir les reproduire à son tour. Comme d’habitude, son attitude de stagiaire serait irréprochable, exemplaire. Des mots qu’elle comptait bien voir figurer dans son dossier d’étudiante pour chaque année qu’elle validerait. C’était qu’elle visait haut pour sa future carrière, alors autant mettre toutes les chances de son côté dès le départ.

Lorsqu’elle vit arriver le gamin hurlant à la mort avec le père en panique, elle se demanda si sa ponctualité n’allait pas lui coûter ses tympans et le peu de patience qu’elle avait en stock. Stratégiquement elle recula d’un pas, poussant même un peu plus devant le morfale de sa promo et se plongea dans son calepin, suppliant Merlin de lui accorder un cas moins pénible et plus passionnant que ça. Elle ne savait pas vraiment encore vers quelle spécialité elle se tournerait, mais c’était certain, elle fuirait le secteur enfant. Non, non, pas la maternité, pas les mioches… Tant que ce n’était pas en âge de se servir d’une baguette, ce n’était même pas la peine, ça la gonflerait. Ça c’était un cas pour le glouton de service. A tous les coups, le petit s’était coincé une dragée surprise dans la narine, c’est bon avec Morfalou, ils s’entendraient très bien. L’arrivée d’une femme mal en point retint l’attention de la jeune femme. Elle fut saisie d’une quinte de toux avant de se rattraper au mur, menaçant de chuter au sol. Machinalement, la Française s’avança pour lui venir en aide. Est-ce que cette patiente serait intéressante à étudier ? Mystère. Ça le serait sûrement plus que l’autre chouineur en tout cas.

Aidée d’un médicomage, elle accompagna la malade jusqu’à l’une des salles d’examens. La jeune femme était pâle comme la mort, de la transpiration perlait de son visage et elle était régulièrement prise de quintes de toux. Adèle écouta le médicomage commencer l’anamnèse. Des questions qu’elle connaissait désormais par cœur et dont elle notait les réponses scrupuleusement dans son calepin. Étrangement, à chaque réponse qu’elle donnait, la jeune femme fixait Adèle avec une sorte d’insistance qui finit par la mettre légèrement mal à l’aise. Elle finit par comprendre pourquoi, quelques minutes plus tard, quand la respiration de la patiente commença à se dégrader et que le médicomage lui demanda de retirer sa chemise. Elle avait plusieurs cicatrices et des blessures anciennes visibles ça et là sur son corps, mais ce qui attira surtout l’attention de l’étudiante, c’était le tatouage placé au niveau de sa colonne vertébrale entre ses deux omoplates. Le même motif que son pendentif, symbole d’appartenance d’un clan de loup-garou, le clan de son père. Son soudain intérêt pour elle, les cicatrices sur sa peau, le tatouage, cette femme était une louve, Adèle était prête à le parier. Elle se demanda alors si cette information avait un intérêt dans le diagnostic de la patiente. En relisant ses notes, celle-ci avait situé le début de ses symptômes à deux jours plus tôt. Hors deux jours plus tôt, c’était la pleine lune… Adèle le savait pour avoir encore passé la nuit sans pouvoir trouver le sommeil.  La situation se dégrada encore et la jeune femme sombra dans l’inconscience. Le médicomage l’envoya chercher des renforts auprès de ses collègues. Alors que ceux-ci tentaient de sauver la vie de la patiente, Adèle se faisait discrète dans un coin, espérant qu’elle allait s’en sortir. C’était la première fois qu’elle rencontrait une louve du clan de son père. Elle avait mis longtemps de côté sa quête personnelle de le retrouver un jour et à cet instant, elle revenait l’obséder. Hélas… Il y eut comme un moment de flottement, les médicomages se regardèrent impuissants et l’un d’entre eux annonça le décès de la jeune femme.

Merci le Blood Circle, ce n’était pas la première fois qu’Adèle voyait quelqu’un mourir sous ses yeux. Ce qui la perturbait en revanche, c’était la vitesse à laquelle son état s’était dégradé. Elle se demanda si la jeune femme avait eu la moindre chance à son arrivée ou s’il était déjà trop tard pour elle. Son maître de stage lui avait répondu que ça, c’était ce qu’elle découvrirait dans le service de médecine légale dans lequel le corps allait être transféré. Ha très bien… Il est vrai qu’en général, il était plutôt rare d’y mettre les pieds avant les dernières années d’études, mais Adèle n’allait pas se plaindre. Elle aimait résoudre les énigmes des diagnostics et celui-là n’avait pas encore été trouvé. Elle se souvenait de la seule fois où elle y était allée. C’était à la suite d’un cours d’anatomie, un petit cours d’observation avait été proposé. Alors c’était vrai qu’à l’époque elle avait songé à rendre malade la moitié de sa classe, le temps d’une matinée. Entre Vomito – Oui, même en deuxième année, elle ne se donnait toujours pas la peine de retenir les noms des crétins de sa classe - qui rendrait son petit-déjeuner sur le cadavre, Stressée qui tomberait dans les pommes sur le seuil de la porte, l’autre Débilos qui n’aurait rien retenu du cours et qui poserait des questions à la con, Adèle avait imaginé le calvaire. Finalement elle s’était retenue d’empoisonner une partie de sa promo, ne voulant pas risquer la retenue alors qu’elle rendait juste service à tout le monde. Finalement ça ne s’était pas trop mal passé. Bon d’accord, Vomito était absent parce qu’il avait fait une indigestion la veille et non, elle n’y était vraiment pour rien. Ok elle avait fusillé du regard Crétinus quand il avait tenté de lever la main et oui elle avait écrasé le pied de Cafteuse avant qu’elle ne puisse sortir un son, mais vraiment ça aurait pu être pire.

Adèle suivait le corps qui descendait aux sous-sols de l’hôpital, en relisant ce qu’elle avait eu le temps de noter. Les talons de ses bottines résonnaient dans le couloir vide troublant le silence des lieux. Il n’y avait rien à voir avec l’agitation de l’étage du dessus. Le brancardier toqua à une porte, entra et tendit le dossier à la femme qui travaillait là sans s’étendre davantage sur le cas qu’il amenait et repartit. Adèle se retrouva donc seule devant cette femme qu’elle reconnut tout de suite. C’était celle qui leur avait fait la démonstration à la suite du cours d’anatomie l’année précédente. Pourvu qu’elle ne garde pas un trop mauvais souvenir du cours de l’année dernière. Adèle n’avait pas trop envie qu’elle fasse comme leur prof et qu’elle se retrouve dans la catégorie des incapables sans avoir rien demandé. Elle songea qu’elle devait peut-être se présenter puisqu’à priori personne n’avait dû prévenir de son arrivée, à moins que contrairement à elle, la médicomage ait une meilleure mémoire des noms ?

- Adèle de Lestang, stagiaire de deuxième année. Cette personne est décédée dans le service où j’étais.

Oui bon de toute évidence, sinon elle ne serait pas descendue dans ce service.

Pas une seconde, Adèle ne s’était imaginée terminer aujourd’hui à cet étage. Il faut dire que ça n’arrivait pas si souvent que ça. Enfin que les gens meurent si ça, ça arrivait malheureusement. Mais que les stagiaires de sa promo se retrouvent à étudier le corps d’un défunt, ça, ça arrivait plus rarement. Ce n’était pas pour lui déplaire, puisqu’elle savait qu’elle arriverait à suivre. Elle s’était déjà amusée à dénicher les cours des années supérieures, tant le rythme que leur imposaient les boulets de sa classe la désespérait, alors elle pouvait parfaitement suivre et observer la médicomage du service de médecine légale. Elle s’était alors présentée, histoire que la jeune femme ne se demande pas ce qu’elle fichait dans sa salle de travail. La réponse de celle-ci la réduisit un instant au silence. Ha bon. Elle prenait visiblement plus le temps de mémoriser les noms et les visages des gens. Donc elle se souvenait d’elle. La Française eut soudain un doute. Elle se souvenait d’elle, mais euh… en bien au moins ? Elle n’était pas du genre à douter, mais la médicomage de par son attitude, la laissait beaucoup moins confiante qu’à l’accoutumée. En fait à bien y réfléchir, si la démonstration d’anatomie l’année dernière s’était bien passée, c’était peut-être parce que tous les neuneus étaient trop flippés pour faire une connerie. Elle peur ? Ha non, elle n’avait pas peur. Son grand-père était dix fois plus effrayant que la légiste de Sainte-Mangouste. Bon ok, elle ne ressemblait pas du tout à la médicomage blonde quatre étages plus haut qui respirait tellement la joie de vivre, qu’elle aurait même pu sourire à un pot de fleurs. Après franchement Adèle préférait, parce que les gens tout le temps heureux, ça la saoulait. Enfin, elle n’avait pas non plus peur des cadavres. S’il y a bien un truc dont elle était sûre, c’était qu’un mort ne pouvait pas lui faire grand-chose.

Adèle s’approcha néanmoins et observa la médicomage, Dr Fawley si elle ne confondait pas, sans rien dire. La jeune femme étudiait le dossier que le brancardier lui avait remis. Ce dossier, la blonde n’avait pas eu l’occasion d’y jeter un œil vu la vitesse où tout s’était enchaîné. Souvent à la fin, elle aimait bien comparer ses notes aux écrits de ses maîtres de stage pour voir si elle avait manqué des choses ou si elle s’approchait de ce qu’on attendait d’elle à ce niveau. La médicomage déplaça le corps du brancard à la table d’examen et la Verte et Argent se rapprocha encore lorsqu’elle lui fit signe d’avancer. A vrai dire, l’atmosphère était quand même moins stressante. Il n’y avait plus de course contre la montre pour tenter de la sauver. Il fallait juste obtenir des réponses, sans doute pour éviter qu’une autre personne présentant ses symptômes ne meure à son tour, si cela arrivait. La légiste commença l’examen et Adèle enregistra le moindre de ses gestes. Elle acquiesça silencieusement en entendant le premier constat. Oui ça c’est clair qu’elle avait de sacrées marques et qu’elles avaient dû en baver. Une bagarre qui avait mal tourné ? Quelqu’un qui l’avait torturée ? Des causes ils pouvaient y en avoir des tas, mais pour le coup, Adèle pensait que c’était très probablement lié à sa seconde nature. Comme une intuition… Alors qu’elle se demandait si se fier à son intuition était professionnel ou simplement une bonne idée, le Dr Fawley lui demanda sa participation. Ha super, ce ne serait donc pas ce dossier qui lui permettrait d’affiner sa démarche diagnostic vu ce qu’elle en disait. Quoique… aujourd’hui, elle allait apprendre à observer autrement.

- Et bien, elle est arrivée il y a environ… un peu moins d’une heure, commença-t-elle après avoir vérifier l’heure sur sa montre, elle était déjà très affaiblie puisqu’elle a manqué de s’effondrer au sol dans le hall. Elle toussait et transpirait donc elle avait probablement de la fièvre. Pendant l’interrogatoire, sa respiration s’est dégradée très rapidement. Le médicomage n’a pas eu beaucoup le temps de l’examiner. Elle a perdu connaissance peu de temps après et personne n’a donc rien pu faire.

Ça c’était les faits. Ce qu’elle avait pu observer, les symptômes. Elle releva la première page de son calepin pour expliquer ensuite ce qu’elle avait appris pendant la courte anamnèse de la patiente. Des réponses qu’elle avait déjà retenue par coeur à vrai dire. Elle aurait très bien pu garder son carnet fermé, mais ne l’avait pas fait par habitude.

- Elle avait 32 ans, n’avait pas d’antécédents médicaux personnels et familiaux particuliers d’après elle, pas d’allergies non plus. Elle n’avait pas de traitement en cours. Elle a mentionné des douleurs à l’abdomen et au niveau du pharynx et elle a situé le début de ses symptômes à deux jours plus tôt.

Adèle s’interrompit, laissa son carnet de côté et hésita. A aucun moment cette femme n’avait révélé ce qu’elle était, sans doute parce que tout le monde ne portait pas forcément les loups-garous dans leur coeur. Oui, mais maintenant elle était décédée, alors la Française ne pouvait pas vraiment lui faire du tort.

- Aussi… Je pense qu’elle est, enfin… Qu’elle était une louve-garou, en fait... j’en suis sûre, même. Et je me demande si ce qu’elle avait n’aurait pas un lien avec ça.

Peut-être que ça n’avait rien à voir en fait. Et d’ailleurs si elle n’avait pas eu ce tatouage, jamais Adèle n’aurait fait ce genre d’hypothèses. Elle ne connaissait pas grand-chose aux loups-garous au final, seulement ce qu’elle avait appris de l’histoire de son père. Elle n’avait pas non plus de flair pour les reconnaître dans une foule et sans doute qu’elle n’aurait jamais reconnu le tatouage d’un autre clan. Mais voilà c’était le symbole de celui auquel appartenait son père. Elle observa la réaction de la médicomage, se demandant bien ce qu’elle allait penser de sa théorie.

Cela n’avait pas l’air bien compliqué de faire l’exposé des informations et des symptômes d’un patient. C’était même l’exercice par excellence à maîtriser en fin de deuxième année. Pourtant à son niveau, il était possible que quelque chose lui ait échappé ou qu’elle n’ait pas relevé quelque chose qui s’avérait pertinent voire même crucial. Adèle, elle avait repéré quelque chose d’autre, un détail qui était probablement passé inaperçu pour des gens qui ne s’intéressaient pas vraiment au monde des lycans. Était-ce seulement pertinent ? Est-ce qu’en s’attardant un peu trop longtemps sur ce tatouage, elle était passée à côté d’autres choses plus importantes ? Elle ne savait pas si c’était parce que cette femme était liée au clan de son père, mais dès lors son esprit avait commencé à envisager d’autres hypothèses et à penser que sa condition de louve avait peut-être un lien avec son état. Après une hésitation, elle avait finalement décidé de confier à la médicomage ce qu’elle avait déduit de la jeune femme. L’étudiante fixa le Dr Fawley, se demandant si elle allait la rembarrer ou encore lui demander d’où elle sortait cette histoire de loup-garous, même si elle espérait plutôt que celle-ci s’intéresse à ce qu’elle avançait. En revanche, elle ne s’attendait pas du tout à cette question. Elle perçut son regard vers son pendentif et comprit que la médicomage avait déjà établi un lien entre elle et la patiente décédée. Elle n’avait jamais cherché à dissimuler ce bijou, encore moins depuis qu’elle savait ce qu’il signifiait, espérant que ça la rapprocherait plus vite de son objectif.

- Non. C’est juste qu’elle a le symbole du clan de mon… d’un proche, tatoué dans le dos.

Elle avait préféré éviter de dire que le proche en question était son père. Elle n’avait pas envie de s’étaler sur ce sujet encore bien sensible pour elle. En revanche si elle connaissait l’histoire de ce symbole, alors elle devait se douter que si Adèle le portait c’était qu’elle y était liée par un proche. Après avoir découvert ce que représentait son médaillon, des investigations supplémentaires l’avaient amenée à comprendre ce qu’il signifiait. En effet la tradition voulait que les membres du clan de la Lune de Sang se tatouent cette fleur de lys dans une lune sur une partie de leur corps. Leurs proches, femmes, enfants, quant à eux pouvaient porter ce symbole en bijou. Ce n’était pas seulement dans l’idée d’appartenir à quelque chose qui les rassemblait. Après tout, de nombreux clans ou meutes n’arboraient pas de signes distinctifs. Avec ce symbole, les membres du clan et leurs proches savaient qu’ils pouvaient faire confiance à quelqu’un le portant également. Et si cette femme n’était pas morte, Adèle aurait saisi sa chance pour lui demander des informations.

Le Dr Fawley approuva alors sa théorie sur le fait que la femme qui reposait sur la table d’examen puisse être une louve. Lorsqu’elle lui dit que la pleine lune était toute récente, Adèle la regarda intriguée. Elle devait bien s’y connaître pour arriver si vite à ces conclusions, ou connaître un loup-garou, ou alors c’était les deux. La Française avait déjà fouillé. Ce sujet était très peu abordé dans les études de médicomagie. D’abord parce qu’hormis à la pleine lune, c’était des êtres humains parfaitement normaux, donc qu’il n’y avait pas grand-chose à savoir de plus. Et ensuite parce qu’en tant que population plutôt méprisée, personne ne jugeait bon de pousser les recherches pour des spécificités liées à cette seconde nature. La plupart des recherches étaient axées sur la découverte d’un remède à la transformation. Adèle tenta de dissimuler sa surprise lorsque la médicomage lui demanda d’aller plus loin dans ses hypothèses. Elle resta silencieuse un instant, observant alors plus longuement les blessures de la jeune femme allongée devant elle. Autant en affirmant que c’était une louve-garou, elle n’avait pas pris beaucoup de risques. Autant vouloir absolument relier cette idée à ce qui lui était arrivée, ne reposait pas sur grand-chose. Elle devait regarder plus attentivement ce qu’elle avait à sa disposition.

- On sait qu’elle a dit que ses symptômes avaient démarré il y a deux jours, jour de la pleine lune donc ou peu de temps après… Elle a d’anciennes blessures, mais d’autres vraiment plus récentes et vu la profondeur de certaines, elle s’est sans doute retrouvée à affronter un autre loup. Je crois que les rivalités entre meutes c’est fréquent.

On aurait pu penser que les loups étaient une communauté plutôt unie face au mépris des sorciers, mais il n’en était rien. C’était ce qu’elle avait appris au cours de ses recherches.

- Mais ça ne peut pas être une simple septicémie, parce que ça aurait mis plus longtemps à se développer, je pense. Ou alors peut-être que quelque chose a été introduit dans ses plaies dans la lutte ?

Une plante, un champignon qui était entré en contact avec le sang et qui avait proliféré au point de développer une infection grave ? Le sang des loups-garous avait forcément des spécificités pour leur permettre de se transformer à la pleine lune et d’avoir tous ces sens plus développés, mais Adèle n’avait jamais entendu parler de quelque chose qui puissent leur nuire. Sinon, la blonde aurait aimé connaître cette chose il y a un an quand elle s’était retrouvée à cavaler dans la forêt interdite pour échapper à un lycan avec sa meilleure amie. En tout cas pour vérifier la présence de corps étrangers dans les plaies, il allait falloir autopsier. Enfin ça c’était si elle ne s’était pas plantée dans son hypothèse, parce que si ça se trouvait, le Dr Fawley avait une toute autre théorie.

Les histoires de famille avaient toujours le chic pour mettre dans l’embarras. Adèle avait très vite compris que moins on en disait, mieux on se portait. Alors qu’au final, des histoires de famille ou des secrets tout le monde en avait. La médicomage n’était cependant pas partie pour l’interroger plus à ce sujet. Et pourquoi faire après tout ? Elle n’était qu’une étudiante qu’elle ne reverrait peut-être pas avant deux ou trois ans, alors à moins qu’elle n’ait une dent contre les loups-garous et qu’elle fasse partie d’un collectif de chasseurs, elle devait se moquer un peu de cette histoire. Adèle avait juste pris l’habitude de se protéger, avec tous ces camarades qui cherchaient avidement des potins ou des moyens de pression. Le Dr Fawley l’incita en revanche à poursuivre et la blonde prit le temps de développer son idée avec les informations qu’elle avait à sa disposition et ses légères connaissances en lycans. Elle expliqua ce qu’elle avait pu déduire avec les notions de médicomagie qu’elle avait déjà en stock et proposa une nouvelle hypothèse, sans pour autant être totalement certaine d’elle. La médicomage ne l’interrompit pas, acquiesçant à ses propos. Même si, elle n’avait pas raison, au moins elle ne semblait pas raconter n’importe quoi.

La responsable du service lui proposa encore d’approcher et elle devait bien avouer que c’était la première fois qu’elle observait un mort d’aussi près. A sa demande, la Française se focalisa sur les plaies qu’elle lui désignait. D’accord, ce n’était pas ce qu’il y avait de plus sympathique à regarder. La profondeur, l’irrégularité ? Qu’est-ce que cela signifiait ? Elle n’en avait aucune idée, en fait. Elle ne se souvenait pas d’avoir eu un cours là-dessus, ni d’avoir étudié cela par elle-même. Cette fois, elle préféra garder le silence. Elle ne pouvait pas tout savoir et elle n’avait pas envie de dire quelque chose de stupide juste pour le plaisir de meubler le silence. Elle écouta donc simplement la réponse qui paraissait des plus évidentes après coup. Elle nota cette information dans un coin de sa tête, se disant que ça risquait de lui être plutôt utile pour déduire ce qui avait pu arriver à un patient. Surtout quand celui-ci retenait volontairement une partie des informations sur ce qui lui était arrivé. Adèle la regarda lui expliquer comment analyser les plaies et confirma au moins une lutte avec quelque chose d’animal. La Française mémorisa également la référence de l’ouvrage qu’elle lui conseilla d’étudier. Elle espérait pouvoir mettre la main sur un exemplaire à la bibliothèque de Poudlard, sinon il faudrait qu’elle trouve le moyen de convaincre sa cousine de l’acheter pour le lui emprunter. Voilà, ce qui l’ennuyait le plus finalement avec ses problèmes financiers, se procurer la bibliographie que tous ses enseignants et maîtres de stage lui conseillaient.

Une fois encore elle se pencha sur les plaies de la louve décédée, se faisant la réflexion que décidément les plaies et blessures d’un patient avaient beaucoup à raconter sur les pathologies et infections. Qu’allait-elle pouvoir déduire de la couleur de celles-ci ? Adèle était concentrée, fouillant dans ses pensées parmi toutes les données qu’elle avait pu apprendre. Le silence des lieux fut cependant troublé par une porte au loin claquant avec fracas. Claquant ou explosant ? Elle releva d’abord la tête cherchant la réaction de la médicomage, juste pour qu’elle la rassure et lui dise que c’était parfaitement normal. Une porte qui claque un peu trop fort c’était banal, non ? Un cri… aussi ? Ça pouvait être quelqu’un qui avait glissé après tout non ? Pourquoi penser au pire ? Peut-être parce qu’Adèle avait depuis l’attaque de l’université, la phobie que le Blood Circle s’en prenne à Sainte-Mangouste ? On avait beau lui dire que franchement ce n’était sans doute pas une priorité de venir éliminer des gens déjà souffrants ou faibles, elle elle pensait plutôt aux guérisseurs bien utiles pour remettre sur pied les gens qui se battaient contre eux. Elle recula d’un pas sentant son rythme cardiaque s’accélérer en entendant d’autres portes s’ouvrir et se fermer. Ça se rapprochait de leur salle. Elle se tourna vers le Dr Fawley tentant de ne pas montrer la panique qui l’envahissait. Elle se raisonna. Pourquoi le Blood Circle viendrait au sous-sol ? Ici les sorciers étaient déjà morts ! Aucun intérêt. Aucune logique.

- C’est normal ce raffut ? Demanda-t-elle finalement.

Non parce que si ça se trouve c’était rien du tout, un truc habituel du secteur. Et elle paniquait encore pour rien. Leur porte s’ouvrit à la volée sur un homme qui n’avait pas vraiment l’air de venir leur proposer un petit thé pour le goûter. Il observa les lieux, les regardant à peine et son regard se posa sur le cadavre de la louve avec un air satisfait.

- Par ici, cria-t-il dans le couloir avant de brandir sa baguette vers Adèle et sa maître de stage.

Définitivement, ce n’était pas normal. Ce n’était pas le Blood Circle, mais ça lui disait rien de bon non plus.

Faire des hypothèses, établir des diagnostics, en déduire des traitements… C’était bien pour ces raisons qu’Adèle avait choisi la voie de la médicomagie. Ha ce n’était certainement pas pour entendre les patients se plaindre, chouiner ou angoisser. C’est vrai qu’elle manquait d’empathie, c’est vrai que souvent elle devait se forcer à être agréable alors que vraiment tout ce qui l’intéressait c’était les symptômes. En descendant au sous-sol, Adèle ne s’attendait pas vraiment à participer à l’analyse du Dr. Fawley, mais au fond ça lui plaisait de ne pas se retrouver à faire la plante verte dans un coin de cette morgue, comme d’autres maîtres de stage le faisaient avec elle. Si elle pouvait continuer à faire ce qu’elle aimait dans le métier ici, alors ça lui convenait. Le tout était de ne pas raconter d’âneries plus grosses qu’elle. Bien sûr, elle n’était qu’en deuxième année et bien sûr qu’elle ne savait pas tout, mais la réputation de la médicomage la suivait et Adèle tenait à la sienne. La Française était futée. Elle aimait briller, mais dans ce domaine qu’elle maîtrisait moins, elle préférait rester prudente. Elle proposait ses hypothèses, sans les imposer, prête à se réadapter en fonction des commentaires de la guérisseuse. Oui la patiente était décédée et la partie traitement ne verrait jamais le jour, mais le travail restait passionnant.

Elle n’allait cependant pas pouvoir aller plus loin dans l’exercice. Premièrement parce que le fracas au dehors l’empêchait de se concentrer et ensuite parce qu’elle avait une sacrée imagination en matière d’attaque surprise. Sans aucun doute, un reste de l’attaque de l’université qui l’avait beaucoup plus affectée que ce qu’elle laissait paraître. Pourtant elle avait beau tendre l’oreille, ça ne faisait pas le même bruit d’armes à feu moldues que la dernière fois. Elle n’était cependant pas rassurée et lorsque le Dr Fawley lui ordonna de sortir sa baguette, ça ne la calma pas vraiment. Elle n’était pas spécialement douée en duel. Oui encore un truc qu’elle aurait dû travailler depuis longtemps, mais ça c’était un peu comme le sport. Quand elle était dans les emmerdes, elle se disait toujours qu’il fallait qu’elle fasse quelque chose pour remédier au problème et dès que les ennuis étaient loin, elle procrastinait le fait de bosser sur ses points faibles. En attendant, un sorcier venait de pénétrer dans leur salle et il n’avait absolument pas l’air commode. La médicomage la fit passer derrière elle, mais Adèle ne quitta pas des yeux le type qui n’avait absolument pas l’air inquiet de se retrouver face à elles deux. Elle vit la baguette du Dr Fawley pointer la porte et celle-ci se referma. Pour le coup, Adèle parcourut rapidement la salle du regard pour remarquer que un il n’y avait pas d’autres sorties et deux pour se mettre à l’abri d’un quelconque sort ou d’une attaque ce n’était pas gagné. Finalement, elle aurait dû suivre le mouflet hurlant plutôt que de vouloir aider cette femme qui au final était morte. Voilà elle ne serait peut-être pas là à se demander si elle n’allait pas se retrouver plus vite que prévu dans le même état que le corps de la louve devant elle.

La médicomage proposa le dialogue, mais bien sûr l’homme n’était pas partant. Enfin, elle n’eut pas vraiment le loisir de trop comprendre, puisque le Dr Fawley la poussa avec une telle force qu’elle se retrouva le nez au sol en deux temps trois mouvements. Pendant ce temps-là, elle maîtrisa le type de manière si impressionnante qu’Adèle pensa que vraiment, ça c’était un truc à mettre dans sa liste de choses à améliorer. Dire qu’elle se disait que médicomage ne devait pas vraiment faire partie des métiers à risques… Elle attrapa la main que lui tendait la guérisseuse pour l’aider à se relever et lui répondit maladroitement :

- Oh euh… ce n’est pas grave… Je n’ai rien.

Peut-être un bleu, mais elle se disait qu’il valait sûrement mieux ça que de finir découpée en rondelles. Non, elle n’exagérait rien du tout. Le Dr Fawley rejoignit d’un pas assuré leur agresseur et de son côté Adèle resta bien à distance. Pas question de donner à ce type une occasion de l’atteindre et puis elle avait bien compris qu’il avait des copains, autant ne pas leur faciliter la tâche. C’était d’ailleurs ce qu’il semblait attendre, que les renforts arrivent, puisqu’il jeta un œil à la porte quand la Médicomage l’interrogea en le menaçant. Il observa la baguette pointée sur lui, pesant le pour et le contre avant de finalement répondre :

- Elle a quelque chose qui nous appartient.

La Française fronça les sourcils en observant le corps de la jeune femme, puis chercha des yeux le sac où ses effets personnels avaient été mis. Elle le repéra et alla le récupérer pour tenter de trouver ce fameux truc assez précieux au point d’attaquer une morgue. Si elle le trouvait, peut-être qu’il partirait sans faire plus d’histoires ? Elle le retourna, mais il ne semblait y avoir que des vêtements, pas de bijoux, juste une baguette très sobre, même pas de portefeuille, rien qui ne semblait sortir de l’ordinaire.

- Il n’y a rien je crois, souffla-t-elle.

Elle sursauta en entendant qu’on cherchait de nouveau à ouvrir la porte. Ils tambourinèrent en ordonnant d’ouvrir et Adèle se crispa sur sa baguette. Ok s’ils étaient deux, elle pouvait aider la médicomage si elle était assez rapide. En revanche s’ils étaient quinze, elle n’allait pas pouvoir faire grand-chose.

Avant d’arriver à Londres, la seule chose dramatique et traumatisante qui lui était arrivé c’était une noyade. Voilà en dix huit ans, une noyade qui lui avait laissé une angoisse terrible à la vue des grandes étendues d’eau. Mais là en moins de deux ans, elle enchaînait les catastrophes. Premièrement, elle avait failli se re-noyer, merci la cousine. Ensuite, elle avait échappé à l’attaque d’un crétin de loup-garou qui avait sans doute zappé sa potion. Bien sûr l’attaque de l’université… Dernièrement, elle avait dû gérer un moldu psychopathe au ministère et maintenant une attaque à la morgue de Sainte-Mangouste ? Ça ne s’arrêtait jamais. Fort heureusement, Adèle se trouvait visiblement avec une sorcière hyper débrouillarde, non à ce niveau ce n’était même plus de la débrouillardise. Oh bah là c’était à en rendre jaloux certains Aurors de terrain. Elle maîtrisa l’attaquant avec une rapidité incroyable. Et alors sans doute que la médicomage se traînait une réputation de sorcière stricte et intransigeante, que les trois quarts des élèves la craignaient, mais là Adèle la trouvait vraiment plus impressionnante que lorsqu’elles avaient discuté du cas de la louve. Clairement, elle n’aurait pas voulu être à la place du sorcier. Celui-ci semblait mesurer ses chances et le Dr Fawley réduisit ses espoirs à néant. La Française haussa un sourcil en l’entendant parler de « son cadavre ». Ha, bon peut-être que les gens normaux ne parlaient pas de leurs cadavres comme ça. L’homme se décida alors à parler et Adèle prit l’initiative de chercher dans les affaires de la défunte. Elle reposa cependant le sac où avaient été réunis les effets personnels de la louve. Il n’y avait là-dedans rien qui aurait pu intéresser qui que ce soit.

Peut-être essayait-il de les embobiner pour gagner du temps ? Derrière la porte ça s’agitait et la Verte et Argent n’était pas du tout à son aise. Cela ne semblait absolument pas être le cas de la guérisseuse qui reprenait son interrogatoire encore plus menaçante. Elle déclencha d’ailleurs une espèce d’alarme qui retentit de manière assourdissante. Cela voulait dire que quelqu’un interviendrait bientôt et repousserait les assaillants peu importe leur nombre. Pourtant la médicomage insistait afin de connaître la vraie raison de sa présence dans sa morgue. Enfin il se décida à articuler une réponse qui laissa Adèle perplexe. Comment ça dans son ventre ? Le regard de la Française se posa instinctivement sur l’abdomen du cadavre. Qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir dans son ventre à part son appareil digestif ? Elle n’avait jamais entendu parler que les loups-garous avaient un truc en plus à cet endroit… Alors quoi elle avait avalé un truc précieux ? Le Dr Fawley la sortit de son questionnement en lui demandant du matériel. Elle regarda dans la direction qu’elle lui indiquait. Effectivement, il n’y avait sûrement rien de mieux à faire pour vérifier les dires du type. Elle se figea cependant tout net en entendant qu’elle allait la guider. De… Euh… Pardon ?!  Elle allait quoi ? La guider pour découper le cadavre ? Elle se tourna vers elle et écarquilla des yeux ahuris en la fixant. Non elle plaisantait ? Elle ne pouvait pas faire ça ! Elle ne savait pas du tout faire ça ! Vu sa mine, elle n’avait pas du tout l’air de plaisanter.

Adèle se dirigea vers le matériel, cherchant dans un état second ce qu’elle lui avait demandé. Une lame de 10, laquelle était-ce ? Fort heureusement le numéro était inscrit sur la lame en question et elle n’eut pas besoin de poser la question. Un écarteur maintenant ? De mémoire c’était cet instrument qu’elle avait déjà pu observer lors de la petite intervention de première année. Elle revint vers le corps de la louve et la regarda sceptique. Elle, elle n’avait appris pour le moment qu’à refermer des plaies, des sortilèges pour accélérer la cicatrisation ou encore pour effacer des cicatrices. Jamais on ne lui avait dit d’ouvrir et de découper l’abdomen d’un patient comme du bifteck.

- Vous êtes certaine que c’est une bonne idée ? Demanda-t-elle.

Elle regarda la médicomage et l’homme. Bon c’était certain que la laisser surveiller un type potentiellement dangereux, ce n’était sûrement pas mieux. Elle soupira. Lorsque tout cela serait fini, elle allait encore raconter ses mésaventures à Hestia. Ça allait encore se terminer autour d’une bouteille cette histoire.

- Qu’est-ce que je dois faire ? Demanda-t-elle en essayant de faire abstraction du fait que là devant elle c’était un corps humain, mort certes, mais humain quand même.

Où devait-elle chercher ? Que devait-elle chercher ? Elle ne pouvait pas simplement découper au hasard, sinon ça allait vraiment être une boucherie et elle aurait l’impression de ne pas respecter le corps de la défunte.

Entre faire la plante verte dans un coin d’une chambre et se retrouver à assister une médicomage dans l’ouverture d’un cadavre y’avait un monde… Alors autant acquiescer, écouter, prendre des notes, elle savait faire. Autant faire du découpage dans l’abdomen d’un corps humain ça bah évidemment que non elle ne savait pas faire. Non, ce n’était pas un de ses passe-temps cachés, d’aller se trouver des corps fraîchement décédés pour en aller inspecter le contenu. Elle ne pensait pas que c’était une bonne idée. Elle n’avait jamais stressé pour ses études. Tout ce qu’elle avait eu à faire jusqu’à présent, elle savait qu’elle en était capable, mais ça ? Tout va bien se passer, lui assurait-elle. Oh bah après tout, cette femme était déjà morte… Que pouvait-elle bien faire de pire ? Voilà en partant de ce constat-là, la pression redescendait un peu. Bon que devait-elle faire ? Elle regarda le Dr Fawley sans aucune certitude. Si elle s’avançait sur bien des cours de médicomagie, trouvant que cela n’allait pas assez vite à son goût, ce domaine-là, elle ne l’avait pas du tout approfondi. Se désinfecter les mains, oui la base de la base. Ça c’était dans ses cordes. Elle frotta ses mains sous le robinet sans doute bien plus longtemps que nécessaire, mais cela lui permettait de se recentrer. Comme elle n’allait pas se laver les mains éternellement, elle finit par couper l’eau et se tourna de nouveau vers la médicomage, attendant ses directives. Des gants, ok. Ne plus bouger… Ha non ce n’était pas à elle qu’elle parlait. Oh non, Adèle n’était pas nerveuse, pas du tout… Les mains qui tremblaient ? Un peu... le froid de la morgue évidemment… Désinfecter le matériel, pas de problème, non plus. C’était ensuite qu’elle allait être plongée totalement dans l’inconnu.

Elle inspira avant de regarder le corps, réfléchissant aux indications de la guérisseuse. Des schémas d’anatomie, elle en avait réalisé des tas en première année. Sans doute qu’elle y avait mis beaucoup d’énergie, mais ça avait eu le mérite de l’aider très vite à maîtriser cette partie des cours de médicomagie. Elle posa son index et chercha lentement pour être certaine de ne pas se tromper. La lame dans l’autre main, elle écouta la suite essayant de ne rien oublier. C’était un peu dingue de se dire qu’un peu plus tôt elle écoutait cette femme expliquer ses symptômes et que maintenant elle allait lui trancher la peau pour explorer son estomac. Bon sang, pourquoi avait-il fallu que ça tombe sur elle ? Et puis pourquoi l’estomac ? Ça ne pouvait pas être une babiole accrochée à sa cheville ? Inspirer expirer. 30 cm, 30 degrés… Elle essaya de visualiser le résultat tout en se maudissant de ne pas avoir exploré plus ce domaine… Son esprit lui souffla que ça ne l’aurait pas vraiment avantagée… Comment aurait-elle pu s’entraîner de toute façon ? Sur son steak au repas du soir ? Elle incisa lentement priant pour que ce qu’elle soit en train de faire soit correct et au moment où elle se demandait si elle devait s’arrêter, elle entendit la voix de la médicomage l’encourager à poursuivre. Enfin elle retira la lame et souffla. Ha non… ça ce n’était que le début. Elle regarda l’instrument qu’on lui demandait maintenant de placer, l’actionna pour en comprendre le fonctionnement et avec ses souvenirs trouva finalement comment l’installer. Trouver l’estomac… En attendant elle avait intérêt à avoir le sien bien accroché. Elle mémorisa toutes les indications et se dit qu’elle avait de la chance d’avoir une bonne mémoire parce qu’elle ne se serait pas vu demander à la guérisseuse de répéter ses explications.

Enfin l’organe se retrouva dans un bac et Adèle essaya de reprendre un peu de contenance. Elle n’avait déjà pas la peau très colorée en temps normal, mais là elle devait être encore plus blanche que d’habitude. Pourtant elle continua à suivre les indications sans rechigner, prenant la lame qu’elle venait de lui conseiller et réalisant l’incision lui permettant de découvrir enfin pourquoi des hommes avaient fait irruption dans la morgue. La Française regarda surprise le contenu. C’était quoi ? Bonne question… Les ouvrir ? Euuuuh et si c’était un poison mortel qui une fois à l’air libre tuait tout le monde sur son passage ? Dans d’atroces souffrances évidemment… Et si c’était un truc qui lui faisait avoir des hallucinations ? Elle regarda l’homme qui était toujours sous le contrôle du Dr Fawley et essaya d’estimer les risques. Il n’avait pas l’air affolé, non plutôt contrarié. Du coup, Adèle en déduisit que le contenu était sans doute plus précieux que dangereux. Elle suivit donc l’ordre de la médicomage et ouvrit la boule blanche. A l’intérieur il y avait plein de petites pastilles blanches elles aussi. Ça lui disait quelque chose. Enlevant ses gants, elle en saisit une et l’observa de plus près avant de l’apporter à la responsable des lieux, prenant garde de ne pas s’approcher trop près de leur agresseur. Les petites pastilles étaient semblables à ce qu’Anjelica lui avait fait découvrir presqu’un an plus tôt. Est-ce que c’était la même chose ? Ce type-là ne semblait pas faire partie de la Cosa Nostra. Elle ne prétendait pas connaître tous les membres de l’organisation, mais il ne lui disait rien. Et de toute façon l’organisation ne transportait pas de marchandise de cette manière, ce n’était pas leur mode de fonctionnement. Un de leur concurrent ? Pourquoi la louve s’était retrouvée avec toutes ces choses dans l’estomac ? Des tas de questions surgissaient dans son esprit et elle n’était pas vraiment certaine d’y trouver des réponses.

- Je crois que c’est une substance récréative, finit-elle par suggérer.

Elle aurait pu tout aussi aussi bien dire « drogue ». Car même si sa propre expérience s’était avérée être juste un délire entre amies, elle savait que cette substance pouvait s’avérer dangereuse.

Quand elle allait raconter ça à Hestia… Ha elle imaginait déjà sa tête, pendant qu’elle confirmerait que c’était vrai en hochant la tête et en vidant un bon verre d’alcool. Ha si, si elle avait découpé dans le bidou, trente centimètres oui, trente degrés, non c’était pas de la géométrie… Oui elle avait mis ses mains dedans, oui ce n’était pas le truc à faire juste après le petit-déjeuner… Oui oui, elle avait trouvé l’estomac et elle avait coupe coupe pour l’enlever du corps. Ha oui, elle avait ouvert l’estomac aussi et y’avait plein de petites bouboules… Oui elle tiendrait sûrement ce langage parce que bien sûr que ça ne serait pas son premier verre de la soirée.

Les fameuses boules contenaient à son avis de la drogue. Ça ressemblait beaucoup trop à ce qu’Anjelica lui avait donné l’année précédente pour être autre chose. La blonde en apporta quand même une à la médicomage qui fut d’accord. En même temps pourquoi cacher des sachets de confiseries dans un estomac et vouloir braquer une morgue pour ça ? Oui bon c’est sûr que le type avait l’air vraiment pas net, mais de là attaquer les sous-col d’un hôpital pour quelques dragées surprises… Lorsque la guérisseuse lui demanda si l’un des sachets était mal fermé, Adèle haussa un sourcil avant de comprendre où elle voulait en venir. S’il s’agissait de la cause de son décès, la Française allait être déçue. Elle qui était persuadée que sa condition de louve avait un rapport avec son état, aurait du mal à apprécier la conclusion du rapport. Cependant, le diagnostic post-mortem n’avait rien à voir avec son imagination débordante ou des hypothèses, il s’agissait aussi de constater les faits. Aussi se dirigea-t-elle vers l’estomac et se mit à observer chacune des petites boules, avant de repérer l’une d’elles encore dans l’organe. Enfin plutôt un résidu de plastique avec deux trois pastilles…

- Il y a bien quelque chose d’entamé, finit-elle par avouer sans cacher sa déception.

Elle saisit le résidu et le montra au Dr Fawley. Celle-ci, interrogea de nouveau le type. Qu’est-ce qu’il s’était imaginé ? Oh bah certainement pas se faire maîtriser de la sorte par une médicomage. Peut-être qu’il avait prévu de découper lui-même le ventre ? Ou de voler le corps ? Oui c’était mieux d’imaginer ça plutôt que le gars et ses potes réaliser une boucherie devant elle. Enfin elle ne le saurait jamais puisque celui-ci semblait tout à coup hypnotisé par ce qu’elle avait sorti de l’estomac et que la guérisseuse décida de le stupéfixer. La responsable des lieux désactiva ses alarmes et le calme limite étourdissant revint. Elle lui demanda si ça allait. Mais enfin bien sûr que ça allait ! C’était tellement le bonheur de voir quelqu’un mourir et derrière dans la foulée subir une attaque d’intoxiqués. Le clou de la journée, c’était quand même le découpage de cadavre. Adèle a toujours rêvé de jouer à Dr Maboul avec Alexis c’est sûr →

- Je pense que ça ira, souffla-t-elle.

Ça va, elle avait vu pire. L’attaque de l’université remportant la palme pour le moment et elle espérait bien que rien ne vienne la détrôner dans le palmarès. Elle regarda la médicomage ouvrir à une autre femme et apprit que cinq autres gus auraient pu rendre la situation beaucoup moins drôle. On embarqua le dernier intrus. Elle tressaillit en entendant le Dr Fawley commenter ce qu’elle avait fait sur le corps de la louve. Propre ? Ça voulait dire déjà qu’elle n’avait pas fait trop de dégâts et qu’elle avait évité de ternir son dossier pour les années à venir. La question qui vint, laissa Adèle perplexe. La médicomage n’avait pas l’air le moins du monde perturbé par les derniers événements et c’était limite si… Elle avait l’air de sourire un peu là non ?

- Euh non pas vraiment, répondit-elle, c’est finalement plus vivant par ici que ce que je pensais…

Si le jeu de mots était très bien en de pareilles circonstances, pas de jugement.

- Oh ce n’était rien, vraiment, répondit-elle aux excuses.

Elle était plus solide que ce qu’elle avait l’air et avec la suite des événements, cette petite chute elle l’avait déjà oubliée.

- Quoi ? Oh non pas la peine de perdre votre temps pour ça, je connais le chemin.

Elle n’était pas chamboulée au point d’avoir besoin d’un chaperon pour la raccompagner. Elle regarda le corps de la jeune louve. Effectivement, il valait mieux la rendre un peu plus présentable. Avait-elle de la famille ? Des proches ? Elle n’avait mentionné personne lorsqu’elle était arrivée. Adèle hésita et finalement décida de prendre congé. Elle ne savait pas si elle serait encore capable d’emmagasiner des informations aujourd’hui. Elle avait besoin de prendre l’air et de digérer tout ce qui venait de lui arriver. Est-ce qu’on finissait par s’y faire à ce genre de choses ?