FT. BETHYX

En sortant du travail, je n’avais qu’une idée en tête poursuivre ma quête d’informations liés à mon agression ayant eu lieu plusieurs mois en arrière. Je n’aimais pas l’admettre mais je stagnais. A croire que tout le monde avait décidé d’oublier cette histoire. L’enquête ne progressait pas. Ils se contentaient du peu obtenus, comme s’il était normal de voir une meute de lycanthropes attaquer des innocents en pleine rue. Evidemment que ce n’était pas la première et que ce ne serait certainement pas la dernière fois que cela arriverait, mais cela me laissait un goût profondément amer. Le pire ? L’on me refusait l’attribution des dossiers. Trop impliquée émotionnelle. Voilà, ce qu’on avait osé me répondre lorsque j’avais insisté pour prendre connaissances des dossiers liés à cette enquête. Bien sûr que j’étais impliquée ! Je m’y trouvais ! Pire que cela, l’un de ces loups n’avait rien trouvé de mieux que de me mordre. Cela me rendait doucement folle de m’écarter ainsi, uniquement parce que je faisais partie des victimes – un dommage collatéral. Je n’étais certainement pas prévu dans le plan, si tenté qu’il y en ait un de la meute. Je me doutais même qu’ils se fichaient royalement des cibles, avaient-elles été choisies même ? Sans doute que non. C’était une opportunité – une manière de montrer leur force ? Qu’ils étaient là, tapis dans l’ombre, se cachant parmi d’autres sorciers prêts à attaquer. Je ne pouvais m’empêcher de me demander à quel point cette attaque avait-elle été prémédité ? Devais-je accorder le bénéfice du doute au loup qui m’avait mordu ? J’imagine que si je lançais cette idée à voix haute, l’on s’empresserait de me traiter de folle. Que l’on ne se méprenne pas, je n’éprouvais pas de pitié pour celui ou celle qui m’avait fait cela. Au contraire, une fois de moi, un sentiment étrange me tordait les tripes. Un vil mélange entre de la haine et je sais pas … l’envie de comprendre. Et bien plus profondément celui de vengeance – un désir de sang.

C’est vrai, dans ces cas-là, l’on se demande toujours pourquoi moi ? Et pourquoi ne pas m’avoir tué ?  Ce soir-là, il y a eu des victimes. Mais moi non. J’avais survécu. Certes, l’arrivée en cavalerie de collègues de la police magique n’était pas anodine. Seulement, j’estimais que la bête ayant enfoncée ses crocs dans ma chair aurait tout aussi bien pu viser un point létal de mon anatomie, ce qui n’était pas le cas. Encore une fois, je n’allais pas remercier le lycan s’étant permis de m’imposer la même condition qu’il vivait. Non pas que je ne m’y accommodais pas. Je commençais à apprendre à faire avec, je n’ai jamais été du genre à me morfondre. Les regards d’autrui et la stigmatisation, je les connaissais bien ces deux-là, les ayant éprouvés tout au long de mon adolescence étant née-moldue. Ce n’est parce qu’à présent des changements s’opéraient notamment à l’approche de la pleine lune, que je ne serai plus moi-même. Il n’y a aucune raison à avoir honte ou à chercher à se cacher d’être différent. Il serait tout aussi faux de dire que je ne m’en voulais pas au moins autant qu’au lycan. Si j’avais été moins imprudente et que j’avais attendue…rien de tout cela ne se serait passé. Si j’avais écouté Soledad, j’aurais été plus prudente. Mais ce dernier mot et moi-même n’avons jamais été en très bon termes. Voilà pourquoi, après mon service, je m’étais dirigée vers l’allée des embrumes. Si les informations ne venaient pas à moi…eh bien Je remonterais la source. Quelle meilleure chance d’obtenir des informations que cette allée malfamée attirant tous les rebuts de la société sorcière – les marginaux dont les bien-pensants n’appréciaient pas grand-chose.  Plus jeune, cet endroit m’avait toujours effrayé, les ragots y étant liés plus l’insistance des aînés à ne pas s’en approcher aidant sans doute à me coller la trouille. Il n’empêche que cette impression ne me faisait strictement plus rien. Après tout, à bien y réfléchir, qu’est-ce qui est bien ou mal ?

Il est clair qu’affublée de ma cape bleutée, offerte par Siobhan pour mon diplôme, je ne me fondai pas forcément dans la masse. Et vous savez quoi ? Je m’en fichai royalement. Je me rendais dans un endroit bien spécifique dont j’avais accumulé des pistes. Je savais que cet endroit restait sous surveillance en raison de potentielles activités illicites. En même temps, qu’est-ce qui ne l’était pas dans l’allée des embrumes ? Ce lieu restait le rassemblement des marchés noirs. Sauf que ce n’était pas ce qui m’intéressait en ce début de soirée. L’enseigne évoquant sans peine de possibles rassemblements de lycans, je ne voyais pas de meilleur endroit pour relancer mon enquête. L’Auberge du loup assoupi - lycanfriendly apparemment. Avec un léger frisson me parcourant l’échine, je passai la porte d’entrée ne pouvant m’empêcher de me dire que pour beaucoup j’avais ma place ici. Sauf que ce n’était pas le moment de penser à tout cela, ni même à ressentir cette frustration de devoir appartenir à quelque chose en particulier – comme un groupe. Dans ce cas-là, je restais sans aucun doute la championne incontestée de sans-groupes. Quasiment orpheline due à ma condition de sorcière puis celle de lycanthrope…je faisais fort pour garder les gens éloignés. Mais bon, une bonne devise, il vaut mieux être seule que mal accompagné. Au moins, voilà qui avait fait fuir les hypocrites.

C’est peut-être un peu naïvement que je me surpris à apprécier l’ambiance de l’Auberge. C’était agréable, bien plus que les autres établissements de l’allée – ce qui, entre nous, n’est pas bien compliquée. Simple et sans artifice. Mes prunelles hazel approuvèrent sans peine les choix de décorations. Cela changeait de certains endroits. Celui-ci semblait plus simple, les convenances emportant bien peu. Bref, vous l’aurez compris, je préférais largement les lieux rustiques… à toutes les fêtes de bourges, quelle horreur. Néanmoins, je ne restai pas dans l’entrée les bras ballants et avançais vers le bar derrière lequel se trouvait la tenancière de l’auberge. C’est amusé que je constatai qu’elle n’était pas seule. Une petite fille, semblant bien excitée, se trouvait également à ses côtés. Le temps que je m’installe, la femme l’avait déjà renvoyée à l’arrière. Forcément, nos regards finirent par se croiser. Du coin de l’œil, je la détaillai, motivée par une sensation étrange – du déjà vu ? Ce qui était complètement stupide car je me souviendrai sans aucun doute de cette jeune femme très attrayante. Ma mémoire avait beau être une passoire, généralement, je n’oubliai pas si facilement les physionomies comme la sienne. Dans un sens, elle me paraissait captivante sans même que je ne sache pourquoi, ce qui m’agaçait légèrement, car je savais que ce n’était pas qu’un attrait physique. C’est quand même fort en une formule de politesse !

Je me renfrognai légèrement, frustrée une nouvelle fois contre moi-même. Seulement, il me fallait reprendre contenance. Pour plusieurs raisons, la première étant déjà bêtement qu’elle allait me prendre pour une folle ayant débarqué dans son établissement. Le seul avantage à ne pas être quelqu’un de très conventionnel, me permettait au moins de ne pas être fichée directement comme la « flic ». Sans trop de peine, je finis par masquer ma possible grimace liée à mon combat intérieur, par un sourire aimable. Je ne me sentais pas vraiment à l’aise face à cette femme. Une nouvelle grande première pour moi ! Comme lorsque je m’étais surprise à ne plus supporter les étreintes intimes…et cela je savais à quoi je le devais, à celui qui m’avait transformé. J’avais beau masquer ce traumatisme, il m’avait finalement rattrapé. Depuis, il est vrai que j’évitais les situations de ce genre risquant de me faire frôler la crise de panique. Génial.

« Salut. » me lançais-je, d’un ton aimable. « Qu’est-ce que vous pouvez me proposer ? Une spécialité ? »

Autant en profiter pour lier l’utile à l’agréable, non ? Je ne comptais pas quitter ma mission des yeux, mais officiellement je ne n’étais pas en service alors autant se faire plaisir. J’avais pris goût à déguster de nombreuses boissons lors de mes années en tant que serveuse tandis que le jour, j’étais en formation d’agent de police. Je souris légèrement à son questionnement. Elle ne perdait pas de temps. Était-elle aussi loquace avec tous ses habitués ? En tout cas, je me doutais qu’elle devait bien les connaître. Ce qui voudrait dire qu’elle s’impliquait réellement dans son activité ici.

« En effet, je découvre. Je cherchais un lieu sympa pour passer la soirée. Je pense avoir visé juste. La compagnie m’a l’air agréable. » répondis-je sans détour à sa question. « Est-ce que je me trompe ? » ajoutai-je, avec facilité, l’éclat de mes prunelles taquin.

Je n’étais pas venue pour trop en dire, alors noyer le poisson de cette façon semblait adéquat. Surtout qu’il m’était facile de prendre ce rôle, comme il restait plutôt habituel pour moi. Me voir sérieux et coincée, voilà qui aurait été un vrai défi à réaliser. En même temps, il n’était pas dans mon intérêt de dévoiler trop d’informations par ici. L’on ne sait jamais réellement sur qui l’on peut tomber et les oreilles trainent…d’ailleurs, les miennes auraient du boulot.  

« C’est la vôtre ? » demandais-je sur le ton de la conversation en fixant l’endroit par lequel la petite fille s’était faufilée. « Elle a l’air adorable. »

Je préférais ne pas trop m’avancer concernant l’enfant. Après tout, la jeune femme se tenait devant était suffisamment jeune pour être une tante ou une amie de la famille. En plus, niveau mettre les pieds dans le plat, j’étais plutôt douée pour ça, alors il valait peut-être mieux jouer la prudence. Certes, ainsi je cherchais à créer un lien afin de doucement prendre ma place et ainsi glaner quelques informations croustillantes. Néanmoins, mes propos n’en étaient pas moins sincères. Bien que je ne ressente pas la fibre comme mon amie, Siobhan, à enseigner à des adolescents toute la journée, il m’arrivait de trouver des gamins mignons.