Si le choix de devenir un jour une grande médicomage pouvait paraître aberrant pour la plupart de ses camarades, il était pourtant une évidence pour la Française. Elle avait trouvé sa vocation à l'âge de quatorze ans, lorsque sa demi-sœur n'avait pas trouvé mieux que de répandre à travers Beauxbâtons son statut de fille illégitime. Furieuse, elle n'avait pas beaucoup apprécié d'être pointée du doigt et elle avait concocté une potion de son cru qui avait rendu malade une bonne partie de ceux qui s'étaient retournés contre elle et qui avaient osé se servir de cette information pour la descendre. Vu le nombre de victimes de sa rancune cette fois-là, il n'avait pas fallu longtemps au corps enseignant pour remonter jusqu'à elle. Qu'importe, elle avait appliqué sa loi comme d'habitude pour obtenir réparation. Quant aux conséquences, elle les assumait toujours. La directrice de son atelier avait trouvé visiblement très drôle de l'envoyer faire quelques soirées de retenue à l'infirmerie de l'école. Puisqu'elle aimait rendre les gens malades, autant qu'elle répare ce qu'elle avait provoqué et qu'elle aille donc les soigner. Elle s'était attendue à devoir endurer ces heures de retenue et il en avait été tout autre. Bien sûr, supporter ses camarades se plaindre de leurs tracas avait été particulièrement pénible, mais l'infirmière de Beauxbâtons était une personnalité particulière qui avait su transformer sa punition en quelque chose de bien plus intéressant pour elle. Plutôt que de bêtement lui faire exécuter les tâches auprès des patients, l'infirmière l'avait amenée à se poser tout un tas de questions sur les pathologies, leurs causes, leurs conséquences, leurs traitements. Adèle s'était vite prise de passion pour le milieu médical et avait adoré faire appel à ses connaissances et à son esprit de déduction pour trouver les diagnostics et les solutions à apporter. Bien entendu les maux d'une infirmerie d'école n'étaient pas ceux d'un hôpital, mais à son niveau c'était déjà très enrichissant. Par la suite, elle avait continué à rendre visite à l'infirmière de Beauxbâtons et à apprendre d'elle. Elle avait lié un lien très particulier avec elle, puisque c'était grâce à elle qu'elle avait trouvé sa voie. Voie que beaucoup ne comprenaient pas, tant Adèle était de nature égocentrique. Elle manquait clairement de patience et d'empathie et certains ne voyaient pas un médicomage exercer sans ces qualités. La Française n'était pas d'accord. Pour elle, un bon médicomage était celui qui trouvait le problème et le traitait point.

Lorsqu'elle s'était retrouvée à Londres, ce lien lui avait manqué. Bien sûr, elle était dans le cursus qu'elle avait choisi, mais échanger sur la pratique avec la classe de neuneus qu'elle se tapait était parfois plutôt compliqué. À Poudlard aussi, il y avait une infirmerie. Pour le coup, cette fois, elle avait évité celle de l'université. Si elle pouvait éviter de croiser ses camarades et de découvrir des trucs qu'elle aurait préféré ignorer sur leur état de santé, c'était mieux. Elle s'était donc tournée vers l'infirmerie du château. Un simple passage par le réseau de cheminettes et elle se trouvait en Écosse. Elle s'était présentée à Miss Belrow, l'avait rassurée en disant que non elle n'avait aucun problème de santé et lui avait expliqué la raison de sa venue. Elle voulait juste échanger et ne souhaitait absolument pas la gêner. Ainsi avait commencé à se construire le lien entre Adèle et l'infirmière de Poudlard. Elles échangeaient sur des cas, sur les cours que la Française avait pu avoir dans la semaine. Les visites d'Adèle s'étaient faites plus fréquentes après l’échec douloureux de sa relation avec un certain Finlandais. Lorsqu'elle avait eu à s'occuper d'avantage l'esprit, elle avait multiplié ses sorties et ses visites à Poudlard en avaient fait partie. Et puis un jour, Adèle avait été plutôt surprise de se retrouver mise à contribution lorsqu'on avait amené un petit cas d'urgence à l'infirmière. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'on lui demande de l'aide. Bien sûr ce jour-là, Adèle n'avait pas hésité longtemps. Si en plus d'échanges, elle pouvait voir un peu de pratique et participer, alors elle ne dirait pas non. C'était ce à quoi elle se destinait, il n'y avait vraiment aucune raison de refuser. Et puis peut-être qu'elle aurait la chance de pouvoir de nouveau apporter sa contribution si Miss Belrow était satisfaite de l'aide qu'elle aurait pu lui fournir.

Et c'est finalement ce qui arriva. Lorsque l'infirmière du collège lui proposa de la rejoindre passer une après-midi avec elle, pour l'aider dans la gestion de l'infirmerie et des patients qui pourraient être présents ce jour-là, la Française n'avait pas caché sa joie. Enfin par là, il fallait comprendre qu'un sourire s'était dessiné sur ses lèvres et qu'elle avait informé Hestia de la nouvelle, ravie. Il ne fallait certainement pas imaginer la Serpentard hurler de joie au milieu d'un couloir. L'heure venue, elle se dirigea vers les cheminées, son sac à l'épaule et emprunta le passage qui menait au château écossais. Au moins cette fois, elle ne l'empruntait pas pour une escapade nocturne insensée avec sa meilleure amie. Cette fois se changer les idées serait quand même plus raisonnable et utile à sa vie future. La jeune femme se dirigea vers l'infirmerie d'un pas assuré. Elle connaissait désormais plutôt bien le chemin pour y parvenir. Elle frappa à la porte et entra dans la pièce remontant l'allée des lits blancs jusqu'au bureau situé au fond. Elle passa la tête par l’entrebâillement avant d'en saluer l'occupante :

- Bonjour, Miss Belrow. Vous voulez que je commence par quelque chose en particulier ?

Oui, elle ne cachait pas vraiment sa hâte, ne s'encombrant pas de formules de politesse et de ronds de jambe en tout genre pour démarrer cette après-midi. Elle n'avait jamais été du genre à tourner autour du chaudron de toute façon, puisque ça avait tendance à user très rapidement sa patience et que c'était pour elle, une perte de temps.