Vite, vite, vite. Vous savez ce moment absolument horrible où vous êtes pris d'une envie pressante ? Oui celui-là où ça tiraille tellement que vous savez que vous avez trop attendu pour aller aux toilettes. Et bien voilà, exactement ce qui était en train d'arriver à Siobhan. Il faut dire qu'elle s'était retenue plusieurs heures pendant les cours, qu'elle n'était pas du genre à faire le chameau et qu'elle s'hydratait régulièrement. Ha ça, si vous voulez des conseils bonne hygiène de vie, demandez à la rouquine. Elle était très calée sur le sujet. Ha ben si on voulait rester avec une peau de princesse toute sa vie, il fallait faire attention. Tiens, ça pouvait faire un bon sujet pour le prochain numéro de Sorcière Hebdo ça... « Pas de vieille peau avec l'eau ! ». Bref en attendant de se poser pour écrire son futur article, Sio elle déboulait dans les couloirs, parce que là, elle était au bout du bout de sa vie pour sa vessie. Oui bon elle aurait pu y aller avant le repas, ça aurait été plus intelligent. Sauf que voilà, en fait, elle y était passée et il y avait la queue. Oui c'est fou ça ! À croire que les vessies des femmes de l'université s'étaient toutes dit « allez, les filles c'est l'heure là ». Du coup, comme ça allait encore à ce moment-là, elle s'était dit qu'elle repasserait plus tard. Et donc forcément comme c'est aussi important de boire pendant le repas, elle n'avait pas vraiment amélioré ses affaires.

Donc c'est un peu comme une fusée qu'elle débarqua dans les toilettes des femmes - Ha ouais, nan une perche comme celle-là, tu penses bien, je la prends. - Évidemment que c'était les toilettes des femmes, puisque Sio était une femme. Les toilettes des hommes en fait, ils étaient de l'autre côté. Bref, elle poussa la première porte qui venait en face d'elle et manqua de faire pipi dans sa culotte en voyant, devinez quoi ? Une mygale de deux mètres cinquante ! Non bon d'accord une araignée pas vraiment plus grosse qu'un gallion, mais ça, c'était suffisant pour créer une crise de panique chez l'enseignante. Elle poussa un cri, recula et referma la porte. Ha ben c'est sûr en temps normal, elle aurait traversé le bâtiment pour trouver d'autres toilettes et se soulager. Mais là, elle ne parviendrait jamais aux prochaines toilettes à temps et c'était quand même grave la honte à son âge de se faire pipi dessus... Du coup, elle se dirigea vers la cabine du fond, inspecta la zone et s'installa en se disant que s'il prenait l'envie à la grosse mygale de venir lui faire coucou, elle prendrait un peu de temps pour arriver jusqu'à elle.

Et alors là, le bonheur immense. Si, si le soulagement total de pouvoir libérer sa vessie, après toute cette attente. Mais si, là aussi vous voyez de quoi je parle. L'Irlandaise laissa échapper un petit soupir d'aise, tout en surveillant le sol sur sa gauche qu'aucun truc à huit pattes ne se faufile dans sa cabine. Tellement concentrée dans sa surveillance, elle sursauta lorsqu'elle entendit la porte de la pièce s'ouvrir. Ha ben oui forcément qu'il y avait d'autres gens qui venaient aussi se soulager ici. Bref, une fois qu'elle eut fini la petite commission, Siobhan tira la chasse d'eau et sortit de la cabine.

Et alors là, heureusement qu'elle avait enfin réussi à aller aux toilettes, parce qu’avec la scène qui se déroulait devant elle, là c'était certain, elle aurait fait pipi dans sa culotte. Des yeux ronds comme des billes, elle porta une main à son cœur, avant de pousser un cri. Là devant, elle, se trouvait le type qui déjà en temps normal était grave louche - Excusez-moi, mais la peau couleur cadavre, des cheveux noirs et longs flippants, des yeux noircis, effet cernes de trois kilomètres, les clous plantés dans les lèvres on n'en parle même pas... - bref, mais en plus sa chemise blanche était couverte de rouge. Attendez de rouge ? Du sang ? Il avait tué un chat pour un rituel satanique ! Han Juliette, pourvu qu'elle ne se soit pas barrée cette fois ! Piiiiire il avait assassiné un élève ! Ha non mais elle le savait bien qu'il n'était pas net, ce professeur. Et là, et là, que faisait-il dans les toilettes des femmes ? Oh la la, elle allait devenir un témoin gênant. Il allait lui faire la peau !
Elle recula, fixant la porte de la sortie. Sauf que pour s'enfuir, elle devait lui passer devant. Elle allait mourir à quinze jours de son anniversaire !

- J'ai rien vu, je le jure, commença-t-elle en panique.

Est-ce que quelqu'un a déjà imaginé sa mort ? Ha ben Siobhan, elle l'avait déjà imaginée bon nombre de fois. C'était qu'elle avait souvent l'impression que sa vie défilait devant ses yeux. Oui souvent des fausses alertes, c'était vrai. Le nid d'araignées dans les cuisines ? Ha carrément, oui. Le type qui l'avait suivie dans la rue une fois, pareil. Oui même s'il rentrait juste chez lui. Le lapin qui lui avait mordu les doigts quand elle avait cinq ans ? Idem. Sa première chute de balai ? N'en parlons pas. Oui bon je ne vais pas faire l'inventaire, parce qu'en vingt-huit quasi vingt-neuf ans, y'en avait pour un moment. Bref, pourquoi on parlait de ça déjà ? Ha oui parce que franchement finir sa vie sur les sols des toilettes des femmes d'une université, c'était la mort qui craignait. Ha non, mais dans le top cinquante des morts les moins glamours, les toilettes décrochaient la première place. Quoique les égouts, peut-être avant ? Oui qu'est-ce que Sio aurait foutu dans des égouts ? On se le demande. Et alors Asclépiades Bon sang l'exercice de diction, de quoi tu te plains de de Lestang ? c'était le psychopathe le moins net qu'il soit. Il s'excusait ! Il s'excusait avant de tuer les gens, lui ? « Pardon désolé, je vais vous tuer, je n’ai pas mon quota de la semaine ». Bon après, il se rendait compte lui-même que les toilettes des femmes pour un meurtre, c'était pas terrible. Haaaaan peut-être que si elle arrivait à le convaincre de la tuer deux pièces plus loin, elle aurait le temps de s'enfuir en courant et en hurlant ? Elle avait de la voix. C'est sûr, on l'entendrait au moins sur plusieurs mètres à la ronde.

Siobhan ne répondit pas, élaborant son plan de fuite. Et lui il continuait. M. Harrison ?! Ses yeux s'agrandirent d'effroi. Il avait zigouillé le directeur des rouges ?! Ha non, mais elle s'en fichait qu'il n'était pas capable de tuer quelqu'un proprement. Si le professeur de potions n'avait pas survécu à ce psychopathe, ça réduisait encore plus ses chances de survie.

- Mais vous lui avez fait quoi ? demanda-t-elle d'une petite voix horrifiée, non ne me dites pas, je ne veux pas savoir ce que vous allez faire.

Moins elle en savait plus elle avait de chances de rester en vie non ? Pauvre professeur Harrison, c'était un type bien pourtant. Voilà ce qui arrivait quand on faisait trop confiance à des gens complètement fous. On terminait en bouillie de professeur ! Et demain on allait retrouver son corps découpé en morceaux au fond d'un chaudron. Le traumatisme pour les élèves que ça n’allait pas être. Et elle ? Pareil ! Découpée en rondelles, mais pire oubliée dans le fond d'une cuvette non, mais c'est vraiment craignos comme mort, en vrai.  Elle allait mourir alors qu'elle n'avait même pas encore trouvé son prince charmant ! Et là il lui souriait ? Ha non, mais elle avait envie de pleurer là, c'était de la torture psychologique pure et dure.  Elle se colla au mur, parce qu'elle sentait que ses jambes n'allaient bientôt plus la porter. Et ce n'était pas à cause de la paire d'escarpins à talons vertigineux qu'elle portait. Et voilà qu'il lui demandait les toilettes des hommes ? Hein ? Pour quoi faire ? Non parce que toilettes pour toilettes, elle préférait encore finir sa vie dans ceux des femmes.

- Si je vous le dis, vous me tuez pas ? Demanda-t-elle alors, parce que j'ai pas encore trouvé l'homme de ma vie, je me suis pas encore mariée avec une calèche tirée par des licornes avec des rubans roses, C'est important ce détail, si si parce que c'est une idée de Lisou j'ai pas encore eu d'enfants, et je veux aller voir le Roi Lion en film avec ma sœur en juilleeeeeet... grave important ça aussi, dans les projets de vie

Ha ça y est, ses jambes avaient lâché et elle était les fesses par terre, dos au mur. Enfin là, il n'y avait pas que les jambes qui avaient lâché, c'était la totale. Les nerfs, les glandes lacrymales... Entre deux sanglots, un « je veux pas mourir ». Ha c'était tout juste si elle ne sortait pas « je veux ma maman ».

Hypersensible et froussarde, oui c'était Siobhan. Parano ? Pareil ! Non mais après valait mieux être méfiant dans la vie. Oui bon c'est vrai aussi que l'Irlandaise ne se méfiait pas non plus des bonnes choses. C'est sûr aussi que si elle devait se méfier de tout, elle ne sortirait plus de ses appartements, et alors ce n'est pas en restant coincée chez soi qu'on rencontrait l'homme de sa vie. D'ailleurs celui-là, il s'appelait sûrement Désiré parce qu'elle avait déjà eu l'impression de le rencontrer une bonne centaine de fois, mais à chaque fois fausse alerte. Bref, en tout cas, le type en face d'elle il ne s’appelait pas Désiré, non, il s'appelait Sauvequipeut. Ou pas ? Il n'avait tué personne ? Ils disent tous ça, avant de commettre l'irréparable non ? Ou alors il était schizophrène et du coup c'était son double maléfique qui avait commis un meurtre et lui il ne s'en souvenait pas... Plausible tout ça encore. Mais du coup là c'était qui ? Le gentil ou le psychopathe ? Le gentil, sans doute.

- C'est vrai ? lui demanda-t-elle en reniflant.

Ha ben apparemment pas de double fou, juste une histoire de... Sauce tomate ? C'était de la sauce tomate sur sa chemise ? Siobhan frotta ses yeux et les plissa pour mieux regarder. Ha bah oui, c'est vrai qu'en y regardant de plus près c'était un peu orangé le sang. Après le directeur des rouges avait peut-être une maladie qui rendait le sang un peu rouille comme ça ? Oui bon ok, c'est vrai qu'à un moment fallait arrêter de se faire des films. Franchement d'ailleurs, pourquoi le directeur aurait recruté un assassin parmi ses effectifs ? Ben oui tiens, c'est comme si on lui sortait qu'il pouvait y avoir des mangemorts à Poudlard. Han la la ça serait teeeeeellement dramatique, si on sortait un truc pareil à Sio... Tu perçois l'ironie là, ou c'était pas assez évident ? Et en plus il promettait. Bah c'était sacré une promesse, et comme ce n'était pas beau de mentir dixit maman O'Hara, même si on sait très bien que la rouquine en a sorti de bonnes à ses parents pour expliquer toutes les bêtises qu'elle faisait avec sa sœur, bref comme ce n'est pas beau de mentir, alors il disait la vérité. Obligé.

Quoi l'araignée ? Quelle arai... Bon, la scène qui va suivre pourrait potentiellement entraîner la perte d'un tympan, voire les deux. Elle pourrait aussi entraîner une situation très acrobatique pouvant tout aussi bien mener à une chute douloureuse. Est-ce qu'on la passe, genre en racontant la recette de la tarte à la rhubarbe de maman O'Hara ? Ou en faisant un résumé du dessin animé de la belle et la bête ? Non ? Ok ok, j'avais prévenu. Donc on commençait par le hurlement perçant. Ben évidemment, un truc noir à huit pattes très moche qui s'approche de vous, forcément on commençait par le cri d'effroi. Ensuite, là vous inquiétez pas que l'usage de ses jambes, l'enseignante l'avait retrouvée direct. Elle avait donc bondi sur ses escarpins de compétition, avait repoussé la porte des toilettes de la cabine d'où elle était sortie un peu plus tôt et s'était retrouvée perchée par on ne sait quel miracle, enfin si le miracle de l'arachnophobie quoi, sur la cuvette des toilettes, une main de chaque côté sur les parois pour maintenir son équilibre.

- Ouiiiiiii, faites quelque chose, loin, mettez là trèèèèès loiiiin ! Ne la tuez pas, parce que ce n'est pas bien de tuer, mais emmenez-là jusqu'au ministère de la magie, minimum.

Et sans doute qu'après il faudrait l'aider à redescendre parce que là si elle bougeait, elle allait finir les quatre fers en l'air. Ha ben non, elle n'avait pas réfléchi au fait qu'elle allait être coincée en montant là-dessus avec ses talons vertigineux. La survie face à l'araignée d'abord.

Les araignées étaient d'immondes créatures effrayantes et ultra dangereuses. Bon ok, peut-être pas toutes. Mais quand même, ce n'était pas mignon comme un lapin ou majestueux comme une licorne. Non et en plus à quoi ça servait une araignée ? À rien du tout ! Juste à faire fonctionner ses cordes vocales et l'entraîner à devenir la prochaine acrobate d'un cirque. Son traumatisme remontait à... Oh bah elle était née avec cette peur en fait. Depuis toujours les araignées étaient sa pire phobie, à tel point que vous savez les comptines de l'école maternelle ? Et bien rien à faire qu'elle s'appelait Gipsy ou bien qu'elle vous tricote des bottes, Siobhan elle pleurait et boudait ces chansons-là. À l'âge adulte, réagir avec calme face à une araignée ? Ha ha, une utopie.
L'araignée était dehors ? Parfait. Comment ça, il avait expliqué à l'araignée d'aller faire carrière au département des mystères ? Il n'était pas en train de se foutre de sa poire là ? Oh ! Est-ce qu'elle avait l'air d'une gamine de cinq ans ? Ce n'était pas beau de se moquer des gens qui avaient peur. S'il avait peur des chats ou des arcs-en-ciel, est-ce qu'elle se moquerait de lui ? Non pas du tout, elle serait compréhensive. Mais comme Sio n’était pas vraiment susceptible, elle ne s'énerva pas.

- Ha d'accord, euh... super ! C'est peut-être mieux que le bureau de Aurors, plaisanta-t-elle, c'est une vie risquée, là-bas.

Bah et puis surtout que si elle s'installait avec sa colonie de copines à cet étage, l'Irlandaise n'aurait plus vraiment envie de rendre visite à Myrna ou Beth.

- Hum... Dites ? Ça vous ennuierait de m'aider à redescendre ? Parce que je crois que si je bouge, je vais me casser un truc et je vois assez l'hôpital de Sainte-Mangouste comme ça pour aller me faire soigner une jambe ou un bras cassé.

Est-ce qu'il oserait l'abandonner perchée sur la cuvette des toilettes ? Non parce que ça ne serait vraiment pas cool du tout. Parce que là clairement, faudra que je vous raconte comment on fait un pudding à l'ananas. La chute qui en découlerait serait vraiment trop douloureuse et humiliante pour qu'on la raconte.

- Vous savez pour votre chemise, j'ai un produit qui récupère tout, c'est magique. Comme je peins souvent, il me fallait bien quelque chose pour réussir à remettre mes habits dans leur couleur d'origine.

Elle avait en effet un petit mélange super efficace en sa possession qui l'aidait beaucoup à ravoir les taches de peinture à l'huile qu'elle se faisait lorsqu'elle se plongeait dans ses toiles. Un incontournable qu'elle recommandait même à ses lecteurs de Sorcière Hebdo. S'il l'aidait à descendre, elle pourrait lui en proposer un peu. Ça lui éviterait de jeter sa chemise, car souvent c'était le triste destin de ces vêtements dont les taches semblaient irrécupérables. Et puis en se rendant service mutuellement, ils pourraient sans doute repartir sur des bases plus sympathiques que celles qu'ils avaient au départ à cause de sa paranoïa maladive.

- Vous m'aidez à descendre et je vous en file un peu ?

Disserter sur la future vie d'une araignée, ha non, elle n'avait pas pensé que ça ferait partie de sa journée en se levant ce matin. D'ailleurs si une voyante lui avait dit qu'elle vivrait tout ce qu'elle était en train de vivre en ce moment, elle ne serait pas sortie de ses appartements. Ha clairement, elle aurait pris la bonne excuse d'inventer qu'elle était malade et comme de toute façon, elle était malade tous les mois, ça serait passé crème. Et donc la petite araignée allait faire carrière au département des mystères... Parfait. Si vous voulez mon avis, le plus grand mystère c'est pourquoi les araignées existent-elles ?

En attendant, elle avait certes de très bons mollets, mais elle n'allait pas non plus tenir éternellement perchée sur cette cuvette. Ha oui, ça aussi Siobhan vous le dira. Le sport c'est important pour la santé et pour garder une silhouette de rêve. Elle avait fait tout un dossier, il y a quelques années dans Sorcière Hebdo avec des exercices très simples pour garder la forme. Et puis franchement, c'était important, si on ne s'entraînait pas régulièrement, le jour où il fallait fuir face au danger, si on était essoufflé au bout de deux mètres, on regretterait toute sa vie de ne pas avoir fait plus d'efforts. Voilà question de survie aussi. Bref, il n'était plus question de fuir. Bah non il lui avait confirmé qu'il n'était pas un tueur en série et il avait fait partir l'araignée. C'est bon, s'il voulait la tuer il ne se serait pas embêté à mettre l'araignée dehors.

- Oh vous verrez, c'est encore plus efficace que le détachant moldu ! Il n'y a même pas besoin de faire tremper le linge. On verse dessus, on attend cinq à dix minutes et c'est comme neuf.

Ha non, si elle disait que c'était magique, ça l'était. Siobhan le regarda s'approcher, en mode « vous êtes certaine ? » Ha ben oui, elle n'allait pas attendre que le prince charmant débarque en licorne pour la sortir de là. Ça faisait un moment qu'elle l'attendait, elle n'avait pas vu l'ombre d'une crinière blanche depuis tout ce temps. Bon après, s'il venait juste la chercher en balai, elle ne dirait pas non. Sauf que là, elle ne pouvait pas attendre que le destin décide de lui envoyer quelqu'un. Il y avait déjà quelqu'un avec elle, et même s'il n'avait absolument pas l'allure d'un prince, il pourrait très bien l'aider à redescendre. Ce qu'il fit, hourra. Ha si quelqu'un entrait dans cette pièce à cet instant, il y aurait de quoi se poser des questions. Mais ce n'était pas le cas et lorsqu'il l’attrapa pour l'aider à redescendre, elle se laissa faire docilement. Ha ben elle n'allait pas gesticuler au risque de se retrouver tous les deux comme deux carpettes au sol. Non tout en délicatesse, comme une princesse.
Elle releva la tête pour le regarder :

- Merci ! Vous savez, vous n'avez vraiment pas l'allure d'un prince charmant, mais là-dedans, dit-elle en désignant sa poitrine, c'est le cœur d'un véritable gentleman.

Les apparences étaient trompeuses, on ne le répéterait jamais assez et sans doute que Siobhan ne retiendrait jamais cette leçon, mais en attendant, elle pouvait voir son collègue d'une autre manière. Plus comme un monstre sanguinaire qui allait la tuer au détour d'un couloir, mais comme une personne au style un peu particulier, mais avec un bon fond qui pouvait finalement lui venir en aide.

- Allez venez ! dit-elle en lui attrapant brusquement le poignet pour l'entraîner à sa suite.

Est-ce qu'on en parlait de la tête que les gens feraient en les voyant débouler dans les couloirs comme ça ? Non, il ne vaut mieux pas. Siobhan marchait vite, oubliées ses frayeurs. Direction ses appartements, où se trouvait le produit miracle. Espérons qu'il était aussi sportif qu'elle, pas comme une certaine Serdaigle qui lui avait demandé à mi-chemin de la porter pour grimper les derniers étages... Arrivée à destination, elle déverrouilla la porte de chez elle et entra rapidement.

- Installez-vous, je vais chercher ce qu'il vous faut.

Rester sur une première impression ? Ce n'était pas Siobhan. Alors oui, elle pouvait vraiment être très paranoïaque, se faire des scénarios inimaginables de situations complètement improbables, mais si on lui prouvait par A+B que son imagination lui avait encore joué des tours alors elle changeait d'avis. Et puis lorsqu'on avait gagné sa confiance en plus par un acte héroïque – Si, si se débarrasser d'une araignée, c'est le top du top de l'héroïsme pour une arachnophobe – alors là, c'était dans la poche pour le restant de vos jours. Oui bon jusqu'au prochain scénario catastrophe qu'elle s'inventerait. En attendant, un deal était un deal et l'Irlandaise avait promis à son collègue une solution miracle pour sa chemise. Alors oui, elle l'avait entraîné dans les couloirs à vive allure, parce qu'elle était comme ça. Une jeune femme pleine d'entrain et d'énergie qui avait hâte de tenir sa parole.

Les appartements de Siobhan étaient facilement reconnaissables. S'il avait fallu deviner à qui appartenait ce lieu de vie, le défi aurait été plus qu'aisé. Les lieux étaient à l'image de la rouquine, un environnement très girly et coloré. La pièce était parfaitement en ordre, hormis un coin près de la fenêtre où l'on pouvait découvrir un chevalet et plusieurs de ses essais, son matériel de peinture posé ci et là sur une petite table. L'enseignante se dirigea vers un placard et chercha le fameux produit miracle. Roméo, son chat blanc vint saluer sa maîtresse tandis qu'elle attrapait le fameux flacon. Elle revint vers son collègue et lui trouva un air bizarre. Il n'y avait pas une autre araignée chez elle au moins ? Normalement Juliette en faisait la chasse. Ses deux passe-temps favoris, chasser les araignées et fuguer. Elle arqua un sourcil interrogateur. Il y avait quoi comme problème ? Elle l'observa un instant, le flacon en l'air dans sa main, avant de répondre à sa question.

- Moi ? Oh non ! Ça vient d'une correspondante américaine qui travaille pour Cosmowitch. On travaille parfois sur des articles ensemble et comme elle savait que j'étais artiste, elle m'en a envoyé.

Il faut dire qu'elle avait pris la moitié d'un parchemin pour expliquer qu'elle avait fichu en l'air un foulard offert par Deirdre à cause de sa peinture. Forcément la sorcière américaine avait réagi tout de suite pour lui trouver la solution miracle à ses problèmes. Du reste, elle ne savait pas trop ce qu'il y avait dedans, mais ça fonctionnait, c'était tout ce qui comptait.
En attendant, il n'avait pas l'air à l'aise. Peut-être qu'il était allergique aux chats ? Ou... oh ! Mais bien sûr ! Siobhan se retint de rire, parce que ce n'était pas cool de se moquer. Surtout qu'il avait eu de quoi faire entre sa paranoïa de psychopathe et sa crise de phobie avec l'araignée et qu'il ne s'était jamais moqué d'elle.

- Vous n'êtes pas pudique au moins ? Non parce que vous savez, je suis une artiste et je ne peins pas que des paysages...

Ha ben oui, qu'il se rassure, Siobhan n'était pas le moins du monde choquée de voir un homme torse-nu. C'est vrai qu'elle paraissait candide aux yeux de la plupart des gens, mais elle était quand même loin de l'adolescente innocente tout de même. Elle avait déjà vu un homme nu, merci, et pas seulement en tant qu'artiste.

- Et puis avec tout ce que vous avez sur le corps, si vous étiez pudique, ce serait dommage.

Et puis surtout que l'artiste qui avait encré son corps aurait bien galéré.

- Bon allez, je vous montre comment ça marche !

La jeune femme ouvrit le flacon et s'empara de la chemise. En vérité il n'y avait pas vraiment de secret. Il suffisait de verser un tout petit peu de son contenu sur la tâche et le produit venait imprégner les tissus pour tout faire disparaître.

Han la la, elle aurait mieux fait de se taire. Non parce que le but de ses paroles, ce n'était sûrement pas de le mettre encore plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà. Ha ben non, c'était justement de l'aider à se détendre, lui faire comprendre que ça ne la choquait pas le moins du monde. Oh bah non il savait ce qui la choquait maintenant ! De débarquer avec une chemise tachée de rouge ressemblant à s'y méprendre à des taches de sang humain. Ou en brandissant une araignée qui agitaient ses petites pattes devant elle. Voilà, bon elle avait peur d'un tas d'autres trucs aussi, mais de la nudité, ça non. Elle avait assez de peurs débiles comme ça, pour s'en rajouter.

- Oh la la, il vous aurait fallu plus qu'un récurvite pour venir à bout de ça ! M. Harrison ne vous a pas loupé !

Ha ben non, mais l'horreur quoi. Ce n'était pas pas du récurvite, non ça aurait été récurlong ! Elle l'écouta se lancer dans une tirade. Ha oui, il y avait des gens encore pires qu'elle pour parler sans s'interrompre. Et donc elle apprit qu'il avait une baguette capricieuse à cause du cœur. Machin truc... élevage de Basilic ? Yerk. Ha non, mais les serpents pour Siobhan, même combat que pour les araignées. Sauf qu'on avait plus de chance de tomber sur la bébête à huit pattes que sur le rampant. Ils n'étaient pas très nets ses ancêtres pour avoir envie d'élever des serpents géants et dangereux. Ils ne le faisaient plus, Merlin merci ! Franchement, c'était mieux de se lancer dans l'élevage de licornes. Ou de lapins, voilà tout à fait inoffensif un lapin.

- Oh bah euh oui sûrement... Je ne sais pas trop, je suis plutôt chats, vous voyez.

Voilà des félins, des machines à ronrons sur pattes adorables qui... Oui, bon mettaient des poils partout, mais tout mignon quand même. Oui bon qui vous bousillaient votre belle veste en cuir jaune, si vous la laissiez traîner, mais qui étaient quand même d'un certain réconfort dans les mauvais jours. Et voilà qu'il lui disait qu'il était gentil, pourquoi il lui disait ça ? Il voulait qu'elle repanique encore ? Ça faisait quand même grave suspicieux de sortir ça ? Son signe astrologique ? Han la la, il était adorable d'essayer de s'intéresser à elle, pour cacher sa gêne. Siobhan sourit et lui répondit :

- Oh je suis Verseau, en fait, mais je ne sais absolument pas ce que ça veut dire. En vrai j'étais nulle en divination. Je racontais plein de belles histoires au prof, mais il disait que je fabulais un peu trop.

Ha ben ça, elle préférait dire aux gens que ce qu'elle voyait dans les feuilles de thé c'était un mariage et plein d'enfants, plutôt que leur raconter qu'ils allaient avoir un accident de balai ou mourir piétiné par un hippogriffe.

- Du coup, c'est vrai il y a un horoscope dans le Sorcière Hebdo, mais ce n'est pas moi qui gère ça. Je crois qu'ils font appel à une voyante.

Ha, il avait une femme. C'était drôle, mais l'Irlandaise l'imaginait aussi ténébreuse que le directeur des Serpents. Une version de Maléfique dans la belle au bois dormant. Ha ben elle avait du mal à imaginer Princesse Raiponce dans les bras de l'enseignant. La rouquine jeta un œil à la chemise, un dernier coup de baguette et le tour était joué.

- Et voilà ! Je vous avais dit que c'était magique ! Remettez-la vite avant d’attraper froid. Et dites à Edward de faire attention la prochaine fois, parce que ce n’est pas bon pour mon cœur des peurs pareilles !

L'avantage au moins, c'est que maintenant, elle pourrait passer à côté du professeur Asclépiades sans faire un écart de deux mètres. Leçon du jour : L'habit ne fait pas le sorcier !