Fin Mars 2022

Cela fait des semaines que j'évite Khélia. Parce que je ne sais plus comment gérer les choses entre nous. Cette fausse alerte m'a ébranlé bien plus que je ne voulais me l'avouer. Même si j'ai tenté de rester maître de mes émotions, une partie de moi a espéré que ce soit la réalité. Non pas que je désire un enfant. C'est juste que cela aurait été une porte possible pour récupérer la femme que j'aime depuis toutes ces années. Un enfant aurait été un lien sûr entre elle et moi. Certes, il aurait fallu du temps pour que je redevienne celui d'autrefois. Toutefois, je suis convaincu que j'aurai pu y parvenir avec un peu de temps... Que nous aurions pu être heureux...

Mais les faits sont différents. Elle n'était pas enceinte. Puis il y a eu ce malaise dès le lendemain. Faire confiance, c'est comme la foi. C'est faire un pas dans le vide sans filet. Et je me suis rendu compte que sans lien fort, je ne réussissais pas. Parce que la peur de l'abandon me domine.

On réalise combien les gens ont pris de la place quand on les perd. Cependant, je n'ai jamais eu besoin de cela pour savoir la place de Khelia dans mon cœur et ma vie. Elle est mon oxygène depuis la première seconde où je l'ai vu. Cela ne s'explique pas. C'est comme ça. Je ne parle pas d'un simple coup de foudre qui vous emporte et vous chavire pour un moment. Non, j'ai su que je voulais qu'elle reste avec moi jusqu'au bout de l'éternité. Néanmoins, si ce désir a été rallumé, cela ne change pas grand-chose. Je n'arrive pas à dépasser ce mur qui a été bâti entre nous depuis qu'elle m'a quitté. Je sens bien au fond de moi qu'elle aurait voulu quelque chose à nouveau entre nous. Toutefois, je ne pourrai pas survivre à un autre échec avec elle. Je sais que je n'aurai plus envie de vivre et que rien ne pourra me retenir de partir dans des excès beaucoup plus périlleux que ce que j'ai déjà fait. Au point que je suis conscient que je pourrai même mettre volontairement ma vie en danger. Souffrir est... un enfer sans fin qui se renouvelle à chaque fois que l'on s'éveille le matin.

J'ai donc pris la tangente à chaque fois que je l'ai pu. Je vous rappelle, je ne suis pas un gryffondor, mais un serdaigle. Je refuse de suivre à nouveau mes impulsions. Je dois devenir un être de raison pour éviter de tomber à nouveau.

" Pourtant, tu sais bien que tu l'aimes. Et qu'il suffirait qu'elle te parle qu'une seule fois pour que tu plonges encore et que tu veuilles qu'elle soit à jamais ta possession. Parce que cet espoir que tu as eu, t'a fait sentir vivant comme autrefois."

Maudite petite voix qui se manifeste lorsqu'on n'a pas franchement besoin d'elle. Pourquoi m'assène t'elle toujours ce genre de vérité que je tente d'ignorer.

" Parce qu'il faut bien te montrer comment sont les choses et non le tas de fadaises que tu mets par-dessus. "

– Pfff

Cependant, aujourd'hui, la blonde a été plus maligne pour me coincer. J'ai donc dû l'affronter à mon grand désespoir. Quoi ? Je joue les vierges effarouchées ? N'importe quoi ! D'ordinaire, ce sont les demoiselles qui adoptent un tel comportement. Pitié, cessez de dire de telles balivernes. Ce n'est pas mon cas. Tout ce que je souhaite, c'est ne pas... Prendre de risque et continuer ma route dans cet état. Mais non. Ce n'est pas ça. Mais vous n'étiez pas là quand j'ai ramassé les miettes de mon cœur.

"Moi, si ! "

La ferme. Tu n'es pas censé prendre leur parti, mais le mien !

" Non, je suis là pour te dire quand tu te plantes gravement. Te faire sentir misérable pour cela et surtout être comme le miroir de la méchante belle-mère de Blanche Neige afin que tu voies la vérité."

Ayez compassion, tuez moi. Quoi ? Elle a raison ! Non.

Perdu dans cet échange avec la petite voix et vous, je n'ai pu m'esquiver cette fois. Bande de traîtres. Et dans mon dos, j'ai entendu Khelia. Voilà, je suis au pied du mur. L'ignorer n'aurait absolument pas suffit à la stopper. Et franchement, j'étais à court d'arguments pour fuir. Donc c'est avec une mauvaise foi que j'ai répondue :

– Ouais. Bonjour

J'ai pu voir à son visage que ce premier pas est compliqué pour elle. Cela ne devrait pas me réjouir et pourtant, je ressens un chouilla de joie. Non, je ne glisserai pas sur cette pente en vous expliquant pourquoi. Elle bafouille et je ne peux m'empêcher de répéter le mot principal de sa demande.

– Discuter ?!

Je pose mon sac sur le banc et ajoute :

– Pourquoi ? Y a-t-il une quelconque raison pour que nous ayons un échange de plus qui ne mènera à rien ? Je pensais qu'on avait convenu que chacun reprendrait sa route.

" Non, ça, c'est toi qui l'as décrété afin de t'échapper parce que si elle s'était approchée, tu aurais craqué et le bordel de décembre aurait recommencé sans avoir d'excuse pour te défiler le lendemain."

Merlin que j'aimerais lui tordre le cou si je le pouvais. Au moins, Pinocchio aurait pu le faire avec le criquet. Moi, je n'ai pas cette chance. Je dois subir la petite voix, et ce, depuis des années.

– Puis je n'ai pas envie que les filles qui me connaissent puis s'imaginer que toi et moi, c'est reparti.

" Tu es un vrai connard quand tu t'y mets. Je suis sûr que tu le sais."

Je regrette les mots à la seconde où j'ai fini de les prononcer.

– Pardon, j'y suis allé un peu fort. Khelia, je...

Je, quoi ? Besoin de temps. Non, ce n'est pas ça. Je ne veux plus espérer. Ça, c'est impossible. Malgré le temps, la flamme est toujours là. Je pense que notre relation est toxique. Non, ça, c'est que je veux croire pour m'éloigner d'elle.

– Honnêtement, je ne sais pas ce que tu attends. Toi et moi, quoique tu en dises, nous ne pourrons jamais être amis. Parce que pour ma part, je n'en serai pas capable. J'aurai envie de défoncer le moindre mec qui t'approchera. Ce qui me rendra amère et me fera faire des choses qui te feront souffrir. Et même si je me contiens, ce qui serait de l'ordre d'une bénédiction de Merlin, la vie que je mène te fera sortir de tes gongs. Regarde comment tu as agi lors de la fête alors qu'une fille ne faisait que discuter avec moi.

Bon, c'est vrai que là, j'édulcore. Elle passait son temps à me tripoter de manière peu discrète. Mais je m'en foutais. Être qu'un objet sexuel est plus facile à gérer qu'une histoire de cœur.

– Tu ne penses pas que les chaudrons ont été suffisamment fracassés entre nous ? Qu'il vaudrait mieux que l'on reste loin l'un de l'autre ?

Puis pour tenter de croire ce que je dis, j'ajoute

– Y a-t-il autre chose à ajouter ? Si tu as fini, je voudrais rentrer dans ma chambre, faire ce que j'ai à faire.

Je reprends mes affaires et m'apprête à partir, mais c'est sans compter sur la réaction de Khelia....

Fin mars 2022

J'encaisse ce qu'elle dit sans plus réagir. Parce que je suis beaucoup trop torturé à l'intérieur. Le fait de savoir qu'elle se sent mal, n'arrange pas les choses pour moi. Puis il y a cette question de trop, celle qui me blesse et me renvoie à ce foutu mois de décembre. La question sur l'intensité de mes rapports est la goutte de trop dans le chaudron. Comme dire quand je dépasse un certainement de pétage de plomb, je deviens extrêmement calme ce qui n'est jamais un bon signe lorsqu'on sait déchiffrer le dey.

" Oh ! Oh ! Miss Khelia. Très très mauvais plan. Tu n'aurais jamais dû l'attaquer par cet angle."

Je perçois les mots de la petite voix. Cependant, je suis dans un tel état que je ne comprends pas la suite de ses propos. Pour vous dire, dans ces instants-là, je n'ai jamais tenu compte des lieux où je me trouvais ou bien des gens qui m'entouraient. Qu'importe ce qui doit sortir de ma bouche, je le dis sans concession et quel que soit le résultat. Quelles que soient les conséquences.

– Je te l'ai déjà dit. Mais visiblement, tu n'arrives pas à l'assimiler.

Ma mâchoire est crispée et je m'avance vers elle, le regard plus froid que jamais et plongé dans le sien. Et sans ciller, je lui rappelle mes mots.

– Quand tu m'as quitté, tu m'as plongé en enfer. Plus rien ne m'atteignait. Je te l'ai déjà expliqué. Même ma mère n'arrivait pas à me faire réagir. Elle était folle d'inquiétude parce qu'elle voyait que je m'effondrais totalement. Jusqu'au jour où elle a craqué et à pleurer devant moi... J'ai eu peur... Je me devais de survivre d'une façon ou d'une autre pour elle. Elle avait déjà tellement perdu par ma faute...

Je sais que mon discours est décousu. D'ailleurs la petite voix me le fait remarquer à cette seconde.

" Dey, tu sais où tu vas ou bien, il faut que je fasse mon Cyrano en te soufflant tes répliques ? "

– Tu as toujours été incrusté dans ma peau, dans mes veines. Les excès n'y ont rien changé. Alors, je n'ai trouvé qu'une solution pour réussir. J'ai tout coupé en moi. Et pour être sûr que cela fonctionne, j'ai fait ce qu'il fallait pour être certain que je ne tomberai plus. Qu'importe qui est dans mon lit, ma chaire est satisfaite. Néanmoins, je n'ai qu'un goût de cendres ce qui est parfait pour ne pas oublier le danger de la chute.

" Elle n'est pas un danger. Tu te trompes. Elle est celle pour qui tu pourrais faire n'importe quoi... Simplement parce que tu l'aimes..."

Je prends une respiration pour stopper ce flot d'images qui défilent dans mon esprit à cause de la maudite voix. J'ajoute pour affirmer les choses :

– Je te le répète, il ne pourra jamais plus y avoir personne dans mon cœur. Et il est hors de question que je replonge et affronte mes démons à nouveau. Parce qu'un jour, tu décideras seule encore une fois que tu en as assez de moi. Et tout ce qui me restera, ce sera de prendre un aller simplement pour la tour...

"Cesse d'avoir peur !"

Puis je vois Khe figée sur place. Une part de moi déteste la voir désemparée par ma faute. Parce que c'est vrai, je suis toujours amoureux d'elle. Inconsciemment, je lève ma main pour la poser sur sa joue. Toutefois, je suspens mon geste. A qui cela ferait du bien ? Personne.

Le temps file dans le néant...

Je reste comme un con devant elle, me sentant incapable de la laisser. Je ne me suis même pas aperçu que j'avais réduit la distance entre nos corps comme l'autre fois...