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Les moldus et élèves de Poudlard du forum se sentent cruellement seuls au milieu de tous ces sorciers adultes,
alors pensez à les privilégier pour vos personnages

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Comme si c'était hier [Tancred] :: Three Broomsticks :: Pensine :: Les RPs
Lyllyah Sody
Lyllyah Sody
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Mar 18 Avr - 13:31

Ah, mais c'était hier
Septembre 2021

Les récents événements à la gare de Londres m’avaient, encore une fois, profondément agacée. Agir aussi proche des enfants ne m’avait absolument pas plu, même si cesdits enfants étaient de dangereux tueurs avec leurs putains de bâtons entre les mains. Un gosse, c’était en général innocent, ça se faisait un avis biaisé à cause des parents. On a tous été gamins un jour, et je ne supportais pas qu’on puisse faire de mal aux innocents, qu’ils soient de mon camp ou non. Certes, je tuais des gens, j’en torturais d’autres, et ce, depuis des années, mais je l’avais toujours fait dans un seul et même objectif : protéger mon prochain. Surtout, ça n’avait jamais été des enfants. Ça, je ne cautionnais vraiment pas. J’étais une tueuse, mais je n’étais pas non plus une folle sanguinaire, je ne tuais jamais par plaisir… et si la cause du Blood Circle, sur le papier, me parlait, en pratique, je me rendais compte que c’était complètement autre chose. Moi qui restais professionnelle en toute circonstance avec ma formation militaire, ce qui se produisait au Blood Circle me plaisait de moins en moins.
Je bouillonnais de l’intérieur à cause de toutes ces réflexions. Puisque je n’étais pas du genre à me prendre la tête pour des choses que je ne pouvais pas contrôler, je décidais de sortir de chez moi et de cesser de tourner en rond. L’après-midi était bien entamée, pour une fois, je m’étais autorisée à faire la grasse matinée durant mon jour de repos, ce qui faisait que je n’avais encore rien mangé. Lyllyah Sody qui n’a rien mangé au milieu de l’après-midi, c’est dramatique. Mon ventre gargouillait et additionné à mon irascible besoin de bouger, j’avais décidé de sortir faire mon petit entraînement journalier de Parkour dans le parc pendant que Radar irait fureter à droite et à gauche.

Vêtue d’un short kaki aux poches usées sur le côté de mes cuisses, mon débardeur noir m’offrait une grande amplitude de mouvement, tout ce dont j’avais besoin pour m’ébattre dans le parc entre les arbres, les bancs et autres obstacles que je m’inventais. Accrochées à ma chaine de billes, les deux plaquettes militaires s’entrechoquaient à chacun de mes sauts. Les cheveux pour éviter qu’ils entravent ma vue, je secouais de temps en temps la tête pour dégager mes mèches rebelles.
Je m’étais installée à Londres en janvier et trainais dans ce parc pour ainsi dire tous les jours puisque je vivais littéralement en face. Choix réfléchit puisque depuis mon salon je pouvais observer les allées et venues des promeneurs dans le parc, mais aussi parce que sortir Radar était franchement simplifié.

En équilibre en haut d’un toboggan pour enfant, je jetais un regard gris sur mon chien qui déambulait, en quête d’odeur et de divers messages canins dont je ne mesurais sûrement pas l’importance. Un mouvement à me droite me tira de ma contemplation. Une gamine blonde trop bien vêtue pour son âge me fixait, le nez retroussé. Je lui souris.

— Tu voudrais descendre ?

Toujours le front plissé, l’air boudeur, elle hocha gravement de la tête. Un petit rire m’échappa tandis que je bandais les muscles de mes bras pour sauter agilement en bas de la maisonnette et, sans un regard en arrière, je sautais par-dessus un banc vide. Je virai à droite pour éviter les buissons, pris appui sur le tronc d’un arbre et grimpai sur les premières branches sans grande difficulté. Une fois perchée là-haut, je recherchais mon chien du regard qui reniflait quelque chose, pointant sa truffe dans une direction bien précise. Intriguée, je glissais mes prunelles grises sur un banc occupé par un jeune homme, qui me tournait le dos, apparemment plongé dans une lecture captivante. Sa chevelure me rappelait quelque chose, et son odeur devait aussi évoquer un souvenir à Radar. Interpellée, je quittais mon perchoir et enfonçais mes mains dans les poches pour adopter ma démarche nonchalante habituelle avant d’effectuer un arc de cercle. Avant d’agresser la personne, au sens figuré évidemment, je voulais m’assurer que ce soit bien lui. Quand ses traits m’apparurent enfin, un sourire fendit mon visage. Oui ! C’était bien lui ! Faisant volte-face, je pris le chemin inverse pour revenir dos à l’homme.
Sans discrétion, je vins m’affaler sur le dossier du banc pour le fixer, le menton enfoncé dans la paume de main.

— Toujours plongé dans tes lectures toi, je lui adressais un clin d’œil et lui laissais le temps de me reconnaître, salut Nico, ça fait longtemps, comment tu vas ?

Bien que nous n’avions pas spécialement coupé les ponts, voilà plusieurs semaines que nous ne nous étions pas revus. Les récents événements à la gare n’ayant pas aidé, et il fallait aussi dire que je prenais peu le temps pour me sociabiliser. Nous nous étions rencontrés par hasard, apparemment durant une période où nous avions besoin de trouver quelque chose en l’autre. Ce fut plusieurs retrouvailles nocturnes qui eurent lieu, avant de réaliser que notre histoire ne pouvait pas durer. Si ma relation avec mon ex petite-amie me fendait toujours le cœur lorsque j’y pensais, ce n’était pas le cas avec Nico. Nous nous étions quittés en bon terme, et le retrouver ici par hasard me faisait franchement plaisir. Je me redressais pour sauter par-dessus le banc et prendre directement place à côté de cet homme avec qui j’avais passé de nombreuses nuits.

— Qu’est-ce que tu fais ici ?

Radar ne se laissa pas oublier. La queue remuant dans tous les sens, il sauta sur Nico, posant ses pattes antérieures sur son torse, pour tenter de lui lécher le visage en couinant de joie. En voyant ce tableau, je ne pouvais m’empêcher de rire. C’était simple : si j’appréciais la personne, Radar aussi, mais l’inverse était aussi vrai. Si Radar se méfiait de quelqu’un, je me méfierais aussi. Ça n’avait jamais été le cas avec Nico. Je vins au secours du malheureux léchouillé après un instant en attrapant mon Border Collie par les épaules pour le tirer doucement en arrière.

— Arrête ça Radar, après il sera tout mouillé, il devra venir à la maison pour prendre une douche et tout le bordel.

Le chien ne se laissa pas démonter. Il s’en alla à toute vitesse récupérer sa balle pour venir la poser sur les cuisses de Nico. Il fit quelques pas en arrière et je me mis à commenter théâtralement ses aboiements.

— Lance, lance ! Lance ! Allez, lance !

 

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Mar 18 Avr - 15:02
L'attaque du Blood Circle sur le quai de la gare avait bouleversé tout le monde de par son caractère hautement symbolique et la violence des événements qui s'y étaient déroulés. Il devenait évident que l'étau se resserrait d'un côté comme de l'autre.
Pour des sorciers, il n'y avait rien de pire que d'imaginer leurs enfants risquer leur vie en allant à l'école. Poudlard avait toujours renvoyé l'image d'un lieu coupé du monde et très sûr (abstraction faite des escaliers mouvants, de la forêt interdite et autres joyeusetés létales). Même si le quai 9¾ ne faisait pas exactement partie de l'école, l'imaginaire du tout venant associait volontiers les deux. C'était assez naturel. On comprenait donc qu'un tel attentat crispe des sorciers déjà à fleur de peau de savoir leur monde menacé.

Chez les Black, l'affaire fit grand bruit. Les deux filles de la fratrie devaient se rendre à l'université pour entamer la suite de leurs études et elles se trouvaient sur le quai au moment de l'attentat. Elles assistèrent donc à la scène. Par chance, elles parvinrent à s'enfuir très vite et en ressortirent donc relativement indemnes.
Tout ceci fut néanmoins très choquant et la soirée qui s'ensuivit fut particulièrement compliquée à gérer. Tancred, qui regarda longtemps la requête de sa mère de revenir vivre à la maison d'un œil dubitatif, comprenait désormais un peu mieux l'intérêt de la chose. Même si les filles parlaient de quelques angoisses résiduelles dans leurs lettres, il apparaissait que d'avoir été bien entourées au moment critique les avaient bien aidé. Les deux frangins, toujours à la maison, se sentaient largement rassurés.
Cela dit, la chose était moins évidente pour la mère. Madame Black était de nature anxieuse et son désamour des moldus la rendait presque paranoïaque. Elle passait son temps à ressasser les mêmes poncifs, en épluchant les mêmes articles de journaux toute la journée (le fait de ne pas travailler n'aidait pas). Le père n'était guère mieux, mais son naturel plus taciturne rendait la chose à peu près supportable, comme il se contentait de réflexions laconiques.

Tancred saisissait donc la moindre occasion de sortir de la maison. Certes, il avait bien tenté de travailler dans l'un des bureaux (réaménagé exprès pour sa venue), mais rien n'y faisait : il ne parvenait pas à se concentrer. L'ambiance pesante et le simple fait de se trouver chez ses parents lui rappelait trop les mauvais souvenirs de son enfance. Il avait l'impression de se perdre entre ces vieux murs, toujours un peu surpris par la magie ambiante, les portraits animés qui l'invectivaient à chaque passage ou l'attitude suave des elfes de maison. Ce n'était plus son univers, tout simplement. En tout cas, pas l'univers dans lequel il avait l'habitude de travailler.

Profitant d'un moment d'inattention de sa mère, il fila donc sans demander son reste, se contentant d'un petit mot laissé bien en évidence sur la table du salon (pour qu'elle ne se prenne pas à lui envoyer des hiboux en pleine journée).
L'homme avait chargé son sac à dos de quelques livres, son carnet de note et un ordinateur portable (la magie ambiante avait tendance à le faire planter, il espérait bien que son séjour prolongé ne lui grille pas complètement les circuits). Tancred travaillait toujours sur le manuscrit de son second livre. Cela dit, il lui restait encore un gros travail de documentation à faire.
Puisque la journée était belle, il décida d'abattre cette tâche au grand air. Voilà qui lui ferait le plus grand bien. On le retrouva donc assit sur un banc de Regent's Park, le nez plongé dans quelque obscur ouvrage d'Histoire, à se pencher toutes les deux minutes sur son bloc note pour griffonner quelque chose.

Le tout aurait pu n'être jamais que ça, mais c'était sans compter sur l'arrivée totalement inattendue de Lyllyah dans son périmètre. Quand il entendit sa voix s'élever juste à côté de lui, il eut un sursaut violent. L'homme ne l'avait pas entendu arriver, comme il était à fond dans sa lecture. Les yeux tout écarquillés, il la dévisagea pendant quelques secondes, avant de réaliser qu'il s'agissait bien d'elle.

« Heh, bon sang, tu m'as fait peur... Fit-il en souriant, la main sur sa poitrine. Ça fait longtemps, ouais...
Il la regarda sauter par dessus le banc et s'asseoir à côté de lui.
« Je vais bien. Dit-il. Tu vois, je suis à fond dans le boulot encore. Et toi ? T'as l'air en forme. Ça me fait plaisir de te croiser.

Ces deux là n'avaient pas tant de points communs que ça et le sport n'en était pas un (pas plus que les fastidieux travaux de lectures). Toutefois, ils s'entendaient bien. Malgré son tempérament un peu réservé, Tancred était un homme facile à vivre et cela fonctionnait bien avec le caractère plus extraverti de Lyllyah.
Leur histoire remontait au début de l'année. Ils s'étaient rencontré de manière tout à fait banale, à l'occasion d'une soirée, vers avril. Le courant était bien passé et comme ils étaient tous les deux célibataires à ce moment là, ils décidèrent de tenter leur chance. Cela dit, Tancred avait vite compris que Lyllyah n'était pas vraiment disponible : elle se remettait encore de sa relation précédente. Comme il était plutôt du genre sérieux, pas vraiment intéressé par des relations superficielles, cela n'avait pas pris, au final. Ils ne cherchaient pas la même chose et de toute façon, avec les événements actuels, Tancred s'imaginait mal sortir avec une moldue (en plus, il n'avait plus de logement à lui maintenant).
Mais enfin, ils en étaient quand même ressortis bons amis. Il n'y avait pas eu de conflits, ce qui leur permettait de se donner des nouvelles et passer un peu de temps ensemble comme si de rien n'était.

Sincèrement content de voir ce visage familier donc, il s'apprêtait à lui demander de ses nouvelles quand son chien lui sauta dessus.
« Ah, non !
Tancred aimait bien les animaux, mais face à l'enthousiasme du Border Collie, il ne savait pas trop où donner de la tête. Il s'aida de ses mains pour éloigner l'assaillant et se protéger le visage des coups de langues, jusqu'à ce que Lyllyah intervienne.
« Non ! Je vais puer.
Il se sentit les mains pleines de salive d'un air vaguement défait, grimaçant en constatant qu'en effet, il refoulait un peu. Son regard dévia alors sur la jeune femme, comme elle commandait son familier. Il pouffa en l'entendant.
« La douche ce serait plutôt pour toi... Et non, tu ne m'auras pas aussi facilement. Plaisanta-t-il. Inutile d'insister. Juste les mains, ça devrait suffire.
Tancred lui servit un regard gentiment canaille, comme il faisait descendre son regard sur le haut qu'elle portait, sur sa tenue. On pouvait voir qu'elle avait transpiré, mais il la connaissait assez pour imaginer à quel genre d'exercice elle avait dû s'essayer avant de tomber sur lui. Cette fille était une vraie boule d'énergie.  

Il arrêta cependant assez vite les sous entendus idiots et reporta son attention sur le chien, en particulier la balle toute humide sur ses cuisses. Face à l'attitude de Lyllyah, il rangea son bouquin dans le sac à dos et se leva, avant de lancer la balle le plus loin possible, au dessus d'un grand parterre d'herbe. Le chien partit comme une comète. Tancred l'observa d'un air fasciné.
Il couru à sa rencontre, comme l'animal s'en revenait vers eux. Puis, récupérant la balle, il lui lança une seconde fois. La troisième fois, il fit seulement semblant de la lancer, plongeant Radar dans un état de confusion assez savoureux. Le chien s'en alla sur la trajectoire de la petite sphère jaune, mais il réalisa bien vite qu'il n'y avait rien. Alors, il retourna près de Tancred et lui servit un regard inquisiteur tout à fait explicite.
« Mince alors, mais où elle est ?
Qu'il fit, avant de renvoyer la balle entre les mains de Lyllyah, à un moment où l'animal regardait derrière lui, juste au cas où.
« T'as un peu de temps devant toi ?
Lui demanda-t-il alors, curieux de savoir s'il pouvait lui proposer de passer un moment ensemble.
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Mar 18 Avr - 16:36

Ah, mais c'était hier
Septembre 2021

Je gloussais aux dires de Nico, fière d’avoir pu le surprendre. Certes, la plupart du temps j’avais la discrétion d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, mais en de rares occasions, je savais me faufiler en douce. Tous les deux, nous avions bien peu de points communs, en tout cas pas le sport et la lecture, pour autant, ça ne nous empêchait pas de bien nous entendre et d’avoir passé d’excellents moments ensemble. Je ne regrettais rien, et il fallait dire qu’il y avait peu de compatibilité entre nous en dehors d’une entente plus que cordiale. J’ignorais si je pouvais considérer Nico comme un ami parce que je ne savais toujours pas où se situait vraiment la frontière, mais je savais que je l’appréciais beaucoup, et pas uniquement pour son côté calme et sa plastique séduisante.
Sans gêne, j’attrapais doucement le livre qu’il était en train d’étudier et lisait le titre en fronçant les sourcils.

— Ouh, ça semble être un sujet sérieux, c’est pour des recherches ? Je croisais son regard avant de lui répondre. Je vais très bien. Métro, boulot, dodo. Je suis en repos aujourd’hui, youhou, c’est un jour exceptionnel !

J’accompagnais ma tirade en levant mes index de part et d’autre de mon visage en les faisant danser. S’il y avait bien quelque chose qui nous avait réunis et qui avait fait que nous ne nous étions jamais trop pris la tête ensemble, c’était que nous étions tous les deux des bourreaux du travail. Lui était certes quelque peu bureaucrate que moi, mais il n’empêchait que je reconnaissais la valeur de ce qu’il faisait. Quant à lui, il savait que je me livrais corps et âme à mes fonctions de soldate, car il avait souvent été victime de rendez-vous annulé à la dernière minute. Bien sûr, il ignorait mon affiliation au SAS et encore plus au Blood Circle. Ces fonctions étaient confidentielles pour la plupart, je ne partageais ces informations, pour ainsi dire, avec personne. Pour cela, j’étais bien soulagée d’avoir rencontré Lucy parce qu’avec elle au moins, je pouvais librement parler du Blood Circle sans mâcher mes mots.
La répartie de Nico vis-à-vis de mon chien m’amusait et je lui adressais le sourire le plus enjôleur possible, ce qui donc devait davantage ressembler à une grimace.

— Oh zut, moi qui pensais que tu voudrais te doucher avec moi…

J’éclatais d’un rire franc et sans nous consulter, nous mettions fin tous les deux à nos sous-entendus graveleux, en souvenir du bon vieux temps, qui n’était en fait, pas si loin que ça. Nous avions mis fin à nos rencontres régulières en juillet, et nous n’étions qu’en septembre, cependant, il s’était passé tant d’événements pour moi durant cette période, qu’il me semblait qu’un an au moins s’était écoulé.
Le petit cinéma entre Nico et Radar m’amusa franchement et pour montrer à mon chien que je n’y étais pour rien, j’étendais mes bras de part et d’autre sur le dossier du banc, frôlant ainsi le dos de Nico sans que je n’y porte la moindre attention. Victime des plaisanteries du jeune homme, Radar ne cachait pas sa confusion en penchant la tête sur le côté ou en me jetant des regards circonspects.

— J’y suis pour rien mon gars, débrouille-toi.

Mais c’était sans compter sur Nico qui refila subtilement le jouet divin. Je levais alors la main.

— Radar ! Le chien se retourne et, en voyant la balle, se figea, prêt à bondir pour courir après. Reste. Je lançais la balle et l’animal la suivit du regard, toujours figé, cependant, ses yeux dansaient de moi à l’endroit où la balle avait atterri. Va chercher.

Le chien s’élança comme une fusée jusqu’à son trésor tandis que je coulais un regard sur Nico.

— Oui, oui, jusqu’à quatre heures du matin demain je suis disponible.

Comme s’il nous avait entendus, mon ventre se remit à gargouiller sans aucune discrétion.

— Oh ! Avec ma nuit de garde et le sport, j’ai oublié de manger ! T’y crois ça ?

Non.
Pas du tout.
Jamais, jamais.
Oublier un repas, quelle honte.
Toujours faim !
On le mange lui ?


Je clignais plusieurs fois des paupières tandis que mes acouphènes s’invitèrent à la conversation. Saleté de tympans explosés.

— T’as faim toi aussi ? Si tu veux, je connais une bonne adresse dans un pub dans le coin. Sinon il y a un resto asiatique à quinze minutes de marche, ou sinon il y a le vendeur de glace à la sortie Nord du parc… mais ça ne me suffira pas une glace… quoique ça bouchera quand même un peu le trou.

Mes lacunes sociales m’empêchaient de demander à Nico s’il avait du temps devant lui et surtout, s’il avait faim. J’allais directement droit au but, fidèle à moi-même. Je n’aimais pas tourner autour du pot et ça, mon interlocuteur avait pu l’observer maintes fois durant les quelques semaines que nous avions passé à nous côtoyer. Radar revint et, en attendant la réponse de Nico, je renvoyais la balle au chien qui ne se lassait pas de ce petit jeu, heureux de pouvoir s’ébattre après une journée et une nuit à m’avoir sagement attendu.
 

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Mar 18 Avr - 17:43
Tancred avait laissé Lyllyah prendre son livre sans protester. Il ne s'agissait que de littérature moldue, aujourd'hui : pas besoin de lui cacher. Même s'il n'imaginait pas croiser un visage connu en se rendant au parc, il faisait toujours attention à ne pas mélanger les deux mondes (les circonstances lui donnaient raison). Tout bon sorcier qui se respecte cultivait ce genre de réflexe, pouvoirs magiques ou pas pouvoirs magiques.

« C'est toujours pour des recherches... Observa-t-il d'un ton qui soulignait ironiquement le caractère ennuyeux de la chose. Mais j'en ai encore deux ou trois en stock, si ça t'intéresse.
Dit-il en ouvrant davantage son sac à dos, pour en dévoiler le contenu. Il lui adressa un clin d’œil, bien conscient que non, évidemment, cela ne l'intéressait pas du tout. Puis, comme elle lui faisait état de son propre emploi du temps, il acquiesça en souriant, pouffant même carrément face à ses mimiques.
« Et on se croise, si ce n'est pas la providence !

Tancred savait qu'elle travaillait beaucoup. Comme la jeune femme l'avait souligné de nombreuses fois (à l'époque où ils se fréquentaient), c'était une chose qu'ils avaient en commun. Cela dit, son activité d'intellectuel différait tout de même drastiquement du train de vie discipliné et exigeant de l'armée.
Au fond, Tancred peinait sans doute à en cerner tous les enjeux. Cela leur rendait peut-être service d'ailleurs, de cette manière ils évitaient les questions trop approfondies. Pas besoin de mentir quand les choses devenaient trop délicates. D'ailleurs, leur échange ne tarda pas à dévier sur des sous-entendus un peu osés, mais qui correspondaient davantage à leur vécu.
L'historien pinça les lèvres en souriant, tandis qu'elle éclatait de rire. Son regard semblait dire quelque chose comme « ne me tente pas », mais il n'osa pas laisser ces mots franchir la barrière de ses lèvres, même pour plaisanter. Après tout, ils avaient décidé de se séparer. Ce n'était sans doute pas une très bonne idée de tenter le diable, quand bien même s'agirait-il seulement de provocations innocentes.

Enfin, le chien de Lyllyah fit office de porte de sortie toute trouvée, dans le cas présent. Après s'être un peu amusé avec, les deux jeunes gens reprirent leur conversation sur un autre sujet.
« Quatre heures du matin, c'est noté.
Fit-il, amusé par la précision toute militaire de la rousse : on pouvait en faire, des choses, jusqu'à quatre heures du matin (si, si, il avait décidé d'être sage, je vous assure).

Par habitude, il s'évita la peine de lui demander ce qu'elle ferait à cette heure là, bien conscient qu'il n'obtiendrait probablement aucune réponse claire. De toute façon, Lyllyah était animée par d'autres priorités en ce moment (à savoir manger, le nerf de toute guerre).
Comme il s'apprêtait à lui répondre par une plaisanterie quelconque, il nota son air gêné et ne dit rien, se contentant de froncer très légèrement les sourcils. Cela passa à peine comme une ombre sur leur échange. Finalement, il laissa s'échapper sa bien furtive intuition et ne songea plus qu'à la question qu'elle venait de lui poser.
« Va pour le pub.
Fit-il en souriant doucement. Les deux jeunes gens prirent la tangente en direction de l'une des sorties du parc. Tranquilles, ils discutaient de tout et de rien, le regard vissé sur le chien ou bien les passants. Le temps se maintenait. C'était très agréable.

Toutefois, une fois dans la rue, Tancred se sentit peu à peu gagné par un brin de nervosité. Chaque fois qu'ils passaient à côté d'un kiosque à journaux ou une librairie, son regard se faisait agresser par des gros titres en rapport avec le conflit entre les moldus et les sorciers. Il était inutile de dire que le point de vue adopté n'était pas exactement favorable à son genre (cela dit, ce n'était guère mieux de l'autre côté).
À un moment, ils croisèrent même un groupe de deux ou trois personnes en train de discuter vivement du sujet. Cela suffi à couvrir le volume de leur propre conversation pendant quelques secondes, au point qu'il se sentit obligé de faire un commentaire.
« Difficile d'échapper à l'actualité.
Dit-il d'un ton peu convaincu et qui laissait entendre que tout ceci le contrariait. Par chance, ils arrivaient justement au pub. L'historien s'empressa de leur trouver une table libre, dans un coin où Radar ne gênerait personne, et ils s'installèrent.
« Bon... Avant que tu n’aies à manger et que tu m'ignores complètement, si tu me racontais un peu ce que tu as fait depuis la dernière fois qu'on s'est vu ?
Il acheva d'ajuster sa veste sur le dossier de sa chaise et lui servit un sourire charmant, l'air visiblement plus serein à présent qu'ils étaient de nouveau entre eux.
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Lyllyah Sody
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Mer 19 Avr - 12:17

Ah, mais c'était hier
Septembre 2021

L’ambiance était au beau fixe, et les retrouvailles simples. Tout ce que j’aimais et ce dont j’avais besoin en somme ! Je grimaçais en voyant les autres livres dans le sac du jeune homme sans pour autant me montrer dégoûtée. Certes, je n’étais pas une cérébrale comme lui, mais ce n’était pas pour autant que j’étais idiote, et avant d’être victime d’acouphène, j’appréciais lire. À présent, elles me déconcentraient trop pour me permettre de lire des romans, et encore moins des sujets d’étude. Je me contentais donc de bandes dessinées ou de livres audios quand ça m’était possible. Car au-delà du handicap, il y avait aussi le temps qui me manquait. Lorsque je n’étais pas à la caserne, j’étais au quartier général du Blood Circle, et lorsque c’était ni l’un ni l’autre, soit je m’entraînais, soit je promenais Radar, soir je m’occupais de Lullaby. J’avais une vie à cent à l’heure, et si d’aucuns diraient que c’était parce que je fuyais, je le répondrais simplement que je profitais de chaque instant. J’avais frôlé la mort, ce n’était pas pour aller m’affaler dans mon canapé à ne rien faire. Non, autant bouger, vivre et savourer chaque minute.
Voilà pourquoi j’étais si solaire et que je refusais de m’encombrer des événements passés qui pouvait encore être douloureux. J’adressais un clin d’œil à Nico lorsqu’il nota mon heure de reprise du travail puis je l’entraînais hors du parc. Comme d’habitude, l’air décontracté que je dégageais était au diapason de mon allure générale un peu débrayée. Il fallait dire que faire des emplettes n’était vraiment pas mon truc, je perdais vite patience et je ne me souciais guère de mon apparence. Il me fallait du pratique et du confortable, voilà tout, qu’importe que les vêtements aient quinze ans ou non. Au moins, je ne contribuais que peu à la pollution vestimentaire.

Cependant, si moi j’étais détendue, ça ne semblait pas être le cas de Nico. J’avais déjà remarqué, lors de nos précédentes fréquentations, qu’il était mal à l’aise en public, tout le moins, c’était ce que j’en avais déduit. Peu inquiétée par les journaux qui clamaient les récents événements et la dangerosité du monde, je ne prêtais même pas attention aux commérages d’un groupe de personne lorsque nous passions à côté. Pour autant, ces informations s’enregistrèrent dans ma tête. La population était nerveuse, et ça, c’était mon job de les rassurer, de leur montrer qu’ils pouvaient être en sécurité avec l’armée, à défaut du Blood Circle.

— Hélas, oui.

Je ne laissais rien paraître dans ma dégaine nonchalante. J’avais été là-bas, à la gare, et malgré moi, j’avais participé aux fusillades, bien que je ne m’étais pas servie de mon arme. Lucy avait été blessée et rien que de m’en rappeler, le feu de la rage se ravivait au creux de mes entrailles. Aussi, j’usais de mes années d’entraînements dans les services secrets pour ne pas montrer le moindre trait d’inquiétude et rester parfaitement naturelle.
Une fois au pub, je laissais Nico choisir une table qui lui conviendrait pour calmer sa nervosité. Radar se coucha à mes pieds et ne bougea plus, habitué à de nombreux lieux publics puisque je l’emmenais partout avec moi. Je posais les mains sur la table et entre lassais mes doigts aux phalanges tatouées avant d’accorder un immense sourire à mon interlocuteur.

— T’ignorer pour de la bouffe ? Pfff, comment tu me tailles une réputation, olala, je roulais théâtralement des yeux avant de lui répondre. Bah, en vrai, pas grand-chose. Réponse simple, claire, rapide et concise. Une réponse à la Lyllyah. Je laissais échapper un petit ricanement. Non, mais c’est vrai ! Je valse entre le travail et mon chez-moi. Déjà ! je levais un index victorieux, je ne me perds plus trop en ville, ce qui, tout à fait entre nous, est un miracle. Quelle idée aussi de faire une ville aussi énorme que Londres, on n’a pas ça en Suisse.

Je m’étais déjà plainte plusieurs fois de la grandeur de la cité anglaise, moi qui venais d’un petit pays, les villes étaient à son échelle. Ça avait d’ailleurs été une énième raison à mes nombreux retards lors de nos rendez-vous des mois passés : je me perdais constamment.

— Sinon que dire ? J’ai fait un petit road-trip en moto jusqu’à Manchester une fois, c’est sympa comme ville, mais il n’y a pas grand-chose à y voir. Euhm… je suis allée à Newcastle dans un grand hôtel avec une copine, c’était marrant on a bien rigolé, et mmmh, ah ! J’ai été arrêtée par la police pour des crimes que je n’avais, évidemment, pas commis, mais ça a bien faire marrer la nana que je fréquente en ce moment.

Je ricanais à ce souvenir en me remémorant la tête de Lucy et ses chamailleries à mon encontre. Quelle petite garce. La voir blessée à la gare, même si ça n’avait été qu’une égratignure, m’avait plongée dans une profonde rage. Une rage dirigée non seulement contre les sorciers, mais aussi contre mon camp, aux gens qui agissaient sans réfléchir. Je tenais à elle bien plus que ce que je prétendais, et de cela je n’avais pas envie de réfléchir. S’attacher, c’était dangereux, je le savais que trop bien. Pour autant, même avec la volonté d’échapper aux souvenirs, je me remémorais la soirée qui avait suivi chez moi après que nous avions quitté la gare. Je l’avais soignée, puis s’en était suivi une longue discussion jusqu’au milieu de la nuit. J’avais commandé à manger, parce que rien ne pouvait entamer mon appétit, et nous nous étions endormies d’un sommeil réparateur et consolateur.
La tête un peu penchée sur le côté, le sourire en coin figé sur les lèvres, je regardais Nico en m’accoudant.

— Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens ? Raconte-moi.

Inutile d’évoquer les faits d’actualité, tout le monde en parlait déjà, et si j’étais inquiète pour la sécurité du jeune homme, ce n’était pas pour autant que j’avais envie de retourner le couteau dans la plaie, d’autant plus que je l’avais deviné nerveux et contrarié. Autant parler des choses qui faisaient du bien !
Mon regard fut dévié uniquement quand le serveur nous apporta la carte. Je la parcourais discrètement pour rester attentive aux dires de Nico.

 

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Mer 19 Avr - 14:00
Tancred posa le menton au creux de sa main, le coude appuyé sur la table, comme il écoutait son interlocutrice lui faire le récit de ces dernières semaines. Il souriait volontiers à ses remarques, acquiesçant d'un air compatissant s'agissant de son piteux sens de l'orientation ou l'encourageant d'un haussement de sourcil intéressé quand elle évoquait ses excursions.
Toutes ces aventures lui évoquaient ses jeunes années, en particulier toutes ces vacances passées en compagnie de ses amis de la faculté. C'était moins fréquent maintenant, cela dit. La plupart de ses vieilles connaissances travaillaient, ou bien avaient une famille. Ils ne pouvaient plus partir au pied levé comme autrefois.  

« Ah tiens, tu as quelqu'un ?

Fit-il, l'air de rien, réagissant à sa conclusion. Voilà bien une pièce d'information qui lui éviterait de se faire des nœuds au cerveau. Tancred vivait bien leur séparation, mais comme ils ne s'étaient pas tellement vu depuis, l'homme peinait encore un peu à trouver le bon équilibre dans leurs rapports.
Par habitude, il était tenté de faire un geste dans sa direction : lui toucher la main, ce genre de choses. Il n'en attendait rien, c'était simplement de cette façon qu'ils s'étaient toujours côtoyés. Il fallait juste qu'il se réajuste et prenne de nouvelles habitudes. De savoir qu'elle n'était plus disponible était probablement tout ce dont il avait besoin pour se remettre les idées en place. Mais comme elle lui retournait déjà sa question, il n'y pensa plus.

« Moi ? Hé bien...
Il reporta brièvement son regard sur la façade vitrée du pub, avisant le passage d'un passant quelconque. Sans doute songeait-il à sa réponse, car dans les faits, c'était un peu compliqué à résumer sans mettre les pieds dans le plat.
« Je... Pas grand chose non plus ! Il tourna de nouveau la tête dans sa direction et eut un petit rire un peu embarrassé. Juste... La vie dans tout ce qu'elle a de banal et ennuyeux. Hum.

Le serveur venait de leur apporter la carte et il en profita pour s'échapper temporairement entre les lignes des plats proposés. Cela dit, comme il avait déjà déjeuné, ce fut rapide. Il décida de s'en tenir à une part de cheesecake (par gourmandise) et un café.

« Je travaille toujours beaucoup. Poursuivit-il. Sinon, hum... Hé bien, je suis retourné vivre chez mes parents.
Comme il s'attendait à une réaction au moins étonnée de la part de Lyllyah, il s'empressa de fournir une justification.
« Ils sont assez inquiets à cause de ce qui se passe en ce moment et donc ça les rassure. Dit-il. Toute ma fratrie est revenue d'ailleurs. Je t'avoue que c'est un peu étrange... De revenir à trente ans, je veux dire.

Tancred avait peu parlé de sa famille à Lyllyah, pour des raisons assez évidentes. Il lui avait néanmoins raconté qu'il était parti dès l'âge de dix huit ans, afin de poursuivre ses études supérieures. Elle savait aussi qu'il avait un grand frère et deux sœurs plus jeunes. Pour le reste, il s'était contenté d'embellir un peu la réalité en décrivant son milieu d'origine comme très bourgeois, avec des mœurs traditionnelles assez strictes.
Cette version était bien pratique. La plupart du temps, ses petites amies comprenaient qu'il ne les invite jamais à voir ses parents (même si cela finissait par poser problème à la longue). Le contraste entre cette présentation et sa propre personnalité laissait entendre qu'il ne s'entendait pas tellement avec eux. Cela lui évitait de paraître suspect en refusant d'aborder le sujet en bloc.
Voilà donc à peu près ce qu'en savait Lyllyah. Mais pour lui qui espérait éviter d'évoquer l'actualité, c'était raté : tant-pis.

« J'imagine que tu ne peux pas trop en parler, mais...
Tancred savait qu'il s'aventurait sur un terrain miné, mais puisqu'il y était, il décida de tenter son coup quand même. Ce n'était que Lyllyah, après tout (une moldue comme les autres, pas vrai ?). Il tenait à cette femme, quoi qu'on en dise et avait besoin de se rassurer sur certaines choses.
« Est-ce que ça va ? Je veux dire, par rapport à ton boulot et tout ce qui se passe. J'ai beaucoup pensé à toi, justement... A cause de tout ça.
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Mer 19 Avr - 16:48

Ah, mais c'était hier
Septembre 2021

Mon regard pétilla de malice à sa question. Pourquoi cela l’intéressait-il ? Nous avions tous les deux que notre histoire commune n’était vouée qu’à l’échec. Nous avions bien trop de différences lui et moi, et quand bien même nous nous apprécions, il n’y avait pas les mêmes sensations que j’avais connues avec ma toute première relation anglaise. À bien y songer, je ne le ressentais pas non plus avec Lucy, mais peut-être était-ce normal ? Je n’y connaissais rien en amitié et encore moins en amour alors pourquoi trop me questionner ? Je laissais les choses faire et venir, je profitais de l’instant et voilà tout. Ainsi, la curiosité de Nicodème m’intrigua autant qu’elle m’amusa et se fut simplement et sans détour, comme d’habitude, que je lui répondis.

— "Avoir quelqu’un", c’est super possessif ! J’élargissais mon sourire. Si par-là tu demandes si je suis en couple, ben, non. On flirt, on s’amuse, voilà tout.

Peut-être que le fait que je change mes mains de positions ou que je fixe moins franchement mon interlocuteur du regard pouvait interpeller, moi en tout cas, je ne prenais pas garde à mon langage corporel, pour une fois. Je me contentais d’un haussement d’épaules détaché.

— On verra où ça nous mène. Comme pour toi et moi quoi.

Je lui fis un petit clin d’œil avant d’écouter son récit qui, ma fois, était plutôt captivant. S’il prétendait qu’il n’y avait pas grand-chose à raconter, je pensais l’inverse. Le fait qu’il travaille toujours autant ne m’étonnai guère, surtout après l’avoir vu plongé dans ses recherches dans le parc, pour autant, qu’il soit retourné chez ses parents m’étonna à ce point que j’eus un haussement de sourcils significatif. Il ne me laissa toutefois pas le temps de réagir davantage qu’il anticipa et me fournit quelques menues explications.
Ah. C’était donc ça. Les récents événements. Ces événements auxquels je participe dans l’ombre pour nettoyer le pays de la race sorcière et permettre à tout le monde de dormir sur ses deux oreilles. La guerre était sale, elle l’était toujours, et j’étais de ceux qui ne craignaient pas de se salir les mains pour protéger son prochain. Si, dans le lot, je pouvais protéger Nico, alors, je continuerais avec toute la ferveur dont j’étais capable. Je ne doutais pas de ma cause, loin de là, je doutais de la capacité de certaines personnes à gérer la situation. Non pas que je me prenne pour un leader, grand Dieu quelle erreur, et même si j’étais le parfait soldat qui exécute les ordres, je savais reconnaître un bon dirigeant quand j’en voyais un… et ceux du Blood Circle ne m’avaient, pour le moment, pas du tout séduit. Tout le moins, ceux que j’avais rencontrés.
Quoiqu’il en soit, la réaction de la famille de Nicodème était le parfait reflet de ce que je redoutais pour tout la population qui ne pouvait pas se défendre. Ils se rassemblaient pour avoir l’illusion de contrôler la situation, de pouvoir se protéger alors qu’ils n’empêchaient personne de sortir. Si le couvre-feu m’avait emmerdée, il avait tout de même son utilité pour ça, et la famille de Nicodème devait en être fort aise.

— La situation inquiète beaucoup de monde, on l’a vu en venant ici. Ça fait chier d’ailleurs, mais bon, c’est comme ça ma fois.

Nouveau haussement d’épaules pour montrer un certain détachement que je n’avais évidemment pas. Le fait que je retrouve un peu de mon sérieux témoignait que la situation ne me séduisait pas. Après tout, qui ne rêvait pas de paix ? Mais voilà, l’adversaire sorcier était particulièrement tenace, et ce serait sans doute une guerre qui durera des dizaines d’années, j’en avais peur. Gardant pour moi cette réflexion pour ne pas inquiéter davantage mon interlocuteur, je repris calmement.

— Tu m’étonnes que ça doit faire bizarre, je me vois mal revenir dans l’orphelinat où j’ai grandi. Mais, tu es quand même content d’avoir ta famille auprès de toi ou même pas ? Tu arrives un peu à bosser malgré les circonstances ?

Je savais qu’avec les livres et l’aide merveilleuse d’internet, Nicodème n’avait pas sans cesse besoin de se trouver dans un bureau spécifique pour travailler. Une idée germa alors dans mon esprit. Une idée que j’avais déjà proposée à quelqu’un une fois, et qui l’avait décliné.

— Si tu veux, si ça te fait trop bizarre, tu peux venir chez moi. Puisque je suis pas mariée et sans enfant, j’ai souvent mes services la nuit, tu seras tout seul la journée, et ça pourrait être bien pour Radar. Je retrouvais mon sourire et enfonçais mon menton dans la paume de ma main. Bon, c’est petit, mais on se serrera. Enfin, je t’oblige pas, mais la proposition est donnée.

Peut-être que je manquais régulièrement de tact quand je parlais et que je possédais une certaine indélicatesse, pour autant, j’étais serviable et je me souciais de ceux que j’avais appris à connaître, à défaut de les apprécier amicalement ou plus.
Une fois la carte sur la table, je la parcourais comme si je ne la connaissais pas déjà par cœur. Mon choix s’arrêta rapidement sur une salade de crudité, un grand verre d’eau et un cheesecake pour le dessert. Malgré les habitudes culinaires un peu particulières des Anglais, je faisais toujours attention à manger de manière équilibrée pour ne pas foutre en l’air toute ma forme physique, ce qui, après tout, était mon outil de travail.
Quand Nicodème commença une phrase, je déposais mon regard gris, nuancé de vert dans ce pub bien éclairé par le soleil. Sa question m’arracha un sourire, et, comme lors de notre relation, sans gêne et sans calcul, je vins lui prendre la main en lui serrant doucement les doigts.

— C’est gentil de t’inquiéter pour moi. Je vais bien. Je ne peux pas dire que tout va bien au boulot, on est pas mal sur le qui-vive, l’ambiance est assez électrique, mais ça va. On se tient prêt.

Mon sourire fut bienveillant, car j’avais à cœur de le rassurer. L’armée agirait s’il le fallait, et le Blood Circle aussi. Quand le serveur revint vers nous, je ne cherchais pas à lui lâcher la main et pris commande le plus naturellement du monde. Lorsqu’il repartit, je croisais les jambes pour me mettre à mon aise.

— Faut pas t’en faire. Essaie de plutôt penser à ta sécurité et à ta famille, et si tu vois quelque chose de suspect, tu peux toujours me le signaler.

Les épaules déployées, le regard franc, je prouvais à Nico que tout allait bien tout en fermant une nouvelle fois ma lecture corporelle pour ne lui donner aucune information que je ne disais pas. Je pris ensuite une gorgée du verre d’eau qu’on venait de nous apporter, ce qui me fit perdre le contact physique avec Nico, puis je changeais de sujet.

— Et toi alors ? Tu as retrouvé quelqu’un à fréquenter ?
 

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Mer 19 Avr - 19:20
Tancred n'avait pas surenchéri au sujet de la vie sentimentale de Lyllyah. Il se contenta de lui rendre son sourire d'un air tout à fait innocent, tentant de faire passer l'idée à travers son attitude qu'il ne s'agissait que de simple curiosité. Ça, comme le reste, faisait partie de ces sujets sur lesquels il était curieux de prendre des nouvelles (toute la complexité de ses propres émotions mise de côté).
Enfin, l'homme constatait une fois de plus qu'en effet, leur vision des relations amoureuses différait drastiquement (il apprécia la piqûre de rappel). Cela faisait partie des raisons de leur séparation d'ailleurs : Tancred n'aimait pas trop l'incertitude. Ce n'était pas un grand séducteur, encore moins un bourreau des cœurs et sa nature un brin anxieuse avait besoin d'être rassurée par des promesses d'éternité et de grandes déclarations les yeux dans les yeux. Il aimait l'engagement et recherchait même activement ça chez les autres, très heureux d'écoper de quelques responsabilités dans le processus. Forcément, on comprenait bien que ça ne colle pas trop avec des esprits plus libres.

Enfin, ce sujet mis de côté, il s'était laissé aller à un récit assez condensé de ce qui lui était arrivé dernièrement. Lyllyah avait l'air de trouver tout ça absolument palpitant, donc il osa entrer un peu dans le détail, même si cela le poussait à effleurer des sujets sur lesquels il préférait rester évasif d'habitude.
Tancred ne se sentait pas tellement inquiet au quotidien, en ça il partageait le fatalisme détaché de Lyllyah. Cela dit, il n'était pas résolu pour autant et encore moins indifférent à tout ce qui se passait. Seulement, il voyait la chose à travers son regard d'historien. Cela lui donnait un peu de distance par rapport aux événements, un peu de hauteur, tout en lui évitant de se laisser ronger par l'anxiété, comme sa pauvre mère.
Il s'inquiétait tout de même de voir la situation empirer. L'histoire du vingtième siècle était assez riche en ce sens et renseignait largement sur ce que ce genre d'idéologie pouvait donner en matière d'horreurs inhumaines. Le Blood Circle, les Mangemorts et même l'Ordre du Phénix apparaissaient comme des mouvements minoritaires, tenus par des activistes motivés, des formations trop petites pour atteindre l'ensemble de la société, mais les gouvernements des deux bords ne paraissait pas spécialement intéressés d'interrompre leurs activités. Il n'y avait aucune raison pour que ça s'arrête, tel que c'était parti.  

« Oh, oui... Si, bien-sûr. Répondit-il, comme elle l'interrogeait sur ce que ça lui faisait de revenir vivre là où il avait grandi. Non, non, j'adore ma famille, mais... À petite dose, c'est tout.
Il esquissa un sourire.
« Pour travailler je suis aussi bien dehors.

La proposition de la jeune femme le prit un peu de court, en revanche. Il eut un petit haussement de sourcil et lui jeta un regard en biais.

« T'es gentille. Fit-il doucement. Mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Enfin, je veux dire, ça risque d'être compliqué avec tout mon bazar et...
Et quoi d'ailleurs ? Tancred n'était même pas certain de bien le savoir lui même.
« Enfin, merci de proposer. J'y songerais. Si je suis vraiment en galère, un jour. On ne sait jamais.

La course de son regard dévia bientôt sur leurs mains entrelacées, comme il écoutait Lyllyah le rassurer. Il eut un petit soupir silencieux et fit pivoter son poignet, de sorte à pouvoir saisir sa paume plus franchement. Tout ceci ne lui plaisait pas, non, mais il tâcha de ne pas trop y penser.
Au fond, ce qui lui brisait le cœur, c'était de savoir qu'ils n'appartenaient pas au même camp. Elle croyait réconforter un moldu en ce moment... Quelqu'un qu'elle aurait à cœur de protéger si les choses venaient à mal tourner, alors qu'en vérité, il se situait de l'autre côté. Cette réalité, ce mensonge, lui faisait l'effet d'une brûlure acide dans la poitrine. Il n'aimait pas ça du tout.

« Bien sur...
Se contenta-t-il de répondre, l'air presque absent, quand elle lui rappela qu'il pouvait faire appel à elle en cas de pépin.

Mais voilà que le serveur s'en revenait déjà avec leurs commandes, provoquant un nouveau changement de conversation. Tancred attrapa sa petite cuillère et se mit à étaler le coulis de framboise au sommet de son cheesecake de manière mécanique (de parler de tout ça lui avait un peu coupé l'appétit). Son menton retrouva sa place au creux de sa paume.

« Moi ? Non... Non, non. Dit-il, à propos de ses amours. C'est pas vraiment la priorité, en ce moment, je t'avoue.
Il coupa le bout de sa part mais ne la mangea pas.
« Et puis à mon âge, mes parents voudraient bien que je me marie, tu vois.

Tancred avait vaguement évoqué les mœurs particulières de ses parents s'agissant du mariage, mais sans entrer trop dans les détails, car on touchait à une différence culturelle vraiment, vraiment très importante entre les moldus et les sorcier de sang-pur.
L'idée d'un mariage arrangé était quelque chose de choquant pour le tout venant, même les sang-mêlés comprenaient mal que l'on perpétue des traditions aussi poussiéreuses. Pourtant, cela se faisait encore beaucoup (on imagine qu'il y aurait encore moins de sang-purs sans cela).
Donc pour préserver son image de normalité (relative), il s'était contenté de dire à Lyllyah qu'on lui mettait la pression, qu'on l'incitait à se stabiliser et qu'on lui posait la question des enfants à la moindre occasion. Ça, c'était encore assez courant peu importe le milieu d'origine.

« Cela dit, même sans tenir compte de leur avis, je préférerais plutôt tomber sur quelqu'un de sérieux. Enfin... Tu le sais déjà, ça. Il eut un petit souffle du nez. Je n'ai pas trop peur du « possessif ».

Il la taquinait en faisant référence à ses propres mots, un peu plus tôt. Tancred était comme il était, mais cela n'ôtait rien au fait qu'il avait tout un univers d'émotion à combler, à l'intérieur (comme tout le monde). Être seul ne le dérangeait pas forcément, mais il demeurait une nature très douce et sensible, donc tout ce qui avait trait à l'affection comptait beaucoup pour lui. Il espérait vraiment rencontrer quelqu'un de bien, un jour. Mais si cela devait prendre plusieurs années... Hé bien, il attendrait. Pas besoin d'aller trop vite.

Comme il n'avait rien à ajouter là dessus (pour le moment), il s'occupa enfin d'entamer son cheesecake et, à en croire son expression, il était pas mal du tout.
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Jeu 20 Avr - 11:14

Ah, mais c'était hier
Septembre 2021

Je ne pouvais qu’acquiescer aux dires de Nicodème concernant sa famille, car dans le fond, je ne pouvais que m’imaginer la situation puisque j’étais sans proches auprès de qui vivre. D’ailleurs, personne ne semblait vouloir vivre avec moi. D’abord Lilibeth avait refusé et maintenant Nicodème déclinait aussi de manière très polie. Qu’importe ! J’étais bien toute seule et ça n’entamerait pas ma bonne humeur habituelle. Mon enfance et mon adolescence m’avaient bien montré que je n’étais pas faite pour vivre en société, et mon métier était parfait pour ça.
Sans m’attarder sur le sujet, je lui répondais de manière machinale et évasive concernant mon travail. Tenue par le secret militaire et celui du Blood Circle, je refusais de partager à quiconque les informations que je détenais. Autant je préférais en parler à Sofiane ou à Lucy qu’avec Nicodème, aussi pour le protéger.

Nos mains jointes furent séparées uniquement lorsque le serveur déposa les commandes. L’aspect de ma salade de crudité me mit immédiatement l’eau à la bouche et se fut sans me faire prier que je piquais déjà une tomate. Je jetais un œil sur l’homme en face de moi qui semblait plongé dans ses pensées en versant le coulis de framboise sur son cheesecake. Parler de sa famille et de l’actualité semblait avoir atteint son moral, et dans le fond, ça ne me surprenait pas. Ça pouvait entamer le moral de n’importe qui, même le mien, car c’était bien ce qui se passa après les événements à la gare. Une fois seules avec Lucy, nous avions beaucoup discuté des motivations, des dangers, des éventualités, bref, nous avions refait le monde. L’appréhension d’un futur incertain avait de quoi inquiéter n’importe qui, surtout en temps de guerre. Même moi, bien qu’habituée à la chose, je ne pouvais m’empêcher de craindre pour les personnes avec qui je passais du temps, comme Lucy, Nicodème ou encore Lilibeth.
Voilà pourquoi je préférais revenir à un sujet simple, à savoir, nos amours. Si amours nous pouvions parler. Qu’est-ce que l’amour ? Grande question philosophique de ma vie.

— Ah, et c’est quoi tes priorités en ce moment ?

En revanche, quand il évoqua sa famille et le mariage, je ne pus m’empêcher de grimacer. Voilà qui me rappelait l’une des raisons de notre séparation à l’époque : les motivations de sa famille. Si je pouvais entrevoir de me marier, potentiellement, à la limite de l’éventuelle, fonder une famille, ce n’était vraiment pas dans mes projets. Adopter, pourquoi pas un jour, mais pas prochainement, et tomber enceinte encore moins. Me couper de mon travail et de mon sport était la pire chose qui pouvait m’arriver au monde, je l’avais d’ailleurs déjà assez redouté après l’explosion qui m’avait coûté mes tympans.
Nicodème m’avait assez parlé de sa famille pour que je devine que ses parents ne se contenteraient pas uniquement du mariage. De plus, j’avais du mal à comprendre pourquoi un parent voudrait absolument marier son enfant au détriment de son bonheur conjugal. Le bonheur de chacun n’était-il pas suffisant ? ça avait été source de grande discussion entre Nicodème et moi, et, malgré toute l’affection que j’avais pour lui, je n’étais pas parvenue à imaginer un tel avenir avec lui. Pas si vite. Pour autant, il avait eu la délicatesse de ne jamais me mettre la pression, et il avait été préférable que nous arrêtions tout avant que les choses ne s’enveniment.

— Je vois oui, je m’en rappelle vaguement.

Mon ton était ironique bien sûr, cela ne m’empêchait pas de plaisanter. Je piquais mes crudités avec ma fourchette pour enfourner le tout dans ma bouche avec un délice non feint. Manger, c’était merveilleux. Dans un sourire complice, je ricanais à sa réplique.

— Hey, j’étais sérieuse moi ! Enfin… la plupart du temps. Un rire m’échappa en songeant à toutes les facéties que j’avais fait vivre à Nicodème. En tout cas, j’espère que tu parviendras à trouver ton bonheur, quel qu’il soit.

Je pris une gorgée d’eau avant de m’accouder sur la table, laissant de fait mes couverts.

— Tu parais pas mal préoccupé, qu’est-ce qui se passe ? C’est uniquement à cause de l’actualité et de ta famille, ou est-ce qu’il y a autre chose ?

Je repris une bouchée de ma salade déjà bien entamée.

— Enfin, je te force pas, mais tu sais que tu peux tout me dire.

C’était vrai. L’avantage dans le fait que je sois énormément détachée était que, justement, les situations m’atteignaient que peu. Je n’étais pas du genre à piquer des crises, à m’offusquer ou à bouder. En revanche, je disais ce que je pensais sans détour et ça, ça pouvait être maladroit. Pour autant, j’étais une confidente sur qui il était possible de compter puisque j’étais entraînée à résister aux interrogatoires intenses, et que, justement, les informations ne m’impactaient pas, pour la plupart du temps. Pour faciliter la discussion, je suggérais, après avoir regardé par la fenêtre du pub.

— On peut aller se promener tout à l’heure si tu veux, j’ai toujours ma moto… ou on va dans un musée si tu as besoin pour tes recherches.

Non pas que j’appréciais spécialement les musées, mais j’avais la curiosité de m’y rendre de temps en temps, au moins pour me renseigner et apprendre des choses sur notre passé commun. À bien y réfléchir, c’était à se demander s’il n’y avait pas la solution à tous nos problèmes avec les sorciers là-bas, dans un musée, au milieu des animaux empaillés et des vieilles pierres.

 

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Jeu 20 Avr - 19:12
Tancred s’extirpa de ses songeries lorsque Lyllyah l’interrogea sur ses priorités. Il lui jeta un regard furtif et esquissa un sourire, ramenant néanmoins bien vite son attention sur sa petite cuillère.

« Bonne question. Fit-il après quelques secondes de réflexion. À vrai dire, je n’en sais trop rien. Travailler sur mon livre, je suppose.

S’habituer à son nouveau quotidien était sans doute une réponse un peu plus honnête, mais il n’avait pas envie d’avoir l’air de se lamenter sur son sort. Du reste, Lyllyah n’était peut-être pas la meilleure personne à qui parler de tout ça. Elle ne pouvait pas vraiment comprendre tous les enjeux d’une telle configuration, ce dilemme permanent qu’il ressentait, à vouloir plaire à ses parents tout en vivant sa vie d’une manière qui lui correspondait davantage, éloigné des traditions rétrogrades et de l’entre soi suffoquant de son milieu d’origine.
Bien entendu, il ne lui en faisait pas le reproche : c’était quelque chose qu’il devait régler lui même. Tancred n’était plus un enfant, ni même un adolescent. Il faisait ses choix et voilà tout. Partager toutes les subtilités de ses états d’âmes ne lui paraissait pas forcément nécessaire. Encore moins s’agissant des affaires internes à la famille Black.

Ainsi, il se contenta de laisser échapper un petit rire, comme elle ironisait. Et quand elle contesta son diagnostic, il la provoqua encore à la force d’un sourcil relevé dubitatif qui disait tout. Au fond, Tancred aimait bien cet aspect de la personnalité de la rousse : avec elle, tout paraissait simple, la vie était légère et joyeuse. Ça lui faisait du bien.

« Mais toi aussi.

Répondit-il d’un entrain renouvelé, comme elle priait pour son bonheur. La chose était d’ailleurs peut-être déjà engagé pour elle, qui sait.

À ce moment de la conversation, Tancred retrouvait un peu de sa légèreté. Il avait d’ailleurs attaqué son dessert et ne pensait plus qu’au sucre. Aussi fut-il un peu étonné de voir Lyllyah tout à coup si soucieuse. Il songea qu’il avait dû laisser paraître un peu trop de nervosité depuis le début de leur échange. La jeune femme était du genre observatrice, quoi qu’on en dise et puis elle le connaissait quand même un peu.

« Heh, désolé. Dit-il. Je t’assure que tout va bien.
Il sourit d’un air rassurant pour appuyer son propos.
« Je suis peut-être seulement nerveux de me retrouver face à une jolie rousse toute couverte de sueur. Ou alors c’est le coulis de framboise. Je ne sais pas.  
L’humour était toujours le meilleur échappatoire. Il lui fit un clin d’œil et pouffa, bien conscient des limites de ses talents de séducteur (et de son sens de l’humour, par extension). Cette inquiétude soudaine lui paraissait tomber comme un cheveux sur la soupe et il ne savait trop qu’en faire (même si il appréciait de faire l’objet d’un tel élan de sollicitude, évidemment).
« Vraiment, ça va. Réaffirma-t-il d’un ton plus sérieux, cette fois-ci. Si ça n’allait pas, je te le dirais. Promis.  

Il aurait voulu que ce soit vrai, mais la réalité était toujours un peu plus compliquée que ça. Enfin, l’intention y était en tout cas. Dans une autre vie, peut-être.

« Va pour la balade.
Enchaîna-t-il ensuite, content d’en revenir à des considérations plus simples. Les deux jeunes gens ne tarderaient pas à finir leur repas de toute façon. À ce stade, il ne restait déjà plus grand-chose de son cheesecake et il avait avalé son café d’une seule traite.
« Et si tu me racontais comment tu as fini arrêtée par la police ?
Reprit-il alors, le regard pétillant de malice, par anticipation (une anecdote pareille, c’était de l’or en barre).
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Jeu 20 Avr - 21:02

Ah, mais c'était hier
Septembre 2021

L’amusement non feint qui étirait les traits de mon visage montrait clairement à Nicodème que je me moquais de lui quant à ses nombreuses priorités dont il n’avait pas conscience. Pour ça au moins, nous étions faits du même bois : des carriéristes. En cela, nous nous étions parfaitement entendus sans jamais tenir rancune à l’autre de trop travailler lors de notre courte relation. À son souhait de me voir heureuse, je lui rendis son sourire non sans arrêter de manger. J’étais affamée, une véritable ogresse, et dans le fond, quoi de plus normal ? C’est qu’il en fallait du carburant pour suivre mes entraînements et ma jovialité. Nico m’avait déjà vu avaler le double voir le triple de la portion que je mangeais là, et je ne prenais pas un gramme puisque j’éliminais toutes les heures qui suivaient. Si on pouvait me reprocher beaucoup de choses, j’étais irréprochable quant au traitement de mon corps. Non pas que je prenais soin de mon apparence, je me fichais de paraître jolie aux yeux des autres, d’ailleurs les guenilles qui m’habillaient en témoignaient. Pour autant je faisais attention de toujours être dans une forme olympique, prête à intervenir en n’importe quelle circonstance. J’étais une bombe à retardement.

Le sérieux retrouvé, je fixais mon ex petit-ami sans détour en écoutant sa réponse. Certes, je pouvais paraître tête en l’air, mais je savais observer et interpréter le langage corporel. Ses sourires aux airs rassurants ne me bernèrent pas totalement, mais puisque je n’étais pas du genre à insister, à être indiscrète ou encore à me mêler de ce qui ne me regardait pas quand je ne travaillais pas, je laissais couler.

— Onw, flatteur, ça te rappelle des souvenirs sympas à toi aussi ? Un énorme sourire fendit mon visage en deux. Je te fais un p’ti câlin si tu veux ?

À lui d’interpréter si la proposition était sérieuse ou non. Quoiqu’il en soit, pour pousser la plaisanterie, je le lorgnais de bas en haut avec une œillade un peu enjôleuse.

— Cela dit, j’ai aussi du bon matos sous les yeux, c’est sympa.

Pas de chichi entre nous. Nous nous étions explorés dans tous les sens du terme, ce n’était pas maintenant que nous allions parler chastement. Enfin, il ne me semblait pas, pourquoi le ferais-je ? Mon côté désinhibé prenait largement le dessus et je roulais des épaules non sans éclater de rire.

Manger ?
La salade ?
Non, lui ?
Je préfère l’autre.
Y retourner ?
Juste goûter.
Encore une fois.
Une dernière fois.


Feignant de ne pas entendre ce tintement striant qui me vrillait la tête, je m’accoudais en me massant un peu la tempe de l’index et du majeur.

— D’accord, je te crois. Promis.

Je plissais des paupières en fixant ses lèvres pour essayer d’y lire une éventuelle réponse. Saloperie d’acouphène, pourtant, j’avais pris mes médicaments… mais peut-être fallait-il que je retourne chez le doc pour réviser mes appareils. Quelle connerie.
En devinant qu’il était motivé pour une balade, je levais un pouce victorieux à son encontre avant de rapporter mon cheesecake devant moi, ma salade n’ayant pas fait long feu. Je terminais mon bout de pain, en bonne suissesse que j’étais, avant de faire teinter ma cuillère sur mon assiette en entendant sa question. Mes acouphènes avaient le don de m’emmerder toujours quand il ne fallait pas. Pour autant, je ricanais en souvenir à cette journée saugrenue.

— Ah, putain…

Je croisais les jambes en m’adossant tout à fait à ma chaise, laissant un petit sursis à mon dessert. Menton relevé, je fixais le plafond comme si j’y voyais les images de mon arrestation défiler devant moi.

— Je me baladais tranquillement dans la rue quand j’ai voulu arrêter une voleuse de sac à main. Évidemment, je l’ai rattrapé et j’ai voulu le rendre à sa propriétaire, mais la police a débarqué de nulle part et m’a passé les menottes en me prenant pour quelqu’un d’autre. Une civile qui était là avait pris mon intervention comme une agression. Je me suis retrouvée au trou en compagnie d’une gosse de genre quinze ou seize ans, elle aussi accusée à tort.

Un rire nerveux m’échappa en songeant à Octavia, sa tête en sang parce que les policiers l’avaient plaquée au sol, la pauvre. Je reprenais.

— Deux policiers incompétents nous ont interrogés en nous prenant pour quelqu’un d’autre, un groupe de voleuses de bas étage. Ils se sont fiés à des images pourries sur des caméras de surveillances pourries. On avait de commun que la coupe de cheveux éventuellement tu vois. Ils n’ont même pas pris le temps de vérifier nos identités, je te jure, j’ai vu rouge. C’est pas possible de mettre des cons pareils sur le terrain !

Mon ton se durcissait. Nico savait à quel point mon travail me tenait à cœur, et être confronté à des incapables me révoltait très vite.

— Bref, on a fini par appeler un proche pour vérifier nos identités après moult interrogations inutiles. C’est là que Lucy s’est ouvertement foutue de ma gueule.

Mes traits s’étirèrent dans un air contrit, pour autant, je souriais parce que Lucy et moi passions notre temps à nous chambrer. Elle ne perdait rien pour attendre ! Je reposais mes yeux gris-vert sur Nicodème.

Vas-y, moque-toi aussi, tant que j’y suis hein !

Je ricanais en prenant enfin une bouchée de mon cheesecake. Il semblait difficile aujourd’hui d’entamer ma bonne humeur. Une nouvelle bouchée de mon dessert dans la bouche, je bondis légèrement sur ma chaise comme frappée subitement par la foudre.

— Oh, au fait, dis-moi ! On sait comment quand on est ami avec quelqu’un ou qu’on est amoureux ? Toi qui étudies beaucoup, tu dois savoir ça, nan ?

Mon sourire fut provocateur, pour autant, la question était très sérieuse. Je me permettais de rajouter de manière éhontée.

— C’est pour une amie.

Évidemment que non, d'où ma question, et je savais que Nico ne serait pas dupe. Même si nous n’avions pas passé beaucoup de temps ensemble, il me connaissait assez pour avoir appris mes lacunes sociales et les difficultés que j’avais à ressentir des choses pour les autres. Non pas que je me l’interdisais, juste que je n’en avais pas conscience parce que je ne connaissais pas les sensations, on ne m’avait jamais appris à les reconnaître. Voilà des semaines que la question me turlupinait, et dans l’optique d’arrêter de me prendre la tête avec ça, il me fallait enfin une réponse une bonne fois pour toutes. Je savais que la réponse de Nicodème serait sincère.

 

PRETTYGIRL



I'm insane
I lost myself. My mental health ☽ I turned into a killer. I'll cry you a river. Down the drain. Are you entertained?.

Comme si c'était hier [Tancred] VLz1kzT
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Mer 26 Avr - 21:51
Tancred s’abstint de répondre aux taquineries de la rousse autrement que par des regards entendus. Flirter un peu avec Lyllyah ne le dérangeait pas dans le principe, mais il estimait qu’il valait sans doute mieux éviter de trop jouer avec le feu, ou bien les limites qu’il s’était imposé finiraient par voler en éclat.
Je jeune homme savait bien qu’une relation romantique n’avait aucun avenir avec elle, mais il restait un homme (avec un cœur) et n’était pas fait de bois. Ses émotions pouvaient toujours reprendre le dessus, si on les piquait de trop, quand bien même saurait-il dans son fort intérieur que cela ne mènerait à rien.
C’était bien tous l’enjeu d’une rupture d’ailleurs : ramener les choses à une distance convenable. Une œillade complice et un sourire, donc.    

Du reste, il venait de remarquer des signes d’inconfort chez la jeune femme.
« Ça va ? S’enquit-il. Encore tes acouphènes ?
Il lui offrit un sourire désolé. Quoi qu’il arrive, Lyllyah savait qu’elle pouvait lui demander à tout moment de changer d’endroit, ou quoi que ce soit qui l’aide à se sentir mieux.

Enfin, puisque ça avait l’air d’aller, il l’écouta raconter son anecdote, l’air franchement diverti.
« Heh, non… Non, non, je n’oserais jamais. Répliqua-t-il en s’empêchant de sourire (de trop). Non, je trouve ça dingue. On dirait un scénario de série télé.
Il la taquinait sans méchanceté. La vérité, c’était qu’en effet, il connaissait bien l’importance qu’accordait Lyllyah au professionnalisme et au respect des lois. Il imaginait sans mal l’état de révolte dans lequel tout cela avait dû la plonger. Cela dit, il n’eut pas vraiment le temps de verbaliser tout ça qu’elle le relançait déjà sur un tout autre sujet, lequel le prit un peu de court de par son caractère à la fois très intime et inattendu.

« Pour une amie, oui, huhun… Fit-il en envoyant son regard scruter on ne sait quoi du côté du bar. C’est pas facile comme question, comme ça, à froid.
L’historien reporta son attention sur son assiette, désormais vide. Il la repoussa d’un petit geste de la main, afin de pouvoir étendre ses avant-bras sur la table, croiser les doigts et prendre cet air songeur qu’il avait lorsqu’il se mettait à cogiter sévèrement.
« Je serais bien tenté de te dire qu’en général, on le sait, mais ça ne va pas t’aider…  

Tancred esquissa un sourire empreint de tendresse, comme il fichait son regard dans celui de la rousse. Il l’observa ainsi pendant quelques secondes avant de poursuivre.
« Quand il est question d’amour, on parle souvent de certaines sensations… Au début, on a tendance à être complètement enchanté par l’autre personne : on ne pense qu’à elle, on a tout le temps envie d’être avec elle, ce genre de choses…
Il marqua une très courte pause et reprit de plus belle.
« Mais… Pour moi, l’amour, ça se rapproche plutôt d’une relation que l’on construit à deux et qui se renforce avec le temps, quelque chose qui procède d’une envie d’avancer dans la vie ensemble, tu vois.
Alors… Pourquoi cette personne plutôt qu’une autre ? Hé bien, ça… Il y a toujours un peu de mystère là dedans, mais ça se joue souvent au fait de partager les mêmes valeurs, d’avoir des caractères compatibles, d’être spirituellement et sexuellement attiré l'un par l'autre.  

Tancred venait de poser le menton au creux de sa main. Il se prêtait volontiers au jeu, mais comme il n’avait jamais tellement pris le temps de conceptualiser la chose (parce que ça se faisait assez naturellement pour lui), il brodait un peu au fur et à mesure.
« Ce que je sais, c’est que dans le meilleur des cas, la personne dont on est amoureux nous procure un sentiment de sécurité qui n’a pas son pareil avec les autres types de relation. On se sent généralement compris et plus jamais seul.

Il aurait probablement pu continuer à élaborer encore sur le sujet pendant un long moment, mais il préféra marquer une pause.
« Ça te parle tout ça ? Lui demanda-t-il. Ce n’est que mon avis subjectif, en tout cas. Ça n’a pas valeur de vérité.
Tancred avait bien compris qu’il n’y avait pas de mystérieuse « amie » dans cette histoire (évidemment). Il supposait que cela avait à voir avec la relation actuelle de Lyllyah.
« Tu ne t’étais jamais tellement posé la question avant, si ? Fit-il. Pourquoi c’est le cas maintenant ?
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Comme si c'était hier [Tancred]
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