Pendant les vacances, j'aimais retrouver Rose pour m'amuser avec elle. On pouvait passer des heures, tous les deux, à jouer dehors et à parler de tout. J'aimais bien Rose, c'était une chouette copine, même si c'était une fille... D'habitude, les filles étaient un peu nulles, avec leurs jeux pas très amusants, mais Rose, elle n'était pas comme les autres filles de notre âge. Au moins, elle, elle était cool.

Je crispai mon visage tout en ayant parfaitement à l'esprit ce que je voulais comme résultat de la transformation... et bientôt, deux oreilles pointues apparurent parmi mes cheveux, ainsi qu'une queue dans le prolongement de mon coccyx. Pas très pratique, la queue, les vêtements que nous portons habituellement ne sont pas taillés pour laisser la place à un tel accessoire... alors, il faut la faire se faufiler, la glisser hors du tissu pour qu'elle puisse s'épanouir en étant libre de mouvements...

« Rose ! Rose ! » Je courus vers mon amie pour lui montrer que j'avais réussi. « Regarde ça, Rose ! »

J'essayai de faire fièrement bouger mes oreilles félines toutes neuves et j'agitai la queue maladroitement. Ce n'était pas évident de maîtriser des parties du corps auxquelles nous n'étions pas habitués ! Il fallait trouver les bons muscles et trouver aussi comment les utiliser... autant dire que le résultat de ma démonstration n'était pas exactement tel que j'aurais voulu qu'il soit.
D'ailleurs, il ne fallut pas longtemps pour que ma queue se prenne dans mes jambes et, en voulant éviter de mettre le pied dessus, je calculai mal la distance entre ce dernier et le sol, ce qui me propulsa bien vite par terre. Moi qui voulais faire sensation, c'était réussi !
Mon genou avait cogné sur un caillou pointu, je sentais bien que j'étais écorché, cela me faisait mal. Je sentis d’un coup les larmes me monter aux yeux... mais je ne pleurerais pas. Mon short était trop court pour me protéger et à force de courir partout pour jouer avec mon amie, j'avais souvent les jambes couvertes de griffes, d'éraflures et d'égratignures en tous genres.

Je me levai alors, bien décidé à ne pas me laisser faire par un caillou. Je le repérai dans l’herbe et je le ramassai pour le glisser dans ma poche. Je pourrais sûrement le jeter dans l’eau plus tard, pour essayer de faire des ricochets... et peut-être même battre mon record : j’avais réussi à faire cinq ricochets la dernière fois, j’espérais bien arriver à en faire six puis sept, comme ça, ce serait mon âge... Ce serait génial !

« Tu sais le faire, toi aussi ? » Je venais d’arriver près de Rose, comme si je n’étais pas tombé, mais un peu de sang perlait sur mon genou pointu. En voyant cela, je grimaçai. J’aurais voulu ne pas montrer à mon amie que je m’étais blessé, mais la vue du sang avait été la plus forte. Mais je ne pleurerais pas ! Grand-père m’avait toujours dit qu’un homme ne devait pas pleurer... alors je voulais faire ça, être un homme, ne pas être faible...

Près d’elle, je m’assis dans l’herbe et je me mis à chipoter aux végétaux qui étaient à portée de main.

« Je trouve que les chats, ce sont des animaux super ! Tu sais qu’ils retombent toujours sur leurs pattes ? » Au moins, si j’avais été un chat... eh bien, je ne me serais pas cassé la figure !

J’arrachai une poignée de brins d’herbe que je déposai devant moi en un petit tas de verdure... s’il y en avait eu un suffisamment épais au-dessus du caillou que j’avais désormais dans ma poche, je n’aurais peut-être pas saigné... J’eus alors une très bonne idée : celle de cueillir tout plein d’herbe pour en mettre une bonne poignée dans chaque poche. Si je devais encore tomber, je me dépêcherais de jeter de l’herbe pour amortir ma chute.
Ou alors, il faudrait que je me transforme plus que ce que j’avais fait : les oreilles et la queue d’un chat, cela ne suffisait pas pour tromper le destin. Peut-être qu’il fallait une métamorphose plus importante...
Ça m’éviterait de rentrer encore avec des bleus, des plaies et des bosses.

« J’aimerais bien être un chat, je crois...» J’avais déjà souvent pensé à cela... et le chat était un de mes animaux préférés. Un chat, c’était libre d’aller et venir comme il voulait, c’était aussi un bel animal... surtout les chats noirs, je les adorais ! « Sauf que... j’ai pas envie de manger des souris et des croquettes. »

Cela ne devait pas être très bon... d'ailleurs, les croquettes, rien que l'odeur, ça ne donnait pas très envie. Un peu comme quand les parents essayaient de me forcer à manger du foie ou des trucs aussi dégoûtants... mais apparemment, le foie, c'était bon pour la santé. Je ne comprenais pas pourquoi, mais il semblait que tout ce qui était bon pour la santé était en fait dégueulasse.

Les vacances, c’était souvent vraiment chouette. J’aimais bien l’école, mais les vacances, c’était mieux parce qu’il n’y avait pas les grands pour venir nous embêter dans la cour de récréation. Je voyais moins mes copains, mais au moins, je voyais ma copine Rose et personne ne venait me dire que je ne devrais pas jouer avec une fille ou qu’elle risquait de me forcer à jouer avec une poupée. De toute façon, ceux qui disaient des trucs comme ça ne connaissaient pas Rose. On n’avait jamais joué à la poupée tous les deux et j’étais sûr qu’elle n’aimait pas ça, en plus. Je ne savais même pas si elle avait une poupée, d’ailleurs. Je n’avais jamais eu l’impression que Rose soit comme ça, elle était bien plus cool que les autres filles.
On avait de la chance d’être copains, elle et moi, parce qu’on s’entendait très bien. On pouvait jouer pendant des heures, on pouvait se raconter des histoires imaginaires et puis des blagues, aussi, c’était vraiment super ! Je ne m’amusais jamais autant avec ma petite sœur, en fait. Mais c’était normal, elle, c’était un bébé. Nous, on était déjà presque grands. Enfin, on était moyens : ni grands, ni petits. Mais ça allait changer. Alors, en attendant, on faisait tout ce qu’on pouvait pour s’amuser le plus possible.

Rose et moi, on avait découvert qu’on avait un point commun magique. On pouvait changer des parties de notre corps. La couleur des cheveux, la forme du nez, la taille de nos oreilles ou de nos yeux… c’était rigolo parce qu’on essayait parfois de changer nous-mêmes et parfois, ça se changeait tout seul, on ne savait pas le dire à l’avance. Mais j’avais réussi à avoir des oreilles et une queue de chat et ça, c’était vraiment super cool !
Quand Rose essaya à son tour, je la regardais en souriant. Elle était forte à ce jeu-là, Rose, même qu’une fois elle avait réussi à avoir une moustache comme celle de mon grand-père ! Ce n’était pas très joli sur elle, mais on avait bien rigolé.
Elle se concentra en fermant les yeux très fort. Au début c’était toujours un peu difficile parce qu’il fallait se concentrer d’une autre façon pour chaque changement qu’on voulait. J’aimais bien mes oreilles de chat, c’était bizarre parce que je pouvais les bouger dans tous les sens, mais c’était quand même moins bizarre que la queue.

« Tu devrais demander à ton papa et ta maman de t’acheter des chaussures qui courent vite. C’est mieux que celles que tu as… là, tu as des semelles qui font couic couic sur le carrelage… Si tu prends des bottes rouges, elles courent encore plus vite ! j’ai un copain à l’école, il a des chaussures rouges et c’est lui le plus rapide de toute la classe ! » Je lui montrais mes chaussures. Elles ne couraient pas aussi vite que celles de Matthew, mais elles couraient quand même assez vite pour jouer avec les copains. Mes parents savaient que pour jouer dehors, il valait mieux que j’aie des bottines solides et qui courent vite. J’avais de la chance de ne pas devoir mettre des jupes et des souliers, comme Rose. Je n’avais jamais compris pourquoi ses parents voulaient l’habiller comme ça. Ce n’était pas pratique pour grimper aux arbres ni même pour jouer dans l’herbe… après, quand elle rentrait un peu sale, ses parents rouspétaient parfois… Les miens aussi, d’ailleurs. Les adultes n’aimaient pas quand on s’amusait bien.
C’est vrai que ce serait vraiment chouette d’être un chat. J’imaginais bien pouvoir grimper dans les arbres sans échelle… Et puis, Rose me parla des chiens. Elle préférait les chiens. « Oui, mais les chiens, parfois, ils mordent… et puis, ils ne savent pas ronronner ni aller sur le toit… »

Par contre, j’étais d’accord avec elle. Les souris, ça avait l’air dégoûtant. En plus, ça mangeait du fromage qui pue, alors ça ne devait pas sentir très bon… En plus, ça ressemblait à des rats dégueu, mais en tout petit… Alors, non, manger ça, je n’en avais pas envie du tout ! « Oh oui ! du poisson ! sans les arêtes, alors… parce que ça pique… puis c’est dangereux… »
Elle avait raison, Rose, le poisson, avec du citron, c’était bon ! j’aimais bien aussi, mais ce n’était pas mon plat préféré. « On pourrait manger du poulet, aussi… Du poulet rôti, avec des frites ! J’aime bien le blanc, c’est comme un steak de poulet… Oh ! ou des spaghettis ! ça aussi c’est super bon ! C’est mon plat préféré ! avec de la sauce bolognaise et du fromage râpé qui ne pue pas trop fort ! »

Pendant que nous discutions de repas, je continuais à cueillir de l’herbe, pendant que Rose essayait de se transformer. Et puis, d’un seul coup, elle s’écria qu’elle avait des moustaches. Je la regardais en souriant. Elle avait, en effet, de belles moustaches et le bout de son nez avait changé aussi, il était devenu tout rose, comme un museau de petit chat. C’était rigolo de la voir se toucher le nez et découvrir comme elle était chatouilleuse de là !
Je n’avais pas changé mon nez, moi. J’aurais peut-être dû aussi. Mais je n’eus pas le temps de m’y mettre, mon amie avait repéré la blessure sur mon genou et je grimaçai.

« Ça va faire mal ? Maman met de la potion qui pique quand j’ai une blessure… » Elle s’approcha de moi et je serrais déjà les dents. Les bisous sur les blessures, ça ne devait pas être très agréable… « D’accord, on jouera à chat. Puis… on fera une cabane ? »
Rose voulait toujours jouer à chat, c’était sûrement son jeu préféré… Moi j’aimais bien aussi, mais je préférais construire des trucs dans le petit bois. On pouvait faire une cabane et imaginer que ce serait notre maison, puis on ferait une table avec un gros caillou, on ferait semblant de manger du poisson ou du poulet, ou alors on continuerait à parler de nos animaux préférés… d’ailleurs, il faudrait que j’essaie de changer encore un peu mon visage, moi…

Jouer avec Rose, c’était une chouette habitude. Oh, ce n’était pas mon amie depuis super longtemps, mais j’avais l’impression que c’était comme si je la connaissais depuis toujours et qu’on était copains depuis tout ce temps. Il n’y avait pas beaucoup d’autres personnes avec qui j’avais ça. C’était rare… et grand-père disait toujours que ce qui était rare était précieux. Donc Rose était une copine précieuse. Il faudrait que je lui dise un jour, mais après, je ne voulais pas qu’elle pense que j’étais amoureux. C’était un truc pour les grands, ça… ils disaient qu’ils étaient amoureux, puis ils faisaient des bisous sur la bouche et tout, c’était un peu dégueulasse… surtout qu’il y avait parfois des filles qui ne se brossaient pas bien les dents et qui préféraient mâcher du chewing-gum et faire comme si c’était propre dans leur bouche… mais beurk ! Oh et puis les amoureux, après ils avaient des bébés et je n’étais pas encore assez grand pour vouloir des bébés. C’était un truc de filles, ça, en plus. Elles jouaient quasi toutes à la poupée en faisant comme si c’était un vrai bébé…
C’était pour ça, aussi, que Rose était si cool ! jamais elle ne m’avait demandé pour jouer avec elle à la poupée ou au papa et à la maman. On jouait, c’était tout.

Et puis voilà, comme j’étais blessé, mon amie avait voulu regarder ma blessure. Ce n’était pas grand-chose, j’étais sûr qu’avec un pansement magique, en trois secondes, je serais guéri… mais Rose avait un autre truc pour soigner. Bon, au début, quand j’avais vu qu’elle se penchait comme ça, je n’étais pas très rassuré, mais on avait parlé de comment nos mamans soignaient les blessures du genre et j’avais été surpris qu’elle n’ait jamais eu droit à la potion qui pique… « C’est une potion qui empêche les microbes de rentrer dans la blessure et de venir dans le sang. Mais ça pique parce que ça doit tuer des petits microbes qui essaient de rentrer quand même… Mais ça ne pique pas très fort. » Je préférais la prévenir. Mais bon, ça piquait quand même… même que la première fois, j’avais pleuré. Mais j’étais encore tout petit, aussi… maintenant, j’étais déjà bien plus grand, alors je pouvais me faire soigner comme ça sans pleurer. Comme un grand. Parce que j’étais en train de devenir un grand.
Mais quand Rose finit par me dire qu’elle n’était pas une potion-qui-pique ni même une barbe qui pique, j’avais un peu rigolé. J’étais sûr qu’on pouvait essayer de se faire pousser de la barbe, si on voulait ! mais elle se pencha pour faire un bisou magique sur mon genou. Et là, je n’avais pas trop compris comment elle avait fait, mais ça n’avait pas piqué et je n’avais même plus mal. Bon, ses moustaches m’avaient un peu chatouillé et j’avais rigolé, mais c’était plutôt chouette, comme ça. Et je lui souris après. « J’expliquerai à maman que tu fais des bisous magiques guérisseurs ! C’est génial comme super pouvoir ! »

Et en plus d’être super cool, Rose était même d’accord pour qu’on aille faire une cabane dans un arbre après ! Sauf que… sa maman ne voulait pas qu’elle monte dans les arbres. Pour ça, les mamans pouvaient être très embêtantes ! c’était quand même super chouette de grimper dans les arbres et de construire des cabanes en hauteur ! on pouvait imaginer qu’on était protégés des crocodiles ou des méchants loups…
« Elle a peur, ta maman ? Peut-être qu’elle pense que tu as le vertige ? Je sais que mon copain à l’école, il a parfois le vertige et il ne peut même pas se mettre debout sur sa chaise à cause de ça… »
Les mamans, c’était toujours pareil, en fait. Elles étaient toujours inquiètes et souvent pour rien. Si on devait toujours les écouter et faire ce qu’elles disaient, ben on vivrait dans de la ouate ou du coton ! Je souris à Rose. « Surtout que comme on fait les chats, on va peut-être grimper encore mieux ! »

J’avais déjà vu mon chat et celui des voisins grimper dans un arbre et j’avais vu comment ils faisaient. Peut-être que si on essayait d’avoir des griffes, on pourrait faire la même chose.
Et je regardai Rose qui retirait ses chaussures. Je pris un petit bâton par terre et le plantai à côté des chaussures.
« Voilà, comme ça, quand on verra le bâton, on saura que tes chaussures sont là ! » La brindille n’était pas bien grosse, mais si on avait de la chance, on la verrait. Enfin, sauf s’il y avait un gros coup de vent parce que j’avais eu du mal à enfoncer le bout de bois dans la terre, c’était trop solide… Alors je pris une feuille d’une plante que je ne connaissais pas et je l’enfonçai sur le bout de bois. « T’as vu, c’est le drapeau de tes chaussures ! »
C’était cool aussi de faire des drapeaux ! peut-être qu’on pourrait en mettre dans notre cabane, pour montrer que c’était chez nous et interdire aux grands de venir !

Et quand Rose proposa de compter pendant que j’allais courir vers le camp, mes petites oreilles de chat bougèrent sans que je ne contrôle ça.
« Jusque 10 ! oh, ben j’espère que tu ne compteras pas trop vite… je me prends la queue dans les pieds et puis je tombe… Mais peut-être que si je la tiens en main… » Oui, comme ça, elle n’irait pas n’importe où. Mais il fallait que je me fasse pousser des griffes, aussi, pour les arbres.
Je souris encore à mon amie et puis je lui lançai : « T’es prête ? 3, 2, 1… GO ! »

Et, tenant ma queue touffue dans la main, je démarrai au quart de tour, comme un balai Nimbus 2023 tout neuf ! je ne savais pas si Rose comptait super vite, mais comme je n’avais pas de bottes rouges, il fallait que je me dépêche… et je courais vers les arbres, en espérant les atteindre avant que Rose ne me rejoigne. J’avais en tête d’aller un peu plus loin pour trouver un arbre plus facile et là, je pourrais essayer le truc des griffes. Ce serait plus pratique.

J’avais de la chance d’être copain avec une fille comme Rose. Elle était vraiment super et puis elle était douée ! Dans ma classe, les filles voulaient tout le temps jouer à des trucs pas très drôles, du genre jouer avec des poupées, ou jouer au papa et à la maman – une fois, j’avais essayé ce jeu, mais Saphira voulait faire des trucs bizarres, alors j’ai arrêté de jouer avec elle… pour moi, jouer au papa et à la maman, c’était pour s’occuper d’un bébé-jouet et puis se disputer pour du faux, mais pas pour elle – bref, je préférais jouer avec Rose. En plus, elle avait toujours des idées géniales. Pas possible de s’embêter avec elle.
Alors voilà, on avait déjà un peu parlé de pas mal de choses, Rose et moi, et là quand elle parla de l’allergisme aux arbres, ça me fit penser à ma petite cousine, Dolores… Enfin, on disait petite cousine parce que c’était pas ma cousine, mais la fille d’un cousin de papa, mais en vrai, elle était plus grande que moi, c’était déjà un peu une vieille, d’ailleurs… Et papa m’avait un jour expliqué qu’elle atchoumait et toussait chaque fois qu’il y avait des poils de chats près d’elle et que, du coup, comme elle aimait beaucoup les chats, elle collectionnait tous les objets sur lesquels il y avait des chats dessinés ou peints, parce que pour ceux-là, elle ne toussait pas… j’avais vu une fois dans sa chambre, il y en avait partout ! Avec un copain qui dormait à la maison, on avait rigolé en mettant une souris dans son sac à main juste pour voir, quand Dolores était venue pour un repas de famille. Mais elle ne faisait pas d’allergisme aux souris, c’était bien dommage, parce qu’on aurait bien rigolé. Au lieu de ça, on avait été punis : privés de dessert et enfermés dans nos chambres.

Mais entre les allergismes et le vertige, je ne savais pas ce qui était le pire… parce que Dolores, je m’en fichais un peu si elle toussait ou éternuait jusqu’à cracher sur la table des morceaux de son corps. Je ne l’aimais pas. Je ne l’avais jamais aimée et je ne l’aimerais jamais. Voilà.
Mais Edward, lui, bah je l’aimais bien… et c’était vrai que c’était triste qu’il ne pouvait pas jouer au sol de lave…
« Ni aux crocodiles ! » Ou aux piranhas. Ou alors, il fallait changer un peu le jeu. « Ou alors, il faut jouer à ça sur le trottoir et dire que la lave, les crocos ou les poissons cannibales sont dans les rayures et il faut marcher que sur les dalles… » On pouvait aussi jouer à ça avec le carrelage noir et blanc de la cuisine de ma grand-mère, en fait. Je n’y avais pas pensé.

Et puis, au moins, comme Rose et moi on n’avait pas le vertige, on pouvait s’amurer à plein de choses trop cools. Escalader une montagne, ce serait génial ! J’eus les yeux brillants à cette idée. « La plus grande montagne du monde ! Mais faut faire attention, il y a des géants dans les montagnes et des trolls… et ils sont un peu bêtes, ils ne savent pas toujours qu’il ne faut pas marcher sur les gens… » On était courageux, Rose et moi, mais on n’était pas fous. On n’irait pas risquer de se faire écrabouiller comme un escargot sur lequel on marche – ça fait un sale bruit, puis c’est gluant-collant sous la semelle, c’est juste dégueulasse mais maman n’aime pas que j’utilise des mots comme ça – alors on jouait par ici, on s’entrainait à grimper dans les arbres, on faisait des cabanes et on imaginait des aventures. Mais le cache-cache, c’était un de nos jeux préférés aussi.

Rose allait commencer à compter quand je me mis à courir. Je ne savais pas trop où me cacher. Ce n’était pas comme chez moi où j’avais mes cachettes préférées toutes prêtes, ici, c’était la nature, il fallait se débrouiller… comme dans la jungle !
« Je ferai attention, t’inquiète pas ! » Je savais bien que j’étais parfois un peu maladroit, alors je devais toujours faire attention à beaucoup de choses. Pour ne pas faire tomber les trucs qui cassaient ou pour ne pas tomber moi-même… mais ça, je savais que si ça arrivait encore, Rose avait un super-pouvoir pour me guérir et dans la seconde, je n’aurais plus mal. Mais là, pour le moment, il fallait que je me dépêche.
Je courais et je réfléchissais en même temps, tout en tenant ma queue pour ne pas tomber… et pour ne pas la coincer non plus, ça pouvait faire mal, ça ! Si j’avais eu des chaussures rouges, j’aurais sûrement couru plus vite, mais là, je devais faire de mon mieux. Et en direction des arbres, j’étais sûr de trouver un endroit où me cacher.
Compter jusque dix, ça allait vite, même quand on comptait lentement… alors je n’aurais pas le temps de creuser un tunnel ou de monter tout en haut d’un arbre… je devais trouver un tronc assez gros et me cacher derrière. C’était le plus simple.
Ce n’était pas la meilleure cachette du monde. Mais normalement, si Rose arrivait, je devrais pouvoir l’entendre et m’enfuir… il fallait qu’elle me touche pour gagner, non ?

Ce fut un bruit de craquement qui me fit sursauter… Oups ! déjà ? Je détalais comme un lièvre, mais voilà que Rose criait déjà BOUH… elle m’avait repéré ! et elle me courait après en essayant de m’avoir… Et elle était forte à ce jeu-là, ma copine Rose, c’était pour ça que c’était marrant de jouer avec elle.

« NON ! tu ne m’auras pas ! » Je riais comme un fou avec ce jeu-là, j’essayais de slalomer entre les arbres, je courais dans tous les sens, comme un souafle qui essayait de semer une poursuiveuse, mais à certains endroits, le sol était un peu glissant, ou alors, il y avait des racines d’arbre qui ressortaient un peu et ce qui devait arriver arriva… « ‘tention, ça gliiiiiiiiiiiiiiiiiisse ! » Je glissais sur je ne sais pas quoi, je lâchais ma queue pour avoir les mains libres pour me rattraper, mais mes deux mains n’étaient pas suffisantes… et je finis par faire un roulé-boulé qui s’acheva contre un arbre.
C’était ma deuxième gamelle depuis que j’avais rejoint Rose. Elle allait penser que je ne contrôlais pas mes chaussures… alors pour ne pas avoir l’air trop bête, je fis semblant de m’être assommé, et je fermais les yeux, couché sur le ventre par terre, le bras contre le tronc d’arbre. Au moins, comme ça, si elle gagnait, ce ne serait pas en me battant à la course… C’était déjà ça. Mais j’espérais qu’elle n’allait pas glisser et se faire mal. Mon coude était écorché, je le sentais bien, mais j’avais l’habitude de me faire mal en tombant. J’avais toujours des bleus et des griffes sur les bras et les jambes… ou des bosses sur la tête. Mais ça guérisssait vite, alors, il ne fallait pas trop s’inquiéter.

J'attendais que ma copine se rapproche. J'avais bien l'intention de lui faire peur, moi aussi, en lui faisant "Bouh" quand elle serait juste à côté. En attendant, je faisais semblant. Et je fermais très fort les yeux pour ne pas être tenté de les ouvrir avant le bon moment.